Faut-il se décider à jouer à Dissidia ?

Cette année 2018 sera une année chargée en jeux poids lourd. Entre Red Dead Redemption 2, God of War, Kingdom Hearts III, ou encore Monster Hunter World, Dragon Ball FighterZ et Dissidia NT sortis tous les trois à quelques jours d’intervalles en janvier, beaucoup de joueurs vont être amenés à découvrir ou redécouvrir des licences ou suites de jeux ayant fait leurs marques. Mais si certains sont des suites directes, d’autres comme Monster Hunter World et Dissidia NT prennent le parti de repartir à zéro, à l’occasion d’un portage sur console de salon après plusieurs épisodes sur console portable.

 

Pour parler du dernier-né de Square Enix, il nous faut d’abord aborder la franchise Dissidia dans son ensemble et revenir aux origines. Donc place au flashback, et retour dix ans plus tôt !

Dissidia, au commencement…

Tout commence donc en 2008 sur PSP lorsque Square Enix surprend son monde en sortant un nouveau jeu issu de la franchise Final Fantasy non pas axé RPG, mais combat, pour fêter les 20 ans de la saga.
Si retrouver les héros emblématiques de chaque Final Fantasy au sein d’un même jeu était un doux rêve pour beaucoup de fans, le pari était risqué, car l’on pouvait vite dénaturer tous ses univers et perdre ses adeptes dans des codes qui ne sont pas les leurs. Fort heureusement, l’entreprise a pensé à tout, et si le cœur du jeu est effectivement un système de combat, il y a beaucoup d’éléments gravitant autour pouvant satisfaire les fans.

Final Fantasy I

Le Warrior of Light de Dissidia (à droite) conserve jusqu’aux détails de la sacoche de l’illustration d’AMANO (à gauche) de 1987.

Premièrement, le mode histoire. S’il parait impensable de ne pas en inclure un dans un jeu de combat, l’histoire d’un mode solo peut être limitée au minimum syndical comme dans un Tekken, où le joueur fait défiler quelques textes accompagnés d’une illustration avant une cinématique de conclusion. Dissidia est issu d’une franchise de jeu à histoire, il fallait donc en proposer une qui tienne la route. Pour cela, les développeurs ont l’idée de s’appuyer sur le premier épisode, qui sera fondateur pour le jeu.
Dans Final Fantasy I, les guerriers de la lumière sont envoyés afin de défaire Garland, puis Chaos, le véritable ennemi, qui provoquait une boucle temporelle enfermant le monde dans un cycle sans fin. Le personnage de Chaos était alors intelligemment utilisé dans Dissidia pour lier tous les Final Fantasy entre eux, tout en se servant des origines même de la saga.

La mise en chantier du jeu nécessitait une autre tâche : donner une voix, une apparence (modélisée en 3D) et parfois une personnalité à certains héros. Si Cloud ou Tidus avaient déjà tous ces éléments disponibles, tout était à faire pour le Guerrier de la Lumière par exemple. Dans Final Fantasy I, les héros se limitent dans leur personnalisation à leur job, ne parlent pas, et dans la première version sortie sur NES, ne disposent que d’une couleur pour toute différentiation. L’équipe du jeu s’est donc basée sur les travaux préparatoires de Yoshitaka AMANO et ses illustrations de façon à développer une conscience aux personnages, des détails devenant des traits de caractère, Tetsuya NOMURA s’occupant d’adapter le chara-design d’origine comme à son habitude.
Portant un titre plus qu’un nom, le Warrior of Light (WOL pour les intimes) est le porte-étendard du jeu. Symbole de loyauté et de droiture, c’est le chevalier dévoué par excellence. D’autres personnages comme Firion disposaient déjà d’une personnalité, mais avaient besoin d’un attribut pour se distinguer des autres combattants. Le système d’armes de Final Fantasy II rendit Firion expert dans la maîtrise de toutes les sortes d’armes. Butz de Final Fantasy V emprunte, lui, les armes emblématiques des héros, et le Chevalier Oignon passe des jobs de Ninja à Mage Blanc lors de ses joutes.

Le résultat de ce travail de fond : chaque personnage dispose de son propre scénario, découpé en plusieurs chapitres où le joueur évolue sur un échiquier disposant de divers embranchements afin de combattre son antagoniste. Ajoutez à cela un scénario supplémentaire pour le mode difficile et vous obtenez plusieurs dizaines d’heures en perspective.

Durant les combats, les joueurs peuvent lancer une des multiples invocations, qui se limitent alors à une simple illustration apparaissant à l’écran et infligent une altération donnée, mais surtout collecter des cristaux afin de déclencher leurs Ex-mode. Sorte de Limit Break, ce mode peut renverser le cours de l’affrontement en améliorant les capacités du personnage, mais surtout en lui permettant de lancer une EX-burst. Cette attaque ultime est encore l’occasion d’enthousiasmer les fans puisque chaque héros aura une séquence de jeu lui étant propre.




