Fin de L’habitant de l’infini

L'habitant de l'infini tome 30

L’habitant de l’infini, c’est une histoire de 20 ans. 20 ans d’âge, comme le bon whisky japonais. 20 ans, dit-on, comme le plus bel âge de la vie. On imaginait alors facilement le récit de Manji, transporté par une aventure d’une telle envergure épique, d’une telle beauté intemporelle et d’une telle force dramatique. Manji, ce rônin immortel, errant sur les routes du Japon pour expier ses crimes, perdurer encore longtemps, à la manière des chansons de geste, qui racontait par le passé les exploits légendaires, héroïques des rois et des chevaliers.
En Février 2013, malgré tout, la série la plus populaire d’Hiroaki Samura – publié depuis 1995 chez Casterman et depuis 1996 aux États-Unis chez Dark Horse – trouvait sa conclusion dans la publication du trentième tome chez l’éditeur japonais Kôdansha. Et le fidèle passionné de se rendre fatalement à l’évidence. Le décalage entre nos deux pays ne repoussant que temporairement la date fatidique, les lecteurs français apprenaient le 5 mars dernier la sortie de l’ultime volet d’un monument du manga.
Marqué à ses débuts – comme la plupart des artistes de sa génération – par l’œuvre de Katsuhiro Otomo (Akira), Hiroaki Samura est encore étudiant à l’école des Beaux-arts de Tama lorsqu’il soumet à Kôdansha les toutes premières pages de L’Habitant de l’infini, qui seront publiées dans le prestigieux mensuel Afternoon en août 1993. Célébré depuis ses débuts pour le raffinement de son dessin, Samura y excelle dans la reconstitution des tableaux de mœurs de la longue et tumultueuse époque Edo (1603-1867), mais également pour la description, incroyablement dynamique, des combats à l’arme blanche, qui culminent lors de fresques majestueuses à la poésie barbare. Élégance, sensibilité, violence inouïe et tourments d’une culture, d’une esthétique et de valeurs ambivalentes mais néanmoins fascinantes.

 
L’Habitant de l’infini est une série qui s’est illustrée avant tout par son style. Un style graphique, d’abord, qui a su marquer dans le temps tout un lectorat féru du genre Chambara. Dessiné exclusivement à l’encre de chine – sans aucun traitement numérique -, l’Habitant de l’infini a toujours possédé ce trait sombre et esquissé, reconnaissable entre tous. Avec un souci du détail rarement égalé – des corps, des visages, des expressions, des habillements et des décors – et un art du découpage scénique incomparable, le dessin de Samura ne lasse pas de nous surprendre encore. On se plaisait à contempler au début, en fin d’ouvrage et à chaque chapitre, un dessin unique, une composition, parfois teintée d’étrangeté qui n’avait rien à envier à la peinture ou à l’illustration, et qui savait se démarquer de la simple planche de manga produite en batterie.

Enfin, l’un des plus grands effets de style de la série tenait à son langage. En mélangeant une dizaine de styles linguistiques différents, du genre soutenu au genre familier, du japonais ancien – parlé il y a trois siècles – aux dialectes typiques des punks japonais, Samura réalisait une synthèse poussée et incroyable entre deux pans fondamentaux de la culture japonaise : tradition et modernisme. Quoique si peu rendu dans sa version française – contrairement à son édition américaine – cet effet expliquait en partie le succès retentissant de la série. Singulière, intrigante, proche de la jeunesse actuelle, terriblement addictive, L’Habitant de l’infini était une série proprement magistrale.


Un chapitre se clôt en beauté sur le destin croisé de nos héros. La neige alentour, rougie par le sang des uns et des autres. On pourrait suivre encore longtemps les traces sur le chemin du samouraï légendaire – on le désirait. On attendrait à l’infini un nouveau cycle, une nouvelle route et de nouvelles aventures. Un voyage fait de rencontres, de personnages nébuleux, de figures attachantes et profondes, de confrontations motivées par la vengeance, par le passé, par la valse des alliances, par le goût de la mort où chaque victoire coûterait une partie de soi, de parenthèses enchantées, de tendresses fraternelles, de quelques respirations offertes à l’existence frénétique de l’habitant de l’infini.

Ici bas,
Vivre sept fois,
Mourir huit


Résumé : Samouraï sans maître errant sur les routes du Japon Médiéval, Manji est immortel. Afin d’expier les crimes commis lorsqu’il était au service d’un seigneur cruel, il porte en lui un mystérieux ver qui guérit ses plus terribles blessures ; il ne recouvrira sa mortalité qu’après avoir occis mille scélérats. Son chemin croise alors Lin, une jeune femme en quête de vengeance.

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