Warabe Uta : retour en enfance avec les comptines japonaises !

« Une poule sur un mur, qui picotait du pain dur, picoti, picota, lève la queue et puis s’en va ! » Qui ne connaît pas cette comptine de nos cours de récré ? On retrouve des comptines partout dans le monde : Journal du Japon s’est penché sur les chansons traditionnelles des petits Japonais, les warabe uta

Les warabe uta

Les warabe uta sont des chansons traditionnelles accompagnant les jeux d’enfants. Elles font partie des chansons populaires, les min’yō, terme issu de la traduction au 20e siècle de l’allemand Volkslied (« chanson populaire »), bien que ces chansons soient bien plus anciennes. Elles évoquent aux Japonais un sentiment de nostalgie du pays natal, le kokoro no furusato. Elles n’ont pas forcément de mélodie mais accompagnent souvent un jeu.

Dans ces chansons, on trouve aussi bien de simples chants mais également les kazoe uta qui correspondent littéralement à nos comptines où l’on compte ou marque un rythme. Par exemple :
Dochira ni shōkana どちらにしようかな équivalent à notre « Am, Stram, Gram » dont les variations sont extrêmement nombreuses au Japon.




Chū chū takokaina ちゅうちゅうたこかいな, où on compte de deux en deux.




Bien que présentes dans la culture japonaise, elles semblent s’éclipser petit à petit des cours d’école : en 2006, il a été fait par l’Agence des affaires culturelles et l’association des parents d’élèves (Nihon PTA) une enquête des cent chansons les plus connues. Seulement deux warabe uta s’y trouvent : Tōryanse (63e place) et Zuizui zukkorobashi (50e place).

Toryanse (通りゃんせ)

Un des plus célèbres warabe uta est probablement Tōryanse, qui date de la période Edo.
On la retrouve dans de nombreux films et animés : Bleach, Animatrix, Death Note, Lost In Translation, Mémoires d’une geisha, Pompoko, March comes in like a lion
Mais elle sert aussi d’alarme à certains feux piétons : tant qu’elle joue, on peut passer en sécurité. Pourquoi ? Il s’agit tout bonnement du thème et du jeu de la chanson !

https://youtu.be/BoOA11hal7U

通りゃんせ 通りゃんせ
Tōryanse, tōryanse
Passez, passez
ここはどこの 細道じゃ
Koko wa doko no hosomichi ja?
Où conduit cet étroit sentier ?
天神さまの 細道じゃ
Tenjin-sama no hosomichi ja
Du sanctuaire Tenjin, est-ce le sentier ?
ちっと通して 下しゃんせ
Chitto tōshite kudashanse
Voudriez-vous nous laisser passer ?
御用のないもの 通しゃせぬ
Goyō no nai mono tōshasenu
Ceux qui n’ont aucune bonne raison ne peuvent pas passer
この子の七つの 御祝いに
Kono ko no nanatsu no oiwai ni
Cet enfant a maintenant sept ans
御札を納めに 参ります
Ofuda wo osame ni mairimasu
Nous allons faire une offrande pour lui [pour donner un ofuda]
行きはよいよい 帰りはこわい
Iki wa yoi yoi, kaeri wa kowai
Venir est sans danger, mais revenir est effrayant
こわいながらも
Kowai nagara mo
Même si c’est effrayant
通りゃんせ 通りゃんせ
Tōryanse, tōryanse
Passez, passez

Pour y jouer, deux enfants se mettent face à face et créent une arche avec leurs bras. Les autres enfants passent en dessous en chantant et celui qui se trouve sous l’arche quand la chanson s’arrête est attrapé : les 2 abaissent les bras et encerclent le malchanceux. Certains d’entre vous auront peut-être fait le lien avec London Bridge is falling down qui se joue exactement de la même manière.

