Kill La Kill : mise à nu

C’est la série ayant généré le plus de commentaires dans son fandom – son public. Maintenant que Kill La Kill a été entièrement diffusée, que peut-on en tirer ? Pourquoi ces controverses, quels ont été les points forts de cette série ? Retour sur un vrai petit phénomène, sans spoiler.

@Kill La Kill
Kill La Kill : un titre bien trouvé qui rend probablement hommage au diptyque de Quentin Tarantino, dont le début et la fin coïncident avec le début et la fin de l’anime, une décennie plus tard. Ce scénario original aura mobilisé les fans presque une année entière, et son imaginaire est voué à perdurer via le fandom qui s’amuse déjà à reproduire la folie douce de son chara design.

L’été précédant la diffusion a vu un engouement rare se produire en vue d’un anime – Kill La Kill, réalisé par Hiroyuki Imaishi, écrit par Kazuki Nakashima, et fait par des anciens de Gainax. Bonne nouvelle ? Oui ! Déjà responsables de l’excellent Little Witch Academia, on les connaît pour leur quinzième degré permanent, leur esprit rebelle, comme un descendant de South Park. Articulé avec les meilleurs traits de Panty et Stocking ou Gurren Lagann, Kill La Kill promettait d’offrir un univers très marquant. Grâce à Wakanim, son diffuseur légal en France, nous avons tous profité d’une diffusion simultanée avec le Japon.

Un postulat beau et rythmé

Marquant, il l’a été, certes, mais peut être pas toujours pour les bonnes raisons. Le scénario est assez simple : dans un Japon vaguement dystopique, Satsuki règne d’une main de fer sur l’académie Honnoji. L’héroïne, Ryûko, y arrive en délinquante avec son scissor blade, une moitié de paire de ciseaux géante. Ryûko n’aime pas Satsuki, cette dernière aurait tué son père. Telle Uma Thurman, cette dernière va monter les échelons dans l’école pour se venger, puis passer par le « conseil des quatre » local. Quatre personnages hauts en couleurs, tous présidents d’un club très spécial – ce qui se répercute dans leurs attaques et leur chara-design. Et justement : tous les élèves ont un uniforme qui, passé un certain rang, leur octroie des supercapacités.

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L’académie Honnoji est donc régulièrement le théâtre d’affrontements dingues, et celui entre Ryûko et Satsuki va monopoliser la première partie de l’anime. Mais Ryûko a un sidekick : son propre uniforme, Senketsu, un veston de marin borgne et parlant qui, après transformation type (zoom sur les fesses, zoom sur l’entrejambe, zoom sur les seins, vous voyez le genre) change Ryûko en machine de guerre à bretelles.

Deux polémiques à partir de là. Dans le premier épisode, Senketsu « se fait enfiler » de force par une Ryûko pas super consentante. Malaise. Le sous-texte n’est pas subtil et on se demande bien pourquoi l’utiliser. D’ailleurs, dans la première partie de l’anime, tout le monde semble avoir des vues sur notre héroïne. Pourquoi ? Après des mois de débats appuyés sur l’internet francophone et anglophone, l’idée est peu bienvenue. Une scène de ce genre se passe dans des toilettes. Vraiment, ce pan de Kill La Kill n’était peut-être pas nécessaire. On peut y voir un procédé de caractérisation – ou juste une volonté de jouer les sales gosses – mais beaucoup de gratuité émane de ces scènes.

Quelques soucis cependant…

C’est d’autant plus troublant que Kill La Kill joue énormément avec le fanservice. Les supercostumes de Ryûko et Satsuki sont une ode au sideboob et à l’underboob. Les seins de Ryûko sont à l’origine d’une série de gags visuels et constants – il est difficile de parler de fanservice quand il est si omniprésent. On passe d’un lieu commun de l’animation à un esprit « dépassant les limites » ce qui pourra en agacer plus d’un. Et ça ne concerne pas que les morceaux de chair : l’esprit de l’anime transpire le dingue, l’outrecuidance, le second degré permanent.

Mais il faut aussi reconsidérer cette vision de l’anime avec un prisme oriental, puis occidental. Le four à l’origine de Trigger est dû à un anime trop « américain » dans l’esprit, et reproduire l’essai s’apparentait à une prise de risques. Une majorité de personnages forts et féminins, dans l’animation japonaise, ce n’est pas banal. Si le gimmick « nudiste » de l’anime est sans doute une grande blague, les piques lancées sur le statut de la femme au Japon le sont peut être moins. C’est une question d’interprétation, et chacun y trouvera à réfléchir.

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Un gloubiboulga de tons où il est difficile de se retrouver, car quand Kill La Kill devient plus sérieux, il lui arrive… d’être un peu ennuyeux ! L’anime a en effet un gros problème de rythme. Sa structure se divise très nettement en deux parties : une première où on assiste à la montée en puissance de Ryûko – on y trouve un épisode hilarant, sorte de parodie de Takeshi’s Castle, avec un pyjama et un gag répétitif (voilà un exemple de fanservice utile) suivi d’un épisode particulièrement bien rythmé. La seconde, beaucoup moins épisodique, est construite autour d’un arc narratif assez laborieux : les cliffhangers s’enchaînent mais les épisodes, moins créatifs, passent bien lentement. Beaucoup de paroles, peu d’action ayant des conséquences, comme une impression d’être tombé dans une boucle. La fin retombe un peu sur ses pattes mais reste un poil convenue. Bref, au final, Kill La Kill laisse un sentiment de « moyen plus ».

C’est d’autant plus dommage que l’anime est rempli de qualités : son esprit surréaliste amuse. Introduire les personnages avec des titres rouges, taille maximale, c’est une bonne idée. Codifier à l’extrême les règles farfelues de l’académie Honnoji, c’est vraiment bien. Malheureusement, ce pan de l’anime sera vite abandonné. Peu de faits ont des conséquences sur le moyen et long terme, ce qui enlève de l’importance à tout ce qui peut se passer à l’écran.

En revanche, l’anime est superbe. La patte des ex-Gainax est parfaitement présente sur le design, la première moitié ayant des plans incroyables. Les couleurs sont vives et il se passe beaucoup de choses à la fois – même si on sent très fortement une économie de moyen sur une grosse partie de l’anime. On peut d’ailleurs s’amuser à décortiquer, dans l’animation, quels sont les procédés pour économiser des frames ici et là.

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Enfin, avouons-le, une telle palette de personnages est appréciable. La quasi-totalité du casting a un fandom spécifique, signe que, quelque part, quelque chose est bien fait.

En bref, Kill La Kill est un anime survitaminé, hybride, dingue mais parfois un peu bizarre. On se souviendra plus de ses moments de comédie. Une expérience mixée, sans doute trop longue, aux bons moments de bravoure mais qui emportera quelques mystères avec lui. Il contribuera sans doute à un imaginaire qui, à son tour, donnera naissance à d’autres animes loufoques et originaux.

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