Découverte J-music : ReN, le « fils de » qui s’est fait un prénom

Ceux d’entre vous qui suivent un minimum l’actualité musicale nippone n’ont pas pu passer en 2017, à côté du nom de ReN . Cet artiste masculin auteur, compositeur et interprète a en effet le vent en poupe, et son deuxième album LIFE SAVER sorti en juin 2017, a bénéficié d’un bouche à oreille et d’une promotion particulièrement efficaces. Présenté à ses débuts par TAKA (ONE OK ROCK) comme le Ed SHEERAN nippon, ReN assume totalement l’influence de son homologue britannique. Mais celui qui est aussi qualifié de futur grand nom de la scène musicale japonaise par Takeru (GLAY) et Jun MATSUMOTO (Arashi) est loin de se limiter à cette illustre comparaison. Car son activité artistique d’aujourd’hui est avant tout le fruit d’un parcours particulièrement singulier, ô combien intéressant, que nous allons vous raconter dans les lignes qui suivent !

ReN

ReN – ©Booost Music

ReN : Trois lettres à la place d’un patronyme

Bien qu’il en soit déjà à son deuxième album, il faut creuser un peu pour trouver autre chose que quelques informations très succinctes sur le profil de ReN. Et pour cause : derrière ce nom de scène court se cache en effet la volonté pour ReN de concrétiser, avec la musique, une deuxième vie démarrée d’une page blanche, par lui-même, sans trop bénéficier des réseaux que pourrait lui ouvrir son illustre patronyme : NAGABUCHI. Car le jeune homme de 23 ans n’est pas tout à fait sorti de nulle part : son père n’est autre que Tsuyoshi NAGABUCHI, véritable légende du rock et de la folk nippones, et dont l’histoire est, elle aussi, particulièrement riche en rebondissements. Quant à sa mère, c’est l’actrice Etsuko SHIHOMI, qui a connu son heure de gloire dans des films d’arts martiaux des années 70-80, avant de prendre sa retraite après avoir épousé le rockeur. Ensemble, le couple a eu trois enfants : Ayane qui est aujourd’hui actrice, Kou, plus connu sous le nom de DJ WATARU, très actif sur la scène hip-hop japonaise, et le plus jeune, Ren. Autant dire qu’avec un entourage pareil, le benjamin de la famille avait, dès le départ, la pression !

Des paddocks à la scène, un point commun : le travail acharné

Sous l’influence de son père, ReN touche à sa première guitare dès l’âge de deux ans. Quelques années plus tard, il reprend le mythique morceau Johnny B.Good qu’il découvre en regardant son film préféré, Retour vers le Futur. Mais la musique n’est pas sa vocation. À l’époque de l’école primaire, le jeune garçon est en effet un passionné d’automobile. Il connaît tous les emblèmes de toutes les marques de voiture et passe tout son temps libre à traîner dans les pattes d’un ami de la famille mécanicien. A l’âge de 12 ans, ReN fait ses premières compétitions en karting et se dévoile très vite comme un prodige. Pour sa première année, il remporte les APG Series, et engrange suffisamment d’expérience pour attirer l’attention de l’écurie britannique Strawberry Racing pour laquelle il concourra ensuite plusieurs années. Il partage alors son temps entre le Japon où il remporte les MAX series, et l’Angleterre, où il est nommé deux années de suite meilleur espoir et fait la connaissance du pilote de F1 Takuma SATO. ReN poursuivra ensuite plusieurs années son parcours en Formula Pilota et Formula Masters China. Mais en 2014, à l’âge de 20 ans, il est victime d’un grave accident qui lui cause de sérieux dommages à la colonne vertébrale, et c’est la mort dans l’âme qu’il prend la décision de mettre fin à sa carrière de pilote.

La convalescence durera pas moins d’un an, une année pendant laquelle ReN trouve du réconfort en renouant avec cette guitare qui l’a toujours accompagné, de près ou de loin, dans son parcours de pilote automobile. C’est sur cet instrument qu’il pleure et passe sa rage et sa frustration d’avoir dû renoncer au rêve d’une vie. Et puis, un jour, c’est le déclic. Il se souvient avoir crié: « Et puis merde« , avant de se lancer, avec le soutien de deux amis d’enfance, dans le projet fou de réaliser pas moins de 100 prestations live en l’espace d’un an. Il faut dire que la persévérance n’est pas la moindre qualité du jeune homme, qui avait déjà fait l’expérience de la quête très difficile qu’est celle des sponsors dans le milieu automobile. Reste que dans la foulée, il écrit et compose Ikiru (Ndlr : Vivre, en français), son premier single, qu’il interprète seul sur scène avec sa guitare, deux micros et une pédale de loop : un schéma scénique encore rare au Japon qui lui vaut une attention croissante, jusqu’à ce qu’il soit repéré par les organisateurs du FUJI ROCK FESTIVAL, qui l’invitent à participer à l’édition 2015.

