De l’autre coté de l’offre : rencontre avec des producteurs d’Aniplex

Ils produisent les animes que vous regardez aujourd’hui, ils démarchent les offres légales et supervisent le processus créatif. Ils, ce sont Atsuhiro Iwakami et Tomonori Ochikoshi, deux producteurs qui travaillent avec Aniplex et Wakanim. Leur travail est l’envers de tout ce qui se diffuse de nos jours, et, si leurs noms vous sont inconnus, ils apparaissent pourtant aux génériques de bien des œuvres dont la popularité n’est plus à démontrer. Puella Magi Madoka Magika, Silver Spoon, ou encore Sword Art Online portent leur griffe, sans que vous ne le sachiez. Nous les avons rencontrés lors de la 14e édition de Japan Expo pour découvrir leur métier et la vision qu’ils en ont.

AniplexPhoto : Paul Ozouf

 
Aniplex et production, notice d’utilisation

Avant toute chose, qu’est-ce qu’un producteur ? Atsuhiro Iwakami avoue que « j’ai toujours été très intéressé par les animes, depuis le collège, alors j’ai décidé d’avoir un travail lié à la création de films d’animation. A vrai dire, avant d’entrer à Aniplex, je ne savais même pas ce que faisait un producteur. J’ai appris mon métier sur le tas. » Il s’agit du « premier pas vers la création d’un anime. A partir d’une œuvre originale, notre rôle revient à faire le lien avec le réalisateur. Nous n’avons pas forcément un droit de regard sur l’adaptation, mais cela arrive parfois. De même, le public cible peut avoir une influence, diriger notre travail. »

Tomonori Ochikoshi précise un peu sa fonction, au sein d’A-1 Pictures : « je décide de ce que le studio va produire, et je choisis l’équipe qui réalisera la série. Je dois gérer 500, 600 personnes, et comme nous avons tous envie de réussir, cela représente beaucoup de responsabilités. En soi, le plus difficile est vraiment de réussir à faire travailler ensemble et efficacement toutes ces personnes.
En règle générale, il existe deux formes de projets : un client va se tourner vers A-1 Pictures pour produire une série ou un film d’animation. Le studio décidera s’il accepte ou non de participer. Dans l’autre cas, nous sommes à l’initiative du projet, et nous contactons des acteurs extérieurs du monde de l’animation, comme les chaines de télévision, les réalisateurs, les auteurs de nouvelles ou encore de manga.
Il nous arrive de produire des séries, mais aussi des longs métrages. Ce sont deux formats radicalement différents que j’apprécie autant l’un que l’autre. Quand il s’agit d’un film, il faut se limiter à deux heures, alors que les séries permettent de développer des histoires plus longues. Le coût est cependant très différent. Si l’on comparait, une minute de long métrage coûte beaucoup plus cher à produire que pour une série. »

 AniplexPhoto : Paul Ozouf

 
Financements et offre légale, le grand écart franco-japonais

Pour ce qui est des fonds, Atsuhiro Iwakami explique que « c’est Aniplex qui fournit l’argent, je ne m’en occupe pas du tout. Le point fort de cette entreprise, c’est sa multitude d’intervenants qui ajoutent tour à tour leur petite touche personnelle. Il prennent l’avis de tout le monde en compte pour faire des animes. » Tomonori Ochikoshi s’avère bien plus pragmatique : «trouver des fonds est devenu bien plus difficile qu’avant. Les critères ont changé, et ils sont beaucoup plus nombreux : maintenant, il faut tabler au niveau mondial et les attentes des fans sont plus pointues.»

