Toulouse Manga et EIMA : un nouveau vivier manga et japanime dans la ville rose

L'école Toulouse Manga

L’école Toulouse Manga

En 2012, Claire PÉLIER créait l’école Toulouse Manga, dans le but de partager sa passion avec des élèves toulousains. Quatre ans plus tard, non seulement l’école a beaucoup évolué, mais une seconde école voit le jour : l’Ecole Internationale du Manga et de l’Animation (EIMA) à visée plus professionnelle et qui ouvrira ses portes dès septembre 2016.

Journal du Japon a pu rencontrer la directrice de ces deux structures qui n’ont pas fini de faire parler d’elles…


Toulouse Manga : le début du challenge

Bonjour Claire PÉLIER, alors pour commencer par le début, comment a démarré votre passion, et quel est votre parcours au travers de la culture japonaise ?

Mes parents étaient propriétaires du premier restaurant japonais qui s’est ouvert à Toulouse, qui a fermé depuis. Ils ont fait venir un cuisinier du Japon qui a vécu quelques temps avec nous. Ça a commencé comme ça, avec la nourriture, et puis ça a continué avec les arts martiaux. 

Et les mangas du coup ?

J’ai toujours dessiné. J’ai fait une fac d’art plastique pour faire auteure de bande dessinée et professeure. En 2005, je suis tombée sur mes premiers animés qui passaient à la télé, comme Bleach, Death Note, Naruto ou Fullmetal Alchemist. Ensuite, je me suis mise à les lire, en commençant par le grand classique Naruto, qui est vraiment le premier manga dont j’ai lu tous les tomes qui étaient disponibles à l’époque. J’ai trouvé que le manga était beaucoup plus efficace, beaucoup plus immersif que la bande dessinée. C’est là que j’ai décidé de faire du manga.

Pourquoi avez-vous décidé d’aller encore plus loin dans le manga, jusqu’à créer une école ce qui était encore inédit ?

J’ai continué mes études d’art, jusqu’à être prof d’art plastique dans les collèges et lycées. Et autant j’adore enseigner, autant le système scolaire de m’allait pas du tout, car j’aime qu’il y ait un véritable échange avec les élèves. J’aime pouvoir leur apporter des choses sur un point de vue technique mais aussi sur un point de vue humain, ce qui n’était pas vraiment possible ici. J’ai quitté l’éducation nationale et je me suis dit que j’allais faire des cours de manga ! J’avais déjà fait pas mal de pages à titre personnel, je bossais aussi sur un scénario depuis sept ans, et puis grâce à mon expérience de professeure j’avais réussi à acquérir des bases à transmettre à des élèves.

Quel a été votre point de départ ?

Je me suis dit que j’allais faire des cours à domicile, et puis finalement j’ai ouvert l’école. Au début je ne faisais que des stages pendant les vacances d’été… Et puis un jour à la rentrée j’ai eu cinquante inscrits. Je me disais que j’allais faire quelque chose de petit, que ça allait être cool, mais au fur et à mesure ça a pris une certaine ampleur, ce qui changeait complètement la manière d’aborder la chose.

Vous ne vous attendiez pas à ce que ça évolue à cette vitesse ? Comment avez-vous géré le succès de Toulouse Manga ?

Non, la première année était vraiment bon enfant avec des cours mais aussi des goûters, etc… Puis les élèves ont ramené leurs amis, et d’une première année à cinquante élèves, nous sommes passés à cent l’année suivante et deux cents l’année d’après. Aujourd’hui on est 250 environ, donc la manière de gérer la chose a évolué. Depuis deux ans on est plusieurs professeurs de manga. Puis on a ouvert d’autres cours, comme ceux de japonais ou de coréen,  de coloration  digitale, de renforcement en dessin… On a trouvé d’autres professeurs au fur et à mesure. C’est une école participative, on essaye de répondre à la demande. Des élèves sont là depuis le début, l’une d’elle est même devenue professeure après avoir été formée au japon. Ils sont tous énormément impliqués !

Pourquoi avoir choisi Toulouse, et pas Paris par exemple, où l’on a tendance à croire qu’il est plus facile de démarrer quelque chose notamment parce qu’il y a plus de monde ?

Déjà je suis Toulousaine, donc ayant eu l’occasion d’habiter Paris pendant un an, je n’avais aucune envie d’y retourner. Deux autres villes m’intéressaient : Lyon et Nantes. Mais Toulouse est une ville étudiante, de plus agréable à vire, donc j’ai choisi la ville rose. Et à la base le but était de faire quelque chose de petit et de tranquille, donc je n’avais pas vraiment envie de déménager !

Et puis il y avait de la demande à Toulouse, qui avec le TGS qui a lieu deux fois par an attire de nombreux fans de la culture japonaise.

