[Interview] Wit Studio : une nouvelle génération des studios d’animation

Wit Studio, connu pour de nombreux animes célèbres, dont celui de L’attaque des titans qu’on ne présente plus, a sorti cette année un nouvel anime de leurs tiroirs : Kabaneri of the Iron Fortress. Sorti au printemps chez le service Amazon Prime anglais, la série a fait quelques émules sur la toile, et une diffusion légale est attendue de pied ferme pour la France ! En attendant que cela se débloque, l’équipe de la série était présente à la 22e édition de Paris Manga pour un échange avec son public.

Une série de rencontres passionnantes avec 4 personnes clés du studio, qui donne un nouvel aperçu sur le milieu de l’animation japonaise ! 

Wit : un studio qui a le vent en poupe…

Journal du Japon : Bonjour, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vous, votre parcours, votre arrivée chez WIT Studio ? Pourquoi avoir choisi ce métier ?

NAKATAKE © Journal du Japon

NAKATAKE © Journal du Japon

Tetsuya NAKATAKE : Bonjour, je m’appelle Tetsuya NAKATAKE, producteur chez Wit Studio. J’ai travaillé au sein de Production IG entre 2000 et 2011. En Juin 2012, j’ai créé Wit Studio. J’ai grandi dans les années 1990, l’âge d’or de l’animation japonaise avec Dragon Ball, Slam Dunk,…, ce qui m’a poussé à travailler dans ce domaine. J’ai donc intégré une école spécialisée dans l’animation et y ait étudié.

Maiko OKADA :  Bonjour, je m’appelle Maiko OKADA et je suis productrice chez Wit Studio. Durant l’enfance, j’aimais beaucoup les films d’animation, en particulier Princesse Mononoke, et c’est en regardant un jour le making of du film que j’ai décidé de me spécialiser dans cette voie. C’est grâce à ça que je suis entrée dans une école spécialisée dans le dessin. Mais un jour, un collègue très doué fut contraint de démissionner à cause de problèmes financiers, ce qui me poussa à obtenir une place plus importante, et à travailler dans la production. J’ai alors commencé à travailler chez Shin-Ei Animation sur des anime comme Doraemon ou Crayon Shin-chan, ce que j’ai beaucoup apprécié.

OKAIDA © Journal du Japon

OKADA © Journal du Japon

Et c’est en 2014 que je suis entrée chez Wit Studio.

Tetsuro ARAKI : Lorsque je suis arrivé, vers la fin de mes études à l’université, j’étais intéressé par l’animation et cela particulièrement grâce à Evangelion. J’ai réussi à entrer dans le milieu, et pendant  dix ans j’ai travaillé chez Madhouse. Au bout de ces dix années, j’ai eu la proposition de travailler sur le projet de Guilty Crown avec Nakatake chez Production IG et j’y suis resté depuis.

Yasuyuki EBARA : Je suis rentré dans le monde de l’animation, comme M. Araki, à la suite d’Evangelion. J’ai d’abord travaillé dans un petit studio pendant trois ans puis je suis devenu indépendant et j’ai fini par arriver au staff de High School of the Dead avec Mr. Araki. J’ai participé à d’autres projets de Mr. Araki grâce auxquels je suis finalement entré chez Production IG avant de passer chez Wit Studio pour continuer à travailler avec lui.

Maintenant que les présentations sont faites, rentrons dans le vif du sujet…
En tant que producteurs, Mr. NAKATAKE et Mme OKADA, pensez-vous qu’en 2016 il soit plus facile de trouver des fonds pour financer des animes ?

N. : Chez Wit Studio, nous avons la chance de travailler sur des œuvres à succès donc forcément cela facilite le financement de nos animes. En 2016 nous avons eu des succès tels que Shin Godzilla ou encore Your Name (Kimi no na ha), ce qui favorise la création d’anime. Le public et les dirigeants suivent donc cette tendance.

ARAKI © Journal du Japon

ARAKI © Journal du Japon

Et que pensez-vous donc des nouvelles plateformes de diffusion qui sont apparus comme Netflix ou Crunchyroll, qui se positionnent comme des financeurs de projets potentiels ? Est-ce que ça leur arrive de jouer un rôle autre que financier dans le processus de création ? Ont-ils une quelconque influence sur la direction de vos projets ?

