Kojiki, la chronique des faits anciens : les aventures d’Amaterasu et Susanoo !

Le mois dernier, nous nous étions quitté dans la première partie sur les ablutions d’Izanagi et la naissance des Illustres Amaterasu, Tsukuyomi et Susanoo. Aujourd’hui, dans cette deuxième partie du dossier Kojiki, chronique des faits anciens, nous suivrons les aventures de ces trois divinités importantes du monde shintō.

Le partage des Royaumes

Susanoo, Amaterasu et Tsukuyomi par Calur [Deviant Art]

Susanoo, Amaterasu et Tsukuyomi par Calur [Deviant Art]

Izanagi retira son collier de joyaux pour le donner à Amaterasu et il lui dit :

« Que Ton Altesse règne sur la Plaine des Hauts Cieux ».

Ensuite, il dit à Tsukuyomi : « Que Ton Altesse règne sur le Domaine de la Nuit ».

Puis, il dit à Susanoo : «  Que Ton Altesse règne sur la Plaine des Océans ».

Amaterasu et Tsukuyomi assumèrent les responsabilités que leur avait confiées leur père. Susanoo, l’enfant rebel, refusa de gouverner les régions dont il avait la charge. Il pleurait et criait. Une longue barbe lui poussa et descendait jusqu’à sa poitrine. Ses larmes assoiffèrent les mers et les rivières.

Interpellé, Izanagi lui demanda les raisons de sa tristesse. Son fils lui dit qu’il voulait rejoindre sa défunte mère Izanami au Pays de Yomi. Furieux, le père l’expulsa. Susanoo décida de rendre visite à sa sœur Amaterasu dans son royaume céleste. En montant jusqu’au Ciel, secouant montagnes et rivières, le vacarme produit alerta sa sœur. Amaterasu redoutait qu’il veuille la déposséder de son royaume.

Telle une amazone, la Déesse du Soleil l’attendit de pied ferme, prépara son arc et ses flèches et enfila un protège coude.

Le Serment

Amaterasu et Susanoo par Calur [Deviant Art]

Amaterasu et Susanoo par Calur [Deviant Art]

« Pourquoi es-tu monté jusqu’ici ?», lui demanda-t-elle.

« Mes intentions ne sont pas mauvaises. Je souhaite juste te dire adieu avant de rejoindre au Pays Inférieur notre mère Izanami. » lui répondit-il.

Méfiante, elle lui rétorqua : « C’est peut-être le cas mais comment en être certain ? ». 

« Unissons-nous, par serment et faisons des enfants. » lui dit Susanoo.

Amaterasu demanda à son frère son sabre de dix poignées accroché à sa ceinture. Elle le brisa en trois morceaux. Elle broya aussi des bijoux. De la poudre ainsi produite et de son auguste souffle naquirent trois princesses.

Susanoo demanda à sa sœur sa chaîne incrustée de cinq cent pierres précieuses. Il broya aussi des bijoux. De la poudre ainsi produite et de son auguste souffle naquirent cinq princes.

« En raison de la pureté de mes intentions, j’ai engendré de délicates femelles. » lança Susanoo à sa sœur. Le frère victorieux saccagea les champs de riz, les canaux d’irrigation et son palais. Amaterasu l’excusait jusqu’au terrible spectacle d’un de ses célestes chevaux complètement écorché. Horrifiée, elle s’enferma dans la Caverne du Ciel.

La Caverne du Ciel

Plaine du Haut Ciel et Plaines de Roseaux sombrèrent alors dans les ténèbres. Privés de la lumière d’Amaterasu, huit cents Supérieurs se réunirent pour élaborer une stratégie pour retrouver les puissants rayons solaires. Il fut décidé de construire un miroir appelé Yata no Kagami et un joyau, Yasakani no Magatama.

Pour sortir de sa grotte la Déesse du Soleil, les dieux organisèrent une fête où la Déesse de la Gaieté et de la Bonne Humeur, Uzume dansa et fit éclater de rire toute la divine assistance. Étonnée, Amaterasu entrouvrit la porte de la Caverne du Ciel et leur demanda pourquoi ils semblaient aussi heureux alors qu’à cause de sa retraite le Ciel et la Terre devaient être privés de lumière. Les dieux lui mentirent en lui répondant qu’ils avaient trouvé une Supérieure encore plus brillante qu’elle. Le miroir fut placé juste devant la porte de la caverne. Surprise, Amaterasu s’approcha de la porte pour voir de plus près cette déesse qui n’était que son reflet. Ame no Tajikarao, Supérieur à la Main Forte, la prit par la main et la tira dehors. Les autres kami bloquèrent l’entrée avec des cordes sacrées et tressées en paille de riz appelées shimenawa. Amaterasu enfin sortie de sa cachette, la lumière revint. Les huit cents kami se réunirent en conseil céleste et décidèrent d’expulser du royaume céleste Susanoo.

Amaterasu sortant de la caverne, estampe par Kunisada

Amaterasu sortant de la caverne, estampe par Kunisada

Le Serpent géant à huit têtes

Le nuisible Susanoo ainsi banni des cieux par les dieux se trouva le long de la rivière Hi, dans le pays d’Izumo. Il rencontra dans le delta un couple de vieillards en pleurs autour d’une jeune fille. ll leur demande qui ils étaient.