Est-ce que vous avez eu du mal à tout organiser à un certain moment ? Y’a-t-il eu des obstacles sur le chemin ?

On a eu de la concurrence, pas toujours sympathique, des partenariats foireux… Mais on a décidé de faire mieux ! L’adversité c’est rageant, mais ça permet de se dépasser pour faire toujours mieux. Et puis sinon c’est beaucoup de boulot, c’est chronophage et il y a un peu de sacrifices à faire mais c’est beaucoup de choses bien aussi et quand on voit l’enthousiasme des élèves, on oublie tout ! Il y a toujours des déceptions ou des découragements, mais ça passe très vite.

Les locaux de Toulouse Manga

Les locaux de Toulouse Manga

 

L’EIMA : vers une voie professionnelle

Parlez-nous de cette seconde école qui ouvrira bientôt ses portes ?

En septembre on ouvre l’Ecole Internationale du Manga et de l’Animation, qui offrira une formation professionnelle en trois ans. L’idée de base vient des élèves qui voulaient devenir professionnels du manga. Je ne pensais pas avoir assez d’expérience  à leur transmettre pour aller jusque-là, donc pendant quelques années, on est allé chercher cette expérience au Japon et en France, on a construit tous les programmes on a fait tout ce qu’il fallait pour pouvoir répondre à leur demande, et faire une école pro.

Toulouse Manga peut-elle être considérée comme une école préparatoire à l’EIMA ou bien sont-elles deux entités indépendantes ?

D’un certain côté elles sont complètement séparées, Toulouse Manga est vraiment à vocation loisirs, tandis que l’EIMA est à vocation professionnelle mais elles ont aussi plusieurs points communs.

Elève de Toulouse MangaComment fonctionne l’EIMA ?

Il s’agit d’une formation professionnelle en trois ans. Il n’y a pas de diplôme reconnu à l’heure actuelle, mais une certification professionnelle et à l’issu c’est un jury d’éditeurs, de mangakas professionnels et d’illustrateurs professionnels qui valident ou non cette certification. Ce jury est indépendant de l’EIMA en elle-même, et c’est lui seul qui choisit si l’élève a le niveau pour être professionnel ou pas.

Plusieurs sections existent et les étudiants ne feront pas  forcément tous du manga. Ils apprendront le storyboard, le concept art, le character design… C’est toujours compliqué d’avoir 100% de professionnels à la fin, mais c’est ce qu’on vise.

Vous allez au Japon pour rencontrer des partenaires, des mangakas. Qu’est-ce qu’ils pensent du fait qu’une école internationale de manga puisse naître en France ?

Ils adorent ! C’est un peu de leur culture qui s’exporte. Ils sont étonnés, aussi. Tous les mangakas sont enchantés par l’état d’esprit et de voir qu’il y a autant de gens qui suivent. En octobre dernier on était au Japon à l’occasion du Kaga Manga Fiesta et on a pu rencontrer de grands noms comme Chiba TETSUYA qui est l’auteur de Hajime no Ippo. Je me suis retrouvée à faire une conférence entre le directeur général de Tezuka Production, un professeur de l’université de Kyoto et le directeur de section de l’université de manga de Tokyo. Ça fait quelque chose…

D’ailleurs on a appris tout juste le partenariat de Viz Media Europe avec l’EIMA, qu’est-ce que vous en pensez ?

On est très heureux, car là c’est un peu comme si les portes de la Shueisha s’ouvraient devant nous ! Il y a aussi Kazé, Kana, Ankama qui est l’éditeur de manga français par excellence, il y a Ki-oon, Akata qui est très engagé… L’EIMA s’est formé en discutant entre nous, mais aussi avec des professionnels et des éditeurs auxquels on proposait l’idée et posait des questions : qu’est-ce qu’ils en pensaient ? Qu’est ce qui manquait ? En général ça a quand même été bien accueilli et ils étaient ravis de participer.

Est-ce qu’ils promettent d’éditer des étudiants à la fin de leur cursus ?

On ne veut pas qu’ils promettent, on veut qu’ils éditent s’ils estiment que le travail de l’étudiant en vaut la peine. Sinon ça entraînerait un mauvais retour sur l’école ainsi que sur le manga français. On veut que nos étudiants se fassent remarquer parce qu’ils ont le talent qu’il faut.

Ça fait rêver les étudiants ?

Clairement, ils veulent faire mangaka depuis plusieurs années. On leur met le pied à l’étrier. Ce sont des gens qui ont déjà quelque chose, et on se contente de tailler le talent qui est déjà présent. De leur amener aussi des conseils sur la vie professionnelle. Comment fournir des planches correctes pour un imprimeur, traiter des deadlines, travailler avec un éditeur, présenter un dossier d’édition, connaître ses droits… C’est de là que l’on passe de quelqu’un qui est bon à quelqu’un qui travaille.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de rentrer en plus dans le domaine de l’animation avec l’EIMA ?

