Actu livres : un hiver bien au chaud

En matière de nouveautés littéraires, les mois de janvier à mars ne sont pas les plus chargés de l’année. On trouvera quand même, tant chez « Actes Sud »:http://www.actes-sud.fr/ que chez « Picquier »:http://www.editions-picquier.fr, de quoi nous faire passer l’hiver au chaud. Il y en aura aussi bien pour les amateurs de littérature « sérieuse », pour qui l’histoire et la société sont des champs d’investigation, que pour les fans de livres plus légers, en apparence tout du moins, et qui préfèrent qu’on leur parle d’amour, sinon d’humour. Heureusement, si on devait les relier d’un fil rouge, ce serait celui de la qualité – symbolisée par l’attribution (ou non !) de prix littéraires.

Nouveautés Actes sud

Chez Actes sud, l’actualité de ce mois de janvier est centrée sur deux livres d’Akira Yoshimura : la réédition d’Un spécimen transparent suivi de Voyage vers les étoiles, dans la collection poche Babel, et une nouveauté : Mourir pour la patrie, sous-titré : Shinichi Higa, soldat de deuxième classe de l’armée impériale.

Peu connu chez nous, Akira Yoshimura est un véritable monument littéraire au Japon. Jeune écrivain, déjà, il participait à un club littéraire animé par Mishima, où ils se témoignèrent une admiration réciproque. Plusieurs fois nommé pour le « prix Akutagawa »:http://fr.wikipedia.org/wiki/Prix_Akutagawa (le plus prestigieux prix littéraire japonais), il n’en fut jamais lauréat, alors que, ironie de l’histoire, son épouse Stesuko Tumura, elle-même écrivain, le reçut en 1965. Yoshimura aura tout de même remporté le « prix Osamu Dazai »:http://en.wikipedia.org/wiki/Dazai_Osamu_Prize, pour une de ses nouvelles.

Ses œuvres, des romans et des récits documentaires, ont souvent pour inspiration l’histoire récente du Japon, comme son récit Le grand tremblement de terre du Kantô, et pour sujet la mort ou le destin : « Un spécimen transparent »:http://www.actes-sud.fr/catalogue/pochebabel/un-specimen-transparent-babel, par exemple, décrit un homme employé dans un hôpital universitaire, chargé de composer des squelettes pour les étudiants en médecine, à partir d’ossements prélevés sur des cadavres.

« Mourir pour la patrie »:http://www.actes-sud.fr/catalogue/litterature-etrangere/mourir-pour-la-patrie suit le destin terrible d’un jeune garçon d’Okinawa, enrôlé comme soldat à 14 ans à la toute fin de la guerre. Alors qu’il s’imagine offrant sa vie en sacrifice pour l’Empereur, armes à la main, il se retrouve surtout à regarder agoniser, dans d’atroces souffrances, les soldats revenus du front… Et dans le chaos de la bataille d’Okinawa (une des plus sanglantes du front du Pacifique), il se retrouve séparé de son unité, obligé de se battre seul pour seulement rester en vie.

Mourir pour la patrie évoque le sort étrange et cruel de ces soldats japonais ayant mené un combat solitaire contre un ennemi en tous points supérieur, parfois des années durant, ignorant que la guerre était finie… Il évoque également le thème, plus actuel hélas, des enfants soldats. Le roman est basé sur des faits réels, comme la plupart des autres livres d’Akira Yoshimura, dont une des constantes est la précision et la richesse de sa documentation.

Plus tard, en mars, sortira le nouveau roman de Mieko Kawakami : De toutes les nuits, les amants. Kawakami a déboulé de manière spectaculaire sur la scène littéraire japonaise en 2008, puisque le premier roman de cette chanteuse (trois albums à son actif) a été immédiatement sélectionné pour le prix Akutagawa (décidément)… qu’il a remporté, à la surprise générale. Ce premier roman est sorti en 2012 en France sous le titre « Seins et œufs »:http://www.actes-sud.fr/catalogue/litterature-etrangere/seins-et-oeufs, racontant de manière tragicomique les relations entre trois femmes, dont l’une est obsédée par les implants qui lui offriront la poitrine dont elle rêve…

De toutes les nuits, les amants est son second livre traduit chez nous, et si son visuel n’est pas encore connu, on sait que le sujet sera encore centré sur la condition féminine dans la société japonaise d’aujourd’hui, notamment dans le monde du travail.