N. : En effet, Amazon Prime détient la licence de Kabaneri of the Iron Fortress, cependant ils n’ont pas eu leur mot à dire sur la réalisation de l’anime. On entend dire que la plateforme Netflix propose uniquement du contenu de qualité, et il nous arrive parfois en effet de recevoir des commandes de certains types spécifiques d’anime, mais cela s’arrête là. De toute façon, il nous faut forcément proposer du contenu de qualité pour intéresser le public ! (Rires)

A. : Au niveau de la création pure cela n’a pas d’influence en soi, même si on prend l’exemple de Kabaneri : ça a été pour nous le plus gros apport financier qu’on est eu. Par contre autant cela peut être une grosse source de revenus et un nouveau business model jusque-là inconnu pour nous, autant c’est difficile d’avoir un retour clair du résultat final en terme de nombre de personnes qui l’a visionné en streaming ou de visionnage.  Il est donc dur pour nous d’avoir un retour clair sur la visibilité de la série, c’est un point à travailler.

EBARA © Journal du Japon

EBARA © Journal du Japon

Vous avez produit des anime à succès tels que L’attaque des titans ou encore Seraph of the End. Comment avez-vous fait pour obtenir les droits sur de telles licences, au vu du jeune âge du studio ?

N.: Cela peut s’expliquer par nos passés respectifs (Production IG, Shin-Ei Animation). Mais aussi par l’identité de notre studio, qui est spécialisé sur les anime d’action s’ancrant dans la réalité.

D’ailleurs, est-ce que Production IG, groupe auquel Wit Studio appartient, a une influence sur vos projets ?

N. : Nous sommes en effet guidés par Production IG, mais c’est à nous de gérer entièrement les travaux créatifs.

Il n’y a donc vraiment eu aucune interaction entre les deux studios au sujet de Kabaneri ?

Absolument aucune ! (Rires)

Et vous Mr. Araki, vous pensez la même chose ?

A. : La seule influence qu’on pourrait avoir, ce serait sur la manière de travailler. Il faut savoir que  beaucoup de personnes chez Wit viennent à l’origine de chez Production IG qui s’attelle particulièrement à rendre les mouvements réalistes. Donc au lieu de faire des mouvements jugés exagérés, Production IG fonctionne avec le réalisme donc c’est ça qui pourrait nous caractériser et diriger notre travail.

© Yamazaki Kore / Mag Garden

Mr. Araki renvoie la question à Yasuyuki Ebara pour avoir son avis car ce dernier a travaillé sur plusieurs studios différents avant d’arriver chez Wit.

E. : Pour faire simple, il y a vraiment énormément de gens doués chez Wit. Et quand on va leur demander de faire une scène, ils vont faire immédiatement quelque chose de très bon. On n’a pas besoin de leur donner des directives, ce sera bien tout de suite. Donc on est vraiment avec des gens très doués.

A. : Et ce n’est pas si fréquent ! Par exemple quand j’étais chez Madhouse avant, parfois je me demandais s’ils allaient réussir à faire une scène ou une situation spécifique. Chez Wit je ne me pose plus la question.  Je me dis simplement : « c’est bon, ils sont derrières ».

Vous êtes confiant dans leur travail en somme ?

A. : Oui, parfaitement.

En parlant de Wit Studio, qu’est-ce qui vous caractérise par rapport aux autres ?

A. : On peut tout à fait dire que le studio Wit est un studio d’anime d’action et ce n’est pas du tout exagéré car nous faisons des séries dans ce style-là comme Kabaneri of the Iron Fortress et L’attaque des titans,  donc nous cataloguer dans ce genre-là ne nous choque pas.

Est-ce que vous aimeriez faire autre chose quand même ?

A. : Nous aimons bien sûr tous les deux, Ebara et moi-même, l’action, même si sur Kabaneri je ne l’ai pas trop laissé faire. On n’a pas toujours l’occasion de faire exactement comme on le voudrait mais on est ouvert à tous types de projets. On est ouvert à tout, en général.

Renouvellement et nouvelles technologies…

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© Kabaneri seisaku iinkai

Pour continuer sur la lancée des studios d’animation : de plus en plus d’entre eux utilisent exclusivement des images de synthèse (CGI) dans leurs productions, comme Ajin ou Berserk 2016 par exemple. Pensez-vous que cela représente le futur de l’animation japonaise ?

N. : On a pu en effet réaliser Starfox Zero : The Battle Begins entièrement en CGI, mais avec un rendu proche de la 2D. Selon nous, le mieux serait de faire un compromis entre les deux technologies : utiliser la 2D pour les personnages, leurs expressions, et la 3D pour créer des mises en scène complexes et riches en détails.

A. : Par rapport à l’animation 3D, il est clair que vu que les coûts de productions diminuent, c’est quelque chose qui va se multiplier.

Est-ce que la 2D va en être touchée et va disparaître d’après vous ?

A. : La 2D ne pourra pas disparaître car elle a ses avantages. Je pense que la meilleure utilisation finale serait une version hybride des deux. Et je pense plutôt que les personnes qui ne seraient capables de faire QUE de l’animation 2D et pas avec un haut niveau de qualité, sont plutôt celles qui vont disparaître.

