Higurashi When They Cry : l’éternel recommencement

En Automne dernier sortait la 3ème saison de l’anime « Higurashi no naku koro ni », soit presque 15 ans après la première saison. Il s’agit d’un classique de l’horreur et du thriller, adapté à la base d’un Sound Novel créé par Ryukishi07. Petit retour sur cette saga si particulière avant d’analyser cette nouvelle extension.

Higurashi no Naku Koro ni : Gou

Higurashi no Naku Koro ni : Gou © Studio PASSIONE

 

Treize années après la fin de la seconde – et supposée dernière saison – d’Higurashi, un remake de la première saison est annoncé.

1er octobre 2020, lorsqu’est diffusé le premier épisode sur Wakanim, celui-ci ressemble en tout point à celui que nous avions connu 14 ans auparavant. Mêmes lieux, mêmes situations, mêmes personnages.

8 octobre, le second épisode sort, mais celui-ci s’ouvre sur une des plus grosses révélations de la série, que l’on n’est censé normalement découvrir qu’au milieu de la saison 2 ! À ce moment-là les spectateurs comprennent que cette 3ème saison n’est pas un reboot mais s’adresse en réalité plutôt aux initiés, révélant d’emblée dès l’épisode 2 l’intrigue principale de la seconde saison d’Higurashi.
C’est à ce moment que Wakanim se décide à twitter « Le nouvel Higurashi n’était pas un remake : la série change de nom pour Higurashi – When They Cry : GOU et s’offre un nouveau visuel ! GOU ou 業 évoque à la fois le karma ou la destinée d’un être dans les préceptes boudhistes. » Ainsi tout cela faisait partie d’une communication bien rodée, orchestrée probablement par l’auteur Ryukishi07, qui a lui aussi attendu le dernier moment pour révéler la véritable nature de cette saison sur son compte twitter.

Higurashi : Gou est donc définitivement une séquelle. Elle s’inscrit dans la continuité des premières saisons et nécessite de les avoir déjà vues pour pouvoir pleinement apprécier cette nouvelle itération. Dans cet article, nous commencerons donc par remettre en contexte les premières saisons avant de parler de cette troisième saison pour en comprendre tous les enjeux.

 

Higurashi : la genèse de la saga

Juin 1983. Maebara Keiichi est un tout nouvel arrivant à Hinamizawa, petit village de la campagne japonaise, où les journées sont rythmées par le chant des cigales. À la campagne, les gens sont bien souvent plus accueillants et rapidement familiers que dans les grandes villes. Ainsi, Keiichi se liera facilement d’amitié avec les autres filles de son âge : Rena, Mion, Satoko et Rika. Tous ensembles ils participent à un club au sein de la petite école du village où ils s’affrontent sur différents jeux et le perdant reçoit en général un gage. Quelques jours plus tard, Keiichi en apprend d’avantage sur les traditions du village et découvre notamment la terrible « malédiction d’Oyashiro ». D’étranges évènements vont alors s’enchaîner, jusqu’à finalement découvrir les mystères qui entourent le petit village – pas si paisible – d’Hinamizawa…

Mais avant d’attaquer l’adaptation animée, il convient de revenir aux origines de la saga, pour bien comprendre dans quel contexte celle-ci est née.

Tout commence en 2002 lorsque l’auteur, Ryukishi07, publie le premier tome du Sound Novel Higurashi no naku koro ni, ou littéralement « quand les cigales pleurent / le sanglot des cigales ». Le « roman sonore » (dans la langue d’Hugo) est un type de jeu vidéo qui se rapproche en réalité plus du livre que du jeu, mais où la partie audio a son importance. Il consiste en une succession d’images fixes accompagnées de texte qui défile à l’écran. Ici, le joueur n’a pas de possibilités d’influencer sur l’histoire à l’aide de choix contrairement aux Visual Novel. On découvre alors réellement l’histoire comme on découvrirait celle d’un roman.