« Je suis un Supérieur Terrestre, fils de Maître-des-Grandes-Montagnes. On m’appelle L’Ancien-du-Coup-de-Pied, ma femme, L’Ancienne-du-Coup-de-Main, ma fille se nomme quant à elle Merveilleuse-Princesse-de-la-Rizière. » lui répondit le vieillard. Susanoo lui demanda quel malheur les frappait.

« J’avais huit filles mais Yamata no Orochi, le Serpent géant à huit têtes vient chaque année à cette période pour prendre la vie d’une de mes filles. Il va venir me prendre ma dernière fille, Kushinada. » lui expliqua l’homme âgé. À la demande du voyageur, le vieillard leur décrivit l’ignoble serpent à huit têtes et huit queues, long comme huit vallées et collines, son corps de mousse, de cyprès et de pins, ses yeux rouge sang et son souffle venimeux transformant en torche ses ennemis.

Susanoo, tombé sous le charme de la jeune fille dit alors au père : « S’il s’agit de ta fille, je te demande de me l’offrir ». On demanda à qui ils avaient affaire.

« Je suis le céleste frère d’Amaterasu et je descends à l’instant même du Ciel. » leur répondit-il. Tous furent alors honorés par cette proposition qu’ils acceptèrent.

Susanoo prit alors sa fiancée et la transforma en peigne qu’il dissimula dans ses cheveux. Il déclara enfin qu’il faudrait qu’ils distillent huit fois du saké (alcool japonais à base de riz), d’en verser un peu dans huit cuves dans un enclos à huit ouvertures. Le serpent arriva comme annoncé par le père. La bête se rua sur l’alcool : chacune des gueules du monstre vida une des huit cuves. Ivre, le reptile s’écroula et Susanoo en profita pour dégainer son sabre long de dix poignées, Totsuka no Tsurugi. Il découpa le serpent en morceaux. La lame de son épée se brisa au contact de Kusanagi no Tsurugi, épée cachée dans l’une des queues. Pour se faire pardonner, il l’offrit en cadeau à sa sœur Amaterasu. Le monstre vaincu, Susanoo épousa la princesse Kushinada et il eut de nombreux enfants avec et fonda la dynastie d’Izumo…

Estampe du combat entre Susanoo et Yamata-no-Orochi par Chikanobu Toyohara

Estampe du combat entre Susanoo et Yamata-no-Orochi par Chikanobu Toyohara


 

Vous avez du vous rendre compte que l’on ne parle pas beaucoup de Tsukiyomi, le Kami qui règne sur le Domaine de la Nuit, à qui l’on attribut l’astre lunaire. Pourquoi tant de récits avec son frère et sa sœur, mais presque rien sur lui ? Il n’y a pas vraiment d’explications. L’une d’elles, très improbable, est que son nom rappelle les Enfers (Yomi en japonais). Une explication plus logique est qu’Amaterasu et Tsukiyomi se partagent des parties du Ciel et qu’ils s’évitent : le jour et la nuit ne se rencontrent jamais. D’ailleurs, cette alternance entre lumière et nuit est expliquée par un mythe où le frère tua la Déesse de la Nourriture, Uke Mochi au cours d’un repas où Amaterasu lui avait assigné le rôle d’ambassadeur. En effet, le dieu lunaire n’apprécia pas l’origine des plats : la bouche (vomi), le nez (morve) et l’anus (excréments) de la déesse. Très fâchée depuis ce jour, Amaterasu ne veut plus le revoir. Parfois, Tsukiyomi est remplacé par son frère Susanoo.

Dans les épisodes de la Caverne du Ciel et du Serpent géant à huit têtes, nous voyons apparaître les Trois Trésors Sacrés du Japon (Sanshu no Jingi en japonais) : le bijou Yasakani no magatama, le miroir Yata no Kagami et l’épée Kusanagi no Tsurugi.

Trésors Sacrés du Japon

Trésors Sacrés du Japon (Sanshu no Jingi)

Nous verrons dans la troisième partie comment ces reliques légendaires sont devenus les insignes impériaux au Japon. La bataille entre Susanoo et sa sœur Amaterasu pour diriger le Japon fera rage. Qui des fils de Susanoo ou des enfants de la Déesse du Soleil sont les plus légitimes ?

Réponse le mois prochain dans la troisième et dernière partie de ce dossier Kojiki, chronique des faits anciens.

David Maingot

Responsable Culture à JDJ et passionné de la culture et de l'histoire du Japon, je rédige des articles en lien avec ces thèmes principalement.

2 réponses

  1. 28 octobre 2017

    […] mois dernier, nous nous étions quittés sur la fondation de la dynastie d’Izumo par Susanoo. Dans cette troisième partie de notre cycle “Kojiki, la chronique des faits anciens“, […]

  2. 29 avril 2018

    […] des océans, et Tsukuyomi, dieu de la Lune. De nombreuses aventures décrivent les tensions entre Amaterasu et son frère tempétueux. Susanoo fonda sa dynastie à Izumo et à la cinquième génération, Ōkuninushi épouse […]

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