Découvrez ou redécouvrez Bashô, l’un des grands maîtres du haïku

Journal du Japon vous emmène à la découverte d’un des grands maîtres du haïku, ce poème court capable de saisir l’instant en quelques mots. Deux livres vous permettront de voyager avec lui : l’intégralité de ses haïkus en version bilingue, et dans un livre écrit et dessiné par Dany Laferrière, amoureux de ce poème court et de ce grand maître.

Image de Une créée avec les couvertures des livres et un fond vecteur créé par jcomp sur Freepik

L’intégrale des haïkus de Bashô : un indispensable à avoir dans sa bibliothèque

L'intégrale des haïkus de Bashô, édition bilingue, éditions Points : couvertureSi vous vous intéressez à la culture japonaise, vous avez probablement entendu parlé du haïku, ce poème court qui en trois lignes, 5, 7 et 5 syllabes, cherche à saisir un instant, une image, une sensation. C’est un exercice difficile mais fascinant.

Bashô (1644-1694) en est l’un des grands maîtres. Grâce aux éditions Points, il est désormais possible d’avoir l’intégralité de ses haïkus en format poche dans son sac et, cerise sur le gâteau, en édition bilingue (très intéressant pour ceux qui apprennent le japonais, car on y reconnaît vite des mots qu’on a appris et on peut même lire quelques poèmes, ce qui suscite une grande joie !).

Vous découvrirez en introduction de ce livre une présentation des différentes formes de poèmes au fil des siècles au Japon, ainsi qu’une biographie très détaillée de Bashô accompagnée des haïkus emblématiques illustrant les différentes périodes de sa vie.

Pour résumer en quelques mots, « né au Japon en 1644, Bashō est le premier grand maître du haïku et sans aucun doute le plus célèbre au Japon, où il est aujourd’hui encore vénéré. C’est à treize ans que ce fils de samouraï apprend les rudiments du haïku. Il fondera par la suite sa propre école à Edo (l’actuelle Tokyo) avant de renoncer à la vie mondaine et de prendre l’habit des moines. Après de longues années de pérégrinations et d’austères retraites, nourri de culture chinoise et de philosophie zen, il crée son courant poétique dans son ermitage de Fukagawa. Auteur de plus de deux mille haïkus, Bashō s’éteint à Osaka en 1694 ».

Le lecteur plonge ensuite dans cet univers poétique au fil des jours, des mois, des saisons, au fil des voyages, des rencontres, des paysages et des floraisons dans Seigneur ermite puis Nuit de Fukagawa.

Et la magie opère : on chemine avec l’auteur dans ses longues marches sur des chemins montagneux, on s’arrête dans des villages, on entend une cloche sonner, on hume le parfum d’une fleur, on sent parfois la nostalgie venir avec le vent d’automne, on a froid au milieu de l’hiver glacé.

On parle avec un papillon, on admire l’éphémère volubilis, on croise des chats, des biches, des corbeaux … et même des poux et des maquereaux !

On s’enivre du parfum des pruniers dans un printemps qui chaque année émerveille. Même une petite violette sur un chemin de montagne nous émeut.

Quelques extraits …

山路来て何やらゆかしすみれ草

yamaji kite naniyara yukashi sumire-gusa

Sur le chemin montagneux
une violette me fascine
sans raison

世にゝほへ梅花一枝のみそさゞい

yo ni nioe baika isshi no misosazai

Le monde parfumé
d’une seule branche de prunier,
un troglodyte s’en contente

花にやどり瓢簟斎と自いへり

hana ni yadori hyōtansai to mizukara ieri

Nuit sous les fleurs –
ascète raffiné à l’excès
je me surnomme “Seigneur Ermite”

草枕犬も時雨ゝかよるのこゑ

kusa-makura inu mo shigururu ka yoru no koe

Oreiller d’herbes –
Est-il triste, trempé par l’averse d’hiver,
ce chien hurlant à la nuit ?

