Chakaiseki Akiyoshi : le premier japonais style « chakaiseki » hors du Japon ouvre ses portes à Paris

Aujourd’hui, le 24 janvier 2022, ouvre ses portes à Paris le premier Chakaiseki au monde. « Cha » signifie thé en japonais et la cuisine « Kaiseki » reconnue mondialement désigne la gastronomie japonaise composée de plusieurs petits plats servis conjointement.

Il existe deux types de Kaiseki : le premier 会席 désigne un menu où les plats sont servis sur un plateau différenciant chaque type de mets. Le second 懐石 désigne le repas léger et simple que l’hôte de la cérémonie du thé (chanoyu) sert à ses convives avant la cérémonie. Concept totalement inédit en Europe, le chakaiseki renferme l’art de l’omotenashi (sens de l’hospitalité) japonais : le sens des saisons et l’état d’esprit de l’hôte.

Le premier chakaiseki hors des frontières japonaises

Chakaiseki Akiyoshi

©Cristina Thais

Le chef Yuichiro Akiyoshi nous offre une expérience unique. Il utilise la cuisine japonaise comme une passerelle entre les cultures. Né à Iizuka, près de Fukuoka, et étudiant le thé depuis 20 ans, le chef a fait ses classes pendant 10 ans au Hyotei de Kyoto, prestigieux ryotei (料亭 restaurant gastronomique japonais) 3 étoiles Michelin aux 450 ans d’histoire. Il est ensuite devenu chef de cuisine à la résidence de l’ambassadeur de l’OCDE à Paris pendant 3 ans. Puis il rentre au Japon où il multiplie ses activités gastronomiques ouvrant AIC Akitsushima à Kyoto et le Tanrei ramen Meikyo Shisui à Fukuoka, ou en tant que chef itinérant dans les ryokan.

Le mot kaiseki 懐石 trouve ses origines dans le Zen. Les moines en formation n’avaient droit qu’à un seul repas par jour. Afin d’affronter le froid et apaiser la faim ils chauffaient une pierre, l’enveloppaient d’un tissu et la plaçaient sur leur poitrine. 懐 Kai désigne le cœur, la poitrine en japonais et 石 Seki la pierre. Le même principe est appliqué lors du chakaiseki. Des repas légers sont servis avant la cérémonie du thé comme coupe-faim mais aussi afin de contraster l’amertume du koicha (matcha particulièrement foncé et opaque) servi en fin de repas.

Un repas hors du temps 

Chakaiseki Akiyoshi

©Cristina Thais, Les feuilles de wasabi du Maraîcher Asafumi Yamashita

Pénétrer dans cet antre en bois vous téléporte en un instant à Kyoto. L’architecture et les ustensiles ont été pensé dans les moindres détails dans le style d’une authentique maison de thé Sukiya et réalisé par des menuisiers japonais. Dès l’entrée, l’héritage du Hyotei est présent dans la petite poignée de porte entaillée en forme de gourde, symbole du Taisho 大将 maître du chef Akiyoshi. A Kyoto, la stricte tradition du ryotei servant le kaiseki requiert une formation de 10 ans, suivie de l’aval du maître pour ouvrir son propre restaurant. Le chef Akiyoshi a suivi ce chemin et est très fier de représenter la finesse kyotoïte dans le monde, en introduisant le style chakaiseki.

Nous sommes installés au comptoir juste en face du chef. Le premier geste du kaiseki est de servir le kumidashi, une tasse d’eau chaude. Elle permet de réchauffer le corps et le cœur, et se préparer à recevoir ces mets délicats. S’ensuit le Tsubo tsubo (aussi nommé « Otsubo« ), un message caché du chef pour vous souhaitez la bienvenue. Il s’agit d’un tout petit pot de salsifis (ici dattes rouges et radis) placé au milieu du plateau. Il n’est servi qu’à votre toute première visite et vous ne le reverrez plus posé sur le petit plateau accompagnant le meshi le riz de Toyama (Koshihikari), le shiru la soupe de miso blanc au goût naturellement sucré de Kyoto accompagné d’un tofu de butternut , et le mukozuke sashimi à base de barbue surmonté de sa gelée de Ponzu et son wasabi rapé sous vos yeux. Fraîcheur et subtilité se mélangent en bouche. La douceur sucrée de la datte dans le Tsubo Tsubo réconforte et invite à la détente, au lâcher-prise. Le chef s’éclipse dans une valse d’allers retours en coulisses où il prépare les plats suivants. Chaque geste, chaque étape sont millimétrés. La température des ingrédients et la saisonnalité ne s’improvisent pas. Le Chef choisit soigneusement ses ingrédients en fonction de ce qu’il souhaite vous transmettre ce jour-là. Les petites feuilles fraîches de wasabi qui couronnent son loup de mer en binchotan (grillé au charbon de bois) proviennent de la production du très renommé Asafumi Yamashita, le maraîcher le plus en vue de la gastronomie à Paris et qui a la primauté de choisir les chefs avec lesquels il collabore.

