Et si vous lisiez des nouvelles ?

Journal du Japon vous propose pour l’automne deux recueils de nouvelles très différents : l’un autour de la nourriture par des écrivaines japonaises qui écrivent sur l’Europe et sa cuisine autour d’histoires familiales, l’autre avec de la science-fiction contemporaine (car si on connaît la science-fiction des mangas et anime, elle reste moins connue lorsqu’il s’agit de littérature). Un format court idéal pour lire dans les transports en commun ou quand on n’a pas beaucoup de temps mais envie de faire une pause lecture dépaysante !

Image de Une réalisée avec les couvertures des livres sélectionnés et d’un fond photo créé par jcomp (Freepik)

Je mange bien, ne t’en fais pas : quatre récits de cœur et de cuisine

Je mange bien, ne t'en fais pas, éditions Picquier : couvertureAprès L’ode au chou sauté que nous vous avons déjà présenté, c’est un nouveau livre de la collection Le Banquet des éditions Picquier, dirigée par Ryoko Sekiguchi, que nous vous proposons de découvrir cet automne.

Quatre nouvelles, quatre écrivaines japonaises qui mettent en scène quatre régions d’Europe (Pays basque, Piémont italien, Bretagne et Alentejo portugais) et leurs plats… Il est bien sûr question de repas, de spécialités, de goûts de l’enfance, du passé, des saveurs qui resurgissent à l’occasion d’événements dramatiques dans la vie des personnages. Car la nourriture est bien plus qu’un moyen de redonner de l’énergie à son corps, c’est un concentré d’amour souvent plus fort que les mots qui ne viennent pas toujours comme il faut au moment où il faut.

Mitsuyo Kakuta dans Le Jardin de Dieu met ainsi en scène une jeune femme qui a quitté son Pays basque natal et un père chef cuisinier pour qui « le goût passe avant la tendresse ». Cette incompréhension entre deux êtres qui aiment tous deux cuisiner se traduit par le voyage permanent de la jeune femme dans tous les coins de la planète, où elle cuisine pour les autres… Pourquoi elle cuisine, pourquoi son père cuisine ? Et si la cuisine était là pour donner aux gens un souvenir heureux.

C’est un voyage dans les montagnes italiennes que nous emmène faire Areno Inoue avec Les raisons. Une femme descend tous les jours de la montagne où elle habite pour aller rendre visite à son mari à l’hôpital. Il est dans le coma, mais elle lui apporte tous les jours de la soupe minestrone qu’elle lui fait sentir, espérant le voir réagir et revenir à la vie qu’ils partageaient ensemble. Au fil des pages, elle se remémore leur première rencontre, elle qui n’était que lycéenne, lui professeur beaucoup plus âgé… L’amour, la famille pas toujours conciliante, leurs moments de bonheur à danser, à manger.

« Nous avions mangé du minestrone au dîner, réchauffé sur le poêle à bois (c’est une des raisons pour lesquelles je continue de lui en apporter dans sa chambre d’hôpital). Pommes de terre, haricots et navets, de la sauce tomate préparée pendant la belle saison : le minestrone d’hiver, beaucoup plus consistant que le minestrone d’été, réchauffait la gorge et descendait lentement dans le corps. »

Dans Blé noir, Eto Mori nous emmène en Bretagne, dans le pays des champs de sarrasin, là où vivent une veuve et son fils accueillis dans la famille très pieuse de son défunt mari. Les croyances, toujours la même nourriture à chaque repas.

« Regarder le chef s’affairer en cuisine m’a fait prendre conscience qu’on m’avait gavé des mêmes plats toute mon existence. Pommes de terre cuites à l’eau. Morue salée. Saucisses de porc. Galettes. Exactement comme si un rigoureux contrôle douanier avait été mis en place à l’entrée de la maison et que seul un nombre restreint de mets étaient autorisés à atterrir sur la table des Barrow. »

Le fils fuira ce milieu étriqué, étouffant en partant cuisiner dans des restaurants jusqu’à un deux étoiles parisien. Mais à la mort de sa mère, il réfléchit à sa vie, à sa fuite, à son pays natal et à ce qu’il a réellement envie de faire. Car on n’oublie jamais d’où l’on vient, on se souvient toujours des goûts de l’enfance.