Higurashi no Naku Koro ni Sound Novel Visual Novel

Extrait du Sound Novel Higurashi, Mion et Rena © Ryukishi07 / 07th Expansion

Dans le cas d’Higurashi, il s’agit d’un jeu amateur produit par le studio 07 Expansion dirigé par Ryukishi07, qui s’occupe de la direction du jeu et des graphismes. Le studio est également composé de son frère à la programmation ainsi que deux autres collaborateurs chargés de la programmation et des musiques et effets sonores. Le jeu sera au total découpé en huit tomes dont les sorties s’étaleront au rythme de deux fois par an durant quatre ans, distribuée lors de chacune des éditions du comiket, jusqu’en 2006. Le Comic Market est la plus grande convention dédiée au dôjinshi (manga amateur – et ses supports dérivés) au monde. Elle a lieu à Tokyo deux fois par an.

Les huit tomes qui composent le jeu sont divisés en deux grandes parties. Tout d’abord « le cycle des questions » qui vient poser les bases de l’intrigue, nous introduisant les relations entre les personnages et les coutumes du mystérieux village d’Hinamizawa, dans lequel ces derniers évoluent. Les quatre derniers tomes forment ensuite « le cycle des réponses », ayant pour objectif d’apporter la solution à tous les questionnements soulevés dans les tomes précédents. En France, nous avons eu la chance de pouvoir bénéficier d’une traduction française légale très rapidement, bien avant le reste du monde. Malheureusement face à son succès elle est à présent écoulée. Le jeu reste toutefois disponible sur la plateforme Steam, en anglais.

L’anime réalisé en 2006 par le studio DEEN reprend cette même structure narrative, avec une première saison de 26 épisodes intitulée « Higurashi no naku koro ni » correspondant au cycle des questions donc, suivit d’une seconde de 24 épisodes pour les réponses qui verra le jour en 2007, « Higurashi no naku koro ni kai ». On peut retrouver ces deux premières saisons sur la plateforme Netflix. Quant à la saison 3, sa diffusion s’est achevée le 18 mars dernier sur Wakanim avec un total de 24 épisodes.

Et sachez que ça ne s’arrête pas là ! Pour compléter votre voyage dans l’univers d’Higurashi vous pourrez également vous plonger dans les adaptations en manga ainsi que les nombreux spin-offs de l’anime et du jeu vidéo d’origine !

 

Une narration au service de l’intrigue

Pour comprendre un peu mieux le fonctionnement de cette série, nous allons à présent entrer d’avantage dans les détails, ce qui nécessite un petite dose de SPOILERS (grisés). Toutefois, cela ne dépassera pas ici l’épisode 4. De quoi vous donner un aperçu de la série sans trop divulgâcher d’éléments importants pour les nouveaux venus ! (cependant si vous souhaitez conserver intact l’effet de surprise, qui fait partie intégrante de l’expérience Higurashi, nous vous conseillons de vous ruer directement sur la saison 1)

Nous suivons donc le quotidien de Keiichi Maebara, nouvel arrivant dans le petit village d’Hinamizawa, avec ses camarades de classe.  L’ambiance est bonne enfant et, durant tout le premier épisode, on a l’impression de suivre un banal anime de type slice of life : des problèmes de collégiens, des chamailleries, des triangles amoureux… Les personnages paraissent de prime abord pour le moins archétypaux. Mion est la leader franche et spontanée, peut-être un peu garçon manquée sur les bords mais qui peut se révéler féminine quand elle veut ! Rena campe la fille énergique qui adore tout ce qui est mignon. Rika, loli numéro 1, toujours très enthousiaste, peut parfois prendre un air grave et sortir des réflexions très matures et philosophiques pour son âge. Enfin Satoko, loli numéro 2, est la meilleure amie de Rika et toutes deux vivent ensemble. Elle aime beaucoup faire des farces et tendre des pièges aux autres.

Higurashi no Naku Koro ni

De gauche à droite : Mion, Rena, Rika et Satoko © Studio DEEN

Higurashi no Naku Koro ni

Rena © Studio DEEN

Et pourtant, dans cette ambiance doucereuse et innocente, quelque chose cloche. À chaque fois que Keichi essaie d’aborder le sujet des mystérieux drames ou disparations qui se sont produits par le passé dans le village, les filles se figent immédiatement, perdent leur sourire et arborent un regard reptilien qui fait froid dans le dos. Durant les épisodes suivants, la tension continue de monter jusqu’à atteindre son climax, où l’on voit Keichii massacrer ses camarades à coup de batte de baseball, et les regarder baigner dans une mare de sang… fin de l’épisode !
Épisode suivant, Keiichi se réveille, comme si rien ne s’était passé et la vie reprend son cours à partir de ce mois de juin 1983, encore une fois. À partir de cet instant, on commence alors à deviner que la série va reposer sur un système voyage dans le temps ou du moins de boucles temporelles.

