MY FIRST STORY : la relève de ONE OK ROCK arrive à maturité !

MY FIRST STORY - 2016

S’il est un sujet qui divise les fans déjà nombreux de MY FIRST STORY, c’est bien ONE OK ROCK. Pour ceux qui l’ignoreraient encore, le chanteur du premier, Hiroki MORIUCHI, n’est autre que le petit frère de Taka, tête de gondole prodige du second. Il y a ceux qui adulent les deux formations et fantasment à l’idée d’une collaboration (tout sauf probable à ce stade) ; et il y a ceux qui ne supportent plus la sempiternelle comparaison qui catalogue généralement MY FIRST STORY comme une « vulgaire » copie de ONE OK ROCK. La récente sortie d’ANTITHESE, quatrième album de MFS, pourrait toutefois mettre tout le monde d’accord : ce disque est une vraie, monstrueuse bombe, qui a tout pour offrir enfin un prénom au benjamin des Moriuchi, et convaincre dans la foulée les fans les plus fidèles de Taka et ses acolytes.

Parcours croisés d’enfants de stars

N’en déplaise aux puristes, présenter MY FIRST STORY sans assumer pleinement la comparaison avec ONE OK ROCK serait une erreur grossière tant il y a de parallèles à faire entre les deux groupes. Et si bien sûr une formation ne se résume pas à son chanteur, ce sont évidemment Hiroki et Taka qui cristallisent l’attention. Un article entier ne suffirait pas à couvrir le parcours croisé des deux frères, aussi tentons de résumer les choses.

Masako et Shinichi Mori - Takahito, Tomohiro et Hiroki Moriuchi

Masako et Shinichi Mori – Takahiro, Tomohiro et Hiroki Moriuchi

Taka et Hiroki sont respectivement l’aîné et le benjamin des trois fils de Shinichi et Masako MORI, deux immenses figures de la musique folk japonaise. Tous deux formés à l’école de la Johnny’s Jimusho, ils connaissent un parcours classique du genre et font quelques apparitions communes à la TV ou dans des magazines. Les qualités vocales de Taka lui valent d’être propulsé au premier plan, à l’âge de quinze ans, au sein du groupe NEWS. Il n’y restera que quelques mois, officiellement pour se concentrer sur ses études (en réalité, il est au cœur d’un scandale impliquant une photo de lui au lit avec une fille). Hiroki quant à lui évolue régulièrement aux côtés des Ya-Ya-Yah, une autre formation de l’écurie Johnny’s. En 2004, en pleine crise d’adolescence, Taka abandonne l’université et vit très mal le violent divorce surmédiatisé de ses parents ; il change son nom pour celui de sa mère (Morita) dont il est très proche, tandis que Hiroki et Tomohiro partent vivre chez leur père. C’est peu de temps après que l’artiste rejoindra ONE OK ROCK, qui sera pour lui une véritable bouée de sauvetage. En 2010, ONE OK ROCK perd un de ses guitaristes : un coup dur qui aurait pu mettre fin aux ambitions du groupe. Au lieu de ça, ses membres redoublent d’effort, reconstruisent leur son et se soudent au sein d’une véritable cohésion à quatre, qui leur vaut l’énorme succès que l’on connaît aujourd’hui avec la sortie successive des albums cultes Niche SYNDROME, Zankyô REFERENCE et Jinsei x Boku =.

Encore jeune, Hiroki observe de loin l’ascension progressive de son grand frère. De loin, car les blessures familiales ne se sont cicatrisées que très récemment (cf les paroles de Nobody’s Home de ONE OK ROCK). A l’époque, les griefs de Taka envers son père impactent beaucoup sa relation avec Hiroki, surprotégé par Shinichi Mori, bien plus d’ailleurs que son lien avec Tomohiro. En 2011, c’est donc au tour du benjamin de rejoindre un groupe déjà constitué : aux côtés du leader et guitariste Sho, du bassiste Nob et du batteur Masack, tous trois 8 à 10 ans plus âgés que lui, Hiroki forme ainsi MY FIRST STORY, avec le concours d’un deuxième guitariste, Teru. Au sein de ce quintet, Hiro est un « bébé », couvé par ces grands frères de substitution auxquels il s’adresse en usant du keigo, une variante honorifique très formelle de la langue japonaise. De son propre aveu, il lui faudra un peu plus d’un an pour avoir la sensation de faire réellement partie du groupe, pour trouver sa place d’égal à égal avec ses aînés.

