Manga : la revanche des moches ?

Après des héroïnes toutes plus belles les unes que les autres mais pas toujours reflets de la réalité (Bleach, One Piece, …), des personnages aux physiques plus communs ont progressivement occupé le devant de la scène dans nos mangas favoris (Fruits Basket, Switch Girl,…). Cette année, trois titres ont franchi un pas supplémentaire, en mettant en avant trois filles et femmes clairement désavantagées par leur apparence… Mais en aucun cas pour les moquer, bien au contraire !

À travers Telle que tu es, Ugly Princess et Kasane, Journal du Japon vous propose de vous intéresser à trois personnages féminins inédits dans le panorama manga actuel, et dont les destins très différents représentent chacun… une forme de revanche.

 Manga Moche

 

Le changement de donne…

Shôjo, seinen, shônen : quel que soit le type de manga, la gente féminine y est très majoritairement mise à son avantage, physiquement parlant, depuis plusieurs décennies.

Il y a d’abord le cas flagrant du shônen : opulentes poitrines, postérieurs aguicheurs et tailles fines défilent depuis toujours aux cotés des partenaires et héros masculins, le phénomène s’étant même accentué ces dernières années. Nico Robin (One Piece), Shura (Blue Exorcist) ou Orohime (Bleach) sont quelques exemples d’une sensualité et d’un physique qui ont bien évolués depuis Bulma (Dragon Ball), Kaoru (Kenshin) ou Kei (Akira).

Bleach Girls

Les héroïnes de Bleach… Tout un programme ! BLEACH © 2001 by Tite Kubo / SHUEISHA Inc.

Certes, il existait déjà des exceptions à la fin du siècle dernier, même dans les mangas mainstream : on se souvient des seconds rôles sexy de Tsukasa Hôjo (Cat’s Eyes, City Hunter), des petites culottes de Masazaku Katsura (Vidéo Girl Ai, I »s) ou des femmes fortes et sensuelles des CLAMP (XXX Holic, pour ne citer que lui)… On trouve aussi des personnages féminins récents et aux physiques classiques, dans L’attaque des Titans par exemple. Mais qu’on ne s’y trompe pas… la tendance de fond est, et reste, à une plastique fantasmée et affriolante dans les shônens les plus populaires, à l’image des héroïnes de Fairy Tail ou Seven Deadly Sins.

Du côté des shôjos, les ingrédients ne sont pas les mêmes et le résultat reste plus subtil, pour ne pas se déconnecter du lectorat féminin. Pendant longtemps on a suivi les péripéties de jeunes filles ou femmes aux visages fins et délicats, pleins de grâce, faits de grands yeux rêveurs dans lesquels on se perd et ornés de belles chevelures : Candy, Gwendoline, etc. Dans les années 70-80 on découvre aussi d’autres alternatives : celle de la jeune fille qui peut se transformer en femme séduisante par le biais d’une baguette magique (Creamy, Gigi), celle du garçon manqué qui est souvent confronté à une concurrente plus apprêtée (les œuvres de Mitsuru Adachi pour ne citer qu’elles) ou enfin l’arrivée d’un chara-design androgyne, mystérieux et d’une pureté troublante, comme l’héroïne de Lady Oscar – La rose de Versailles et le cas complexe de Princesse Saphir. La richesse du shôjo, quand il s’agit de représenter les femmes, ne lui a jamais défaut et, en terme de représentation de l’être humain, c’est même souvent de lui que vient le changement (cet article en est, s’il en fallait, une autre preuve !). 

VERSAILLES NO BARA © 1972 IKEDA RIYOKO PRODUCTION

VERSAILLES NO BARA © 1972 IKEDA RIYOKO PRODUCTION

Ainsi, progressivement, des physiques lambda obtiennent le premier rôle, avec souvent un petit défaut : trop grande (Lovely Complex), trop timide (Fruits Basket), trop plate (Gokinjo), trop pauvre ou trop masculine (Host Club), trop intelligente ou intimidante (Kimi Wa Pet), etc. Le défaut n’en est généralement pas un à proprement parler, mais il démarque l’adolescente ou la jeune femme du lot et il devient rapidement un complexe, malgré tous les autres atouts que la nature a pu lui donner, sur le plan physique ou intellectuel. De plus cette « originalité » lui vaut parfois d’être impopulaire chez la gente féminine, surtout si le trait qui la démarque attire l’œil des garçons… En effet, ces derniers cataloguent notre héroïne comme mignonne voir fragile, ou comme dotée d’une certaine originalité, qui les attire. Dans tous les cas on reste loin, très loin, d’une fille désagréable à regarder.

