Re:ZERO : une seconde saison en deux temps deux mouvements

Après une première saison diffusée en 2016 et pour le moins marquante, 2020 aura été l’occasion pour Re:ZERO – Starting Life in Another World – de revenir sur le devant de la scène grâce à la première partie de sa seconde saison. La seconde moitié de cette dernière, diffusée cet hiver, a maintenant touché à sa fin, il y a maintenant quelques temps, et c’est l’occasion de revenir sur cet animé, intégralement disponible chez Crunchyroll, et sur sa narration et son rythme, que certains ont rapidement jugé inégal. Mais est-ce vraiment le cas ?

Un « héros » face à sa propre folie…

Avec son personnage principal un peu bon à rien et ses mécaniques pour le moins originales, Re:ZERO – Starting Life in Another World –, adapté du light novel de Tappei NAGATSUKI, avait réussi le petit tour de force de proposer du contenu un minimum innovant et bien écrit, dans un genre surpeuplé de séries de mauvaise facture : l’isekai. Pour rappel, Subaru, un jeune homme vivant en marge de la société, se retrouve un jour plongé dans un univers fantastique. D’abord très enthousiaste, il va vite se rendre compte que sa vie n’y sera pas toute rose… Pire encore, il découvre que lorsqu’il meurt, il revient systématiquement à un point précis dans le temps ! Obsédé par une demi-elfe nommée Emilia, il souffrira mille morts pour la sauver… Étant donné la qualité de la première saison et le nombre de questions qu’elle avait laissé en suspens, comme nous l’avions souligné dans notre chronique, c’est avec un plaisir non dissimulé que nous avons accueilli cette suite !

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© Tappei Nagatsuki, PUBLISHED BY KADOKAWA CORPORATION/Re:ZERO PARTNERS

Mais avant cela, revenons brièvement sur le ton de la fin de la première saison… Subaru rentre, victorieux, heureux d’avoir su protéger ceux qu’il aime, et tout le monde le porte aux nues. Ses longs et douloureux efforts ont été récompensés, malgré un retournement de situation relativement mineur à l’heure actuelle que nous n’évoquerons pas ici, à la suite duquel les habitants du village sont mis en sécurité dans un « sanctuaire ». La suite reprend nos personnages là où nous les avions quittés, et ils ne sont même pas encore rentrés chez eux que les drames s’enchaînent… Et que nous, pauvres spectateurs, sommes petit à petit happés par la folie qui a doucement gagné Subaru durant la première saison. Cette folie n’est pourtant pas liée au désespoir ou à la douleur qu’il a pu ressentir jusque-là, non… Au contraire même, la façon dont il a toujours réussi à sauver ceux qui l’entourent, au fil de ses boucles temporelles, auront fini par avoir raison de son esprit, au point d’y faire naître un complexe du héros cruellement distordu. Il veut sauver tout le monde. Il sait qu’il le peut, puisqu’il lui suffit de mourir et de recommencer autant qu’il le faudra. Cette détermination lui est d’autant plus nécessaire que ceux qu’il doit protéger sont cette fois séparés en deux endroit : le manoir de Roswaal, menacé par des assassins aux motivations mystérieuses, et le sanctuaire, dans lequel tous les villageois sont coincés tant que personne n’arrive à surmonter les trois épreuves laissées par Echidna, la sorcière de l’Avarice.

Vous l’aurez compris, le premier cours de cette saison met d’autant plus Subaru au centre de son récit que ses rencontres, les épreuves qu’il traverse, les difficultés qui se dressent face à lui servent principalement à le confronter à ses propres démons. Là où on l’avait jusqu’ici vu se battre, mourir, essayer encore et encore de trouver une solution pour sauver les autres, il se retrouve ici majoritairement face à lui-même, à sa folie suicidaire, persuadé qu’il n’y a que comme ça qu’il arrivera à protéger tout le monde. Sa rencontre avec Echidna lui offre alors quelqu’un à qui parler à cœur ouvert, et ses épreuves font assez directement office de thérapie, autant vis à vis de son pouvoir que de la vie qu’il avait avant de changer de monde.