Comme pour la plupart des chansons anciennes, les origines sont floues et différentes hypothèses sont émises pour expliquer leur sens.
Tenjin fait référence à Sugawara no Michizane, un brillant lettré de l’époque Heian, devenu le kami des études et des lettres ou plus généralement de la culture. C’est notamment lui qui est invoqué par les étudiants pour leur porter chance. Il existe de très nombreux sanctuaires Tenjin au Japon (environ 14 000) que l’on retrouve sous le terme de Tenmangū. Ainsi, donner une localisation précise est difficile.
Une hypothèse serait que cela raconte le dialogue entre un civil et un garde à l’entrée du château de Kawagoe, à Saitama, où le civil demande à passer pour aller célébrer le septième anniversaire de son enfant au sanctuaire Miyoshino, pour la célébration de Shichigosan, fête qui célèbre les enfants fêtant leurs 3, 5 ou 7 ans et qui a lieu le 15 novembre. Comme c’est dans l’enceinte d’un château, il n’est pas facile d’y entrer « sans bonne raison ». Quant à la peur exprimée, elle peut se rapporter à la fatigue ou soit à un retour nocturne.

Kagome Kagome (かごめかごめ)

Elle date également de la période Edo, du moins sa première version. Sa version actuelle date de 1915 (ère Taisho). A l’origine, il n’est pas fait mention de la grue et de la tortue, cette ligne n’apparaît en effet qu’au début du 20e siècle. Ces deux animaux sont de bon augure, mais le fait qu’ils « glissent » laisse penser qu’il va se passer quelque chose de néfaste… de se faire attraper par un méchant oni ?




かごめかごめ
Kagome Kagome
籠の中の鳥は
Kago no naka no tori wa
L’oiseau dans la cage
いついつ出やる
Itsu itsu deyaru
Quand, ô quand sortira-t-il
夜明けの晩に
Yoake no ban ni
Au soir de l’aube
鶴と亀が滑った
Tsuru to kame ga subetta.
La grue et la tortue ont glissé
後ろの正面だあれ
Ushiro no shoumen daare
Qui est derrière vous maintenant ?

Pour jouer, les enfants choisissent l’un d’eux, qui devient un oni (ogre, démon), à qui on bande les yeux. Les autres tournent autour de lui en se tenant la main en chantant, et quand la chanson s’arrête, l’Oni essaie d’attraper celui qui est derrière lui. S’il l’attrape, le malchanceux devient Oni à son tour.

Zui zui zukkoro bashi (ずいずいずっころばし)

Cette chanson remonte elle aussi à l’ère Edo. Elle est liée à la procession Chatsubo ou Ochatsubodōchū dont la chanson raconte le déroulement. C’est l’équivalent de nos « Plouf plouf », « Une puce, un pou » ou encore « Je fais de la bouillie pour mes petits cochons ».




ずいずいずっころばし
Zui zui zukkorobashi
Écrase, écrase comme toujours,
ごまみそずい
Goma miso zui
La pâte de miso au sésame, écrase,
ちゃつぼにおわれて
Chatsubo ni owarete toppinshan
La procession d’offrande de pot à thé, crac crac
どっぴんしゃん
Dopponshan
Court à la maison
ぬけたら どんどこしょ
Nuketara dondokosho
Tout le monde s’en va et rentre dedans, blam

たわらのねずみが
Tawara no nezumi
Même si le rat des champs
米食って ちゅう
Ga kome kutte chu
mange le riz
ちゅう ちゅう ちゅう
Chu chu chu.
Couine couine couine.

おっとさんがよんでも
Ottosan ga yondemo,
Même si papa appelle,
おっかさんがよんでも
Okkasan ga yondemo,
Même si maman appelle,
いきっこなしよ
Ikkiko nashi yo.
Ne rentre pas à la maison.

いどのまわりで
Ido no mawari de
おちゃわんかいたの だぁれ
Ochawan kaita no dare?
Ils demanderont « qui a cassé le bol de riz près du puits? »

Pour y jouer, les enfants se mettent en cercle et montrent leurs poings ou les mains en forme de puits. L’un d’eux chante et pointe du doigt tour à tour les mains présentées et celui désigné à la fin de la chanson est soit éliminé (on enlève la main), soit l’enfant perdant prend le relais.