 

Des débuts prometteurs en tant qu’auteur-compositeur-interprète

ReN revendique son amour pour la musique pop-rock anglo-saxonne. Lorsqu’il rejoint l’Angleterre en 2010, il découvre Coldplay, tandis que dès l’année suivante, il assiste aux débuts d’Ed SHEERAN, qui l’inspirera énormément et auquel il piquera d’ailleurs l’idée de live solo avec une loop station. C’est donc sans surprise que l’on retrouve ces influences sur le premier album de ReN, baptisé Lights et sorti en juin 2016. Il y évoque ses souvenirs d’Angleterre, la tristesse de ses rêves perdus dans l’excellent titre folk Sheffield, et rend hommage à ses deux meilleurs amis sur une rythmique reggae légère avec Forever Friends.

Mais si l’album porte aussi bien son titre, c’est parce qu’il transcrit surtout la lumière au bout du tunnel et le choix de l’artiste de mordre la vie à pleines dents avec un esprit ultra-positif. La lumière et les étoiles sont ainsi omniprésentes sur le disque, tant sur le plan sémantique avec des titres comme Lights, Illumination, Stars, que sur le plan musical avec les notes de guitare se détachant souvent avec une pointe de reverb sur une base rythmique assez basse. Ce qui frappe avant tout, c’est la maturité du jeune homme, dont les compositions sont souvent riches, les paroles bien écrites et empreintes d’une certaine poésie, et dont les influences sont particulièrement bien assimilées. L’efficacité mélodique de Coldplay, le sens rythmique et le flow d’Ed Sheeran ont été bien digérés, servis par l’identité vocale très plaisante de ReN, son anglais impeccable et le caractère indéniablement habité de son interprétation. Mentions spéciales à Lights qui monte progressivement en intensité jusqu’à un final assez magique, et surtout à Illumination, un titre pop-rock, lumineux et épuré, qui serait parfait en bande son de road movie.

Sorti en indépendant, Lights n’a certes pas fait d’étincelles dans les charts, mais bénéficie d’un bouche à oreilles très favorable. Et puis surtout, le statut d' »Indies » donne à ReN toute la liberté dont il a besoin pour utiliser à bon escient les outils de promotion contemporains, là où la plupart des labels nippons sont encore beaucoup, beaucoup trop frileux. Très présent sur les réseaux sociaux, il est aussi l’un des premiers artistes nippons dont la musique est disponible sur Spotify Japan. Se définissant avant tout comme un artiste de live, il se produit en direct sur Youtube et Instagram, tout en enchaînant les concerts qui lui valent la reconnaissance de nombreux artistes nippons, parmi lesquels TAKA de ONE OK ROCK. Les deux chanteurs, tous deux fils de légendes du patrimoine musical national, ont beaucoup de points communs dans leur parcours et leurs influences, et deviennent rapidement amis. Parallèlement à cela, l’artiste décroche sa propre émission de radio hebdomadaire sur FM Yokohama.

Une percée spectaculaire sous l’oeil bienveillant d’Ed Sheeran

C’est au milieu de toutes ces activités que ReN s’attèle à l’écriture de son second album, mais est un peu à la peine. Il sent notamment la nécessité de renouveler ses thématiques, maintenant qu’il a fait la paix avec son passé sur son premier opus. C’est à l’occasion d’une interview croisée avec son idole Ed Sheeran début 2017, au détour d’une discussion sur leurs techniques de composition, qu’il a le déclic. Là où la plupart des artistes japonais débutent leur travail de composition par la mélodie, Sheeran explique à ReN que lui, comme la plupart des artistes occidentaux, travaille d’abord la base rythmique avant d’y placer des notes. C’est en appliquant cette méthode de travail que ReN donne naissance à LIFE SAVER, sorti en single fin mars 2017. Un titre pour le coup beaucoup plus rythmé, une sorte de hip-hop acoustique au croisement entre folk, rock et RnB pour un résultat dont la parenté artistique avec les derniers titres en date d’Ed Sheeran est clairement perceptible. Soutenu par Apple Music, Spotify où il finit en tête des écoutes, et Space Shower TV, le titre bénéficie d’une visibilité encore accrue lorsque, quelques semaines plus tard, ReN succède à des artistes aussi confirmés que Mr.Children, MONGOL800, Crossfaith ou encore 9mm Parabellum Bullet en première partie de l’Ambitions Tour de ONE OK ROCK au Marine Messe de Fukuoka.

