Tenchi Garaku, une fusion moderne et millénaire

Japan Expo, ça n’est pas que des mangas, de l’anime et du cosplay. Pour preuve, cette année, l’organisation du salon a particulièrement mis l’accent sur les événements culturels, en mettant en place des expositions, des représentations et des concerts dédiés aux arts traditionnels du Japon, tels que le théâtre kabuki, l’art du combat des ninjas, le tambour taiko ou la musique « gagaku »:http://fr.wikipedia.org/wiki/Gagaku.

Le groupe « Tenchi Garaku »:http://www.tenchigaraku.com/profile.html s’est ainsi produit en concert sur la scène culturelle, nous faisant découvrir leur fusion de musique traditionnelle et moderne. L’ensemble a été formé il y a dix ans par des kannushi (prêtres) et miko (prêtresses) de la religion shinto, autour de Kazuya Kujime, compositeur, et lui-même issu d’une famille de musiciens dévoués au shinto.

Tenchi Garaku - Photo Patrick M.-

Ainsi que nous avons pu le vérifier sur scène, leur musique, qu’ils appellent « progressive gagaku », est un cross-over de musique traditionnelle et contemporaine : venus de la longue tradition du gagaku, musique jouée depuis plus de 1000 ans dans les temples, ils ont opéré une étonnante fusion avec la pop, jusqu’à collaborer ponctuellement avec le célèbre Ryuichi Sakamoto, dont ils ont inscrit certaines compositions à leur répertoire.

Le résultat ? Un mélange inattendu de styles, que l’on peut en effet qualifier de progressif, mêlant instruments modernes (claviers, guitare, batterie) et anciens (flûte ryuteki, hautbois hichiriki et orgue à bouche shô), qui n’est pas sans rappeler certaines compositions de Joe Hisaichi ou de Yoko Kanno. C’est leur troisième visite à Paris, après avoir joué en 2009 à Japan Expo et en 2011 à la Fête de la Musique.


Tenchi Garaku et Ryuichi Sakamoto : Tong Poo ou Tong Pô

Afin d’en savoir plus, nous avons rencontré les membres du groupe avec leur maître spirituel, le révérend Yoshinobu Miyake, supérieur du temple « shinto d’Izuo »:http://www.relnet.co.jp/izuo/index.htm (Osaka). Surprise, le sensei maîtrise parfaitement la langue de Shakespeare, ce qui a grandement facilité l’entretien et permis d’aborder des sujets autant musicaux que spirituels… Extraits choisis :

 

Un art millénaire

« Nous sommes tous ici originaires de familles dévouées depuis longtemps à la tradition du gagaku, que nous transmettons de génération en génération, dans le respect de la religion shinto. En outre les membres de Tenchi Garaku ont étudié le jazz, le classique et les musiques modernes dans des écoles musicales supérieures. Tenchi Garaku a donc logiquement intégré toutes ces influences dans leur musique. »
« Mais Tenchi Garaku ne sont pas que des musiciens : ce sont des pratiquants du shintoïsme, et leur inspiration est empreinte de notre spiritualité. La question qui se pose à nous, est comment transmettre cette tradition à un public moderne. »

Tenchi Garaku -Photo Patrick M.-

 

Modernité et tradition

« Il y existe plusieurs traditions du gagaku. En tant que musique de cour, elle est toujours pratiquée au sein de la Cour Impériale, et il y a aussi une pratique liée au culte bouddhiste. Ces pratiques sont très codifiées. Tenchi Garaku est le seul groupe de gagaku qui allie les instruments modernes et les instruments anciens. Pour nous, le gagaku ne doit pas rester figé, notre but est de le transmettre tout en le régénérant au contact des autres styles du monde, la musique occidentale moderne, les musiques africaines, etc… Ce renouvellement, c’est une démarche typique du shinto : par exemple, notre plus célèbre temple est « celui d’Ise »:http://www.isejingu.or.jp/, il remonte aux origines, et pourtant il est intégralement reconstruit tous les 20 ans. Il en va de même pour nos rites et notre musique. »

Tenchi Garaku

 

« Au Japon les partitions sont conservées par les familles de musiciens, qui se les transmettent de génération en génération. Quand ils jouent dans les temples, les musiciens restent très respectueux des textes anciens. Mais le public moderne, surtout les jeunes, ne sont pas familiarisés avec le style ancien. C’est donc lorsqu’ils jouent dans des salles de concert, des festivals, comme ici à Paris, que Tenchi Garaku propose des compositions originales avec des arrangements modernes. » 

 

Les instruments

L’entretien se termine par une présentation des instruments anciens :
– le hichiriki, sorte de hautbois, est joué par Kazuya Kujime (également pianiste). Il est fait de bambou laqué et de cerisier. Il produit un son très clair et puissant. Il symbolise la Terre et les êtres humains.

Tenchi Garaku

– le ryuteki est une flûte traversière, dont les trous ne sont pas entièrement fermés par les doigts du musicien. Ceci permet un jeu souple et chromatique très varié. Le ryuteki symbolise le dragon qui vole entre la Terre et le Ciel.

Tenchi Garaku

– Le shô est un orgue à bouche, d’origine chinoise. Il rassemble 17 tubes de bambou, et produit un son légèrement nasillard, proche de l’harmonica. Il symbolise le Ciel.

Tenchi Garaku

En aparté, alors que nous quittons la salle d’interview, Kazuya Kujime me montre sur son smartphone (eh oui ! Modernité et tradition, on vous dit !) une vidéo d’un reportage dont ils ont fait l’objet pour la NHK World. Vous pouvez la regarder ci-dessous.

Incidemment, j’aperçois aussi une galerie de photos où le révérend Yoshinobu Miyake est en compagnie du Dalai Lama, ou de Benoît XVI… Histoire de bien nous rappeler que leur groupe s’inscrit dans une démarche avant tout spirituelle. Bien loin des cris et de la fureur habituelles à Japan Expo…

Pour plus d’informations, rendez-vous sur le « site officiel »:http://www.tenchigaraku.com/ de tenchi garaku, vous pourrez notamment découvrir « leur discographie »:http://www.tenchigaraku.com/discography.html. Le groupe dispose également d’une « page Facebook »:https://www.facebook.com/tenchigaraku?fref=ts.

Photo Patrick M. ©journaldujapon.com – Tous droits réservés »

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