Like a Dragon : Infinite Wealth : un jeu d’une richesse infinie

En 2020, Yakuza : Like a Dragon apportait un second souffle à une licence alors vieille de 15 ans : un nouveau héros, un décor inédit et surtout l’abandon du gameplay action au profit du RPG au tour par tour. Après des spin-off plus classiques, nous retrouvons enfin Ichiban Kasuga dans Like a Dragon : Infinite Wealth, une suite pleine de promesses pour l’avenir, mais également un vibrant hommage aux jeux précédents.

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Tenter de (re)trouver sa place

Quelques années après la conclusion de Yakuza : Like a Dragon, l’orphelin du soapland a bien grandi. Les plus grands clans de yakuzas ont été dissous et Ichiban, désormais conseiller dans une agence pour l’emploi, tente d’aider les voyous repentis à se faire une place dans la société civile. Soudainement rattrapé par son passé, Ichiban doit toutefois renoncer temporairement à une vie bien rangée et quitter Yokohama pour se rendre à Hawaï. Le joueur y fera de nouvelles rencontres mais également des retrouvailles, notamment Kazuma Kiryu, le premier héros de la licence.

L’histoire de Like a Dragon : Infinite Wealth reprend à son compte les thèmes forts de son prédécesseur en nous montrant comment, chacun à leur façon, les personnages peinent à trouver leur place dans un monde en évolution constante du fait de leur condition économique, de leur casier judiciaire ou de leur genre. Alors que Yakuza : Like a Dragon nous faisait défendre les “zones grises” où les marginaux peuvent se réfugier face à la violence des autorités, Infinite Wealth met en parallèle la façon dont la société traite avec négligence ses déchets (nucléaires, entre autres) et les individus alors assimilés à des “déchets humains”, la plupart du temps en tentant de cacher le problème sous le tapis. Le choix de Hawaï n’est d’ailleurs pas anodin puisque l’archipel, comme le jeu le rappelle très vite, est balayé par un phénomène écologique désastreux nommé le Vortex de déchets du Pacifique-Nord.

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Double Dragon : Ichiban et Kiryu

Infinite Wealth est également un jeu où l’on tente à la fois de construire un avenir meilleur et de se réconcilier avec le passé. D’où le fait que ce titre mette en avant non pas un mais deux protagonistes : Ichiban, le héros neuf de la franchise, qui tente d’offrir à tous une seconde chance et aussi de créer un monde plus juste malgré les nouvelles formes de violence induites par la place croissante de la technologie ; et Kiryu, l’homme qui a dû se faire passer pour mort et renoncer à son identité, mais qui ne peut plus ignorer longtemps sa vie d’autrefois, ses erreurs et les proches qu’il a laissés derrière lui. Son rôle dans ce titre est bien plus important que ses quelques apparitions dans Yakuza : Like a Dragon, sans pour autant éclipser la nouvelle égérie de la licence, ni les nombreux personnages attachants qui entourent ce dernier. A noter que les enjeux qui entourent Ichiban et Kiryu, ainsi que le fanservice généreux, s’apprécient davantage par ceux ayant joué aux titres précédents, mais ce n’est en rien obligatoire pour savourer les nombreuses qualités de ce Infinite Wealth.

Plus qu’un grand Yakuza, un grand J-RPG

Ce n’est pas pour rien si l’épisode de 2020 faisait alors concurrence à des titres comme Final Fantasy VII Remake ou Persona 5 Royal pour remporter le Game Award du meilleur jeu de rôle. Yakuza : Like a Dragon s’était brillamment emparé des codes du J-RPG pour les détourner à sa sauce : du tour par tour, oui, mais en conservant le dynamisme du temps réel selon le placement des personnages et le délai de réaction du joueur ; un système de jobs, oui aussi, mais en reléguant les classiques mage blanc, mage noir ou bandit pour des jobs caricaturant le monde réel comme le garde du corps, le sans-abri ou l’hôte de clubs. Le jeu justifiait ce changement de mécanique par la perception d’Ichiban, grand fan de Dragon Quest, et qui voit le monde et ses péripéties comme un J-RPG.

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Like a Dragon : Infinite Wealth ne cherche pas à révolutionner la formule déjà solide de son prédécesseur, mais à la peaufiner. Notons par exemple la possibilité de pouvoir enfin déplacer librement son personnage lors des combats et de voir plus facilement quels objets du décor il peut utiliser pour effectuer une attaque armée – ce qui était plus hasardeux dans le jeu de 2020. Ce placement libre offre également un intérêt stratégique lorsqu’il s’agit de projeter un ennemi contre un autre, ou de le rapprocher de l’un de nos alliés pour que ce dernier enchaîne aussitôt. Parfois, le jeu nous confronte à des adversaires bien supérieurs en nombre, mais avec les bonnes compétences et une utilisation judicieuse du terrain, aucune épreuve ne reste insurmontable.

