Resident Evil avec Patrick Hellio : Révélations et Evolutions d’une série de jeux horrifiques

Resident Evil est un monument du jeu vidéo et mêle allègrement puzzles, horreur, shoot et exploration. Chaque opus possède sa propre identité, RE1 étant à l’opposé de RE7 et pourtant la saga reste tout de même plus que cohérente. Redécouvrez avec Journal du Japon les évolutions et mutations des derniers Resident Evil telles que nous les raconte Patrick Hellio, auteur du titre Resident Evil : des Zombies et des Hommes vol. 2 paru chez Third Editions.

Resident Evil : des Zombies et des Hommes vol. 2, Third Editions

©Third Éditions / Illustration de Marion Millier

Avant de laisser la parole à Patrick Hellio qui a eu l’amabilité de répondre à nos questions, résumons rapidement les débuts du phénomène vidéoludique qu’est Resident Evil. Cette saga a vu le jour pour la première fois en 1996 sur Playstation et a tout de suite révolutionné la manière de penser et de mettre en scène le jeu vidéo horrifique tout comme l’avait fait Alone in the Dark quelques années plus tôt. Cette anecdote n’est pas anodine puisque le titre horrifique de Capcom mélange plusieurs inspirations comme le cinéma occidental de Romero ou encore le titre édité par Infogrames cité plus tôt. Dès sa sortie il est devenu un incontournable et une icône du survival horror bousculant les codes de l’horreur avec sa musique d’ambiance, ses angles de caméra, son inventaire restreint et bien d’autres points.

Jaquette RE4

©Capcom

Jaquette Alone in the Dark

©Infogrames

RE2 et 3 ont suivi le même modèle que leur prédécesseur mais une toute nouvelle manière de voir le monde de RE s’est ouverte avec Resident Evil 4, l’un des plus gros succès de la franchise (10 millions de copies vendues). Capcom a donc choisi de transformer l’horreur d’ambiance en action horrifique et les nouveaux opus ont suivi cette même logique. Ainsi, bien que des succès commerciaux, les titres numéro 5 et 6 ne parviennent toutefois plus à totalement conquérir le public de la première heure qui devient nostalgique des débuts de la série. Il va donc falloir de nouveau transformer la franchise pour qu’elle suscite un nouvel intérêt, un nouvel effroi. C’est avec cet objectif que sont pensés les nouveaux titres de la série, ceux aux cœur du livre de Patrick Hellio.

 

« … la série Resident Evil constitue un reflet perpétuellement évocateur d’un certain rayonnement de l’épouvante. » – Patrick Hellio, Resident Evil : des Zombies et des Hommes vol. 2, p. 21

Jaquette RE Revelations 2

©Capcom

L’auteur insiste bien dans son ouvrage sur le fait que bien qu’à l’opposé du premier opus, RE7 tout comme RE8 renvoient toujours à la découverte du manoir Spencer, prouvant que les derniers épisodes sortis jusqu’alors veulent reproduire le frisson original et indémodable de RE premier du nom tout en apportant de nouvelles expériences horrifiques.

Tout comme les virus et le « bioréalisme » de la saga, les nouveaux jeux cherchent à évoluer, à muter et ce depuis plusieurs années déjà. Un fait que l’auteur de Resident Evil : des Zombies et des Hommes vol. 2 souligne parfaitement, précisant qu’un déclic s’est produit à partir de Resident Evil Revelations 2 qui se détache du côté action des RE4 à 6.

De plus, l’évolution de la saga concorde avec l’évolution du jeu vidéo, les nouveaux opus proposant sans cesse de nouveaux codes de l’horreur comme le torture porn, le found footage, l’horreur gothique, etc. La concurrence a sans doute aider à cette profonde transformation, Dead Space et The Evil Within étant parmi les titres les plus terrifiants du début des années 2010. Capcom a donc pris les devant et a changé d’axe d’approche : l’avenir de la série ne reposera plus sur l’action mais bien sur le retour aux sources !

Mais nous n’en dirons pas plus. Nous vous laissons le soin de découvrir toutes les ficelles de l’univers de RE au travers de la plume de Patrick Hellio, un fan inconditionné de la saga qui a su décortiquer toutes les mutations entre Revelations 2 et Resident Evil Village sans oublier les films sortis jusqu’ici. Plus de 300 pages de révélations vous attendent chez Third Editions, éditeur qui a déjà fait ses preuves avec de nombreux ouvrages forts intéressants comme Entre les lignes du Death Note qui a déjà été chroniqué par nos soins. Si vous n’avez pas encore été convaincu par ces quelques lignes, nous vous laissons avec l’interview de cet auteur des plus (RE)volutionnaires !

