[Interview] Crueler than Dead : it’s zombie tiiiime !

Cela fait maintenant quelques années que les zombies nous sont proposés à toutes les sauces, depuis que la série The Walking Dead les a remis au goût du jour. Du côté des mangas beaucoup d’auteurs ont surfé sur la vague mais certains sont des amateurs de la première heure. C’est le cas de Tsukasa SAIMURA & Kozo TAKAHASHI, les deux mangakas de Crueler Than Dead publié aux éditions Glénat, qui se sont connus et liés d’amitié via cette passion commune.

Pendant quelques années ils ont essuyé plusieurs échecs en tentant de publier leur histoire mais, le phénomène de mode aidant, ils sont aujourd’hui parvenu à leur fin et n’en reviennent pas, d’ailleurs, d’avoir réussi à être édités en France et invités au dernier Japan Expo.

C’était pourtant bien réel : la preuve, nous les avons rencontrés…

Interview Crueler Than Dead

Tsukasa SAIMURA & Kozo TAKAHASHI. Photos P. OZOUF ©Journaldujapon.com – Tous droits réservés

 

C’est deux fans de zombie qui discutent ensemble…

Journal du Japon : Bonjour messieurs… Vous vous êtes rencontrés en tant qu’assistant sur Moonlight Mile. De quoi parlent deux fans de zombies qui se rencontrent ?

Kozo TAKAHASHI : En fait nous avons commencé par parler du Retour des morts-vivants

Tsukasa SAIMURA : … puis des films de Romero et des films de zombies en général, ceux que nous aimions : leurs bons points,  ce que nous appréciions dedans, etc.

 

Alors, justement, c’est quoi un bon film de zombies ?

Tsukasa SAIMURA : ça tient à des zombies réussis. Comme les zombies de Romero, qui sont à moitié pourris, avec des trous partout ! (Rires)

Kozo TAKAHASHI : mais aussi les zombies qui parviennent à susciter, chez le spectateur, une sorte de pitié.

 

Crueler than DeadPourquoi pensez-vous que ce genre est aujourd’hui si populaire ?

Tsukasa SAIMURA : c’est vrai que ça marche bien. La preuve c’est que je dessine trois mangas sur ce thème en ce moment… (dont une à paraitre prochainement chez Glénat d’ailleurs, NDLR). Donc j’aimerai bien que ça continue ! (Rires) Selon moi c’est parce que les gens vivent dans une société en paix et avec une certaine sécurité qu’ils sont attirés par ces comportements extrêmement violents : tant que ces êtres ont encore des dents ils peuvent continuer de s’entretuer et s’entre-dévorer ! (Rires)

Kozo TAKAHASHI : les histoires de zombies sont aussi des dystopies où il reste très peu d’humain sur Terre, avec des villes vides et complètement abandonnées, où l’on se retrouve seul : tout ce qu’il reste nous appartient. On peut y faire ce que l’on veut, manger toute la nourriture des supermarchés, etc. Il y a une fascination pour ce genre de lieu et de vie…

 

Est-ce que vous vous souvenez d’un film et d’une scène qui vous a particulièrement marqué ?

Kozo TAKAHASHI : Dans le Retour des morts-vivants… Il y a une scène où les zombies attaquent un convoi d’ambulanciers et l’un des zombies prend l’une des radios d’une ambulance pour demander des renforts. Le fait que les zombies puissent parler et commandent de la chair fraiche est vraiment drôle. (Rires)

Tsukasa SAIMURA : Dans le remake de Dawn of the Dead par Zack Snyder (aka L’armée des morts chez nous, NDLR) : le mari de l’héroïne est violemment mordu par sa propre fille et tout le monde croit qu’il est mort. Puis il se relève et il se met à courir après sa femme pour la dévorer…C’est au tout début du film et on plonge tout de suite dans l’horreur et elle crie AAAAAAAH ! C’est ma scène préférée.

 

Crueler than Dead et l’évolution des zombies

En termes de référence manga, vous citez I am a Hero de Kengo Hanazawa. Une référence amusante car, monsieur Takahasahi, vous avez été l’assistant de monsieur Hanazawa avant qu’il ne publie son œuvre, sur le manga Boys on the run. Pourquoi avoir cité cette œuvre, qu’est-ce que vous appréciez chez elle ?

Tsukasa SAIMURA : moi je n’en ai lu qu’une partie mais ce qui m’impressionne dans ce manga, c’est le temps qu’il pris pour faire apparaître le premier zombie, le fait qu’il n’arrive qu’à la fin du premier tome. Quelque chose que ne pourrait pas faire un débutant, on ne laisserait sans doute pas attendre aussi longtemps.

Kozo TAKAHASHI : j’aime comment il dessine les scènes où les zombies dévorent les gens, de manière littérale et extrêmement réaliste, d’une façon qu’on n’avait jamais vu avant.

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L’une des doubles pages préférées de monsieur Saimura. Photos P.OZOUF©Journaldujapon.com – Tous droits réservés

Et vous, comment avez-vous créé vos zombies ?

Tsukasa SAIMURA : En fait avec tous les films que nous avons vu, nous voulions montrer autre chose, des aspects et des phases de zombies qui ne sont pas généralement présentées. Par exemple dans les films de Romero les zombies ont déjà pris possession de la planète, sans qu’on nous dise vraiment comment, donc je voulais montrer cette partie là, expliquer le processus : comment font les zombies pour gagner et détruire l’humanité ?

Et vous monsieur Takahashi, qu’est-ce que vous vouliez apporter graphiquement ?

Kozo TAKAHASHI : Moi ce qui me plait c’est de créer des zombies non pas morts, mais des êtres vivants atteint d’un virus… des gens malades en fait. Donc si on les coupe en deux ils vont mourir, à la différence des zombies classiques qui sont très difficiles à tuer… Dessiner ces zombies humains, c’est ça qui m’intéressait.