Nouveautés Picquier

Enfin, ce n’est pas le prix Akutagawa qu’a remporté Kaori Ekuni pour un de ses livres, mais le « prix Naoki »:http://fr.wikipedia.org/wiki/Prix_Naoki, qui récompense une œuvre de littérature populaire d’un jeune auteur. Ne nous y trompons pas : au Japon, il n’y a rien de péjoratif à être qualifié d’auteur populaire. Si on en juge d’après son palmarès (« Akiyuki Nosaka »:http://www.journaldujapon.com/2014/01/portrait-decrivain-akiyuki-nosaka-des-lucioles-et.html, « Miyuki Miyabe »:http://chroniques-d-un-newbie.fr/?p=6212, « Keigo Higashino »:http://chroniques-d-un-newbie.fr/?p=5182, « Jun Ikeido »:http://www.journaldujapon.com/2013/05/des-fusees-et-des-gangsters-deux-ovnis-nippons-che.html…), le prix Naoki couronne d’excellents écrivains, dans les genres policier, fantastique ou sentimental peut-être (ou pas), qui savent ce que construire un récit veut dire.

Auteure (et traductrice) de livres pour enfants, essayiste, Kaori Ekuni figure depuis ses débuts en tant que romancière en 1991 parmi les plus grosses ventes de romans au Japon. Il n’était que temps qu’elle soit enfin traduite en français. Et de fait, Dans la barque de Dieu s’avère une très jolie surprise. Plus que l’histoire, toute simple, c’est l’écriture qui surprend : un récit à deux voix, alternant de chapitre en chapitre les points de vue de Yôko, une maman célibataire un peu foldingue qui déménage tous les quatre matins, et de Sôko, sa fille ballottée de ville en ville. Yôko ne vit que pour que son prince charmant (le père de Sôko, parti sans laisser d’adresse) revienne la sauver, tandis qu’en grandissant, Sôko aimerait bien se poser quelque part… Un roman très touchant, où les petits riens du quotidien dessinent un univers poétique, fragile et décalé, grâce à un étonnant sens du détail évocateur. Notre coup de cœur, au cas où vous ne l’auriez pas compris. Sortie le 6 février.

Le 6 février également, Picquier nous propose au rayon rééditions « Une journée de début d’automne »:http://www.editions-picquier.fr/catalogue/fiche.donut?id=797&cid=, un recueil de nouvelles de Natsume Sôseki, le plus accessible des grands classiques japonais (Je suis un chat, Botchan, Le pauvre cœur des hommes…). À ne pas rater évidemment.

Toujours le 6 février, moins connu, mais à ne pas rater non plus (surtout pas !), « La prière d’Audubon »:http://www.editions-picquier.fr/catalogue/fiche.donut?id=735, de Kôtarô Isaka, ressort au format poche après une première édition en 2011. Il faudrait une « page entière »:http://chroniques-d-un-newbie.fr/?p=5876 pour le résumer, tellement ce thriller atypique et dépaysant est riche de rebondissements. Un délinquant débarque sans savoir pourquoi dans une île hors du temps, dont les habitants sont tous plus étranges les uns que les autres. Quand survient un drame : l’épouvantail a été assassiné… Oui, l’épouvantail, ne nous demandez pas d’expliquer. On n’est pas dans le magicien d’Oz, mais dans un genre de polar surréaliste et complètement jouissif. Des meurtres, une île, du mystère… Avouez que pour s’évader de notre grisaille de janvier, on ne peut rêver mieux.

Ok, maintenant que les provisions de livres sont faites, allez : vivement les beaux jours…

 

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