Enfin, les affrontements débouchent sur un écran de victoire où l’on pouvait faire monter son personnage jusqu’au niveau 99 (débloquant alors une dizaine d’attaques) et récolter armes, armures, accessoires et objets faisant directement référence aux épisodes et à la saga.

Un jeu plein de difficulté…

10 ans après, le jeu franchit un cap et passe sur une console de salon. Cependant, l’arrivée du jeu se fait d’abord sur borne d’arcade au Japon, par une équipe créatrice différente de celle des précédents opus, et cela a certainement impacté le rendu final du jeu.

En effet, l’équipe de développement de Dissidia NT, n’est plus Square Enix (qui devient un simple éditeur du jeu), mais Team Ninja. Si la filiale de Koei Tecmo maitrise la création de jeux d’action, un tel changement promet un jeu différent. De plus, la sortie du jeu d’abord sur borne d’arcade a naturellement orienté Dissidia NT vers la forme classique d’un jeu de combat type Street Fighter. Et si ce n’est pas un souci en soi, car Dissidia NT est un jeu de combat avant tout, quel dommage d’abandonner tous les éléments RPG que l’équipe originale avait réussi à implanter !

Désormais, les personnages n’auront plus que 10 niveaux, la personnalisation des attaques se limitera aux attaques PV et les items et Ex-burst disparaissent. Là où le bât blesse peut-être le plus, c’est sur le mode histoire qui se cantonne en une succession de vidéos ponctuées de quelques combats et dans lequel vous ne pourrez évoluer qu’en récoltant des mémorias via des combats online ou offline. Ce Dissidia est donc un jeu complètement différent qu’il faut voir d’un œil neuf.

La prise en main du jeu est un véritable mur à franchir. Le système du 3 contre 3 (ensemble, et non pas au tour par tour) est assez innovant dans l’univers des jeux de combat, et tant que vous ne l’aurez pas assimilé, le champ de bataille vous semblera être un véritable foutoir.
On peut vite se retrouver paumé en plein combat, et même si les commandes peuvent paraître simples (une touche pour les attaques de bravoure, une touche pour les attaques de PV), être à 6 sur le même terrain complexifie beaucoup les choses. Et lorsque l’on se retrouve harcelé par un combattant d’un type ascendant au nôtre et que l’on se fait enchaîner sans rien pouvoir faire, cela devient vite punitif et frustrant.

DISSIDIA FINAL FANTASY NT

Des écrans de combats vite chargés en information.

L’autre problème de Dissidia NT, et qui se rapprocherait plus d’un ressenti, c’est son « montage ». Étant un jeu difficile à appréhender, il aurait été judicieux d’inciter le joueur à commencer par le mode histoire, additionné d’un tutoriel succinct en guise de prologue. Au lieu de cela, nous nous retrouvons devant un écran de sélection nous obligeant à partir en plein cœur de la bataille via l’arcade offline, ou le mode online, pour espérer obtenir quelques mémorias et ainsi avancer dans le scénario. Un tutoriel est bien-sûr disponible, mais peu de joueurs iront d’eux-même faire la longue liste fastidieuse de tutos pour apprendre les bases. Malgré ces tutoriels, le jeu est peu avare en informations et il faudra parfois chercher par soi-même comment marche l’aptitude Ex Unique de certains personnages pour en saisir les capacités.

Cette gêne dans le montage va se retrouver d’une autre manière dans le scénario. Si l’idée de créer plusieurs groupes de héros, explorant chacun le monde dans lequel ils sont arrivés, n’est pas mauvaise, l’ordre dans lequel sont données les informations perturbe la lisibilité de l’histoire à tel point que l’on finit par avancer sans trop comprendre ce qu’il se passe (comme les personnages finalement). C’est seulement sur la dernière partie du plateau, et en avançant dans les différents chemins que la sauce commence à prendre.

 

… et de promesses !

Concernant les changements apportés au soft, les invocations prennent maintenant le rôle des Ex-burst, et ce sont elles qui peuvent changer le cours d’un combat. Si les chimères se limitent au nombre de sept, c’est parce que chacune a tout un panel d’attaque et côtoie les combats durant près d’une minute. Toutes possèdent des effets qui leur sont propres, et leur sélection durant l’avant-match fait entièrement partie de la stratégie mise en place par l’équipe.