En France, Aniplex est en partenariat avec Wakanim, qui se charge à chaque saison du simulcast de certaines de leurs nouvelles séries, comme c’est actuellement le cas avec Monogatari 2nd Season. Si l’offre légale se développe activement en France grâce au simulcast, le modèle japonais fonctionne de façon radicalement différente.
Selon Atsuhiro Iwakami, « tout transite par la télévision, au Japon. Malgré tout, il y a une offre légale qui fait qu’un épisode est disponible sur internet quarante minutes après sa diffusion en streaming. Par exemple, Animestore est une offre intéressante. En tant que Japonais, je ne sais pas vraiment comment ça se passe pour les étrangers. A l’époque, il y avait beaucoup de piratage mais l’offre légale a amélioré les choses. J’aimerais dire que je suis vraiment heureux de savoir que ces personnes qui téléchargent illégalement aiment les animes. Cependant, cela fait moins d’argent pour payer les réalisateurs et les animateurs. Il faut prendre ça en compte dans les choix d’offres. »

Aniplex - Atsuhiro IwakamiPhoto : Paul Ozouf

 
Puella Magi Madoka Magika, la fée d’Aniplex

Puella Magi Madoka MagikaDans la filmographie d’Atsuhiro Iwakami, on trouve notamment Puella Magi Madoka Magika, une série de magical girl atypique qui a fait beaucoup de bruit lors de sa diffusion en 2011.

Au fil d’un récit rompant avec les codes des classiques du genre, Madoka a su attirer un public hétéroclite : « ce serait plutôt des fans japonais masculins de vingt, voire trente ans, mais grâce à l’écriture de Gen Urobushi, ça s’est étendu à bien plus que ça. Cet anime s’approprie le style des magical girls pour mieux le trahir. »
Quant à savoir si une happy end, par le biais de long métrages, était prévue à l’origine ou s’il s’agissait d’une demande du public, le producteur explique « qu’il est assez difficile de dire si l’histoire finira bien ou non, ce sera au public d’en juger. Mais en tant que fan plus qu’en tant que producteur, j’aurais bien aimé voir une suite. Cependant, si l’avis des spectateurs est important pour nous, il n’a pas d’impact direct sur l’histoire qui se déroule sous ses yeux. Par exemple, un personnage qui déplaît au public ne sera pas « exécuté » pour lui faire plaisir. Le canon est décidé dès le début. »

Sword Art Online, A-1 Pictures à couteaux tirés avec le jeu vidéo

Sword Art Online

Autre titre atypique estampillé Aniplex, cette fois diffusée en 2012, Sword Art Online est un successeur de la série .Hack. Ayant pour thème commun l’univers des MMORPGs, ces animes se déroulent majoritairement dans des mondes virtuels persistants, où les protagonistes sont des joueurs de jeux vidéo en ligne.
Dans SAO, cet univers a la particularité de ne compter que dix milles joueurs. Ils ne peuvent pas se déconnecter, et mourir dans le jeu revient à mourir dans la réalité. Seul échappatoire, venir à bout du boss final du jeu.
Tomonori Ochikoshi a participé à la création de cette série, produite par A-1 Pictures. « Je pense que nous avons une façon de voir les choses bien à nous. Par exemple, nous ne pensons pas seulement à la production de cette œuvre, mais nous sommes aussi attentifs aux réactions des fans, après la diffusion. En créant, nous réfléchissons surtout à leurs attentes. A-1 Pictures produit dans de très nombreux styles différents, nous nous adaptons aux demandes du public.

 AniplexPhoto : Paul Ozouf

 Je ne voulais pas que SAO soit simplement de la Fantasy, mais qu’il y ait quelque chose de plus. C’est un peu difficile de toucher les fans avec ce genre d’histoire. Je voulais vraiment y mettre une part de réalité, que ce ne soit pas simplement du fantastique, ce qui était particulièrement difficile. Le fait que la mort de l’avatar du joueur tue le joueur lui-même apporte un contact entre le monde réel et celui du jeu vidéo. C’est vraiment dans le jeu que la réalité va naître, ce qui rend cette série vraiment atypique. Dans la nouvelle, ce concept existait déjà, et nous avons fait attention à le garder intact, et même à le mettre plus en valeur. Que ce soit au niveau national ou international, beaucoup de monde a apprécié cette série, et j’en suis très satisfait. »

Remerciements à Atsuhiro Iwakami et Tomonori Ochikoshi, ainsi qu’à Wakanim et ses interprètes de fortune.

Propos recueillis par Benjamin Benoit et Jean-Baptise Bondis – Photos Paul OZOUF pour ©journaldujapon.com – tous droits réservés

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