[Portrait] Rencontre avec Dreamy, dessinatrice et japonophile dans l’âme

Dans l’esprit de ses portraits d’artistes, Journal du Japon vous présente ce soir la jeune artiste française Dreamy. Passionnée par le Japon comme par le dessin, elle a su allier les deux et visiter ce pays à plus d’une reprise. Elle revient avec nous sur son parcours et ses aspirations, toujours bercées par le pays du soleil levant.

Illustration DDes crayons à la main après l’école

Journal du Japon : Pourrais-tu nous dire où tu as appris à dessiner ?
Dreamy : Je suis née en 1985, génération Club Dorothée donc, et j’ai appris toute seule en regardant Sailor Moon, Ranma 1/2, Fly et compagnie. Je ne dessinais pas plus que ça, du moins comme tous les enfants, mais j’ai eu un déclic en regardant Sailor Moon. Je trouvais ça super beau, ça ne ressemblait à rien de ce que je voyais d’autre à la télévision à cette époque, j’ai tout de suite adoré et j’ai eu le besoin de le reproduire. J’enregistrais alors tous les épisodes sur VHS (nostalgie), je faisais pause, et je dessinais ce que je voyais à l’écran, c’est comme ça que j’ai appris.

Petit à petit, j’ai découvert d’autres œuvres et je me suis dit : « J’aime bien les yeux d’untel, les cheveux d’un autre… » C’est comme ça qu’on crée son propre style, en piochant dans ce qui nous plaît et en mélangeant l’ensemble. Je compare souvent ce procédé à celui de Tarantino : il va prendre du De Palma, des westerns et il fait sa sauce avec tout ce patchwork.

Tu n’as donc pas pris de cours de dessins ?Dreamy 02
Je n’ai jamais pris de cours à proprement parler. J’ai bien fait une école d’art après mon bac, mais je ne sais pas si c’est vraiment là-bas que j’ai peaufiné ma technique de dessin, car j’avais déjà un style bien à moi à ce moment là.
En fait j’étais plutôt là-bas pour faire de l’animation, mais la 2D c’est super minutieux et j’ai décroché. Il faut être très patient et vraiment passionné par ça pour passer tout son temps à rectifier un plan frame par frame. Quand on a abordé la 3D dans le cursus, ça a été une vraie douche froide. Je trouve ça trop technique, dans le sens où si tu veux changer un truc c’est via des chiffres et des formules, et ça ne me parle pas. Alors que sur papier, t’as juste à gommer ou à redessiner.

Et puis je ne sais pas si c’est toujours le cas aujourd’hui, mais le manga n’était pas très bien vu dans ces écoles. J’avais des amis qui rentraient aux Gobelins ou à Supinfocom, et si tu disais « manga » c’était mal parti. Mais c’est peut-être aussi dû à l’image qu’ils veulent renvoyer, ça ne rentre pas dans les critères. Maintenant, il y a des écoles de mangakas, les choses ont beaucoup évolué.

Les voyages forment la jeunesse

Ton activité en tant qu’artiste a commencé quand ? Avec la préparation de ton voyage au Japon ?
Après mon diplôme de Motion Design, j’ai eu la chance de travailler tout de suite. J’ai enchainé les boulots dans le dessin animé, dans le jeu vidéo et dans l’audio-visuel (générique TV). J’étais intermittente et je suis allée de prod en prod pendant 2~3 ans.
Même si ça n’était pas stable et que ce n’était pas clairement du dessin (juste de l’habillage, des éléments graphiques, etc.) j’étais malgré tout contente de bosser dans mon domaine d’activité.

Et puis durant une période, sûrement vers 2010, beaucoup de mes amis sont partis à l’étranger et je me suis un peu retrouvée toute seule. Je suis allée voir deux d’entre eux qui étaient en working holiday au Japon, juste pour deux semaines, et j’ai tellement aimé que j’y suis retournée après pendant deux mois.
Je ne connaissais pas du tout ce visa très intéressant alors j’ai décidé de faire pareil et de créer le blog Nani-Nani pour en parler. C’était la mode des blogs-BD et ça faisait des années que ça me trottait dans la tête d’en faire un, mais je n’avais rien à raconter. Là j’avais un fil conducteur. En plus les expatriés font souvent un blog pour partager leurs expériences.