© Tappei Nagatsuki, KADOKAWA/Re:ZERO PARTNERS

Considérée comme mou par bien des gens, ce cours offre en fait à la série un espace pour mieux poser son univers et l’étendre, pour aborder tranquillement les sorcières et certains de leurs apôtres, mais surtout, pour mieux comprendre Subaru et à quel point il a été amoché par tout ce qu’il a vécu. Si la première saison était marquée par un questionnement vis à vis de son pouvoir, il a désormais parfaitement intégré celui-ci, et n’hésite d’ailleurs pas à en abuser… Ce qui n’est pas sans conséquence sur sa personnalité, et par extension, sur la confiance que lui accordent les autres. Froid, manipulateur, calculateur, même ceux qui l’appréciaient commencent sensiblement à s’éloigner de lui. Et c’est justement dans cet ensemble de dynamiques que se situe tout l’intérêt de cette première partie : tout le monde est bloqué au sanctuaire, et de par sa vision des choses, Subaru, et le spectateur par extension, perdent ce sentiment d’urgence qui faisait entre autre le charme de la première saison. Il n’y a plus vraiment de limite de temps, puisque Subaru peut recommencer autant qu’il veut.

De là découle autant de frustration pour Subaru que pour le spectateur. Tous deux ont l’impression que les autres ne font que se mettre en travers de la route de notre protagoniste, qu’ils feraient mieux de se fier à lui, après tout, il est le « héros », le seul à pouvoir protéger tout le monde. Mais dans le fond, est-ce vraiment le cas ? Son intervention est essentielle à la survie de tous, c’est indéniable, mais cela suffit-il à faire de lui le seul et unique sauveur de cette histoire ? Il n’a jamais surmonté d’épreuves seul, si on y réfléchit bien. Il a surtout eu pour rôle de pousser les autres à agir… De placer les pions aux bons endroits, en somme. Mais imbu de ses précédentes victoires, il a oublié une leçon qu’il avait pourtant durement apprise : à lui seul, il est impuissant. Aveuglé par ce qu’il s’imagine être, ce qui se trame autour de lui lui échappe… Jusqu’à ce qu’Echidna lui offre à elle seule une double rédemption ! Quelqu’un à qui parler, mais aussi une occasion de faire la paix avec sa vie antérieure et ses parents…

Se tourner vers le passé pour envisager l’avenir

© Tappei Nagatsuki, PUBLISHED BY KADOKAWA CORPORATION/Re:ZERO PARTNERS

Après une pause à l’automne, Re:ZERO – Starting Life in Another World – revient sur les écrans avec son deuxième cours pour la saison d’hiver. Subaru a finalement pu découvrir ce qu’Echidna attendait de lui, et qui se cachait derrière toutes les menaces qui entourent le manoir et le sanctuaire. Après l’introspection du premier cours, le second nous offre quant à lui l’opportunité d’en apprendre plus sur Emilia et sur son enfance, qu’on imagine particulièrement cruel depuis bien longtemps sans jamais vraiment avoir eu le temps de l’aborder. En miroir avec Subaru, elle se confronte à son passé, redécouvre avec nous ce qu’elle a vécu, et à s’accepter telle qu’elle est. Là où Echidna se montrait très affable avec Subaru, elle est au contraire dure avec Emilia, comme si elle était jalouse d’elle… Emilia en ressort plus forte, plus indépendante, plus honnête envers ses sentiments, ce qui est particulièrement appréciable tant son aspect « pot de fleur » pouvait être irritant jusque-là. De femme fragile qu’on protège, elle n’hésite désormais plus à prendre les devants, et ceux qui l’accompagnent s’inclinent rapidement face à cette autorité nouvellement acquise. Cette métamorphose aurait presque été un sans-faute s’il n’avait pas été suivi de l’intégration d’un gimmick qui devient rapidement « trèèès » agaçant.