On trouve là un thème très commun dans la culture populaire, aussi bien dans les films comme Un jour sans fin, les animes tels que Stein’s Gate ou Re:Zero ou plus récemment la série allemande Dark. Des œuvres qui abordent cette fameuse question de l’éternel retour nietzschéen. Si nous devions mourir aujourd’hui, mais que pour éviter cela on nous proposait de revivre à l’infini tous les moments de notre existence, il y a fort à parier que nous préférerions mourir à l’instant. Ainsi, cette pensée sert à illustrer l’idée qu’il faut mener une vie exemplaire afin de souhaiter revivre éternellement les mêmes moments. Alors pour le moment on ne sait pas encore exactement comment, mais les personnages de notre intrigue semblent avoir la capacité de « relancer les dés du destin » – pour reprendre une formule de l’animé. Une seconde chance pour éviter tous ces massacres et vivre la vie que l’on désire vraiment.

Higurashi no Naku Koro ni

Keiichi et Rena © Studio DEEN

Ce choix de construction narrative fait d’ailleurs parfaitement sens si on replace la sortie du jeu dans son contexte. Effectivement, au début des années 2000, le genre du Sound/Visual Novel était dominé par les simulateurs de drague. Dans ce type de jeu, du fait des nombreux choix qui se présentent à nous, on trouve un aspect « réalités alternatives » très important : il y a plusieurs « chemins possibles » qui mènent à plusieurs issues. En effet, c’est un mécanisme que l’on retrouvait beaucoup chez les contemporains d’Higurashi, tels que Muv-luv, Fate, Clannad ou Little Buster par exemple. Toutefois, de par sa forme, ce genre se contente bien souvent de reproduire le schéma d’une route classique, avec un personnage féminin qui sera central sur l’une des routes et que le joueur va essayer de séduire. Alors qu’ici, Higurashi joue immédiatement la carte de la subversion en commençant par nous aiguiller sur ce modèle bien connu du spectateur (avec notamment la relation entre Keiichi et les autres filles, Shion, Mion et Rena), pour s’en écarter très rapidement dans le premier cycle, tout en jouant toujours avec dans le second.

De plus, l’originalité du récit tient également dans le fait qu’il ne semble y avoir aucun personnage principal réellement identifié. Dans ce genre d’histoire, on a l’habitude de voir le protagoniste principal rapidement comprendre la nature de ses pouvoirs, puis assister petit à petit à sa descente aux enfers face à la répétition incessante de ces événements tragiques. Mais dans le cas d’Higurashi, on alterne les points de vue, étant donné que chaque « boucle » se centre sur un membre différent du groupe. Ainsi, le sentiment d’empathie est d’autant plus fort puisque l’on comprend et se sent proche de chacun des personnages du groupe. La série exploite également très bien ce mécanisme de la « double-détente », très efficace dans les drames : on va dans un premier temps nous dépeindre une petite vie de village simple et idyllique, pour que dans un second temps, lorsque le drame se produit, on soit profondément engagé dans l’action.

(À noter toutefois que ce parti pris est une particularité de l’anime, alors que dans le Sound Novel, Keiichi est clairement présenté comme le personnage principal et endosse même le rôle de narrateur durant les trois premiers tomes.)

 

Un genre à part entière

Si l’on devait essayer de classer Higurashi dans un genre, on serait alors tenté de le ranger dans celui des animes d’horreur gores. En effet, on y retrouve plusieurs éléments qui ont fait le succès du genre : mettre en scène un groupe d’ados se faisait massacrer inlassablement de toutes les manières les plus trashs possibles. Mais même si cet aspect est très bien retranscrit et très efficace dans Higurashi, il serait réducteur de s’arrêter là. Car l’intérêt premier de la série réside dans son excellente narration, que nous avons pu commencer à évoquer un peu plus tôt.