Teru Teru Bōzu (照る照る坊主)

Les teru teru bōzu sont des petites poupées que l’on crée et suspend pour demander le beau temps. Teru signifie briller et bōzu désigne un bonze ou un moine. Ils ressemblent à des petits fantômes avec les yeux ronds et la bouche en croix.
La comptine associée remonterait également à l’ère Edo mais sa mise en musique par Shinpei NAKAYAMA date du 20e siècle.




Les paroles à la fin dénotent avec le côté enfantin du début puisqu’on y menace un moine de lui faire perdre la tête si le beau temps ne revient pas !

てるてるぼうず、てるぼうず
Teru-teru-bōzu, teru bōzu
Teru-teru-bozu, teru bozu
明日天気にしておくれ
Ashita tenki ni shite o-kure
Fais que demain soit une journée ensoleillée
いつかの夢の空のよに
Itsuka no yume no sora no yo ni
Comme parfois le ciel en rêve
晴れたら銀の鈴あげよ
Haretara gin no suzu ageyo
S’il fait beau je te donnerai un grelot d’argent

てるてるぼうず、てるぼうず
Teru-teru-bōzu, teru bōzu
Teru-teru-bozu, teru bozu
明日天気にしておくれ
Ashita tenki ni shite o-kure
Fais que demain soit une journée ensoleillée
私の願いを聞いたなら
Watashi no negai wo kiita nara
Si tu réalises mon rêve
甘いお酒をたんと飲ましょ
Amai o-sake wo tanto nomasho
Nous boirons beaucoup de saké sucré (amazake)

てるてるぼうず、てるぼうず
Teru-teru-bōzu, teru bōzu
Teru-teru-bozu, teru bozu
明日天気にしておくれ
Ashita tenki ni shite o-kure
Fais que demain soit une journée ensoleillée
それでも曇って泣いてたら
Sore de mo kumotte naitetara
Car s’il fait nuageux et que tu pleures
そなたの首をちょんと切るぞ
Sonata no kubi wo chon to kiru zo
Je devrai te couper la tête

Akai Kutsu (赤い靴)

Cette comptine a été composée par Nagayo MOTOORI et écrite par le poète Ujō NOGUCHI en 1922. C’est une mélodie triste qui ferait référence à une histoire supposée vraie : celle d’un petite fille, Kimi (1902-1911), née à Fushimi (Shizuoka). Elle aurait été confiée à des missionnaires américains qui devaient la ramener en Amérique. Malheureusement, la petite fille contracte la tuberculose et est laissée aux soins d’un orphelinat de Tokyo alors que les missionnaires quittent le pays. Kimi mourra à l’âge de 9 ans sans revoir sa mère qui l’imaginera aux États-Unis.
Cette histoire, confrontée aux archives, ne tient plus debout : principalement parce que les missionnaires concernés, les Hewitts, étaient à ce moment à Hokkaido, et que l’enfant aurait été mise à l’orphelinat par son beau-père.
D’autres encore supposent que cela ferait référence au socialisme ou encore au communisme, les auteurs étant tous deux socialistes.

Nonobstant les différentes hypothèses autour de l’origine de la chanson, elle est suffisamment populaire pour qu’une statue de Kimi ait été érigée dans le parc Yamashita, à Yokohama, en 1979.




赤い靴 はいてた 女の子 異人さんに つれられて 行っちゃった
Akai kutsu haiteta onna no ko ijinsan ni tsurerarete ichatta
Une petite fille aux chaussures rouges a été emmenée par un étranger
横浜の埠頭から 汽船に乗って 異人さんに つれられて 行っちゃった
Yokohama no futō kisen ni notte ijinsan ni tsurerarete ichatta
Elle a pris le bateau depuis Yokohama, emmenée par un étranger
今では 青い目に なっちゃって 異人さんの お国に いるんだろう
Imadewa akai me ni nacchatte ijinsan no okuni irundarō
Je l’imagine maintenant avoir les yeux bleus, vivant dans cette terre étrangère
赤い靴 見るたび 考える 異人さんに 逢 うたび 考える
Akai kutsu mirutabi kangaeru ijinsan ni hō utabi kangaeru
A chaque fois que je vois des chaussures rouges, je pense à elle, à chaque fois que je vois un étranger, je pense à elle.