Rencontre Ecrite avec Patrick Hellio

Patrick Hellio

Journal du Japon : Bonjour et merci de prendre du temps pour répondre à ces quelques questions. Tout d’abord, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs?

Patrick Hellio : Bonjour, je suis journaliste dans l’univers du jeu vidéo depuis déjà une bonne vingtaine d’années (Gamekult, JV Le Mag, Jeux Video Magazine…) et j’ai écrit également quelques ouvrages sur cet univers qui me passionne depuis toujours. J’ai par exemple signé L’Histoire du Point’n click : L’épopée du jeu d’aventure graphique chez Pix’n Love (2016) mais aussi cosigné plusieurs volumes de Génération Jeu Vidéo chez Wildfire Edition (Années 80, années 90…). Depuis sa création en 2007, je suis par ailleurs chroniqueur régulier du podcast hebdomadaire Silence On Joue, produit par Libération et présenté par Erwan Cario.

 

Avant que nous discutions davantage sur différents points de votre livre, Resident Evil : des Zombies et des Hommes volume 2, pouvez-vous le présenter à nos lecteurs ?

Avec plaisir. Il s’inscrit directement dans la lignée du premier ouvrage, qui avait été publié en 2015 également chez Third Editions. Celui-ci se penchait sur les premières années de la saga de Capcom et abordait l’ensemble des jeux jusqu’aux derniers volets alors contemporains dont Resident Evil 6.

©Third Éditions / Illustration de Marion Millier

Inutile de préciser que la franchise horrifique du japonais a beaucoup évolué dans les quelques années qui ont suivi, il nous a donc paru pertinent de proposer un second volume de Resident Evil : des Zombies et des Hommes, abordant les tonalités nouvelles que l’on a vu émerger au sein de la série avec un titre en forme de rupture comme bien sûr Resident Evil 7. Comme je l’explique dans l’ouvrage, cet électrochoc créé par le jeu de 2017 s’est nourri d’éléments plus anciens de la série et ce changement de ton, d’ambiance, était palpable dès Resident Evil Revelation 2, le premier jeu sur lequel je me penche dans le livre.

Jaquette RE7 PS4

©Capcom

Merci pour cette rapide présentation. Avec un ouvrage comme celui qui vient de sortir chez Third Éditions, l’une des premières questions qui vient en tête est la suivante : Quel est votre rapport à la saga Resident Evil ? Et quand l’avez-vous découverte ?

Je l’ai découverte avec le tout premier volet, sur PlayStation. A l’époque, j’étais très porté sur le jeu PC (Doom, Quake…) mais j’avais gardé un œil sur les previews dithyrambiques autour de ce qui s’annonçait comme une petite bombe potentielle sur PlayStation. Et puis arrive le jour où un ami m’invite à voir le jeu tourner. Je me rappelle encore du grincement du lecteur CD, du logo Capcom brayard de l’époque puis du menu.

L’introduction en Full Motion Video, l’arrivée inoubliable dans le manoir, l’action, les énigmes, la paranoïa ambiante… c’était du jamais vu à l’époque et j’ai dû acheter ma PlayStation dans les jours qui ont suivi ! C’est assez commun, tous les joueurs qui ont eu la chance de se frotter à Resident Evil au moment de sa sortie, évoquent immanquablement ce même choc, cette sensation de découverte grisante. Depuis, j’ai systématiquement suivi les évolutions de la série, qui fait partie intégrante de mon histoire de joueur.

Qu’est-ce qui vous a donné l’envie d’écrire sur cette saga ?

Cet attachement depuis le premier jeu sur PlayStation à la série a joué un rôle évidemment ! Aucun doute en tant que joueur donc, mais cette série a aussi cette faculté étonnante à régulièrement créer la surprise, à questionner assez ses fondamentaux, ses codes pour en faire un objet fascinant à étudier. Oui, j’ai connu l’un des chocs de ma vie de joueur en pratiquant le premier Resident Evil sur PlayStation, mais déambuler de nuit dans la maison des Baker avec le casque PlayStation VR vissé sur la tête a aussi eu un impact à peu près autant inoubliable. Une expérience unique, grisante, terrifiante et donc un sujet d’écriture tout simplement passionnant !