Mais ce défaut la rend néanmoins plus humaine et plus proche de son lectorat qui, comme elle, doit apprendre à s’aimer et à s’assumer. Ces conditions sont les préalables pour l’émergence d’une vraie personnalité, dont la différence avec l’image publique fait d’ailleurs tout le sel de certains titres comme Switch Girl, Elle et Lui, qui écornent à leur façon des décennies de mythes des princesses. Toujours est-il que, une fois la confiance en soi établie, les choses s’arrangeront progressivement et LE défaut s’évanouira en dénouant le nœud du problème : le regard des autres et l’importance qu’on lui donne. Durant ces dernières décennies, quelques shôjos ont marqué les esprits en modernisant ce choix des apparences, comme Nana et Princess Jellyfish qui proposent leurs propres versions, rock ou otaku, assumés ou dans le doute. Plus récemment, Six Half a aussi fait d’une ancienne garce une héroïne, en inversant les codes…

Princess Jellyfish / KURAGE HIME © 2009 Akiko Higashimura / Kodansha Ltd.

Princess Jellyfish / KURAGE HIME © 2009 Akiko Higashimura / Kodansha Ltd.

Les choses évoluent donc, doucement. Mais il restait encore un pas à franchir et des questions irrésolues : quid de la jeune fille moche et banale d’aujourd’hui ? Comment sortir de cette condition ou comment vivre avec ? Face au diktat et au conformisme, où se situe la ligne entre se mettre en valeur et se mentir ? Et que faire de toutes ces années de ressenti ?

En 2016 Telle que tu es, Ugly Princess et Kasane présentent trois personnages féminins différents mais hors des modèles standards : la première est ronde, la seconde est moche, la troisième est tout simplement défigurée. Mais au pied de chacune éclot un chemin singulier : celui de la popularité inattendue, celui de la reprise en main façon « c’est maintenant ou jamais » ou celui de la vengeance… Regardons ces nouveaux destins de plus près.

 

Telle que tu es : la ronde et le prince charmant…

Telle que tu es 3C’est l’histoire de Tsugumi Motohashi, une lycéenne aux formes… « généreuses« . Elle est sympathique, souriante et serviable. Ses quelques amies adorent se blottir contre elle – elle a toujours chaud ! – et elles l’ont même affectueusement nommée « chaufferette« . Tout le monde l’aime bien, en somme, même si ce ne fut pas toujours le cas. Après avoir subi des brimades à cause de son corps, avoir essuyé de nombreux échecs dans ses régimes et s’être détestée jusqu’à la dépression, Tsugumi a décidé de faire face, de s’aimer elle-même. Une philosophie qu’elle résume en quelques mots : « quand on sourit, il nous arrive de bonnes choses. » La vie n’est donc pas toujours rose pour notre élève de première, mais elle est entourée de quelques amies et avance courageusement sur ce nouveau chemin.

Cependant Tsugumi et l’amour, pour l’instant et depuis toujours, cela fait deux. « Le problème c’est son physique » disent souvent, entre eux, les garçons de sa classe.  Mais voilà qu’un beau jour Yukiya Tagami, un élève de seconde surnommé le « gâchis de beau gosse », lui fait une déclaration d’amour !!! Yukiya est un fan des rondes et il est totalement charmé par les sourires, la gentillesse et surtout le physique de Tsugumi. C’est donc un rêve éveillé et une vie mouvementée, pleine de nouveautés, qui commence pour la jeune fille !

Dans ce manga de Kaname HIRAMA, on rentre dans le cas de figure d’une héroïne différente des autres, sauf que son signe distinctif est beaucoup moins ambigu que d’habitude. Être trop grande, trop intelligente, trop masculine vous démarque du lot mais cela ne vous classe pas automatiquement dans la catégorie tant redoutée des moches. Alors qu’être grosse… si, bien souvent en tout cas. Il existe heureusement des amateurs de filles « biens en chair« , et c’est le cas de notre beau garçon de service, Yukiya, que l’on peut même qualifier de fétichiste des bourrelets : il adore les caresser et les malaxer et il pourrait le faire toute la journée !

