Silent Hill 4 : épisode de trop ou chant du cygne ?

Une rumeur portant sur la reformation de la Team Silent, équipe à l’origine des quatre premiers opus de la série Silent Hill, est régulièrement évoquée depuis le début de l’année 2020. Si ces bruits de couloir ne manquent pas de susciter l’espoir chez les fans, c’est finalement par une réédition que la saga horrifique a de nouveau fait parler d’elle. Silent Hill 4, dernier jeu développé par la Team Silent en 2004, a en effet intégré le catalogue de la plateforme de jeux PC Gog.com en compagnie d’autres titres cultes de l’éditeur KONAMI.

 

Considéré par certains joueurs comme étant le plus faible de la quadrilogie, voire comme l’épisode de trop, Silent Hill 4 : The Room est également loué par d’autres pour son scénario et ses partis-pris osés. Le Journal du Japon vous propose une remise en contexte de ce quatrième opus qui a cherché à mener la série vers une autre voie, toujours aussi sombre et brouillardeuse.

Le changement de cap de la Team Silent

Après un Silent Hill 2 riche en symbolique et qui explorait en profondeur la psyché de ses personnages torturés, le troisième opus a pu être considéré comme un retour aux sources. Ce dernier proposait en effet un scénario et des personnages moins riches que son prédécesseur, se reconcentrant sur les méfaits de la secte de Silent Hill et offrant par ailleurs une suite directe au tout premier jeu. L’horreur y apparaissait en revanche de façon plus viscérale que jamais, et certaines scènes comme celle du miroir ou du mannequin hantent toujours les mémoires des joueurs.

Le gameplay et les grands principes de jeu, quant à eux, y restaient les mêmes : lampe-torche pour éclairer les pièces sombres, radio avertissant de la proximité des monstres, armes et objets de soin à sélectionner dans l’inventaire… Tous ces éléments faisaient partie intégrante de l’identité des trois premiers Silent Hill… au point de laisser poindre une certaine redondance ?

Plusieurs rumeurs affirment que Silent Hill 4 : The Room (dans un premier temps intitulé Room 302) aurait été pensé et conçu comme un jeu complètement séparé de la série Silent Hill. Les différentes références aux jeux précédents auraient alors été introduites vers la moitié du développement, de façon à rendre le tout cohérent. Masashi TSUBOYAMA (directeur et designer du jeu) et Akira YAMAOKA (compositeur) ont cependant nié cette information, indiquant ayant développé le jeu dans l’optique d’une suite, ou au moins d’un spin-off de la saga. Il est toutefois possible que la Team Silent ait envisagé un jeu à part lors des toutes premières esquisses du projet.

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Pour la première fois, une vue à la première personne dans un Silent Hill ©KONAMI

Il faut dire que ce Silent Hill 4 bouleverse l’ordre établi : unique lieu de sauvegarde, plus de lampe ni de radio, certains ennemis invincibles, armes au corps à corps destructibles si trop utilisées… Pour la première fois dans la série, nous avons aussi droit à une vue à la première personne lors des séquences se déroulant dans le domicile du personnage principal, l’appartement 302. La Team Silent a donc clairement orienté le cap vers le changement, sans doute désireuse de faire autre chose mais craignant aussi, à raison, de lasser les joueurs en répétant le même schéma jusqu’à l’usure.

Le confinement selon Silent Hill

Rien que le choix du sous-titre The Room laissait déjà suggérer le changement de cap radical évoqué ci-dessus. Alors que les trois premiers jeux se déroulaient quasi-exclusivement dans la brouillardeuse ville ayant donné son nom à la saga (en-dehors de la première partie du 3), les mésaventures de Henry Townshend, protagoniste du jeu, débutent dans un simple appartement, non pas situé à Silent Hill mais plutôt dans sa périphérie. Ici, c’est donc Silent Hill qui vient directement au personnage alors que les protagonistes précédents avaient tous une raison personnelle de se rendre dans la ville maudite.

Ce dénommé Henry va en effet avoir la mauvaise surprise, après plusieurs nuits hantées par des cauchemars, de découvrir sa porte solidement cadenassée et enchaînée depuis l’intérieur. Celle-ci est également ornée d’un message écrit en rouge et signé par un certain Walter lui ordonnant de ne pas sortir. Il lui est dès lors impossible d’interagir avec l’extérieur, ses voisins ne semblent rien entendre (bien que sa voisine Eileen ainsi que le concierge de l’immeuble soupçonnent quelque chose de louche), et son téléphone ne lui permettant pas de passer d’appel.

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©KONAMI

Alors qu’un bruit venant de la salle de bain se fait finalement entendre, notre protagoniste y remarque un trou dans le mur suffisamment large pour s’y glisser. Henry découvre alors un monde peuplé de créatures cauchemardesques. Il y suivra la trace de Walter Sullivan, tueur en série rapidement évoqué dans Silent Hill 2, bien décidé à poursuivre ses meurtres afin d’accomplir un étrange rituel macabre. Au cours de son aventure, notre personnage aura par ailleurs l’occasion d’apprendre le terrible secret qui lie le meurtrier à l’appartement 302.