これや世の煤にそまらぬ古合子

kore ya yo no susu ni somaranu furu-gōshi

Voici
un vieux bol à soupe et son couvercle
non souillé par la suie du monde

淋しさや釘にかけたるきりぎりす

samishisa ya kugi ni kaketaru kirigirisu

Solitude –
Accrochée à un clou
une cage à grillon

水仙や白き障子のとも移リ

suisen ya shiroki shōji no tomo utsuri

Narcisses
et blancheur des shōji
se reflètent

行龝のなをたのもしや青蜜柑

yuku aki no nao tanomoshi ya ao-mikan

L’automne s’en va –
encore plein d’espoir
une mandarine verte

春もやゝけしきとゝのふ月と梅

haru mo yaya keshiki totonou tsuki to ume

Lentement le printemps
parfait son ambiance –
Lune et fleurs de prunier

蓮のかを目にかよはすや面の鼻

hasu no ka o me ni kayowasu ya men no hana

L’odeur des fleurs de lotus
arrive jusqu’aux yeux
par les narines du masque

子に飽クと申す人には花もなし

ko ni aku to mōsu hito ni wa hana mo nashi

S’il dit s’ennuyer
en élevant ses enfants,
il ne peut comprendre l’élégance des fleurs

夏衣いまだ虱をとりつくさず

natsu-goromo imada shirami o tori-tsukusazu

Vêtements d’été –
je n’en finis pas
d’extirper mes poux

De nombreuses notes permettent de comprendre les mots difficiles, les fêtes, les lieux, les événements et personnes mentionnés dans les poèmes.

Plus d’informations sur le site de l’éditeur.

Sur la route avec Bashô : le livre atypique et réjouissant de Dany Laferrière

Sur la route avec Bashô de Dany Laferrière, éditions Grasset : couvertureCe livre grand format manuscrit et illustré des dessins de l’auteur (une façon de s’exprimer qu’il utilise depuis quelques années, pour le plus grand bonheur du lecteur) s’ouvre sur une citation de Bashô : « Notre vie même est un voyage ».

Un voyage que Dany Laferrière fait en compagnie de son vieil ami Bashô : « Voilà une chose à laquelle je ne m’attendais pas cette amitié avec Bashô. Je ne m’étendrai pas non plus sur cette étrange relation avec un poète mort depuis si longtemps déjà ». Phrase qui fait face à un portrait du grand maître dessiné par l’auteur.

Ce livre qui n’est pas un récit ou une fiction sur Bashô, mais un essai où l’auteur tente de voir le monde moderne avec un regard de haïjin (compositeur de haïku).

On y découvre un étrange personnage, Caméra : « Je m’appelle Caméra et je vis en solitaire dans une petite maison en pleine forêt. Je pars regarder le monde et ses multiples visages. J’ai faim de sensations diverses ». On pourrait croire que c’est Bashô qui parle ! Cependant ce n’est pas le Japon du maître de haïku que nous découvrons, mais bien le monde actuel dans toute sa beauté mais aussi tous ses dérèglements.

Le monde prend vie en textes courts et en dessins très colorés, naïfs, presqu’enfantins. D’un soleil drogué qui tombe dans le golfe (un concentré visuel qui saisit le lecteur) à Black Lives Matter, d’un verre de vin en terrasse aux manifestants aux parapluies de Hong Kong.

Des instants de sa vie, d’un quotidien à l’échelle de sa cuisine, de son immeuble, de sa rue, d’un jardin … jusqu’aux images mondiales qui lui parviennent. Ce livre est également une galerie de portraits d’artistes vivants ou morts qu’il admire. Il les dessine, les cite, leur donne quelques traits, quelques mots pour les faire venir jusqu’à nous.

Pour résumer, tout ce qui nous saisit au cours de notre vie, de la beauté d’une personne rencontrée à un morceau de jazz écouté, apparaît sous forme de courts textes et de dessins minimalistes.

Un concentré du monde dans lequel il faut bien vivre, avec ses souvenirs, ses voyages, ses paysages, mais aussi ses écrivains, ses musiciens, ses peintres qui accompagnent chacun tout au long d’une vie.

« Mon intention n’a jamais été de comprendre le monde, ni de le changer. Simplement d’y vivre ».

Apprendre à vivre, à se poser, à regarder, à sentir par tous les sens … et garder une trace de ces moments qui nous marquent, nous construisent.

Un beau livre qui donne envie d’écouter un bon morceau de jazz en buvant un bon verre et en admirant le paysage qui s’offre à nous … ou de partir sur les routes avec Bashô !

Plus d’informations sur le site de l’éditeur.

Deux livres pour s’imprégner de l’esprit du haïku et d’un de ses plus grands maître, Bashô !

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