Et d’ailleurs lorsqu’on dessine des zombies qu’est-ce qui est le plus difficile ?

Kozo TAKAHASHI : En fait c’est lorsque l’on zombifie quelqu’un en particulier. C’est toujours compliqué de conserver l’apparence originelle cachée derrière le zombie. C’est encore plus dur quand je le fais en dédicace car je veux faire un beau dessin de la personne qui est venu me voir, mais ça ne doit pas être trop beau non plus ! (Rires)

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Les zombies ont beaucoup évolué ces dernières années : avant il en faisait que ramper où avancer au ralenti… Maintenant ils courent et certains finissent même par développer une forme d’intelligence. L’ironie c’est qu’ils redeviennent un peu humain, quelque part… Comment appréhendez-vous cette évolution ?

Tsukasa SAIMURA : C’est un thème qui m’intéresse justement. Appuyer sur le bouton reset de l’humanité et voir qu’une nouvelle espèce émerge. Il nous faut de toute façon mourir pour passer à un autre stade de l’évolution.

Kozo TAKAHASHI : Je me souviens du livre Omega Man de Richard Matheson (le nom japonais d’I am a Legend, nouvelle écrite en 1954 mais connu pour son adaptation cinématographique avec Will Smith, NDLR). La peur de se retrouver seul sur Terre, ou d’être le seul humain abandonné au milieu de créatures est l’origine du mythe des zombies. Le vrai sujet c’est la fin de l’humanité, et le fait d’être parmi les derniers survivants, voir le dernier.

 I am a legend 

Bonus : zombie wonderland…

Alors justement, imaginons un peu… Vous êtes mordus par des zombies et il vous reste 24h avant d’être complètement transformé. Que faites-vous ?

Tsukasa SAIMURA l’air pensif : D’abord je prendrais une tasse de café.

L’auteur marque une pause et prend un air exagérément décontracté…

Puis je fumerais une cigarette. Deux même.

L’auteur ne cesse de marquer des pauses, l’assistance est morte de rire…

Puis je lirai mon propre manga et je me dirais : « oh mais il est vachement intéressant ce manga !» (Rires)

Vous attendriez paisiblement la transformation en fait…

En fait si je commençais à me transformer je me regarderai dans le miroir et je me dessinerai au fur et à mesure : « Oooh, c’est comme ça que ça se passe, génial ! C’est intéressant, j’aurai pu en faire un super manga ! » (Rires)

Et vous monsieur TAKAHASHI ?

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Kozo TAKAHASHI. Photos P.OZOUF©Journaldujapon.com – Tous droits réservés

Kozo TAKAHASHI : je crois que je commencerai à m’entraîner à être un bon zombie (tend les deux bras en avant et s’essaye à différents râles lugubres, les rires continuent de plus belle, NDLR). Puis j’irai quelque part où il y a personne pour ne pas être un danger pour quiconque… (un « oooooh » de l’assistance devant ce noble geste, NDLR)

Dernière question… Qu’est-ce que chacun apprécie dans le travail de l’autre ?

Kozo TAKAHASHI, moqueur : il est trop sérieux, il ne rigole jamais ! (Rires) En plus il ne cesse JAMAIS de travailler, ce n’est pas drôle ! (Rires)

Tsukasa SAIMURA, bien décidé à ne pas se laisser chambrer : alors ce que j’apprécie chez lui c’est qu’il est allé voir 3 fois le dernier Mad Max, et il ira sans doute une quatrième fois.

Kozo TAKAHASHI : et une cinquième même ! (Rires)

Tsukasa SAIMURA : et c’est quand que tu vas dessiner alors ? (Rires)

Revenant vers nous : mais tous les gens qui ont un talent comme le sien font ce genre de chose un peu bizarre, je crois…

Kozo TAKAHASHI : c’est ça ton compliment ? (Rires)

Tsukasa SAIMURA : il a même arrêté de payer son loyer pendant 72 mois à une époque ! C’est quelque chose que quelqu’un de normal ne ferait jamais, c’est ce coté un peu fou que j’apprécie et que je respecte beaucoup chez lui. Moi je suis incapable pour faire ce genre de chose !

Je crois bien que c’est le compliment le plus original que je n’ai jamais entendu en interview ! (Rires)

Tsukasa SAIMURA, en français : merci beaucoup ! (Rires)

Merci à vous !

Plus d’infos sur Crueler Thand Dead sur le site des éditions Glénat. Vous pouvez également lire les premières planches ici ou jeter un œil au trailer là. Vous pouvez, enfin, suivre messieurs TAKAHASHI et SAIMURA sur Twitter.

Remerciements à Tsukasa SAIMURA & Kozo TAKAHASHI pour leur temps et leur bonne humeur, ainsi qu’à notre interprète, aux éditions Glénat et au Manga Café pour la mise en place de cette interview.

Paul OZOUF

Rédacteur en chef de Journal du Japon depuis fin 2012 et fondateur de Paoru.fr, je m'intéresse au Japon depuis toujours et en plus de deux décennies je suis très loin d'en avoir fait le tour, bien au contraire. Avec la passion pour ce pays, sa culture mais aussi pour l'exercice journalistique en bandoulière, je continue mon chemin... Qui est aussi une aventure humaine avec la plus chouette des équipes !

1 réponse

  1. 25 février 2016

    […] ventes sur les sympathiques Kokkoku, Jabberwocky et Crueler Than Dead dont nous avions rencontré les mangakas passionnés de zombies à Japan Expo, et enfin une absence de nouveautés shôjo, le catalogue du leader du marché est […]

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