MY FIRST STORY

Décrit comme un peu plus dur, plus métallique voire hardcore, le son de MY FIRST STORY se rapproche en réalité assez de celui de ONE OK ROCK et ce dès les premiers disques du groupe. Mais ce qui frappe, c’est la ressemblance incroyable entre Hiroki et Taka. Le petit frère tend de plus en plus à singer le grand, allant jusqu’à adopter sa gestuelle, son micro filaire, ses intonations, son interprétation, sa façon de construire ses titres à partir d’un mot japonais et d’un mot anglais (Kyogen NEUROSE, Saishuukai STORY, Fukagyaku REPLACE d’un côté – Zankyô REFERENCE, Konzatsu COMMUNICATION, Kanjô EFFECT de l’autre)… Plus le temps passe, plus Hiroki s’essaie à toucher des notes très aiguës, et s’il subsistait quelques faiblesses résiduelles, certains passages de chansons sont incroyablement confondants tant le timbre de Hiro ressemble à celui de Taka. A ce titre, la sortie en 2014 de Fukagyaku REPLACE est un véritable choc tant on a l’impression d’entendre une bombe signée ONE OK ROCK. Pourtant il n’existe officiellement pas le moindre lien entre les deux groupes, qui n’emploient ni les mêmes studios, ni les mêmes ingénieurs, ni les mêmes producteurs…

Taka & Hiroki

Aujourd’hui les fans n’en finissent plus de fantasmer sur la relation entre Taka et Hiroki. En effet, tandis que MY FIRST STORY a commencé à se faire un nom, les rapports entre les deux frangins ont semblé se crisper à nouveau. Aucune photo des deux artistes ensemble n’a circulé depuis des années, aucune interview d’un des deux groupes ne mentionne l’autre avec pour seule exception un micro-passage d’une émission discrète où Taka a qualifié sa relation avec Hiroki… d’ « étrange ». Pour certains, l’inimitié est réelle. Pour d’autres, cet éloignement est surtout la volonté d’Amuse, le label de ONE OK ROCK qui voit d’un mauvais œil l’existence d’un groupe que certains qualifient de copie conforme de son poulain. Tout comme d’ailleurs une partie des fans de OOR, agacés que le petit frère « exploite » aussi ouvertement ce qui a fait le succès de son aîné. Quoi qu’il en soit, ceux qui rêvent d’un duo entre les deux fils Moriuchi risquent fort d’attendre longtemps…

Une ascension fulgurante, mais dans la douleur

Le cadre étant posé, concentrons-nous donc sur MY FIRST STORY. Signé sur le label indépendant Intact Records, le groupe a connu une ascension assez rapide, à la faveur d’un son très construit porté par un trio de musiciens déjà relativement expérimentés, et de performances vocales très honnêtes livrées par un Hiroki au départ un peu plus sobre et s’appuyant sur ses graves. Le succès arrive avec l’utilisation du titre Fukagyaku REPLACE comme générique de l’anime Nobunaga Concerto : à l’heure où ONE OK ROCK est au summum de sa popularité, le titre, qui applique à merveille toutes les recettes de OOR, a tout pour plaire. Dans la foulée, MY FIRST STORY livre un troisième album, Kyogen NEUROSE, qui décroche une 14e place au top Oricon. Étonnamment, ce disque est assez différent du single qui l’a précédé (lequel ne figure d’ailleurs pas sur l’album), avec une touche beaucoup plus électronique apportée par des synthés très présents. On sent en fait chez MY FIRST STORY une forme de schizophrénie, entre d’un côté les velléités commerciales qui incitent à marcher dans les pas de Taka et sa bande, et de l’autre l’ego de musiciens qui aspirent au contraire à se distinguer.

Le single ALONE, sorti à l’été 2015, est un nouveau test : surfant sur la même vague que Fukagyaku REPLACE au prix d’un travail gigantesque du groupe pour essayer de satisfaire la sensibilité de tous ses membres, le titre est encensé par la critique. Face à ce constat, la rupture est inévitable : début 2016 MFS annonce le départ de Masack, remplacé au pied levé par Kid’z à la batterie. Quant à Sho, leader historique du groupe, il choisit de se mettre en retrait et d’officier dans l’ombre. Un peu comme ONE OK ROCK en 2010, MY FIRST STORY connaît alors une seconde naissance, sous la forme d’un quatuor plus cohérent, composé d’artistes majoritairement jeunes, et avec un projet musical clair : le groupe fera désormais, lui aussi, du rock 100% pur jus destiné à remplir les stades. L’aubaine pour MY FIRST STORY, c’est que dans le même temps, une partie des fans de ONE OK ROCK se lasse de voir son groupe fétiche accorder beaucoup plus d’attention à ses activités internationales à coup de tournées et de chansons bien trop pensées pour le marché américain à son goût. La relève assurée par MFS rallie beaucoup de ces déçus, si bien que dans la foulée de son remaniement, MY FIRST STORY remplit les Zepp du pays dans une nouvelle tournée et, comme ONE OK ROCK quelques années plus tôt, valide ses nouvelles orientations lors d’un concert événement au prestigieux Budokan.