Higurashi no Naku Koro ni

Keiichi © Studio DEEN

Ainsi, durant la première saison, nous allons assister à divers événements sans vraiment comprendre quels en sont les tenants et aboutissants. Autant vous prévenir tout de suite, il faut aimer se perdre avec Higurashi ! Toutefois, chaque boucle semble présenter les mêmes « jalons » auxquels nous pouvons nous raccrocher afin de commencer à rassembler les pièces du puzzle. Durant le festival du village « Watanagashi », le photographe Tomitake meurt horriblement la gorge arrachée, son amie Miyo Takano disparaît, « enlevée par les démons », puis est retrouvée brûlée le lendemain, le tout se terminant par des événements terribles dépendant de l’enfant sur lequel a été centré la boucle. Il s’agit dans la plupart des cas, d’un ou plusieurs villageois qui se retrouve pris de folie meurtrière et massacre plusieurs autres habitants.

La force d’Higurashi se trouve également dans le fait que chaque sous-histoire – chaque boucle – constitue en elle-même un histoire intéressante à part entière mais également une pièce du puzzle qui prendra tout son sens quand on essaiera de reconstituer l’œuvre complète. Ainsi, au fur et à mesure, une intrigue plus complexe se dessine, et par bien des aspects Higurashi se rapproche encore d’avantage du genre du thriller. Mais c’est vraiment dans la saison 2 (la saison qui a pour but d’apporter les réponses, on le rappelle), que l’on pourra véritablement commencer à mener l’enquête et faire nos premières conjectures.

 

Une forme au service du fond

Mais avant de s’enfoncer plus profondément dans la saison 2, il est indispensable de s’attarder un instant sur la partie graphique, car elle pourrait en rebuter certains. En effet, comme évoqué dans l’introduction, le graphisme n’est pas le point fort de la série Higurashi, aussi bien pour le jeu vidéo que pour l’animé. L’auteur original, Ryukishi07, n’est pas dessinateur de profession mais s’est pourtant occupé lui-même des dessins pour les huit tomes de son jeu. La version animée du studio DEEN bien que changeant drastiquement le chara-design ne brille pas non plus par ses dessins. Toutefois, le style graphique un peu approximatif se révèle être un choix parfaitement cohérent pour cette série, qui vient au final renforcer l’atmosphère oppressante de l’histoire.

Higurashi no Naku Koro ni

Mion © Studio DEEN

Par ailleurs, cette atmosphère ne serait rien sans la bande son de Kenji KAWAI. Compositeur éclectique et prolifique, il a composé les bandes originales de nombreuses œuvres bien connues, que ce soit en séries d’animation, films ou jeux vidéo. Et si l’on s’intéresse à sa biographie, on se rend assez vite compte qu’il était effectivement la personne idéale pour une série telle qu’Higurashi. Parmi ses premiers travaux on retrouve la participation à des séries comme Maison Ikkoku et Ranma ½. Un CV qui colle parfaitement pour réaliser la partie légère et slice of life d’Higurashi. Mais c’est dans les thèmes d’angoisse que KAWAI révèle tout son talent. En effet il est surtout connu pour avoir réalisé les thèmes de The Ring, Devilman, des films Death Note ou encore Ghost in the Shell. En somme des films ou séries avec des atmosphères beaucoup plus pesantes. Et le résultat est saisissant : des thèmes comme « Oyashiro Sama » vous hanteront pendant plusieurs jours après la fin de la série.

 

Higurashi Kai : une saison 2 pour tout comprendre

Attention, cette partie contient de nombreux SPOILERS concernant des révélations majeures de la saison 2. Si vous ne l’avez pas vu, vous devriez cesser votre lecture.

Avec cette seconde saison, on entame ainsi le cycle des résolutions et la réponse à une des plus grandes énigmes de la série : Pourquoi il y a-t-il des boucles temporelles ? On découvre alors assez rapidement que Rika, qui se révèle au final être la véritable protagoniste de cette histoire, possède le pouvoir de voyager dans le temps, et que chacune des boucles se termine inexorablement par sa mort, la renvoyant à ce fatidique mois de juin 1983. On se rappelle alors avec horreur toute la première saison, et on comprend que cela dure potentiellement depuis l’équivalent de dizaines d’années. On partage alors la souffrance de Rika de voir mourir en boucle ses amis depuis des années, et l’étrange maturité de cette fillette de 8 ans fait alors parfaitement sens.