Un cinquième couplet a été découvert dans des notes en 1978 :

生まれた 日本が 恋しくば
Umareta Nihon ga koishitekuba
Quand le Japon, où elle est née, lui manque
青い海眺めて ゐるんだらう
Aoi umi nagamete wirundarō
Je l’imagine regarder le bleu de la mer
異人さんに たのんで 帰って来
Ijinsan ni tanonde kaetteku
Et demander à l’étranger si elle peut rentrer à la maison

Il est amusant de la comparer aux célèbres variations de Mozart Twinkle twinkle little star, qui n’est autre que notre « Ah ! Vous dirais-je, maman » ! En effet, cet air a été une des inspirations des compositeurs.




Shabondama シャボン玉

Cet air est l’un des plus connus également, il est probablement impossible de trouver un Japonais qui ne la connaisse pas.
Il rappellera peut-être le « Jesus loves me » à certains.
On retrouve à la composition Shinpei NAKAYAMA et à l’écriture Ujō NOGUCHI.
La chanson parle de la mortalité infantile, à une époque où entre 20 et 30% des enfants mourraient en bas âge. NOGUCHI l’aurait écrite en mémoire de sa fille Midori, décédée à sept jours. Les bulles de savon font référence à la fragilité des enfants.




シャボン玉飛んだ 屋根まで飛んだ
Shabon-dama tonda, yanemade tonda,
Volent bulles de savon, volent jusqu’au toit
屋根まで飛んで こわれて消えた
Yanemade tonde, kowarete kieta
Mais une fois le toit atteint, elles éclatent et disparaissent

シャボン玉消えた 飛ばずに消えた
Shabon-dama kieta, tobazuni kieta
La bulle de savon éclate, elle se brise avant de voler
生まれてすぐに こわれて消えた
Umarete suguni, kowarete kieta
Si tôt après sa naissance, elle éclate et disparaît
風 風 吹くな シャボン玉飛ばそ
Kaze kaze fukuna, shabon-dama tobaso
Vent, vent, ne pleure pas, laisse ma bulle voler.

Cette mélodie est aussi utilisée pour les départs de train à la station Yumoto, dans la préfecture de Fukushima.




La liste est très loin d’être exhaustive, nous n’avons sélectionné que quelques-unes des chansons d’enfant. Force est de constater que les chansons et jeux d’enfants sont assez universels !
Et vous en connaissez-vous ? Quelle est votre préférée ?

Sources

Patricia Shehan Campbell, Trevor Wiggins, The Oxford Handbook of Children’s Musical Cultures, Volume 2, OUP USA, 2013.

http://www.worldfolksong.com/songbook/japan/warabeuta/index.html
http://docchi.fan.coocan.jp/docchi-p.htm
https://www.mamalisa.com/?t=ec&c=85
http://www.chinjuh.mydns.jp/ohanasi/uta/00_index.htm
http://www3.u-toyama.ac.jp/niho/song/song_genre_e.html
https://www.recreation.or.jp/playing/item/
https://ja.m.wikipedia.org/wiki/童歌
https://en.m.wikipedia.org/wiki/Nihon_no_Uta_Hyakusen
https://en.m.wikipedia.org/wiki/Shabondama
https://en.m.wikipedia.org/wiki/Akai_Kutsu
https://en.m.wikipedia.org/wiki/T%C5%8Dryanse
https://ja.m.wikipedia.org/wiki/どちらにしようかな
https://ja.m.wikipedia.org/wiki/ずいずいずっころばし

Source de l’image : http://kanoyama.tistory.com/2839?es

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