Comme c’est le cas pour chaque arc, la seconde moitié de celui-ci prend appui sur les connaissances accumulées au fil des morts de Subaru pour arriver à une solution optimale. L’univers de la série continue de s’étendre à mesure des différentes découvertes qu’il effectue. Au point d’en devenir parfois un peu ridicule, notamment de par la brève introduction d’un sorcier et d’une sorcière qui ne sont pas directement liés aux sept péchés capitaux. Le récit avait à peine effleuré la surface des sept sorcières constitutives de ce récit, et il n’était peut-être pas nécessaire d’indiquer qu’il en existait d’autres, à ce stade de l’histoire… Les sorcières sont censées être des entités puissantes, craintes, mais aussi… rares, non ? Dans sa dynamique d’expansion, on est en droit de se demander si Re:ZERO – Starting Life in Another World – ne montre pas ici les limites de son univers tant cela l’amène à un point qui frôle l’effondrement. En marge de cela, il est très intéressant d’enfin pouvoir en apprendre plus sur les différentes sorcières et de s’éloigner un peu des contes pour enfants manichéens pour les présenter sous un jour beaucoup plus ambigu, notamment à travers la relation entre le péché capital qu’elles incarnent et les objectifs qu’elles s’étaient chacune fixés.

Comme évoqué plus haut, le reproche qui revient régulièrement lorsqu’on évoque cette saison, c’est la mollesse de sa première partie. Certains iront même jusqu’à dire que des épisodes entiers étaient dispensables… Ce qui est sans aucun doute particulièrement exagéré. Chacun d’entre eux distille petit à petit les informations nécessaires pour que Subaru et le spectateur puissent mieux comprendre les événements ou ce qu’ils impliquent, ou plus simplement, dans quel état pathétique se trouve Subaru, sous son vernis de héros autoproclamé. Et au-delà de cela, cet arc suit approximativement le même schéma narratif que les précédents : plusieurs boucles plus ou moins dramatiques à travers lesquelles Subaru apprend de ses erreurs, suivies d’une dernière et longue tentative où tout se résout pour atteindre une solution optimale. En ce sens, cette seconde saison ne prend personne par surprise, les premières tentatives sont forcément laborieuses et d’une certaine façon frustrante.

© Tappei Nagatsuki, KADOKAWA/Re:ZERO PARTNERS

Cela étant dit, il existe un décalage de format entre les deux saisons. À travers la première, nous avons pu voir se résoudre non pas une, mais trois boucles en 25 épisodes, tandis que la seconde n’en couvre qu’une sur la même durée. De cet écart découle une grande différence dans le sentiment d’urgence, le rythme et la densité informationnelle de chaque épisode. Chaque minute, chaque seconde compte, dans le premier cas, ce qui colle bien avec l’état de panique dans lequel est généralement plongé Subaru. Il est seul dans un univers où une simple odeur pourrait lui coûter la vie, coincé par un lourd secret qu’il ne peut partager avec personne. La seconde saison, quant à elle, est marquée par des événements radicalement différents qui ont un impact profond sur le rythme et sur la psyché de Subaru, à commencer par sa rencontre avec Echidna. De par son statut, elle devient un interlocuteur privilégié pour Subaru, qui peut enfin partager son secret avec quelqu’un. L’introspection que lui offrent les épreuves du sanctuaire permet cette fois à Subaru non pas d’en apprendre plus sur le monde qui l’entoure… mais sur lui-même.

En parallèle, comme nous l’avons évoqué plus haut, Subaru a parfaitement intériorisé son pouvoir, et là où il le craignait voire tentait d’éviter d’y avoir recours dans la première saison, il n’a cette fois-ci quasiment plus aucune hésitation à s’en servir. La panique et la terreur ont laissé la place au pragmatisme et au calcul. En reflet à ces deux éléments, ralentir le rythme de l’histoire et permettre à cet arc de s’étaler sur deux fois plus d’épisodes que les précédents est un choix judicieux qui permet d’autant plus d’apprécier les transformations par lesquelles passent Subaru et Emilia. Dans l’absolu, ce sont d’ailleurs les deux points centraux de cette saison, puisque tous deux y font la paix avec leur passé dans un premier temps, avant de réaliser et d’admettre, pour le premier qu’il a besoin d’aide, quitte à prendre le risque de se tourner vers la mauvaise personne, tandis que la seconde apprendra à s’imposer et à accorder sa confiance aux autres.