Les affrontements en équipe offrent également leur part d’inédit. Si les composantes RPG étaient présentes dans les interfaces lors des anciens Dissidia, nous les retrouvons ici dans les combats. Effectivement, les guerriers disposent de capacités permettant une multitude de compositions. Outre les quatre grandes classes Combattant, Assassin, Tireur et Spécialiste, leurs aptitudes Ex Unique peuvent avoir des effets bénéfiques sur leurs alliés, ou au contraire saper les forces adverses. Beaucoup de héros ont également une manière d’être joué spécifique, comme Butz qui renforce ses attaques à mesure qu’il les utilise, ou Garland qui gagne en puissance à chaque fois qu’il touche l’adversaire mais risque de perdre ses buffs s’il rate la cible.
C’est malheureusement toutes ces facettes, pourtant essentielles pour comprendre pleinement le fonctionnement de chaque personnage, qui manquent d’explication durant le jeu. Dissidia se révèle extrêmement riche dans la mise en place de ses combats, que ce soit avant la bataille avec la composition de l’équipe et des compétences attribuées, que durant l’affrontement avec le placement de chacun sur la map, l’activation de pièges et la maitrise de son moveset. Il serait urgent d’implanter dans une future mise à jour un mode entrainement pour chaque personnage afin d’apprendre à les maitriser, et surtout dévoiler tout le potentiel du jeu !

DISSIDIA FINAL FANTASY NT

Les subtilités du gameplay ne se limitent pas qu’à ça, mais les indications sont rares.

Une fois les subtilités du gameplay intégrées, le jeu commence à se débrider et permet au joueur de profiter du contenu : les trésors glanés nous offrent nos premiers objets cosmétiques (dont il est très plaisant de voir le travail effectué sur les armes alternatives), le mode offline s’étoffe de nouveaux programmes et le mode histoire se densifie avec les combats d’invocation et la montée du rang de nos IA alliés (qui se battront mieux à nos côtés à mesure que nous progressons). C’est alors un plaisir que de voir nos tactiques réussir et les combats gagnent en lisibilité.

Notons également que le jeu se veut avant tout collaboratif, l’expérience peut donc être d’autant plus enrichissante lors d’une partie avec deux amis où tout le monde maîtrise son personnage, et où les stratégies se mettent en place en temps réel via des micro-casques ! Plus qu’un jeu de combat, l’éditeur décrit Dissidia comme un strategic team-based battle.

Enfin, la qualité indéniable que l’on devra reconnaitre au jeu, c’est sa beauté ! Dignes d’un épisode numéroté, les cinématiques vous montreront vos héros préférés sous un nouveau jour. C’est avec une joie renouvelée que l’on s’émerveillera de voir Sephiroth affronter en duel Lightning ou Butz et Squall faire équipe contre le puissant Jecht. Mais c’est surtout encore une fois l’occasion pour les amoureux de la licence de voir les épisodes des ères NES et SNES mis en lumière. Quel dommage ce serait que de ne pas en profiter quand on voit comment Firion, L’empereur ou le Warrior of Light sont charismatiques, le plaisir de voir Kefka taquiner Ex-Death ou Santhotto prendre de haut Cecil.

 

Tout d’abord, il nous faut adresser un message aux joueurs des opus sortis sur PSP en 2008 et 2011. Ce n’est plus le même jeu ! Dans l’hypothèse où ce serait la nostalgie qui vous motive, et la récompense d’une attente longue de 7 ans afin de voir enfin le Dissidia que vous connaissiez sur console de salon, vous risquez d’être déçus.

Si vous vous êtes résolu à cette idée, ou si vous est néophyte des Dissidia, un autre cap reste à surmonter : les premières heures de jeu. Le rodage est long, et le jeu ne montre ses possibilités qu’à force d’acharnement. Mais comme tout effort, la récompense est là. S’offre alors à vous un jeu extrêmement beau (la cinématique de fin vaut son pesant de cacahuètes, encore bravo au studio Visual Works !), au système de combat atypique, et dans lequel vous pourrez prendre plaisir à perfectionner la composition de vos équipes et vos stratégies.

En attendant le futur Season Pass qui viendra ajouter 6 nouveaux personnages, vous pouvez suivre l’acualité du jeu sur la page du jeu, où l’éditeur à déjà dévoilé la prochaine map à être implémentée : il s’agira du Monastère d’Orbonne de Final Fantasy Tactics.

 

Ce test a été réalisé à partir d’une version PS4 de Dissidia NT fourni par Square Enix.

Visuels : © Koei Tecmo Games/Square Enix Co. LTD All Rights Reserved.
Character Design Tetsuya Nomura
Illustration © 2017 Yoshitaka Amano

Olivier Benoit

Présent sur Journal du Japon depuis 2013, je suis un trentenaire depuis longtemps passionné par l'animation traditionnelle, les mangas et les J-RPG. J'écris dans ces différentes catégories, entretiens également la rubrique hentai, et gère le pôle gastronomie. J'essaie de faire découvrir au plus grand nombre les choses qui me passionnent. @oly_taka

1 réponse

  1. 6 mars 2018

    […] Le 1er février avait lieu la première édition du K-Day, rencontre presse gaming mise en place par l’agence de presse Koch Media en partenariat avec Square Enix. À cette occasion, Journal du Japon a pu tester plusieurs titres à venir donc Attack on Titan 2 et Dissidia Final Fantasy NT, dont vous pouvez découvrir le test ici. […]

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