Telle que tu es © Kaname Hirama 2012

© Kaname Hirama 2012

Si ce côté obsessionnel est un peu perturbant au départ, il finit par s’inscrire dans une relation relativement saine : au-delà de son penchant pour les « grosses« , Yukiya est tombé amoureux de Tsugumi à cause du sourire de cette dernière, de son ouverture aux autres et de son acceptation d’elle-même, et non pas par pure déviance. S’assumer est une preuve de courage et confère à Tsugumi une force et une sérénité qui attireront irrémédiablement les gens vers elle, filles comme garçons. Autre point important : son attitude rayonnante fait partie d’un tout mis en place par la mangaka, à côté d’un graphisme doux qui ne cesse de la mettre en valeur. Ainsi, lorsque l’on qualifie notre héroïne de ronde, c’est dans le meilleur sens du terme : chaleureuse avec son coté bouillotte humaine,  calme et réconfortante… voir petite et fragile avec son regard candide et attendrissant.  

Ce shôjo, publié aux éditions Kana, cherche donc à redéfinir les critères de beauté : être plus enveloppée que la moyenne est une singularité, mais en rien un critère de laideur. Elle est grosse mais elle est belle ? Non. Elle est grosse ET elle est belle ! 

Avec trois tomes parus en France (le 4e arrive le 24 juin) et une publication toujours en cours au Japon à 6 tomes, il y a encore beaucoup de choses à dire et à découvrir pour Tsugumi et Yukiya : quid du sexe et de la nudité ? Est-ce que le bonheur qui arrive à Tsugumi est un miracle qui peut se reproduire pour une autre ronde ? Quels sont les mystères qui semblent planer autour de Yukiya et de son passé ? 

Les amateurs de romance suivront ça de près !

  

Ugly Princess : la persistance des mauvaises herbes

ugly-princess-1-collector-akataMito Meguro, en dernière année de collège, ne vit pas vraiment un quotidien enchanteur. En raison d’un physique très peu flatteur – joues bouffies, rougeurs et taches de rousseurs, gros bassin et cheveux aux allures de poils pubiens – elle est la risée de tous. Cerise sur le gâteau, son nom signifie « belle personne aux yeux noirs » : elle doit se confronter chaque jour au cruel contraste entre ce nom flatteur et son apparence. Néanmoins, avec le temps, notre chère Meg s’habitue à ce handicap, s’y résigne même. Amie avec deux autres filles (elles aussi un peu à part) elles se plongent souvent ensemble dans un jeu vidéo romantique, pour rêver d’amour et de beaux garçons. Là au moins on la remarque, et pas seulement pour se moquer d’elle ! Malheureusement, cette fuite de la réalité n’arrange rien…

Alors qu’elle se résout à son sort et s’enfonce progressivement dans une vie ingrate, une lueur d’espoir se met à briller : le beau Kunimatsu lui adresse la parole ! Ce moment digne de ses rêves les plus fous fait l’effet d’un électrochoc. C’est décidé, elle arrête de se lamenter sur son sort et elle va sortir de son terrier, même si elle sait qu’elle va prendre des coups. La route sera longue pour se débarrasser de ses complexes et pour trouver le courage de s’affirmer ou simplement de s’exprimer en public… Ce ne seront pas les épreuves et les coups tordus qui vont manquer, mais elle ne baissera pas les bras !

L’histoire débute donc avant le lycée et correspond, ce qui n’est pas forcément un hasard, à la période où l’héroïne de Telle que tu es était arrivée au fond du trou, juste avant de se reprendre en main. Le manga de Kana laisse de coté ce passé douloureux pour le moment, alors  que celui des éditions Akata fait tout le contraire et décide de plonger pleinement dans cette période des plus difficiles. Rien d’étonnant qu’il prenne le problème de front quand on sait qu’il est signé par Natsumi AIDA, l’auteure de Switch Girl !

Ugly Princess et Switch Girl

Après s’être débarrassé de nombreux clichés « romantiques » dans son oeuvre précédente, la mangaka décide de taper encore plus fort pour prôner l’acceptation de soi. Pour cela, elle monte considérablement le niveau du défi : son héroïne sera moche, de la tête aux pieds ! Avec ce chara-design clair et net, présenté par Meguro elle-même dès les premières pages, Ugly Princess veut d’emblée taper du poing sur la table et réaffirmer que les êtres humains ne naissent pas tous égaux, derrière tous les beaux discours sur la beauté intérieure la société continue de faire le tri sur des critères physiques.