© Tappei Nagatsuki / Shinichirou Otsuka KADOKAWA CORPORATION MEDIA FACTORY

Un découpage qui tranche avec les attentes du spectateur

Probablement pour des raisons de planning, cette seconde saison s’est retrouvée découpée en deux cours séparés, diffusés avec une saison d’écart. Cela aura malheureusement eu pour défaut de mettre en exergue le manque de dynamisme ressenti lors du visionnage de la première partie par les spectateurs qui, généralement pressés de voir l’intrigue progresser, oublient d’apprécier la richesse de l’univers de Tappei NAGATSUKI et le soin que son récit apporte à la psychologie des personnages. Contrairement à la plupart des séries animées adaptées de light novels, Re:ZERO – Starting Life in Another World – n’est pas pensé comme une longue publicité pour la saga dont il est inspiré et mérite que les équipes de réalisation et d’animation prennent le temps de retranscrire au mieux sa complexité plutôt que de nous offrir une série au rythme chaotique et à l’histoire désarticulée. D’autant que la situation a changé, depuis 2017, grâce aux éditions Ofelbe qui ont pris l’initiative de publier le light novel original en France, offrant ainsi une opportunité en or à ceux qui sont pressés de découvrir la licence en profondeur.

Par opposition, on aura plus facilement tendance à considérer que la seconde moitié bénéficie d’un meilleur tempo… Mais si on y réfléchit, on réalise assez rapidement que ce gain de vitesse est lié à tout le travail préparatoire effectué au fil de la première partie. Celle-ci pose les rails qui permettront à sa suite d’offrir une épopée palpitante sans que le spectateur ne se perde, pour peu qu’il ait un tant soit peu prêté attention aux informations distillées au fil des douze premiers épisodes. Ce découpage en deux cours crée en fait une attente démesurée chez le spectateur. On ne voit plus la saison comme faisant 25 épisodes, mais comme faisant deux fois 12-13 épisodes… Et inconsciemment, on espère absolument que chaque cours apportera une conclusion claire et nette… Ce qui n’est bien entendu pas le cas ici. Avec la possibilité de regarder tous les épisodes à la suite, sachant qu’il y a un dénouement pour le moins satisfaisant au terme de la saison, cette tension s’efface et on apprécie d’autant plus le souci du détail qui caractérise l’écriture de cette série.

© Tappei Nagatsuki, KADOKAWA/Re:ZERO PARTNERS

Les séries animées qui ont l’opportunité de s’étaler de cette façon dans le temps se font de plus en plus rares, et celles qui arrivent à en faire bon usage comme ce fut le cas pour celle-ci le sont d’autant plus. Plutôt que de pointer du doigt un rythme qui ne colle pas forcément avec les standards d’une époque où tout doit aller toujours plus vite, où l’on aimerait que tout nous soit expliqué avant même que quoi que ce soit ne se soit passé, nous pourrions tout aussi bien prendre le temps de profiter du sous-texte, de tous ces petits détails qui fourmillent à l’écran. À l’image de ce magnifique instant où Subaru se reflète enfin dans les yeux de sa dulcinée. Dans son ensemble, Re:ZERO – Starting Life in Another World – offre en définitive un récit particulièrement bien construit à l’univers très vaste, presque trop, où quasiment rien n’est anodin, à l’image de sa première saison mais avec plus de temps. Étant donné le succès de la licence, aucun doute qu’elle reviendra à nouveau sur nos écrans, et l’on espère qu’à ce moment-là aussi, elle aura l’opportunité de s’exprimer au rythme qui lui convient le mieux.

Au final, la seconde saison de Re:ZERO – Starting Life in Another World – est dans la continuité de la première, dans le sens où la narration reste très qualitative et que l’ensemble est porté par une animation d’excellente facture, sous la houlette du studio White Fox. Malgré un rythme un peu plus lent au départ, chaque épisode arrive malgré tout à captiver notre attention grâce à un univers très détaillé d’une grande profondeur. Cette fois encore, cet arc se termine sur un final grandiose qui apporte des réponses à un certain nombre de questionnements tout en laissant de nombreuses zones d’ombres… Après tout, nous ne savons toujours pas… Qui est Rem ?

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