Violet Evergarden Le Film : À la lumière des jeunes filles en fleurs

Initialement prévu pour novembre dernier, Violet Evergarden : Le Film, aurait dû conclure une année 2020 qu’avait ouvert, en janvier, son petit frère Violet Evergarden : éternité et la poupée de souvenir automatique. Un planning mis à mal par la pandémie, puisque d’abord reporté au 15 décembre, le film a finalement été repoussé indéfiniment par la fermeture des cinémas… Presque 6 mois plus tard et grâce aux efforts et à la résilience de son distributeur Eurozoom, il trouve enfin son chemin vers nos salles obscures, le temps de quelques séances spéciales, à partir du 19 mai. Une sortie à célébrer et dont on espère que la beauté permettra de tirer un trait, ou du moins son esquisse, sur le chaos des mois passés !

©Kana Akatsuki,Kyoto Animation/Violet Evergarden Production Committee

Le poids des mots

Depuis 2018, et le succès de son adaptation en animé par Kyoto Animation, le studio à l’origine, entre autres, de Free, Clannad ou encore A Silent Voice, on ne présente plus Violet Evergarden. La série, issue de romans de Kana AKATSUKI, s’était en effet, dès sa sortie, imposée comme un nouveau standard de qualité pour le studio, tant sa beauté et sa force d’évocation avaient réussi à emporter public et critiques sans distinction, en faisant la parfaite incarnation d’un « style Kyoto Animation » que ses treize épisodes transcendaient sans effort.

Et si depuis, les fans avaient dû ronger leur frein, 2020 a marqué le retour en grâce de Violet Evergarden, non pas sur petit écran, mais dans nos salles obscures, d’abord avec Violet Evergarden : éternité et la poupée de souvenir automatique, puis avec le sobrement intitulé Violet Evergarden : Le Film. Le premier film, diffusé chez nous en janvier était une agréable parenthèse, une variation innocente sur les thèmes de la série, qui s’oubliait aussi vite qu’elle s’appréciait. Quant au second, en offrant une suite à l’histoire de Violet, le personnage éponyme, il se place dans une toute autre catégorie, amplifiant et à bien des égards dépassant, ce qui faisait toute la grandeur de l’animé. Ainsi, avant même d’en résumer l’histoire, affirmons ceci : Violet Evergarden : Le Film est, dans ses plus beaux moments, une œuvre à la sincérité désarmante. Une œuvre terrassante qui honore de la plus belle des manières la série qu’elle conclut.

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©Kana Akatsuki,Kyoto Animation/Violet Evergarden Production Committee

Sans aucun doute, ceux qui ont regardé la série de 2018 se souviennent de son dixième épisode. Vingt-quatre minutes bouleversantes par l’histoire qu’elles racontaient : celle d’une jeune fille, Anne, et de sa mère mourante, préparant des lettres pour l’accompagner. Mais aussi et surtout parce qu’elles marquaient l’éveil aux sentiments de Violet, ce personnage jusque-là froid et distant. Des sentiments qui la laissaient, à la fin de l’épisode, en larmes et effondrée, réalisant enfin, autant le poids des émotions qu’elle ignorait jusque-là et qui sont pourtant au cœur de la série, que de son métier : écrire pour ceux qui en sont incapables.

Reflets et échos

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©Kana Akatsuki,Kyoto Animation/Violet Evergarden Production Committee

C’est donc très justement que Violet Evergarden : Le film se place comme héritier de cet épisode, puisqu’il est tout entier raconté par Daisy, la petite-fille de Anne. Trois générations après les évènements de la série, elle découvre à son tour le travail de Violet et, fascinée par ce dernier, essaye d’en apprendre plus sur la jeune femme. Une filiation qui vaut évidemment comme clin d’œil complice, mais qui fait aussi sens au sein même du film. En effet, les intentions de Violet Evergarden sont limpides depuis le premier épisode de la série :  raconter l’éveil au monde d’une jeune femme, Violet, que la guerre a brisée ; et la façon dont, en mettant des mots sur les histoires des autres, elle devient capable, petit à petit, de reconstruire la sienne. Et, bien sûr, Violet Evergarden : Le Film¸ n’est sur le sujet pas différent. Seulement, s’il aspire sensiblement à la même chose, en passant par le prisme du regard de Daisy, il ne se contente pas de répéter le motif, et plutôt, l’enrichit, puisqu’à la trajectoire de Violet fleurissant au contact des autres, il fait répondre celle de Daisy, qui, à son tour, s’épanouit grâce à une autre histoire, celle, cela va de soi, de Violet.

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©Kana Akatsuki,Kyoto Animation/Violet Evergarden Production Committee

Tout entier habité par cette idée d’histoires et d’époques se répondant, le film déborde d’inventivité pour la mettre en scène : par des travelings se répondant, par l’image d’un papier flottant d’une époque à l’autre et les liants entre elle ou bien sûr, par le nom des deux jeunes femmes issues de deux fleurs : les violettes et les marguerites.

De fait, Violet Evergarden : Le Film est une œuvre éminemment bien construite, traversée de bout en bout par des motifs qui occupent autant son récit que ses images. Ainsi, film qui parle de la transmission, des liens, de la façon dont les lettres relient ou séparent, il n’a de cesse de jouer sur la symétrie, des situations bien sûr, mais aussi des images. Et il suffit de regarder l’une de ses premières scènes, une sublime cérémonie d’hommage à la mer, pour s’en convaincre. Violet y est toujours au centre de plans parfaitement symétriques qu’elle coupe verticalement tandis que, quand la caméra s’élève au-dessus de l’eau, c’est pour illustrer un autre jeu de miroirs, cette fois entre les oiseaux et une nuée de bateaux. Une symétrie qui s’inscrit jusque dans la narration du film, puisque, bien plus tard, une autre cérémonie viendra faire écho à la première, lui répondant tout autant qu’elle l’enrichira d’un sens nouveau.




Si le film Violet Evergarden n’est pas dénué d’humour, les histoires qu’il raconte ne sont pas les plus heureuses, et, quoiqu’illuminé par de nombreux moments de grâce, il se refuse aussi à détourner le regard face à la mort et la cruauté qui l’habitent. De cela résulte une œuvre profondément riche et qui, malgré le classicisme de son propos, réussit la prouesse de parler à et de tous. Certainement parce que, dans le jardin d’histoires qu’elle donne à voir, elle laisse un peu de place à celles des spectateurs et les invite à s’épanouir

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