On nous explique par la suite que les accès de folie subits par les habitants auraient une explication parfaitement biologique et rationnelle. En réalité tous les villageois sont atteints du « syndrome d’Hinamizawa », une maladie qui se manifeste à partir du moment où les habitants s’éloignent du village ou bien sont soumis à des situations de stress intenses. Dans ces situations, ils se mettent à développer une forte paranoïa envers leur entourage en s’imaginant que tout le monde est contre eux, deviennent violent et vont jusqu’à tuer plusieurs autres habitants.

On comprend ensuite que Rika est le seul personnage à avoir des souvenirs des précédentes boucles, sauf de l’ultime moment de sa mort. Une astuce scénaristique bien pratique qui permet de compliquer la résolution du problème : Rika sait vaguement ce qu’il se passe mais ne connaît toujours pas LA personne responsable de sa mort, et par conséquent le mastermind de toute cette intrigue. Ainsi, on retombe sur un mécanisme classique de ce genre d’histoire : comment faire comprendre à son entourage le problème, sans pouvoir en parler explicitement ? Car même si Rika n’est pas soumise au silence – comme Subaru par Satella dans Re:Zero par exemple –  il n’en reste pas moins que n’importe qui serait pris pour un fou s’il racontait des histoires de voyage dans le temps. Et en effet, après tant d’années remplies d’échecs et de désespoir, Rika a complètement abandonné et se retrouve isolée, car elle ne peut en parler à personne.

Higurashi no Naku Koro ni

© Studio DEEN

Toutefois, le message que vient nous délivrer ici la série, après nous avoir montré certes des dizaines de morts mais également comment le groupe de Rika constitue une bande d’amis fidèles et soudés (comme par exemple lors de l’arc consacré à Satoko), c’est l’importance de savoir compter sur ses amis et parfois savoir se reposer sur eux. Ainsi, le syndrome d’Hinamizawa semble représenter la paranoïa qui peut s’installer dans les groupes d’amis, à cause des non-dits et du manque de communication. Alors pour pallier à cela, Rika, connaissant l’issue des différentes boucles, va commencer à aiguiller ses amis sur les bonnes décisions à prendre ; suggérant de manière détachée quelles sont les bonnes décisions à prendre afin d’aboutir à une fin heureuse. De plus, voyant son groupe d’amis si déterminé et capable de soulever des montagnes pour le bien des autres membres, elle va d’avantage leur faire confiance et leur révéler la véritable nature des mystères qui entourent le petit village.

En cela, la deuxième saison vient prendre le contre-pied du fatalisme de la saison 1. On retrouve très souvent les mots de « destin » et de « fatalité » employés par Rika. Après s’être heurtée aux mêmes événements des centaines de fois, elle devient presque convaincue de leur inéluctabilité. Et malgré tout, cette seconde saison vient nous montrer que « les dés du destin peuvent être rejoués » et la bonne combinaison d’évènements avec les bonnes personnes peut enfin nous faire parvenir à sortir de cette spirale infernale.

La leçon de cette série est également que tout est une question de perspective et nous encourage à ne pas faire de présuppositions. C’est parce que les personnages restent chacun enfermés dans leur vision de la réalité, sans prendre en compte celle des autres, que chaque boucle mène à des issues dramatiques.

 

Higurashi Gou : une saison 3 pour tout recommencer

Attention, cette partie contient des SPOILERS (grisés) concernant des éléments importants de la saison 3 et des saisons précédentes. Si vous n’êtes pas à jour, poursuivre votre lecture sera à vos risques et périls.

Alors que tout semblait fini, à l’issue de la saison 2, Rika avait finalement réussi à « triompher du destin », elle était enfin sortie de cette spirale éternelle de souffrance et allait pouvoir grandir et vivre une vie normale… Du moins c’est ce que l’on pensait. En effet, ce qui avait été annoncé comme un remake s’est donc rapidement avéré être une véritable suite aux saisons précédentes.