Nous avons ici le volume 2 de Resident Evil : des Zombies et des Hommes. Toutefois c’est le premier que vous rédigez, n’est-ce pas difficile de passer après un autre auteur ? Avez-vous eu des contacts avec les personnes en charge du premier volume ? Y a-t-il une continuité avec le travail de vos prédécesseurs ?

J’avais évidemment lu l’ouvrage à l’époque de sa parution. Je l’ai bien sûr consulté à nouveau, je l’ai relu mais rapidement, j’ai souhaité aussi prendre mes distances avec ce texte pour pouvoir creuser ma propre voie. Ce volume 1 est très intéressant, bien ficelé et plein d’informations, mais il peut aussi être intimidant quand vient le moment de prendre sa propre plume, avec le risque de trop vouloir s’en inspirer, notamment dans la structure.

De toutes façons, les jeux couverts dans ce volume 2 sont assez spécifiques, différents et « riches » à analyser en soi pour que j’aie pu creuser ma propre méthode. Sinon oui, il y a bien une continuité dans le sens où Volume 2 reprend le fil de l’histoire de la saga juste après… la fin de Volume 1. Et si je me focalise sur les derniers jeux, l’influence des volets originaux est omniprésente et j’y fais régulièrement référence.

Ce deuxième volume de Resident Evil : des Zombies et des Hommes tourne autour des changements qu’a subi progressivement la saga notamment entre RE4 et aujourd’hui. Et vous avez bien mis en lumière le changement de ton entre l’action décomplexée de certains titres et l’oppressante solitude et le jeu à la première personne des plus récents. Mais en tant que joueur, qu’est-ce qui vous a le plus marqué entre les différents jeux ?

Ce qui me marque, en effet, ce sont ces différences fondamentales et ces ruptures de ton, d’ambiance, de mise en scène qui rythment fréquemment la franchise Resident Evil. Et pourtant, Resident Evil reste Resident Evil et quelle que soit la nouvelle mutation qui peut survenir d’un jeu à l’autre, il reste toujours une part de l’essence du fameux jeu originel de 1996. C’est très intéressant, car chaque joueur a finalement « son » Resident Evil, cette somme d’éléments ou de motifs qu’il s’attend à retrouver dans un nouveau volet, au sein d’une saga qui est tout de même fondamentalement protéiforme, toujours en réévaluation de sa mise en scène, de ses personnages, de ses enjeux narratifs.

Ethan face aux Baker (vue subjective) ©Capcom

A titre personnel, c’est le Resident Evil tendance gothique qui me parle le plus, à base de Manoir Spencer, de maison Baker grinçante ou de Leon Kennedy perdu dans un village inquiétant en Europe. Entre vue troisième ou première personne, j’avoue que j’ai encore du mal à me décider tant chacune a ses avantages et inconvénients. L’idée de Capcom d’alterner est plutôt pratique !

Pensez-vous qu’un autre épisode principal de la franchise Resident Evil dans la continuité des opus 5 et 6 aurait pu voir le jour et fonctionner ? Ou bien aurait-ce été la suite de trop ?

En interne, le projet d’un successeur direct à Resident Evil 6 avait été mis en chantier, mais sans provoquer visiblement l’enthousiasme des équipes. Cela rejoint l’idée d’une franchise qui évolue de manière cyclique, souvent sous forme de trilogie : un premier volet marque une rupture qui renverse les codes (RE original bien sûr mis aussi RE4 ou RE7), une suite cherche à pousser les nouveaux curseurs établis (RE2, RE5 ou RE Village) mais le troisième volet peine à recréer la surprise (RE3) ou s’entête dans une approche radicalement action (RE6) qui appelle déjà de tous ses vœux une nécessaire remise en question.

Si Resident Evil 6 a été un grand succès commercial, je pense que Capcom a eu le bon sens d’écouter les retours des joueurs et notamment des fans de la première heure désireux de renouer avec le grand frisson au lieu des déluges d’action. Et RE7 a été la meilleure des réponses.

Si un jour un nouvel opus de la saga Revelations venait à sortir, avec les mêmes mécaniques que les 2 opus précédents, seriez-vous enthousiaste à l’idée d’y jouer ? Cela permettrait sûrement de diversifier davantage les types d’horreurs que nous propose la sage Resident Evil depuis quelques années déjà. Qu’en pensez-vous ?