Chakaiseki Akiyoshi

©Cristina Thais, Le sabazushi du chef Akiyoshi présenté par la « Okami », la maîtresse des lieux.

Le chef Akiyoshi revient apporter son dashi sur le réchaud du comptoir. Il émane gentillesse et bienveillance. Il est facile de l’approcher, il ne demande qu’à renseigner et enseigner. Il fait partie de cette nouvelle génération qui pense que la transmission passe par l’ouverture au monde. Lorsqu’on lui demande de quoi est fait son dashi, il n’hésite pas à vous énumérer les ingrédients avec enthousiasme : algue konbu, katsuobushi (bonite séchée) et consommé de poulet auquel il ajoute du kuzu (fécule de maranta) devant nous. Pour la suite, il ajoute le dashi au nimonowan (littéralement « ingrédients bouillis dans un bol »), ce soir nous avons eu droit à une lotte surmontée d’un ruban de carotte et radis blanc pour célébrer notre rencontre. Chaque ingrédient est une opportunité d’enrichir sa culture culinaire. Il enduit ses Saint-Jacques mi-cuites en tempura d’une fécule de riz et nous glisse à l’oreille pendant la dégustation que l’herbe finement hâchée qui les nappent s’appellent 壬生菜 Mibuna (originaire de la région de Kyoto, forme de grosses rosettes comparables à des chicorées). Kyoto dans les plus infimes détails. Et nous n’en sommes qu’au début de cet enchaînement de mets plus subtils les uns que les autres.

Chakaiseki Akiyoshi

©Cristina Thais

Le plat de résistance arrive : le sabazushi maquereau grillé en surface sur lit de riz au sésame. Il se déguste tel un makizushi, un sushi enroulé à la main dans une algue nori. Petit détail qui fait toute la différence, le chef nous présente d’abord une assiette contenant l’algue nori surmontée d’une demi feuille de shiso (périlla à la saveur épicée) qu’il nous invite à utiliser pour déguster son sabazushi. Le shiso relève parfaitement la saveur du maquereau, ajoutant une touche de fraîcheur qui annule le gras du poisson en bouche. Une claque pour les papilles. Ce n’est pas un hasard si le met suivant est la soupe de topinambour dite Hashiarai qui signifie littéralement laver ses baguettes, et qui vient équilibrer l’estomac avant d’attaquer la touche sucrée. Le chef nous confie qu’il n’est pas habituel au Japon d’avoir un dessert à la suite du chakaiseki, mais qu’il a voulu apporter une touche française à son chakaiseki comme un merci à la France. C’est ainsi que nous dégustons un Omogashi (sucreries à base de pâte de haricots rouges) surmonté de sa confiture de yuzu sur un lit de patate douce et cannelle. Une douceur pour les yeux et le palais. 

Pendant cet instant calme hors du temps, nous en avons profité pour nous approcher du chef Akiyoshi et lui poser quelques questions. Il nous a répondu avec enthousiasme et attention. Son humilité transparait dans chacune de ses réponses. il réfléchit longtemps avant d’oser une réponse, toujours dans la réserve et la pudeur. 

 

Entretien avec un chef d’exception

Vous venez de Kyushu, qui a une identité culinaire forte au Japon. Mais vous vous êtes formé à Kyoto pendant 10 ans. Vous êtes-vous totalement imprégné de la culture culinaire de Kyoto, ou avez-vous incorporé une touche personnelle liée à vos origines dans vos plats ?

Presque toutes mes influences viennent de Kyoto. Bien-sûr j’ai apporté ma touche personnelle dans mes plats, et mon origine y apparait également. Mais 90% de mon influence vient de Kyoto.

Quelle est votre 拘り kodawari (spécialité, particularité)?

Je veux créer des saveurs qui soient douces pour le coeur et le corps.