Je suis donc partie en 2012 pendant un an. Sur mon blog, on peut trouver des anecdotes du quotidien, mes goûts, mes amis… Je romance un peu les choses que j’ai vraiment vécu à certains endroits du Japon, du coup je me documente en même temps. C’est un plaisir de découvrir en voyageant, et en même temps dans ma tête je sais que je vais en faire quelques chose. Donc je prends des notes, des photos, et je cherche des infos à exploiter pour adapter ça en BD.
Depuis que je suis revenue du Japon, j’y vais au moins une fois par an, que ce soit pour les vacances ou pour le boulot. Car je ne sais pas si c’est dû à mon réseau, mais j’ai réussi à travailler plusieurs fois avec des Japonais.

Et ce fût le début de ta carrière sur internet.
Petit à petit, le blog m’a fait connaitre. Le site Ici-Japon m’a offert une bonne pub et Yasumi de Candy-san, pour qui j’ai fait la mascotte et divers éléments graphiques, également. Ça m’a bien boostée niveau visibilité et au fur et à mesure j’ai eu des occasions. J’ai ainsi pu faire le Festiblog, qui est la grand-messe des blog-BD. J’y allais déjà en tant que visiteur, mais là j’étais carrément invitée, donc c’était une vraie étape d’être de l’autre coté de la table de dédicace.

Dreamy - tamagoyakiEnsuite il y a eu ta première publication, chez Ankama.
Oui, c’était une super opportunité et j’avoue avoir été aidée par la notoriété de ma co-auteure, qui est Nathalie Nguyen, la finaliste de Master-Chef.

Elle venait de finir de tourner les émissions, on en avait déjà une idée en tête toutes les deux. On s’était dit « Tu vas me donner une recette japonaise, moi j’en fais une BD et on publie ça tous les jeudis en même temps sur nos blogs respectifs à la suite de la diffusion. »
Comme ça les gens qui regardent l’émission et qui aiment bien Nathalie sont redirigés vers nos blogs. Tous les jeudis on avait d’énormes pics de visites car c’était en plein dans la mode de la cuisine.

Les gens nous on dit en plaisantant : « Mais quand est-ce que vous faites un bouquin ? » On s’est finalement dit pourquoi pas, et comme elle était à l’apogée de sa popularité, ce n’était pas difficile d’avoir un éditeur. On s’est dirigées vers Ankama car on est des joueuses de Dofus et que je suis fan de Maliki. On a réussi à les voir, ils étaient intéressés et ça s’est fait. Ce fut une autre grande étape de franchie.

Après Nathalie Cookbook : Reine de la tambouille, j’ai participé à Kokekokko !, avec Alex et Delphine des éditions Issekinicho. Là c’était complètement axé Japon, puisque c’est un collectif d’auteurs qui y ont vécu ou qui y vivent encore, et qui sont passionnés par ce pays. C’était vraiment un super projet, je me demande même si ça s’est déjà fait par le passé ou non. En tout cas, c’est un cercle où on se connaît tous un peu, au moins par le web, et c’était une super idée de tous nous mettre dans ce livre.

Aujourd’hui, je réussis à vivre du dessin, c’est mon activité principale, mais je ne peux plus alimenter mon blog comme avant. C’est un peu triste parce que je me suis un peu arrêtée en cours, et les gens me demandent souvent de le reprendre en main.

Back to Japan

Dans les illustrations que tu postes sur tes différents réseaux sociaux, on voit beaucoup de chose : Perfect Blue, Evangelion, Street Fighter ou encore Final Fantasy… Quelles sont tes références en matière de J-loisirs ?
J’ai beau avoir commencé avec Sailor Moon comme je le disais tout à l’heure, je ne regarde quasiment plus d’anime aujourd’hui. Mes références vont donc surtout venir du jeu vidéo, car j’ai toujours aimé ça et j’ai toujours joué, de l’Amiga à la Saturn en passant par la Playstation. C’est à la mode en ce moment donc j’en profite pour poster des dessins autour de cet univers.