ANTITHESE : quand le gamin réclame sa place à la table des grands

C’est dans ce contexte qu’est sorti au début de cet été ANTITHESE, quatrième album de MY FIRST STORY. Et pour assumer jusqu’au bout la comparaison, on peut dire sans hésiter que ce disque est, à peu de choses près, tout ce que 35xxxv, le dernier opus en date de ONE OK ROCK, aurait dû être : une compilation de titres rock plus énormes les uns que les autres, taillés pour le live, extrêmement bien construits, cohérents, bourrés de personnalité et servis par des musiciens au sommet de leur art. le public a évidemment suivi, propulsant l’album en 4e position des ventes à sa sortie. ANTITHESE est par ailleurs moins homogène qu’il n’y paraît : on peut lire ça et là l’avis mitigé d’auditeurs dénonçant le fait qu’à la première écoute, beaucoup de titres se ressemblent. Il en va de même de pas mal de monuments de la discographie de ONE OK ROCK, que les fans ont pourtant eu vite fait d’individualiser : NO SCARED, Nothing Helps, Answer is near, Deeper Deeper, Kanzen Kankaku Dreamer, Koi no aibou kokoro no Cupido et autres Shake it down pour ne citer qu’eux étaient tous taillés dans le même moule. Très clairement, ANTITHESE surfe sur la vague des titres précités, et est un CD à écouter plusieurs fois, pour mieux s’en approprier toutes les subtilités. Nul doute alors que très vite il finira par tourner en boucle chez tous les amateurs du genre !

Du côté des chansons rock, outre le phénoménal Fukagyaku REPLACE réapparu ici deux ans après sa sortie single, mentionnons tout d’abord le très enlevé Nothing In The Story, modèle absolu de l’appropriation par MY FIRST STORY de tous les codes artistiques de la discographie de ONE OK ROCK. Rengaines enlevées à la guitare, batterie survoltée, anglais très présent dans un texte ciselé pour être aussi percutant que possible, mini-break avant un refrain explosif : tout est là. L’interprétation de Hiroki est totalement calquée sur la personnalité de Taka, avec une palette allant d’une certaine douceur légèrement granuleuse sur les couplets à des aigus toute gorge déployée sur le pont, en passant par des virées plus rauques pour accentuer les fins de phrases avec juste ce qu’il faut de cris pour ravager encore un peu plus la partition. Le résultat est bluffant, mais surtout d’une monstrueuse efficacité. La recette est exactement la même pour ALONE, mais l’alchimie est encore meilleure. Les arrangements sont impressionnants de richesse, avec une ligne de basse surpuissante, des riffs entêtants, des changements de rythme permanents… et surtout un refrain incroyable mené à tambour battant dont les paroles exploitent à merveille la richesse musicale des sonorités de la langue japonaise : cette accumulation de rimes en -te est tout simplement jouissive ! MY FIRST STORY joue aussi la carte « emo », avec des couplets plus lents, des refrains plus lourds et des paroles dans lesquelles Hiroki évoque ses craintes et ses blessures (The Puzzle, Missing You), mais ne se prive pas d’explorer aussi des influences plus punk (comme sur l’excellent Home ou Last Call) ou heavy (Boom, Tomorrowland). Les textes font aussi la part belle à la rébellion, voire à l’irrévérence : « You have to realize already / We’re better than that idol shit / (…) Raise middle finger high up to the sky / (…) I’m never going to lose, I’m a mother fucking prince (Smash Out!) ».

