[Interview & Live Report] Sukekiyo : Un groupe voué à s’IMMORTALIS-er

Le 17 septembre dernier, Journal du Japon a pu s’entretenir avec Yuchi (basse) et utA (guitare) du groupe Sukekiyo à l’occasion de leur date parisienne au Divan du Monde. Ce nouveau projet de Kyo de Dir En Grey est composé de Kyo lui-même au chant, de Takumi (ex-RENTRER EN SOI) et utA (ex-9GOATS BLACK OUT) à la guitare, Yuchi (ex-Kannivalism) à la basse, ainsi que Mika (ex-RENTRER EN SOI) à la batterie. C’est dans un style épuré et pourtant très personnel que le groupe se livre à nous, fidèles à ce mouvement particulier qui traverse leurs chansons : peu de mots, car l’essentiel est entre les lignes, dans l’émotion.

Photo par Lolu Photography

Ce qu’est Kyo, pour Sukekiyo

Bonjour les gars ! Alors dites-nous, comment vous sentez-vous à quelques heures du concert ?
Yuchi : C’est le 3ème concert de cette tournée européenne et en Russie nous étions très nerveux. Pour celui-là, nous sommes plutôt calmes, cool. En Russie, c’était la première fois que nous y allions, et c’était le premier concert de la tournée. Nous ne savions pas vraiment à quoi nous attendre, mais après le concert je me suis dit que c’était comme lorsque nous jouions au Japon, ce n’était pas vraiment différent au niveau de la réponse du public, et notre façon d’être sur scène. Après la Russie, nous avons fait la Finlande, nous avons été capable de corriger les petits détails que nous avions relevés, c’était notre but. Après quoi, ça a été. Ce n’est pas aussi choquant que ce à quoi nous nous attendions pour une première fois.

Est-ce que Sukekiyo est un moyen de parfaire votre carrière ? La mener à un stade supérieur ? 
utA : Aucun de nous ne sait où nous allons actuellement, c’est la même chose pour Kyo lui-même d’ailleurs. Ce n’est pas un début, ni une fin, c’est en réalité ce que nous voulons faire en ce moment, et voir où ça nous mènera.

Kyo © Lolu Photography

Votre mot d’ordre est « faites ce que vous voulez », vous venez de le dire. Qu’est-ce qui fait que le groupe fonctionne malgré ça, et que la seule chose que vous ayez eu à discuter était la durée de l’album ?
Yuchi : Bien sûr, nous avons chacun des choses que nous voulons faire, des idées, des opinions … Mais la tête pensante de Sukekiyo, c’est évidemment son leader, Kyo. Nous ne faisons souvent que le suivre. Mais il arrive que nous discutions de certains points en disant « Hey, nous faisons ça en tant que Sukekiyo ! » à Kyo. Nous prenons les discussions de façon cool, et arrivons à nous entendre. Mais le fait que nous n’ayons jamais travaillé ensemble a fait qu’au début, nous nous demandions comment nous pourrions y arriver, et puis au final ça s’est bien passé. Mais de façon générale, nous travaillons ensemble, sous la coupe de Kyo.

Qu’avez-vous appris des autres membres du groupe ? Après toutes ces années de carrière, il y a-t-il eu une chose que vous ayez « finalement » reçue ?
Yuchi : Pour le line-up par exemple, Kyo est celui qui nous a choisi, et tout le monde a quelque chose qu’il peut apporter au groupe, je suppose. Nous avons tous de bonnes choses. Et bien sûr, nous apprenons beaucoup les uns des autres, chaque jour, que ce soit des autres ou du projet en lui-même. C’est un processus qui est en marche pour l’instant, pour nous connaître mieux nous-mêmes, connaître les autres, et apprendre des autres.

« La musique commence là où s’arrête le pouvoir des mots. » (Richard Wagner)

Des chansons telles que hemimetabolism ou Uyuu no Sora par exemple ont très peu de paroles pour une durée d’environ 4 minutes. Est-ce un moyen de s’abstraire de la matérialité, pour atteindre directement l’âme ? Est-ce lié aux influences bouddhistes que vous avez ? Car dans le Bouddhisme, ou encore l’art contemporain, la matière est considérée comme mauvaise, et il faut s’en échapper. Est-ce ici ce processus ?
Yuchi(regarde utA avec de grands yeux) : Pour être honnête, oui. Ce concept de ne pas être trop ancré dans la matérialité pour atteindre directement l’âme est présent dans notre travail. Seulement, je dirais que ce n’est pas seulement dans ces deux chansons, mais dans toutes nos musiques de façon générale. Nous avons réalisé que tout ce qu’il se passait avec Sukekiyo n’était pas limité aux seuls mots, c’est beaucoup plus que ça. Ils sont à la limite juste utilisés comme des médiateurs pour faire passer un sentiment supplémentaire. Tout ce qui se joue dans Sukekiyo est de cet ordre, même lorsque nous sommes sur scène, vous savez. Mais réellement, oui, c’est quelque chose de présent dans tout l’album.

Alors pour vous, ce qui se joue en musique se trouve dans les oreilles, de l’intelligence, ou de l’âme? utA (acquiescé par Yuchi) : De l’âme, il n’y a aucune question à se poser là dessus ! (rires)

Pensez-vous que la musique est un moyen de Salut?
Yuchi :Selon moi, c’est encore plus que quelque chose qui est de l’ordre du Salut. Pour moi, c’est vraiment toute ma vie, toute ma vie est à propos de la musique. C’est quelque chose qui m’a élevé, fait grandir, quelque chose à quoi j’appartiens. Donc placer la musique en Salut serait la réduire par rapport à ce que c’est pour moi.