Pour cette nouvelle adaptation, on change de studio et DEEN passe la main au studio PASSIONE. L’animation monte alors d’un cran et on quitte les approximations morphologiques pour des traits plus fins et réalistes ainsi qu’une animation très colorée. Vous aurez d’ailleurs peut-être reconnu dans le chara-design des personnages la patte d’Akio WATANABE, connu pour avoir travaillé sur la série des Monogatari.

Higurashi no Naku Koro ni : GOU © Studio PASSIONE

Higurashi no Naku Koro ni : GOU © Studio PASSIONE

Et même si on perd un petit peu de cette ambiance oppressante que permettait le précédent design, on y gagne sur d’autres aspects qui participent aussi à recréer cette ambiance pesante :

Higurashi no Naku Koro ni : GOU © Studio PASSIONE

Higurashi no Naku Koro ni : GOU © Studio PASSIONE

Toutefois, à l’instar de l’épisode 1 de cette nouvelle saison, les épisodes suivants ressembleront grandement pour la plupart à ceux observés dans la première saison. Parfois les changements seront tellement infimes que seuls ceux qui connaissent la série sur le bout des doigts pourront les repérer. Mais ils ne sont pas pour autant anodins et annoncent plusieurs « foreshadowing » dont il ne sera pas toujours facile de déceler l’issue. Par exemple, lors du second épisode, quand Rena soulève la hachette au-dessus de la tête de Keiichi, là où dans la saison 1 il s’agissait d’une paranoïa de la part de Keiichi, on peut ici observer le regard vide de Rena qui semble présupposer que cette fois-ci c’est elle qui est réellement atteinte du syndrome. Ce qui sera confirmé par le passage à l’acte dans l’épisode 4. On découvre alors de nouvelles boucles et des implications complètement différentes par rapport à la première saison.

Higurashi

Higurashi no Naku Koro ni : GOU © Studio PASSIONE

Mais la question principale de cette troisième saison reste bien évidemment « Pourquoi ? » : pourquoi, après avoir vaincu l’antagoniste des deux premières saisons, le cauchemar recommence ? Alors, bien que nous parlions de changements parfois infimes un peu plus tôt, ces derniers annoncent en réalité des « préparations paiements » pour les événements majeurs qui seront révélés à la fin de la saison. On s’aperçoit que cette saison 3 reprend bien la construction narrative en termes de « cycle de questionnements / cycle de réponses ». Et le jeu de détective peut ainsi recommencer pour tenter de comprendre le mystère de cette nouvelle saison. Cependant, ce qui peut paraître un peu étrange dans cette nouvelle itération de la saga, c’est le déséquilibre entre les deux cycles. En effet, on reste dans le flou pendant environ 17 épisodes, pour enfin à partir du 18ème (sur un total de 24) entamer le cycle des réponses et pouvoir reconstituer les pièces du puzzle.

Et finalement, une fois le paiement arrivé, on se rend une fois de plus compte que tous les éléments étaient sous nos yeux depuis le début. Le réalisateur et l’auteur avaient plusieurs fois mentionnés le fait que le personnage de Satoko aurait son importance. Ils nous avaient aussi conseillé de faire attention aux détails présents dans l’opening. Durant ces 17 premiers épisodes, Satoko était parfois absentes lors d’évènements où elle avait pourtant été présente dans la version originale…

Le 18ème reprend alors là où nous avait laissé la saison 2. La bande de Keiichi a réussi à triompher de toutes les épreuves, et la vie peut enfin reprendre son cours. Rika qui était bloquée dans ce corps d’enfant depuis au moins une centaine d’année fini par grandir et réaliser son rêve, aller dans un lycée prestigieux et quitter le village d’Hinamizawa. On peut aisément comprendre ce souhait après plus d’une centaine d’année à revivre les mêmes événements dans le même lieu. Mais tout le monde ne l’entend pas de cette oreille, et Satoko qui n’a aucun souvenir des multiples traumatismes qu’a subi Rika, aurait bien aimé que la paisible vie à Hinamizawa continue pour toujours… Satoko armée de ses nouveaux pouvoirs va alors se fixer comme objectif de changer le cours des choses jusqu’à arriver à une réalité qui lui convienne, une réalité où Rika aurait finalement décidé de rester à Hinamizawa pour l’éternité et ne jamais quitter sa chère amie Satoko.