L’appartement de Henry devient très rapidement un élément central du jeu. Il s’agira en effet du seul endroit où le joueur pourra sauvegarder sa partie, stocker/retirer des objets (ceux-ci ne pouvant être transportés qu’en quantité limitée, contrairement aux épisodes précédents… un emprunt tardif à Resident Evil ?), et rejoindre les différents niveaux (ce que l’on pourrait qualifier de “Hub” dans le jargon vidéoludique). Ceux-ci proposeront également des trous placés à intervalles réguliers permettant de revenir faire un tour à l’appartement. La seconde partie du jeu réservera cependant des mauvaises surprises à ceux qui considéreraient le domicile de Henry Townshend comme une zone à l’abri des horreurs de Silent Hill…

Un temps de développement trop court ?

Vous l’aurez compris, ce Silent Hill 4 a fait le choix de bousculer les habitudes des joueurs. Il est vrai que la série avait à ce moment besoin de se renouveler après trois épisodes très proches en termes de gameplay. On sent cependant à certains moments que la Team Silent aurait gagné à bénéficier de plus de temps de développement. Sorti seulement un an après Silent Hill 3, The Room propose des décors globalement moins marquants que ses prédécesseurs. Le fait que ceux-ci soient davantage éclairés pour compenser l’absence de lampe-torche ne joue sans doute pas en faveur du sentiment d’horreur que l’on pourrait ressentir. On s’interrogera aussi sur le sens du bruitage de plusieurs monstres, souvent plus de l’ordre du grotesque qu’autre chose. Akira YAMAOKA, déjà sound designer et compositeur sur les précédents volets, signe cependant une bande-son toujours aussi soignée avec plusieurs thèmes marquants (notamment “Resting comfortably”), sans oublier la très belle chanson “Room of an Angel”, insuffisamment exploitée.

Le design des nouveaux monstres est quant à lui inégal. Si certains proposent un vrai moment de terreur lors de leur première rencontre (notamment le dénommé “Twin Victim”, brillamment trouvé), d’autres peinent à convaincre réellement, paraissant trop basiques. Masahiro ITO, concepteur du célèbre Pyramid Head dans Silent Hill 2 mais absent sur ce quatrième opus aurait-il été plus inspiré ? Les fantômes constituent en revanche une idée très pertinente : effrayants et impossibles à tuer complètement, ils ne pourront être immobilisés qu’à l’aide d’un glaive spécial disponible en quantité très limitée. Il vous faudra donc bien choisir les fantômes dont vous souhaitez vous débarrasser, certains étant susceptibles de vous harceler d’un niveau à l’autre…

La deuxième partie du jeu, assez contestée, pourra rebuter de par sa redondance. L’histoire restant captivante et sachant distiller les indices petit à petit, ces quelques défauts n’empêchent cependant pas d’apprécier l’aventure. Cette dernière propose en effet bien d’autres réussites, notamment scénaristiques, que nous vous laissons la surprise de découvrir.

Un scénario et un univers toujours prenants

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Walter Sullivan, principal antagoniste de ce Silent Hill 4 ©KONAMI

La saga Silent Hill est reconnue pour son ambiance horrifique troublante et dérangeante, mais aussi pour son histoire et ses personnages. Si Henry Townshend pourra sembler un peu trop effacé surtout en comparaison de Heather, la protagoniste du troisième volet, l’histoire de l’antagoniste Walter Sullivan, gagne quant à elle de plus en plus en épaisseur au fil de l’aventure. Au point d’en devenir le personnage principal de l’histoire ? Enfin, The Room parvient aussi à enrichir le lore Silent Hill en nous apprenant davantage notamment sur l’orphelinat “Wish House” et ses pratiques diaboliques.

On pourra y noter aussi des références aux volets précédents, et notamment au second jeu de la série. Les trous par lesquels passe Henry afin d’accéder aux différents mondes fait par exemple écho à la mystérieuse inscription que nous pouvions lire dans le Neely’s Bar de Silent Hill 2 : “There was a HOLE here. It’s gone now”.

On comprendra toutefois que les rues brouillardeuses de la ville, remplacées par des niveaux s’enchaînant de façon très linéaire, aient pu manquer à certains joueurs. Silent Hill 3 avait d’ailleurs déjà amorcé la transition, avec une première partie se déroulant hors de la ville, et une seconde où celle-ci n’était accessible que sur une zone assez réduite.

 

Si ce Silent Hill 4 : The Room n’est pas sans défaut, il témoigne d’une volonté ambitieuse de renouveler la saga grâce à des partis-pris osés et plutôt pertinents. 16 ans après sa sortie initiale, il n’est pas trop tard pour se replonger dans les mystères de la chambre 302. En attendant peut-être de bonnes nouvelles sur le retour au premier plan de la saga Silent Hill ?

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