Oui ! La série Revelations, avec ses budgets et sa voilure plus réduits, ses formats alternatifs type série, a toujours été un très intéressant terrain d’expérimentation pour Capcom autour de la franchise. On a vu des personnages marquants s’y affirmer, des mécaniques originales y être soupesées (coopération) donc oui, un nouveau Revelations serait forcément très intéressant à parcourir, y compris pour ce qu’il pourrait prédire pour le futur de la franchise.

Le duo Claire Redfield et Moira Burton ©Capcom

Avec RE Village nous sommes à la limite avec le mysticisme des autres survival horror tel Silent Hill que vous citez à plusieurs reprises dans votre livre. Pensez-vous qu’il soit possible que la saga franchisse la ligne et que le côté mystique soit plus présent dans de futurs opus ?

En effet, RE Village a poussé loin le curseur d’une certaine ambiguïté sur le plan mystique (des vampires ? des poupées animées ?) mais pour d’autant mieux tout dégoupiller systématiquement vers la fin de l’aventure. C’est un procédé régulier au sein de la saga, de jouer avec une certaine ambiguïté sur ce plan, de laisser croire à une potentielle présence de mystique ou de surnaturel, avant de toujours revenir à une explication « bioréaliste » pour reprendre la terminologie des développeurs.

Lady Dimitrescu et ses filles ©Capcom

Ce rapport que l’on qualifiera de scientifique, de cartésien, à l’horreur, c’est l’un des fondamentaux de la saga de Capcom et je pense qu’il serait périlleux de franchir cette ligne pour la cohérence de cet univers. En revanche, quand on sait cela, il est fascinant de voir comment les auteurs et artistes de Capcom s’évertuent à jouer avec nos attentes, à fabriquer méticuleusement des illusions en s’inspirant justement de figures classiques de l’épouvante.

On voit parfaitement dans ces trois cents et quelques pages que la saga Resident Evil vous a profondément marqué, mais existe-t-il d’autres licences horrifiques qui vous tiennent également à cœur ? Si oui, lesquelles et pourquoi ?

Jaquette Project Zero

©Tecmo / Wanadoo

Jaquette Silent Hill Collection HD PS3

©Konami

Oui, plein ! Je suis très attaché par exemple à la série Project Zero, via laquelle j’ai connu certaines de mes plus grandes sueurs froides devant un écran. Silent Hill est une évidence aussi, j’ai hâte d’en savoir plus d’ailleurs sur les différents projets de Konami en approche. The Evil Within, piloté par Shinji Mikami, constitue aussi une expérience mémorable en deux volets, dont on peut percevoir une parenté naturelle avec Resident Evil. Si on peut le classer en série horrifique, Deadly Premonition de Swery compte aussi parmi mes jeux favoris que je relance régulièrement. Impossible évidemment de ne pas citer Alone in the Dark en 1992, mais aussi, plus récemment la production de Supermassive Games qui propose une approche intéressante du concept de film interactif (Man of Medan, The Quarry…).

Si vous aviez la possibilité de réécrire sur une série de jeux, laquelle serait-ce ?

Il y en a quelques-unes, mais no comment. wink

©Third Éditions / Illustration de Marion Millier

Pour terminer, si vous ne deviez dire qu’une chose pour convaincre un néophyte de s’essayer à cette saga mythique ?

Je dirais quelle chance de pouvoir découvrir un tel monument du jeu d’horreur aujourd’hui ! Avec les derniers remakes (RE2, RE3) ou le prochain RE4, il y a moyen aujourd’hui de découvrir ces grands classiques dans des conditions vraiment optimales. J’ai régulièrement croisé des joueurs ces derniers temps qui avaient commencé avec RE7, j’imagine que la rencontre avec tout cet univers doit être assez vertigineux… Avec mon attachement au jeu originel, j’aurais tendance à conseiller de se lancer avec l’excellent remake du titre de Mikami sorti en 2002 sur GameCube puis porté à peu près partout depuis. Le meilleur moyen pour comprendre, encore aujourd’hui, le choc initial de la découverte via un remake qui reste toujours aussi impressionnant, un vrai cas d’école dans le genre.

Merci pour votre temps !

Merci à vous !

Vous pouvez suivre l’auteur sur ses réseaux sociaux et si vous voulez vous procurer son livre, il est disponible sur la boutique officielle de Third Editions.

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