On avait des élèves  qui voulaient en faire, un certain nombre. Notamment de l’animation de type manga, à la japonaise. Les deux vont bien ensemble et en créant l’EIMA je voyais bien les ponts entre les deux domaines, les projets communs que l’on pouvait faire. On a fait les deux pour répondre à la demande mais aussi pour avoir l’occasion de rejoindre deux domaines géniaux et pour les explorer en parallèle.

Chiharu NAKASHIMA, responsable de la section manga à l'EIMA

Chiharu NAKASHIMA, responsable de la section manga à l’EIMA

Vous collaborez avec plusieurs mangakas japonais ?

Oui, comme par exemple avec Eiji OTSUKA (que nous avions rencontré au Salon du Livre, NDLR) ou bien Chiharu NAKASHIMA par exemple. Eiji OTSUKA nous a fait collaborer avec Sekai Manga Juku qui est l’école internationale du manga qu’il a monté. On intervient ponctuellement avec eux, et il est venu deux ou trois fois sur place. Il est un peu le tonton de Toulouse Manga !

Chiharu NAKASHIMA est venue avec lui la première année car elle était professeure de manga à Kobe et elle souhaitait s’installer en France. Du coup on a sauté sur l’occasion et on l’a aidé à venir s’installer à Toulouse et à partir de la rentrée prochaine elle sera responsable de la section manga à l’EIMA.

On travaille aussi avec Nao YAZAWA, c’est elle qui m’a en grande partie formée au manga. On l’a déjà fait venir pour des stages. Avec l’EIMA on réalisera plusieurs master classes dont la première sera réalisée par Tony VALENTE (Radiant), qui pour le coup n’est pas japonais. Ensuite, le but c’est d’alterner les années suivantes entre mangaka japonais et français, et également de faire venir des illustrateurs, des storyboarders pour que les élèves puissent voir autre chose.

Quels sont les projets d’avenir de Toulouse Manga et de l’EIMA ?

Pour Toulouse Manga, les étudiants publient un magazine de fin d’année, on a même mis en place une section fanzine qui est publié tous les six mois, mais c’est toujours dans la bonne humeur. On a des cours construits et sérieux, mais toujours en gardant cette chaleur. On projette aussi de partir au Japon dans les prochains mois.

Pour l’EIMA, elle ouvre en septembre mais on a déjà d’autres projets qui iraient très bien avec l’école, on voit avec le Japon comment ça va se passer… Je ne vais pas en dire trop, mais la mairie de Toulouse est intéressée par le projet donc ça fait plaisir. Notre but est de proposer aux gens qui n’ont pas forcément les moyens de partir au Japon de venir vivre le Japon à Toulouse.

La question de la fin

Quel est le mangaka que vous aimeriez rencontrer ?

Hajime ISAYAMA (L’Attaque des Titans), car il a su dépasser un dessin imparfait avec une histoire magistrale. J’aimerais aussi rencontrer Kohei HORIKOSHI (My Hero Academia) car il a un sens de la pression psychologique et du déplacement dans ses cases qui est formidable, Haruichi FURUDATE (Haikyu!!) pour son incroyable dynamisme dans ses compositions. J’aime aussi particulièrement Tite KUBO, l’auteur de Bleach, pas pour son histoire mais pour son coup de crayon magnifique et pour sa capacité à composer avec une facilité monumentale des choses qui sont d’une complexité sans nom.

J’ai déjà eu l’occasion de rencontrer au Japon certains mangakas comme Yuki KODAMA (Blood Lad), Toshiaki IWASHIRO (Psyren), mais je ne serais pas contre rencontrer Io SAKISAKA (Blue Spring Ride) pour le côté innocent et pur de son dessin et Ichigo TAKANO, le mangaka d’Orange, pour son récit, j’aimerai beaucoup !

J’aime beaucoup lire des choses éclectiques. Comme je fais des conférences sur le manga je trouve qu’il est important de lire plein de choses différentes  pour savoir en parler. J’ai un peu de mal avec le ecchi, le yuri, le yaoi, le hentai… Mais tous les autres genres sont les bienvenus. On peut surtout en dialoguer ensuite avec les élèves et travailler dessus. Dernièrement on s’est interrogé sur  les différents personnages de My Hero Academia. Ils peuvent aussi devenir éventuellement des influences pour les élèves.

Pourquoi pas en effet ?! Un grand merci d’avoir répondu à nos questions !

Pour en apprendre plus sur Toulouse Manga et l’EIMA, rendez-vous sur leur site internet ou sur les réseaux sociaux :

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EIMA : Facebook

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