La petite faiblesse, parce qu’il faut bien en trouver une, se trouve du côté des titres plus low tempo. Hiroki n’a pas encore l’aisance de son frangin dans tous les registres, et très clairement l’émotion et la voix de tête sont encore à travailler. Bien que très jolie dans l’absolu, il manque un peu d’âme à One Light pour sortir du cadre de la ballade rock FM scolaire presque trop bien exécutée. En guitare-voix dont la dramaturgie se charge progressivement, Kimi no uta n’a pas non plus la puissance d’un Wherever you are dont elle s’inspire pourtant clairement. Et c’est sans parler de cette tendance ridicule qu’a Hiroki à minauder à coups de petits gémissements douloureux qu’un esprit mal placé aurait vite fait d’imaginer enregistrés pendant un casting chez un célèbre animateur TV/radio français…

Si d’un point de vue individuel la performance déjà excellente de Hiroki n’est pas encore à la hauteur des prestations phénoménales de son frère prodige, le travail livré par MY FIRST STORY sur ANTITHESE est globalement plus que convaincant. L’album est un bijou qui flirte avec la perfection, clairement l’une des plus grosses réussites de cette année. Et voilà donc que la pression change d’épaules : MY FIRST STORY a certes piqué toutes ses recettes à ONE OK ROCK, mais le groupe est effectivement en passe de surpasser son modèle à son propre jeu. Pour preuve : MFS est actuellement en plein milieu d’une tournée de 47 dates à travers le Japon, toutes sold out ! Dans ce contexte, la sortie du prochain opus, très attendu, de Taka et sa bande sera scrutée avec d’autant plus d’attention. Très nombreux sont en effet les fans qui craignent que le groupe perde pour de bon son âme dans l’occidentalisation excessive de son son ; et si le disque poursuit sur la lancée artistique et marketing tenue par OOR ces deux dernières années, le talent de Taka ne suffira pas à retenir les fans de la première heure. Lesquels auront tôt fait alors de rejoindre ceux qui ont déjà pris le parti de suivre de plus près les aventures du petit frère. Mais qu’importe qui sortira vainqueur de cette rivalité, qu’elle soit réelle ou fictive : tant que la musique est bonne… et qu’elle a la bonne idée de venir nous rendre visite de temps en temps de notre côté du globe ! Il y a 9 ans déjà, une poignée de fans français faisait savoir au staff de ONE OK ROCK combien le groupe avait le potentiel pour remplir des salles européennes, avec le résultat que l’on connait. Espérons que MY FIRST STORY aura la bonne idée de ne pas attendre aussi longtemps pour entendre notre appel !

Kevin Petrement

Après 18 ans consacrés à jouer les PPDA de la Jpop de jour comme de nuit (je vous rassure j'ai commencé très jeune !), je profite désormais d'une petite pré-retraite tout en continuant à partager mes coups de coeurs et coups de sang sur le marché musical nippon. Tout ça entre un petit chou au praliné (ou une tarte au citron) et un avion à destination de je ne sais quel sublime paysage dans un coin paumé !

3 réponses

  1. Meloetta dit :

    Votre article me donne envie d’écouter Antithèse.
    J’adore(rais) OOR mais comme les fans japonais leur besoin d’internationaliser leurs textes me détourne d’eux
    J’écoute la version soi-disante japanese d’Ambitions et je suis clairement dégoûtée car le japonais a pratiquement disparu à 80% voire 90%. J’étais fan du mélange comme pour The beginning mais là… La musique est encore bonne, mais qui compose la musique ? Des américains ? Avant Toru et aussi Ryota signaient la plupart des morceaux avec Taka.
    OOR va finir par n’être que Taka, dommage.
    Déjà j’aimais plus certains morceaux dont je ne dirais pas les titres car ils sont écrits en japonais et que je ne sais pas lire cette très jolie langue
    Je vais donc voir le petit frère que j’avais découvert avec l’opening d’animé Fugyaku Replace que j’ai trouvé excellent
    Après Hiroki singe son frère celui qu’il n’a pas eu auprès de lui. C’est peut-être son modèle. Ça ne me dérange pas trop. Ils sont kyodai
    Mais je vais lire les textes des 2 pour analyser tout ça car on doit pouvoir comprendre leurs blessures respectives
    En tant que coréenne exportée pour de sombres raisons, abandonnée à seulement quelques jours à l’aéroport de Séoul (mon prénom coréen veut dire enfant de l’aéroport) j’aime comprendre ce genre de choses. Car c’est assez rare 2 frères, séparés suite à un divorce de 2 stars, évoluant dans des groupes différents avec des histoires différentes de création mais connaissant le même succès avec un petit décalage… Bref album de MFS telechargé je m’en vais l’ecouter après Ambitions.

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