Où trouvez-vous votre inspiration ?
utA : Il y a tellement de choses, je ne pourrais pas tout dire ! Un peu de tout, pour faire simple. (rires)

Scars like velvet

Est-ce qu’il y a quelque chose que vous regrettez de votre carrière ?
Yuchi : (rires) Évidemment, si nous devions tout lister, il y aurait une tonne de petites choses, de détails, que je regretterais dans ma carrière, dans ma vie, et je pense que ça vaut pour tout le monde … Mais je sens que si je commençais à regretter toutes ces choses, ce serait une erreur, car ce sont elles qui m’ont construit tel que je suis aujourd’hui. Je n’aurais sans doute pas pris les mêmes chemins. Ce serait un non-sens, donc je pense qu’il vaut mieux ne rien regretter.

Pensez-vous que beaucoup d’artistes aujourd’hui sont encore capable de faire de la musique honnêtement, sans être trop corrompu par l’aspect industriel ? Que pensez-vous de la nouvelle scène musicale au Japon ?
utA : La question n’est pas tellement de savoir qui fait quelque chose de bien ou qui fait quelque chose de mal. De mon point de vue, il y a beaucoup de personnes qui font des choses cools, et se retrouvent sur le devant de la scène, tant mieux ! Lorsque ça se passe dans ce sens, je pense que ce n’est pas le mauvais chemin à prendre, de tomber dans le mainstream. Après, concernant la scène japonaise elle-même, elle est très différente du reste de l’industrie musicale. Nous avons par exemple les idoles, qui n’existent nulle part ailleurs dans le monde. Ce n’est pas mon style musical, mais ça marche plutôt bien, et je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose, que ce soit musicalement, ou du fait que ça marche.

Est-ce qu’il y a une chanson que vous conseilleriez à quelqu’un qui ne connaît absolument pas Sukekiyo, pour vous découvrir ?
Yuchi : Je dirais Zepher ou Mama. Je pense que ce n’est peut-être pas celles qui représentent le plus Sukekiyo, mais je pense qu’elles seraient plus faciles pour quelqu’un qui n’est pas familier avec ce type de musique.

 7_nojdjPhoto par Lolu Photography

La musique à l’état de grâce

Un live de Sukekiyo, c’est plus qu’un concert. C’est une expérience mystique. N’attendant pas grand-chose de cette soirée, votre servante en a été toute retournée, subjuguée par une prestation qui tenait plus du voyage initiatique vers des contrées musicales lointaines et exaltées. A peine entré sur scène, le groupe impose déjà une prestance certaine, adoubé d’un Kyo plus mystérieux et plus fervent que jamais. Une ferveur totalement dédiée à sa musique, viscérale, poétique, qui pénètre notre conscience dès les premières notes.

Takumi © Lolu PhotographyTantôt caressante, tantôt âcre, parfois bestiale, presque organique, toujours sensuelle, la voix de Kyo coule sur nos cœurs, limpide, cristalline. Les compositions, parfois plates et sans relief sur album (la faute à une production trop lisse) prennent ici leur envol et donnent tout son sens à cette formation aux membres hétéroclites. Le corps est là, l’esprit est loin, happé dans ce monde d’une finesse sans pareille. Voix et musique s’entremêlent, font l’amour, se battent et s’entredéchirent pour mieux se retrouver … c’est un condensé de la vie qui s’exprime. Les yeux se ferment, l’âme vibre à l’infini. De la douceur à la brutalité, la musique de Sukekiyo est sans concession. Le public, bouche bée, peine à réagir, mais le silence, religieux, est éloquent : les mots et les cris ne sont pas suffisant pour exprimer ce qu’il se passe intérieurement. Certains, et on les plaint, sont passés à côté de cette prestation, s’attendant certainement à un ersatz de Dir en Grey. Ceux-là n’ont rien compris. Sukekiyo est une entité à part entière, non pas cinq membres de différents groupes, mais un tout portant haut et loin la musique japonaise. Et un simple mot est venu à notre esprit à la sortie : merci.

 

Photo par Lolu PhotographyPhoto par Lolu Photography

 

Setlist :
destrudo
elisabeth addict
aftermath
latour
nine melted fiction
the daemon’s cutlery
Nouvelle chanson
hidden one
zephyr
scars like velvet
hemimetabolism
uyuu no sora
304 goushitsu, shita to yoru
vandal
madaraningen
kugui
mama
in all weathers

Remerciements au groupe pour sa disponibilité, ainsi qu’à Nora de Gan-Shin pour son superbe travail et sa gentillesse.

 

Interview : Aurélie Renault & Tatiana Chedebois

Live report : Laure Ghilarducci

3 réponses

  1. Ringh dit :

    Ah merci! Merci pour cet article et merci de retranscrire le concert comme je l’ai vécu ! J’ai eu énormément de mal à comprendre les gens venus pour voir un concert de DEG… Je les adore, pas de souci, mais c’est juste pas la même chose! Et puis les commentaires à la sortie… Apparemment des gens pensaient faire du headband tout le long… Sur aftermath ça me semble compliqué de s’énerver.
    Moi j’avoue j’ai adoré, c’était effectivement quasi-mystique.
    Ce Kyo est peut être egomaniac… Mais quel talent !

  1. 1 janvier 2015

    […] :Retrouvez notre interview ainsi que notre live report de cette superbe […]

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