Mais alors que cette saison 2 semblait prête à se finir en queue de poisson, à la fin du 24ème épisode, nous voyons apparaître une dernière image : Prochainement dans « Higurashi no naku koro ni : SOTSU ». Cette annonce vient d’ailleurs expliquer la raison de ce cycle question/réponse assez inégal de prime abord. Au final, comme pour le dytique originel qui était composé d’un cycle = une saison, ici aussi l’objectif n’a jamais été de tout résoudre en une seule saison. C’est bien dans la seconde partie (soit la 4ème saison au total) de cette nouvelle duologie que nous aurons l’ensemble des réponses que nous recherchons.

Higurashi no Naku Koro ni

Higurashi no Naku Koro ni : SOTSU © Studio PASSIONE

Il est d’ailleurs intéressant de noter que si l’on met côte à côte (et qu’on lit à l’envers) les deux caractères de ces saisons 3 et 4, on obtient 業卒, 卒業 : sotsugyô, qui  évoque à la fois « la remise de diplôme » et par conséquent, « la fin d’un cycle ». On retrouve alors ici un thème assez récurrent dans la culture japonaise, celui du nouveau départ : la fin d’un cycle et le commencement d’un nouveau, laisser ses anciens amis et commencer une nouvelle étape dans sa vie. Véritable institution au Japon, il n’est pas rare que les élèves marquent la fin de leur période lycéenne avec un « hymne de fin de cycle ». Un autre anime de la saison d’hiver qui en parle d’ailleurs très bien est Wonder Egg Priority :

Métaphore qui prend d’ailleurs ici tout son sens étant donné qu’une boucle/cycle est littéralement terminée pour laisser place à un nouveau. Malheureusement, comme le disait Satoko « Il n’est pas aisé de réaliser ses rêves à Hinamizawa », et celle-ci semble bien décidé à empêcher son amie d’y parvenir.

Le plus étonnant étant que cette saison semble complètement prendre le contre-pied de la morale très shonen-friendly de la saison 2, avec un angle beaucoup plus fataliste. Même en prenant le temps de s’écouter, de parler, de construire des relations solides avec nos amis, ces derniers mus par leurs intérêts égoïstes peuvent finir par nous faire du mal. Satoko aveuglée par son amour et sa possessivité pour Rika est finalement prête à la plonger à nouveau dans une spirale de souffrance infinie – après avoir été témoin de ce tout ce qu’elle a déjà traversé ! – seulement pour atteindre son propre rêve. Du coup, l’enfer c’est les autres ?

Enfin, cette saison 3 d’Higurashi permet également de faire le lien avec les autres œuvres de Ryukishi07 : on savait déjà que Rika était liée à Bernakstel, personnage de Umineko no naku koro ni (« Le sanglot des goélands »), second Sound Novel de l’auteur. Mais dans les derniers épisodes de Gou on voit même apparaître Featherine, la sorcière qui lui aurait donné ses pouvoirs. De la même façon, nous avons pu voir dans sa dernière œuvre Ciconia no Naku Koro ni (« Le sanglot des cigognes »), les personnages de Miyo Takano, Jiro Tomitake, et Tetsuro Okonogi.

Higurashi no Naku Koro ni : GOU

Higurashi no Naku Koro ni : GOU © Studio PASSIONE

Finalement, au vu de cette saison 3 sortie des années après les premières et même cette saison 4 à présent, on serait tenté de voir en le personnage de Satoko une catharsis du spectateur. Celle-ci incapable d’abandonner l’idée fantasmée qu’elle s’est créé de Rika, rappelle certains fans de la saga incapables d’abandonner Higurashi, alors que la fin de la saison 2 (et du Sound Novel) constituait en elle-même une fin parfaite et ne nécessitait aucun ajout.

En effet depuis la fin de la série, les fans ont pu étancher leur soif via différents spin offs, mais ces derniers se plaçaient toujours avant l’intrigue principale d’Higurashi. Alors que dans le cas de cette saison 3, celle-ci vient modifier toute l’interprétation de la série originale.

 

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