Poursuivant sur sa lancée, ReN sort en juin 2017 son deuxième album studio, également baptisé LIFE SAVER. Le virage rythmique se confirme, avec notamment l’un des meilleurs titres du disque : DREAM, où une boucle entêtante à la guitare électrique et une base percussive résonnante, taillées pour le live, servent de support au flow très efficace de l’artiste. De quoi permettre à ReN de démontrer qu’il n’est pas qu’un chanteur mélancolique mais aussi un très bon rappeur. D’autres morceaux flirtent de près avec la musique urbaine, à l’image de PASSION dont la boucle rythmique est inspirée du We Will Rock You de Queen, et surtout What I’m feeling, à l’atmosphère soul RnB assez douce qui rappelle d’ailleurs un peu certains travaux de son frère WATARU.

Le disque comporte également son lot de ballades dans des registres variés. On y trouve en vrac : une support song acoustique charmante pour soirée autour d’un feu de camp (Little Green Bird), une petite rengaine de lover sans prétention elle aussi 100% acoustique (Be my girl), une très jolie chanson d’amour piano-voix à l’interprétation feutrée toujours aussi habitée (Tell Me Why…), une chanson douce aux relents plus folk (Moonlight), etc. Il y en a ainsi pour tous les goûts, et force est de constater que le pari du renouvellement est franchement réussi, même si l’efficacité prime clairement sur l’originalité dans ce disque qualitativement très homogène. Reste qu’avec une première place au classement des albums alternatifs sur iTunes et un gros succès sur Spotify, LIFE SAVER finit de propulser ReN au rang de grosse révélation de la scène musicale japonaise, et le voici ainsi embarqué pour le reste de l’année 2017 dans le tourbillon des marathons promotionnels, des tournées professionnelles et des festivals !

 

En l’espace de seulement deux bonnes années, le jeune Ren NAGABUCHI a indéniablement réussi à faire oublier son patronyme et à inscrire son prénom dans le paysage musical nippon. Au pays des étiquettes, le plus dur sera sans doute de réussir à décoller celle d' »Ed Sheeran japonais » qui lui colle à la peau, tout en survivant à cette émancipation. Pour ce faire, l’artiste a toutes les cartes en main : une bonne gueule, un joli timbre feutré aisément identifiable, d’indéniables qualités d’interprète tout terrain, un vrai sens mélodique et rythmique, de bonnes relations, un soutien croissant des media et des acteurs de la musique numérique… Et puis surtout, c’est un gros, gros travailleur qui n’est pas du genre à se reposer sur ses lauriers et se remet sans cesse en question. Pour preuve, ReN vient de publier tout récemment Aurora, une chanson inédite qui sert de thème au drama Koe dake Tenshi (Ndrl: voir video ci-dessus) sur la plateforme Abema TV. Et sa trajectoire  s’éloigne favorablement de l’univers d’Ed Sheeran pour prendre une direction plus pop et électrique, avec un gimmick mélodique entêtant aux faux airs de Coldplay très réussi. Compte tenu de l’appétit insatiable du chanteur, nul doute que la suite arrivera très vite, aussi n’hésitez pas à suivre ses réseaux sociaux de près !

Site officiel : www.ren-net.com
Instagram : @renstar.gram
Twitter : @renmusic28
Youtube : https://www.youtube.com/channel/UCWAZJf8ZdI8xqP3Sttf35ZQ
Spotify : https://open.spotify.com/artist/22wa94PJF9zyFJMTp2BYus

Kevin Petrement

Après 18 ans consacrés à jouer les PPDA de la Jpop de jour comme de nuit (je vous rassure j'ai commencé très jeune !), je profite désormais d'une petite pré-retraite tout en continuant à partager mes coups de coeurs et coups de sang sur le marché musical nippon. Tout ça entre un petit chou au praliné (ou une tarte au citron) et un avion à destination de je ne sais quel sublime paysage dans un coin paumé !

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