À l’adolescence le critère social de popularité prend d’ailleurs toute son importance et va jusqu’à forger, sur le long terme, des personnalités de dominants ou de dominés. En effet, alors qu’elle n’est encore qu’au collège, Meguro est déjà fortement repliée sur elle-même et sa prise de parole en publique est devenue une mission quasi-impossible. Si l’amour n’est pas déjà pas chose aisée pour tout le monde, un physique ingrat et un tempérament renfermé semblent bien vous ôter toutes les chances de connaître une belle histoire !

Ugly Princess

Ugly Princess – KENGAI PRINCESS © 2014 by Natsumi Aida/SHUEISHA Inc.

Mais arrive finalement cette rencontre qui permet à notre mal-aimée de se mettre un gigantesque coup de pied au derrière. Moche elle est et moche elle restera un certain temps, probablement, mais cela ne veut pas dire que sa vie est déjà toute tracée. Néanmoins il n’y a qu’elle pour se sortir de l’impasse et refuser la fatalité. Une véritable bouffée d’oxygène accompagne donc cette première envie de jours meilleurs… Mais s’il suffisait d’un éclair de bonne volonté pour changer la donne, nous serions tous à l’aise dans nos baskets !

C’est là qu’entre en jeu tout le talent de narration et de mise en scène de AIDA, qui avoue en préface (et dans une interview présente dans la version collector, aussi) qu’elle a vécu et souffert de cette impopularité pendant ses jeunes années. Ugly Princess prouve donc que, même à quinze ans, il est déjà très difficile de sortir du moule dans lequel chacun s’est déjà installé et où les autres vous imaginent. Dès lors, Meguro doit combattre ses propres réflexes de soumission et de fuite, tout en déjouant les pièges et la malveillance de ses camarades les plus féroces, qui s’assurent que la moche reste bien à sa place de mal-aimée.

La série compte seulement un tome de publié, dont vous pouvez lire les premières pages sur le site de l’éditeur. Le second sort en France le 23 juin, et tout est encore à faire : on n’a aucune idée de ce qui attend l’adolescente au bout de son chemin. Mais sachez qu’Ugly Princess n’a pas prévu de lambiner : il s’achèvera en 7 tomes seulement. On peut donc s’attendre à un titre intense et sans temps mort ! 

  

Kasane, la voleuse de visages

kasane-la-voleuse-de-visage tome 3Après ces deux destins qui suivent des moments clés dans l’acceptation de soi-même, impossible de finir cet article sans évoquer le côté obscur qui naît et grandit parfois dans l’âme de celles que l’on étiquette comme disgracieuses. À travers un « conte cruel et vénéneux« , selon les mots de son éditeur français Ki-oon, Kasane, la voleuse de visage nous entraîne dans la vie de Kasane Fuchi , une fillette au visage repoussant et difforme, qui est maltraitée par tous ceux qui l’entourent. L’ironie est qu’elle est la fille d’une actrice de premier plan, célèbre pour son immense beauté… Kasane fait preuve comme sa mère d’un talent remarquable pour le théâtre mais son apparence l’emprisonne depuis l’enfance, loin des lumières de la scène. Mais cette injustice cache cependant un secret, sous la forme d’un rouge à lèvres et d’une consigne mystérieuse que la mère de Kasane lui a confié il y a quelques années de celà : « Si un jour ta vie devient trop insupportable, maquille tes lèvres, approche l’objet de ta convoitise et embrasse-là.« 

Ce qui doit arriver arrive et, un jour de désespoir, l’enfant maudit s’exécute. Elle découvre l’incroyable vérité : le rouge à lèvres lui permet de dérober le visage de ses victimes ! Elle goûte alors le plaisir grisant d’évoluer devant un public qui l’acclame, rendant hommage à sa beauté et à son talent. C’est à ce moment là qu’un certain Kingo Habuta, vieil ami de sa mère, débarque pour lui révéler sans surprise que cette dernière utilisait le même stratagème et que c’est ainsi qu’elle a connu le succès, tandis qu’il jouait le rôle de son agent. La défunte l’a même chargé de trouver un rôle pour sa fille, lorsque le moment serait venu. En tenant sa promesse et en présentant à Kasane une jeune et belle actrice qui peine à percer dans le milieu, Habuta enclenche les rouages d’une nouvelle vie pleine de promesses… Mais enferme aussi notre Cendrillon dans une dévorante malédiction !

