Expatriée et créatrice au Japon #3 : Carine, ses pays et villes en washi

Journal du Japon poursuit ses portraits de femmes installées au Japon, qui y ont puisé l’inspiration pour des créations originales. Dans ce troisième épisode, Carine, fondatrice de Mapponica, nous explique sa passion pour les motifs, les couleurs, le papier washi et les voyages… et les créations qui en sont nées.

Le Japon par amour

photo fournie par Carine

Carine créatrice de Mapponica

Rien ne prédestinait Carine à venir s’installer au Japon. Elle était à Londres pour ses études lorsqu’elle est tombée amoureuse d’un Japonais. Lorsque celui-ci a dû retourner au Japon pour le travail, c’est tout naturellement qu’elle a cherché un moyen de se rapprocher de lui. Elle a alors candidaté à un poste d’hôtesse de l’air dans la compagnie aérienne japonaise ANA. Et malgré un grand nombre de candidats pour très peu de places, elle a été sélectionnée et a pu aller au Japon pour sa formation…

Mais son amoureux japonais avait également cherché à la rejoindre à Londres et y avait trouvé un emploi ! Après quelques mois l’une au Japon et l’autre à Londres, le couple s’est installé dans cette ville et Carine voyageait régulièrement entre Angleterre et Japon, profitant de chaque séjour pour s’émerveiller devant les beautés de l’artisanat du pays et rapporter de beaux objets.

Après 16 ans de vie londonienne, son mari ayant trouvé un travail au Japon, il était temps de s’installer dans ce pays avec leur premier enfant alors âgé de six ans. Un moment d’appréhension mais finalement une immersion en douceur. Deux autres enfants sont nés et il a fallu s’adapter. L’hôtesse de l’air est devenue formatrice pour ANA.

Puis avec le COVID, cette activité s’est arrêtée net et l’heure de la réflexion est venue, cette envie de créer des objets qui ne l’avait jamais quittée a grandi et grandi…

Elle avait toujours adoré la matière, la technique, avait fait un bac en génie mécanique puis s’était passionnée pour le patchwork en Angleterre. Au Japon, c’est le papier washi et toutes les techniques qu’utilisent les artisans qui la fascinent… Qu’allait-il naître de ces réflexions ?

Des cartes, du papier découpé… et de la technique

carte du Japon, photo fournie par Carine

Le Japon par Mapponica

Déjà à Londres il y a plus de dix ans, Carine avait bricolé une carte du Japon avec différents papiers washi assemblés façon patchwork. L’idée était restée dans sa tête et le COVID lui permettait de redonner vie à ce vieux projet.

Les premiers tâtonnements, les premiers prototypes… De superbes papiers washi, des collages, des motifs et des couleurs qui s’harmonisent et forment un pays, une ville. Cela prend forme, petit à petit.

Les pièces sont découpées au scalpel, il faut faire attention à ne pas déchirer ce papier si beau mais dont les fibres deviennent vite capricieuses si on ne fait pas très attention.

La matière s’apprivoise, des pièces sont créées façon emporte-pièce pour créer des gabarits adaptés à chaque pays, chaque ville, qui sont découpés en États/régions/préfectures et quartiers grâce à des recherches géographiques parfois adaptées pour que les « morceaux » s’harmonisent, que ce soit équilibré en taille et en forme.

Carine commence à avoir une vision de ce qu’elle veut faire. Elle rassemble de nombreux rouleaux et feuilles de papiers washi colorés, texturés, imprimés selon des techniques ancestrales (woodblock print). Jeux de lumières, de reliefs, que de beautés !

Carte d'Amiens par Mapponica

Carte d’Amiens par Mapponica

Mais il manque quelque chose : une ossature, un squelette pour tenir l’ensemble, pour structurer, souligner, appuyer les contours du pays ou de la ville et de leurs sous-découpages.

L’idée du noir s’impose assez naturellement. Il fait ressortir magnifiquement les différents papiers, les couleurs et les motifs. Un papier noir très épais pour donner un maximum de relief.

Et une découpe au laser permet un rendu impeccable et superbe (avec une machine qui trône dans le salon près de la grande table sur laquelle elle travaille, programmée par son mari, car cette partie-là n’est pas son truc).

Un parfait résultat de nombreux tests car si les découpages sont trop petits, cela peut « brûler », il faut alors ajuster les tailles pour que cela soit satisfaisant à l’œil tout en restant faisable par la machine.

Une technicité qui la passionne et qui impressionne les clients amoureux de matière et de technique.

carte d'Amiens Mapponica

Les détails de la découpe au laser de Mapponica

Le washi est collé minutieusement avec de la colle japonaise traditionnelle adaptée à ce papier, tandis que le papier noir bien épais est collé avec une colle en spray forte pour que plus rien ne bouge.

Une opération très minutieuse pour laquelle ses enfants viennent donner un coup de main pour que ça soit fixé avec une précision d’horloger !

Des créations sur mesure, des cartes qui ont chacune leur histoire

Le travail est donc technique, mais aussi très artistique. Un long travail de réflexion sur le pays/la ville choisie par le client, son découpage, ses couleurs, ses papiers. Chaque carte raconte une histoire.

Il faut par exemple placer les motifs pour que cela soit harmonieux, vivant : placer une grue, orienter une branche de cerisier, de prunier ou de pin, positionner des fleurs, les motifs traditionnels japonais…

photo fournie par Carine

Carine au travail

Il faut également personnaliser en fonction de l’histoire de chaque personne : une fleur placée là où elle a vécu, là où elle a rencontré l’amour, choisir les couleurs chères à cette personne. Carine s’intéresse également beaucoup à la signification de chaque fleur et les choisit en fonction du « portrait » de son client. Fleur du souvenir, fleur de la maturité etc.

C’est également une rencontre avec un pays. Chaque pays a ses couleurs et certaines couleurs qui vont à l’un ne vont pas forcément à l’autre. C’est là que la sensibilité de Carine intervient et rend ses créations uniques et réjouissantes pour ceux qui les reçoivent : « Oui, c’est tout à fait ça ! » Une émotion des clients qui est sa plus belle récompense.

photo fournie par Carine

un travail méticuleux

Les possibilités et les histoires personnelles sont infinies. Un petit tour sur son site vous permettra de vous rendre compte de la diversité des créations et des harmonies. D’ailleurs si vous voyez des prénoms sur certaines cartes, ce sont ceux des personnes qui ont eu le coup de cœur pour cette création et ses harmonies particulières de couleurs et de motifs !

Quatorze pays ont déjà été « créés », d’autres viendront en fonction des demandes, des histoires. Des villes comme Amiens, Bordeaux ou Paris ont pris forme également. Vous pourrez même trouver de superbes poissons sur le site. Peut-être que d’autres animaux suivront… Et pour les cartes, elle rêve de se lancer dans la création de Hokkaido et Kyoto.

Et vous quels pays ou villes auriez-vous envie de voir prendre forme dans ses mains ?

Merci Carine pour cette rencontre !

Retrouvez les deux autres portraits de « expatriée et créatrice au Japon » : ici avec Audrey et ses origamis et dans ce dernier avec Juliette et ses daruma.

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