Le plaisir de quitter les sentiers battus

L’un des piliers sur lesquels se fonde la licence Yakuza est sa profusion en contenu annexe, et Infinite Wealth n’y fait pas exception. Cependant, le titre ne succombe pas à l’épidémie des quêtes “Fedex” et autres sous-missions dont l’unique intérêt est de rallonger artificiellement la durée de jeu. Certes, son contenu annexe est une succession de trous de lapins qui se comptent parfois en dizaines d’heures, mais à chaque fois que le jeu nous détourne du chemin principal, c’est pour nous récompenser généreusement : de véritables petits récits qui donnent corps au monde qui nous entoure, qui nous font rire, nous émeuvent et parfois les deux en même temps ; parfois des variations très surprenantes du gameplay qui nous mettent brusquement dans la peau d’un cascadeur de cinéma, d’un livreur de repas ou d’un érudit de la gastronomie locale. Un exemple assez curieux est un mini-jeu combinant la gestion de profil, la socialisation et la rapidité d’exécution pour faire des rencontres sur une application. Si l’expérience de jeu se révèle intéressante, l’exécution (notamment les nombreuses photos et vidéos live de femmes en petite tenue) semble hors de propos, que ce soit vis-à-vis de l’histoire du jeu ou de ses efforts dès le début de partie pour dépasser les nombreux stéréotypes entourant les femmes et leur objectification dans le jeu vidéo.

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Sujimon, je te choisis !

Avant de nous envoler pour Hawaï, nous retrouvons une vieille connaissance de Yakuza : Like a Dragon : Maître Sujimon, sorte de Professeur Chen des gangs qui nous demandait à l’époque de compléter un Sujidex en affrontant les ennemis du jeu. Point de Pikachu ou de Salamèche, mais un bestiaire rempli de hippies, de manifestants et autres amateurs de cuir vivant dans les rues et les égouts de Yokohama. Cependant, cette relecture amusante de Pokémon n’allait à l’époque pas plus loin que cette quête encyclopédique.

Infinite Wealth pousse cette fois la parodie dans ses derniers retranchements. Désormais, nous ne sommes plus seulement un “chercheur Sujimon” mais un véritable dresseur. Nous pouvons capturer des Sujimon pour nous constituer une équipe et prendre part à une ligue compétitive dans les rues de Honolulu. Pour ce faire, Infinite Wealth pioche abondamment dans sa licence d’inspiration : nous retrouvons non seulement des combats de dresseurs et des champions d’arène, mais également des mécaniques venant de Pokémon Go comme les raids temporaires, les stops pour récolter des objets et un système d’évolution qui nous permet de sacrifier nos doublons pour faire évoluer nos Sujimon. Parfois la bande-originale s’amuse à pasticher les ritournelles les plus iconiques comme le thème de victoire des premiers jeux. Maître Sujimon s’autorise même une petite référence pour les initiés en mentionnant l’importance du soleil et de la lune à Hawaï, en hommage aux Pokémon légendaires Lunala et Solgaleo, eux-mêmes présents dans des jeux inspirés de cet archipel.

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Tom Nook chez les yakuzas

Animal Crossing était déjà une licence très populaire, au Japon notamment, mais sa sortie en pleine période de confinement mondial lui a donné un impact inédit qui fait de plus en plus d’émules dans le jeu vidéo, comme le jeu de la félicité insulaire ajouté lors de la dernière extension de Final Fantasy XIV. A son tour, Infinite Wealth fait sienne la formule de gestion et de personnalisation d’île déserte à travers le mini-jeu de Dondoko Island – dont le nom peut être un hommage au verdoyant film d’animation Mon voisin Totoro.

Il n’est cependant pas question de simplement décorer son île et vendre chaque dimanche ses navets pour éponger ses dettes envers Tom Nook. Dondoko Island, un ancien complexe touristique, prolonge le thème des déchets en étant devenue la décharge illégale d’un groupe de forbans des ordures, les Nettoyeurs. La mission d’Ichiban sera d’éliminer à coups de batte les monceaux de déchets et les visiteurs importuns pour rendre à l’île sa splendeur d’antan. Les possibilités sont nombreuses : récolte de ressources, pêche et chasses aux insectes, artisanat (avec un catalogue extrêmement fourni), gestion des besoins des touristes… Ce mini-jeu se révèle autrement plus riche que la gestion de commerces dans Yakuza : Like a Dragon, qui était également une source considérable de revenus en milieu de partie. Néanmoins, une fois la cinquième étoile obtenue et l’histoire achevée, le mini-jeu souffre d’une certaine longueur, du fait notamment de l’impossibilité d’accélérer le temps pour passer d’un jour à l’autre sur l’île pour récolter plus vite les fruits de son travail.

Like a Dragon : Infinite Wealth ne mentait pas dans son titre : le jeu se révèle en effet d’une richesse infinie, qu’il s’agisse du développement de son histoire, de ses personnages et de son cadre, ou de la grande variété de son système de combat et de ses mini-jeux. Il sait surprendre très régulièrement le joueur et récompenser son investissement. Comme les précédents épisodes de la licence Yakuza, c’est une aventure qui réclame beaucoup de notre temps, mais qui le mérite amplement. Point négatif toutefois : la décision de Sega de reléguer le mode New Game + à un DLC payant, une décision qui paraît anachronique et alors que le gameplay très fourni du jeu invite volontiers à la rejouabilité.

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