 

 « Et si je pouvais devenir belle du jour au lendemain, pour réaliser mes rêves ? » C’est cette voie fantastique qu’a choisit Daruma MATSUURA pour écrire une revanche qui est aussi une vengeance. Il faut dire que la mangaka franchit un cran supplémentaire dans la laideur de son héroïne et en fait un monstre. Ni plus, ni moins. Si notre Ugly Princess espère gagner le droit à une existence comme les autres, la cause est perdue d’avance pour Kasane : elle ne parviendra jamais à surmonter sa laideur et vivra pour toujours loin de son rêve de théâtre. Elle vit recluse dans la pénombre de l’arrière-scène à jouer les éclairagistes, telle Quasimodo s’occupant de faire sonner les cloches de Notre-Dame loin du regard de la foule. Mais en voyant briller chaque jour des jeunes filles sur les planches elle ne parvient pas à oublier son rêve, ni ce tube magique que sa mère lui a confiée. Sa première transformation conduira accidentellement et tragiquement à la mort de sa première victime, mais quelques années de souffrance, d’envie et d’amertume finiront par avoir raison de sa moralité.

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Cette magie impossible et soudaine, bien loin des deux œuvres précédentes, répond au sentiment d’injustice latent face né de la cruauté de mère nature et nourrit des années durant par une société qui maltraite la laideur autant qu’elle glorifie la beauté. Avec ce rouge à lèvres, une porte s’ouvre sur une revanche que Kasane croit mériter. Mais, comme le dit l’adage, « magic always come with a price » : le miracle de cette nouvelle vie est aussi une malédiction. Le sort ne fonctionne qu’un certain temps et la beauté est volée à sa propriétaire dont le visage devient hideux. Même si Kasane peut offrir son immense talent pour le théâtre à la personne qu’elle remplace, les identités de la volée et de la voleuse se troublent irrémédiablement et font resurgir des doutes qui peuvent mener à la folie. Au fur et à mesure que son succès va grandir, les mensonges s’accumulent et l’obligent à marcher sur un fil fin et instable pour rester dans la lumière. Elle abandonne ainsi, chaque jour, tout ce qui aurait pu faire sa beauté intérieure, pour conserver cette apparence séduisante. Plutôt mourir que de redevenir ce crapaud abject. 

Kasane, la voleuse de visage, dont le 3e tome sort aujourd’hui, est donc une autre revanche : puissante, ensorcelante, digne des pièces des théâtres qui troublent la frontière entre fiction et réalité. Elle tire sa dramaturgie et son intensité d’un espoir fuyant sans cesse, d’un rêve éblouissant qui vire au cauchemar schizophrène… qui n’a plus rien d’une recherche du bonheur.

 

L’arrivée en 2016 de ces trois nouveaux mangas nous révèle, au moins, du désir d’une thématique. Le succès ou non de ces trois titres précisera où en est actuellement le lecteur de manga et ce qu’il cherche lorsqu’il ouvre un tome avec une héroïne en couverture : veut-il voir une fille un peu différente savourer le bonheur qu’elle mérite ? Veut-il voir le combat poignant qu’il faut mener pour être vue comme une personne à part entière ? Ou préfère-t-il se laisser séduire par une pièce théâtrale, sombre et pleine de rebondissements qui le tient totalement en haleine, loin de son quotidien ?

Mais peut être que, à l’image de ces trois héroïnes qui ont pris en main leur destin, la popularité n’est pas le plus important… et qu’on doit simplement se réjouir qu’ils existent !

Paul OZOUF

Rédacteur en chef de Journal du Japon depuis fin 2012 et fondateur de Paoru.fr, je m'intéresse au Japon depuis toujours et en plus de deux décennies je suis très loin d'en avoir fait le tour, bien au contraire. Avec la passion pour ce pays, sa culture mais aussi pour l'exercice journalistique en bandoulière, je continue mon chemin... Qui est aussi une aventure humaine avec la plus chouette des équipes !

5 réponses

  1. Optimus dit :

    Merci pour cet article très intéressant sur la présence d’héroïnes loin des clichés habituels dans les mangas.

  2. Yoyosh dit :

    Waaw j’adore cet article ^u^

  3. Daniel dit :

    Super article. je cherchais le sujet. et je suis tombé sur ca. Vous semblez manquer de visibilité, c’est dommage. car il y a beaucoup de talent dans cette plume.

    • Paul OZOUF dit :

      Bonjour Daniel,
      Merci de nous avoir lu. L’article est assez vieux, d’où le manque de visibilité, mais il en a au moins assez pour que vous tombiez dessus. Ravi qu’il vous ait plu !
      Cordialement

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