Lorsque je décide de filmer un dessin pour le poster sur Youtube, je fais tout le montage et je choisis une musique. Parfois, j’ai déjà la musique qui va aller avec le personnage et ça me conditionne.
Pour Chrono Cross par exemple, j’avais tellement la musique dans la tête que j’ai fait un dessin rien que pour aller avec (rires).

Evangelion c’était autre chose : je déteste les mecha, c’est pas du tout mon truc, mais c’est aussi un exercice que je m’impose pour ne pas rester dans ma zone de confort et m’obliger à dessiner autre chose que des jolies filles.

Quels sont tes futurs projets ?
Je repars pour le Japon le 27 août 2015, cette fois-ci pour apprendre la langue en tant qu’étudiante dans une université. Ça fait déjà deux ans que j’apprends chez moi, et l’erreur que j’ai faite en 2012, comme beaucoup, a été de rester avec des français expatriés. C’est une erreur que je n’ai pas envie de refaire. C’était trop frustrant d’être entourée au quotidien par la langue, de l’entendre mais de ne pas la comprendre, alors j’ai pris des cours quand je suis rentrée. Je l’ai un peu fait à l’envers (rires).

Cependant, je trouve que ça ne va pas assez vite car je ne le pratique pas, et je voudrais l’utiliser pour mon boulot. Le peu de japonais que je peux pratiquer actuellement se résume à sujet-complément-verbe. Puisque je suis freelance, je n’ai pas de limitation géographique, donc c’est certainement le moment ou jamais de partir là-bas.
Pour l’instant, je me suis fixée sur un an, mais je peux renouveler si besoin car ce sont des sessions de 6 mois.

Tu vas donc passer le fameux JLPT ? (NDLR : Japanese Language Proficiency Test)
Oui, c’est un diplôme national que l’on peut passer une fois par an et qui est reconnu à l’étranger. Il y a cinq niveaux, et là par exemple après deux ans, j’ai passé le premier niveau (niveau V). En allant là-bas, j’aimerais pouvoir passer le III. A ce niveau, on n’est pas encore bilingue, mais on comprend tout ce qui est quotidien, et on se fait bien comprendre. Pour information, afin de travailler dans une société japonaise, il est nécessaire d’avoir le niveau II, ce qui signifie d’être quasiment bilingue.

Je me rends difficilement compte du temps que ça va prendre, donc je pars pour un an, mais je pourrai peut-être prolonger à deux ans. Ça dépendra aussi de si j’ai besoin de travailler sur place ou non.

En tout cas, nous te souhaitons bon voyage.

 

Si vous souhaitez suivre les travaux de Dreamy, rendez vous sur sa page Facebook et sur son compte Youtube. Le blog Nani-Nani est également là pour vous fournir des explications sur les voyages aux Japon et recèle de nombreux conseils utiles.

Remerciements à Dreamy pour avoir pris le temps de répondre à nos questions.

Olivier Benoit

Présent sur Journal du Japon depuis 2013, je suis un trentenaire depuis longtemps passionné par l'animation traditionnelle, les mangas et les J-RPG. J'écris dans ces différentes catégories, entretiens également la rubrique hentai, et gère le pôle gastronomie. J'essaie de faire découvrir au plus grand nombre les choses qui me passionnent. @oly_taka

3 réponses

  1. Sôsuke dit :

    Super portrait où j’ai appris pas mal de trucs. Bonne chance à elle, c’est un milieu difficile.

  1. 22 janvier 2016

    […] Delfine et Alex ont créé un album collectif au sein de la maison d’édition Issekinicho et sorti un livre qui s’appelle Kokekokkô. Cela veux dire cocorico en japonais. On y retrouve leurs dessins, mais aussi ceux d’autres artistes dont ils connaissaient déjà les travaux, comme Florent CHAVOUET ou Dreamy. […]

  2. 23 mars 2020

    […] Delfine et Alex ont créé un album collectif au sein de la maison d’édition Issekinicho et sorti un livre qui s’appelle Kokekokkô. Cela veux dire cocorico en japonais. On y retrouve leurs dessins, mais aussi ceux d’autres artistes dont ils connaissaient déjà les travaux, comme Florent CHAVOUET ou Dreamy. […]

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