Le vent se lève : il faut tenter le livre !

Désormais, lorsqu’est cité le début de ce vers de Paul Valéry (Cimetière marin), c’est au film d’animation de Miyazaki que tout le monde pense. Mais savez-vous que c’est également le titre d’un magnifique ouvrage écrit en 1936-1937 par Tatsuo Hori, un écrivain trop méconnu en France, à partir de sa propre expérience : un écrivain accompagne sa fiancée atteinte de la tuberculose dans un sanatorium des Alpes japonaises. Il fixe dans ces pages un bonheur intense, trop court mais lumineux.

Un diamant de la littérature, sorti en 1993 aux éditions Gallimard, qui a d’ailleurs inspiré Miyazaki pour décrire l’amour entre les deux héros et la maladie de la jeune femme. A l’occasion de la sortie en DVD du Vent se lève, Journal du Japon vous en dit plus sur ce coup de cœur…

Tatsuo HoriTatsuo Hori (1904-1953) est un écrivain méconnu en France. Ce fut pourtant un grand amateur de littérature occidentale, qui traduisait Apollinaire et Cocteau et fit connaître au Japon Gide, Proust, Rilke et Mauriac.

Le Vent se lève ( … « Le vent se lève, il faut tenter de vivre » que l’on doit à Valéry dans « Cimetière marin ») est un roman autobiographique qui raconte l’amour entre un écrivain et sa fiancée atteinte de la tuberculose : leur vie ensemble, avec la maladie certes, mais avec un amour pur et lumineux qui transfigure chaque instant.
Les poètes savent merveilleusement bien parler d’amour (Poèmes à Lou d’Apollinaire, Les yeux d’Elsa d’Aragon) ; mais avec sa prose poétique puissante, Tatsuo Hori mêle une intimité occidentale méditative et un sens aigu de l’instant, de la beauté des paysages très japonais.

Une vie au fil des saisons

Le livre commence comme un rêve : C’est l’été, la jeune femme peint, le jeune homme est allongé dans l’herbe. Elle le rejoint, et soudainement le vent se lève et fait tomber le chevalet et la toile. C’est alors que le fiancé murmure « Le vent se lève, il faut tenter de vivre ».

Le vent se lève - Edition française - GallimardPresque deux ans plus tard, la jeune femme est faible, le printemps est magnifique et les amoureux admirent le jardin et parlent plantes. Une « vie remplie de couleurs et de parfums de fleurs ».

Arrivés au sanatorium avec les dernières neiges d’avril, ils s’organisent un quotidien routinier qui leur convient : Setsuko doit souvent rester allongée, il est à ses côtés et ils contemplent « avec ravissement les montagnes, les collines, les forêts de pins et les champs en terrasses, pour moitié revêtus encore d’une vive couleur de garance, mais dont l’autre moitié était déjà peu à peu gagnée par une teinte grisâtre. »

Les journées se suivent, ils finissent par échapper complètement à l’emprise du temps. Chaque petit détail, qui pour les autres hommes pressés dans leur quotidien serait insignifiant, prend un attrait particulier. Ils s’émerveillent d’un coucher de soleil, du vol des oiseaux, d’un changement de couleur dans la forêt, d’une châtaigne tombée sur le balcon.
Il part parfois faire de longues promenades dans la montagne, elle l’attend fébrilement, allant même jusqu’à faire quelques pas dehors pour aller à sa rencontre.
Ils ont de longues conversations, puis quand la santé de Setsuko se dégrade, que la douleur et le silence s’installent, ils se tiennent par la main, plongent dans les yeux l’un de l’autre.

Lorsque la maladie est trop présente, qu’elle tente de prendre le dessus, Setsuko devient « la malade », et l’écrivain s’isole pour écrire ses carnets qu’il tient depuis le début de leur séjour.

Un amour intemporel

Le vent se lève- Edition japonaiseCe qui fait la beauté et la force de ce livre, c’est l’intensité de l’amour partagé entre deux êtres dont on sait que l’un des deux va mourir. Thème universel par excellence, il prend ici toute la force liée à sa durée limitée. L’émotion que ressent l’écrivain est au-delà du bonheur : « Et je sentis monter en moi une émotion qui ressemblait au bonheur d’alors, mais plus poignante encore et absolument nouvelle ».

Le talent de Tatsuo Hori est de réussir à concentrer en une centaine de pages l’essence de l’amour :
– dans ses côtés insouciants du début, alors que la maladie n’est pas encore là,
– dans ses côtés sombres lorsqu’il partage comme il peut la douleur de sa fiancée : « Je ressentais très distinctement et jusqu’à la souffrance les variations de sa respiration, tantôt accélérée, tantôt plus tranquille. J’allais jusqu’à régler les battements de mon cœur sur le sien »,
– dans ses moments de joie fulgurants tellement intenses qu’il se sent obligé de cacher ses émotions : « Tandis que je l’écoutais, je sentis mon cœur déborder de joie. Cependant, comme si je craignais de lui laisser voir mon émotion, je sortis sans bruit sur le balcon »,
– dans la douleur de l’absence, cherchant sa présence dans un chalet de montagne.

Entrer dans ce livre, c’est sentir la force de l’amour, l’intensité du moment présent. C’est pénétrer dans un univers à la fois dense et limpide. C’est écouter une Arabesque de Debussy : une poésie colorée et lumineuse. C’est avoir les sens exacerbés, tout ressentir de façon décuplée.

Le vent se lève des studios Ghibli

Retrouvez toutes les informations sur Le vent se lève sur le site des éditions Gallimard.

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