Vous vous êtes formé dans le plus prestigieux ryotei du Japon, et vous avez ensuite ouvert un restaurant de ramen tout en devenant chef itinérant. Qu’est-ce que ces expériences vous ont appris ? Et comment vous les incorporez à votre cuisine ?

Mon expérience au Hyotei de Kyoto m’a demandé beaucoup d’exigence. Mes clients étaient également parmi les plus exigeants au monde. C’est l’expérience qui m’a le plus élevé dans mon art. J’ai ensuite pu me forger dans les ryokan et également dans la fabrication du ramen. Mais je dirais que c’est grâce à mon expérience au Hyotei que j’ai pu travailler avec la même exigence dans chacune des expériences suivantes. Si vous prenez les ramen, le prix est beaucoup plus abordable qu’un ryotei. Cependant j’y ai mis la même exigence et rigueur dans l’exécution.

Chakaiseki Akiyoshi

©Cristina Thais

Pourquoi avez-vous choisi le chakaiseki ?

Je suis dévoué à la cérémonie du thé. Et au Japon, actuellement, les maîtres de haut niveau se font de plus en plus rares. Je souhaite que cet art ne disparaisse pas et c’est pourquoi j’essaie de le répandre et le faire connaître dans le monde, et que j’ai choisi la France. Je souhaite qu’en France, et à l’étranger, les gens portent un intérêt pour cet art dans son ensemble. Le chakaiseki lie des disciplines telles que le kakejiku (peinture ou une calligraphie sur soie ou sur papier, ndlr) ou l’ikebana (art traditionnel fondé sur la composition florale, ndlr). Au travers du chakaiseki, je veux qu’elles continuent à vivre.

Chakaiseki Akiyoshi

©Cristina Thais

D’où vient votre sélection de thés ? Les choisissez-vous en fonction du menu décidé, ou à l’inverse adaptez-vous le menu aux thés ?

Ma sélection vient de Kyoto, Aichi, Fukuoka ou Ishikawa entre autre… la cuisine est la priorité, c’est par la cuisine que je choisis ensuite quels thés accorder. Mais le matcha qui clos la cérémonie à la fin du chakaiseki ne change jamais. C’est toujours le même. En fonction également du client que j’ai en face et s’il y a un évènement particulier, je suis amené à proposer des thés d’exception et plus rares.

Quel conseil donneriez-vous à un jeune chef qui débute?

(il rit timidement, car 10 ans d’expérience dans un ryotei japonais représentent pour un chef de son envergure le début de son parcours, et non une fin que l’on peut évaluer)

C’est difficile de donner un conseil… mais je dirais que ce n’est pas que de la cuisine. Avant de préparer ses plats, il faut pratiquer la bienveillance au quotidien. Il faut être poli et gentil avec les autres. Si tes actions et ta pratique sont dirigés vers la beauté, même le goût de tes plats et de ta cuisine en seront imprégnés. 

 

 

Ces mots sont la parfaite conclusion à ce dîner d’exception. Il se conclut avec la tant attendue cérémonie du thé, que le chef Akiyoshi prépare dans son pot en fonte traditionnel « Chagama ».  Le matcha de fin de repas, offert avec le cœur et la maîtrise total des gestes a une fragrance inattendue. Aucune amertume ne s’en dégage. Il épouse en toute légèreté et simplicité le palais du visiteur qui a savouré ce moment hors de l’émoi parisien.

Chakaiseki Akiyoshi propose un déjeuner à 240€ et un dîner à 360€. Les réservations sont ouvertes et nous sommes certains qu’une étoile se profilera très vite pour ce chakaiseki d’exception. Nous vous conseillons vivement de vous y rendre au plus vite !

CHAKAISEKI AKIYOSHI – 59 Rue Letellier, 75015 Paris FRANCE Réservations

En attendant, vous pouvez visiter les pages intagram du restaurant et du Chef Akiyoshi pour admirer la beauté de ses plats.

 

Cristina Thaïs

Je suis passionnée de culture japonaise. J'aime étudier, comprendre les différences et les complexités de ce magnifique pays, non sans mille contradictions. Je voyage une fois par an au Japon pour le parcourir de long en large. J'ai un point faible pour les expositions, la mode, les cosmétiques japonais, le J-rap et la bonne cuisine locale. J'adore échanger sur ces sujets, alors n'hésitez à me laisser un commentaire! @tinakrys

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