Ce qui veut dire que le milieu-même de l’animation risque de devoir se reconstruire en profondeur ?

Ce n’est pas impossible qu’il y ait des bouleversements. C’est dur de le savoir et de répondre pour toute l’industrie… mais de notre côté par exemple nous faisons beaucoup de tests graphiques lorsque nous réalisons un anime pour voir ce qui est faisable pour continuer d’évoluer, et rester à niveau.

Kabaneri of the Iron Fortress : L’attaque des titans bis ?

© Journal du Japon

© Journal du Japon

Et si on s’intéressait à Kabaneri of the Iron Fortress ? Au vu de la richesse de son univers et de la psychologie assez complexe des personnages quant à leurs passés respectifs, pourquoi ne pas avoir choisi un format 24 épisodes, comme pour L’attaque des titans ?

N. : Nous sommes tout à fait d’accord avec vous ! Mais selon Mr. Araki, le format 12 épisodes était celui qui correspondait le mieux pour une saison 1.

O. : Alors en effet, avec le recul, on pense que nous aurions pu en faire plus. Mais sur le moment on ne se pose pas la question !

(Rires) Je comprends. Du coup, une saison 2 est-elle à prévoir ?

N. : Ah la la ! (Rires) Pour l’instant, grâce au soutien des fans, un film en deux parties retraçant la saison 1 est à l’ordre du jour. Concernant une suite, il faudra attendre les retours des spectateurs occidentaux. Mais c’est sur la bonne voie.

A. : En fait, dès le début nous avions prévu de tourner autour des deux personnages principaux et nous avions bien fixé quelque chose aux alentours de 12 épisodes. Donc pour l’histoire en elle-même ce n’est pas gênant. Mais nous avons la volonté de faire une suite en effet comme le souligne Mr. Nakatake qui est en attente de décision. Elle est en stand-by pour le moment.

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© Isayama Sō Kōdansha/ `shingeki no Kyojin’ seisaku iinkai

Sur de nombreux retours concernant la série sur internet, Kabaneri souffre de la comparaison avec L’attaque des titans (scénario, personnages), à juste titre selon vous ?

O. : (Rires) L’équipe est la même donc forcément ils ont les mêmes points forts et points faibles. Cependant, nous nous sommes renouvelés en proposant de nouveaux concepts tel que les zombies, les trains dans un pays en guerre…

Dans plusieurs de vos productions chez Wit Studio, comme pour Kabaneri, on ressent souvent une ambiance sonore forte avec notamment l’intervention de SAWANO Hiroyuki, ici. À quel point pensez-vous que cela ait une importance pour vos anime ?

A. : Il faut comprendre que grâce à l’intervention de Sawano, la profondeur et l’amplitude de l’anime va être plus importante. Cela s’explique par le fait qu’il va amener un côté Entertainment à travers la musique. Si c’était moi qui m’occupait des musiques elles seraient très sombres, car j’ai un côté plutôt sombre de nature (rires). Mais là, ça a un côté plus jovial car il prend vraiment du plaisir à faire ses créations, et cela se ressent dans ses musiques : ce qui permet vraiment de donner cette amplitude aux différents animes sur lesquels on a travaillé ensemble. Donc, oui, il a une vraie importance.

Est-ce que ce côté bande-son justement peut influencer votre travail sur certaines scènes du coup ?

A. et E. : Il y a vraiment une importance primordiale dans les choix musicaux et sonores pour la bonne raison que si on les a avant la conception même, on peut donner à chaque animateur leurs parties sonores sur telle ou telle scène ce qui leur permet d’être influencé et de mettre la musique en évidence également.

Pour finir, un petit mot sur la diffusion… Le service vidéo à la demande d’Amazon Prime n’étant pas disponible en France, n’est-ce pas un peu frustrant pour la promotion de Kabaneri of the Iron Fortress ? D’autant plus que nous français sommes nombreux à attendre sa diffusion.

N. : Nous en sommes conscients et il n’y a malheureusement pas encore eu d’annonce officielle. Je vous prie de patienter.

On sera patient donc (des rumeurs font état d’une arrivée très prochaine du service d’Amazon dans de nombreux pays, NDLR). Merci à vous d’avoir pris le temps d’y répondre !

Un grand merci à l’équipe de Paris Manga, à Andy KIMURA l’interprète et Emmanuel BOCHEW, manager et interprète qui nous auront permis de tenir cette interview avec le studio. Encore un chaleureux remerciement à l’équipe de Wit Studio pour leurs disponibilités.

Pour suivre le studio, direction leur site internet ou leur twitter.

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