Le recueil se finit sous le soleil brûlant de l’Alentejo avec Kaori Ekuni. Luis vit en couple à Lisbonne avec Manuel. Ils profitent de quelques jours pour filer dans un cottage à la campagne. Luis est dessinateur et se qualifie de « coincé, borné, morne, jaloux », Manuel est barman et aime plus que tout converser avec les gens, ce qui ne plaît pas toujours à Luis. Cette parenthèse qu’ils s’offrent est l’occasion de déguster des spécialités locales dans les meilleurs restaurants, mais également de converser avec la petite fille des propriétaires, et d’observer les paysages et les visiteurs, leur activité préférée.

« Le repas était parfait. Nous avons dégusté du jambon sec, une salade de cornilles au thon, du ragoût de porc et du ragoût d’agneau, des spécialités locales. A travers la petite fenêtre, je pouvais voir le ciel se parer de nouvelles teintes, depuis l’indigo jusqu’au noir de jais. Les lumières d’une ville espagnole clignotaient sur la rive opposée du lac. Des lueurs dansaient à sa surface. »

Une nouvelle lumineuse qui donne envie de prendre une voiture pour filer vers le sud !

Ces quatre nouvelles parlent de saveurs, de cuisine, mais surtout d’amour, de partage… car on cuisine pour dire qu’on aime, pour faire plaisir, pour vivre un merveilleux moment ensemble. Un livre doux malgré les drames, car c’est là le pouvoir magique de la cuisine ! Et en le fermant, on a envie de mijoter un bon petit plat et d’inviter les amis que l’on n’a pas vus depuis longtemps !

Plus d’informations sur le site de l’éditeur.

La machine à indifférence et autres nouvelles : anthologie de science fiction

La machine à indifférence et autres nouvelles, éditions Atelier Akatombo : couvertureLes éditions Atelier Akatombo ont l’art de nous faire découvrir des trésors méconnus : polars palpitants, mangas originaux, romans de science-fiction, littérature érotique, et ici un recueil de nouvelles de science fiction du 21e siècle.

Attention, on est très loin de l’univers robotique, des mangas ou anime de science-fiction, préparez-vous donc à être surpris, dérangés, perturbés …

Les éditeurs présentent ainsi cette anthologie :

« La Machine à indifférence de Project Itoh, Les Anges de Johannesburg de Yūsuke Miyauchi, Bullet de Toh EnJoe, Battle loyale de Taiyō Fujii et La Fille en lambeaux de Hirotaka Tobi composent la première anthologie de science-fiction japonaise traduite en français.
Sélectionnées par les deux meilleurs spécialistes français de la SF japonaise – Denis Taillandier, maître de conférence à l’université Ritsumeikan de Kyoto, et Tony Sanchez, traducteur de manga et chroniqueur chez ActuSF –, ces cinq nouvelles témoignent de la vivacité d’un genre qui mêle rigueur scientifique et créativité. »

Avec cette anthologie, le lecteur voyage en Chine, en Afrique, en Amérique … et les thèmes abordés sont variés et d’une actualité troublante : place grandissante des jeux vidéo et simulations qui ne sont peut-être pas aussi virtuelles qu’elles en ont l’air, terrorisme, libertés individuelles, contrôle de l’information, multiplication des conflits armés (pour des raisons ethniques, religieuses, culturelles), et également tout ce qui tourne autour de l’humain à l’heure des bionanotechnologies (humain hybride, jusqu’où aller …). Il est même question de notre rapport au temps dans une approche déroutante ! Bref, des sujets souvent sombres, mais qui invitent à la réflexion dans un monde qui évolue très vite et n’est plus très loin de ce monde post-moderne décrit dans ces nouvelles.

Difficile de raconter chaque nouvelle, mais nous vous donnons quelques bribes :

  • dans La machine à indifférence, nous suivons le parcours d’un enfant soldat dans un pays d’Afrique où la guerre a pris fin. Si les massacres ont cessé, les traumatismes sont vivaces et la haine entre les Xemas et les Hoas est toujours là. Comment alors réussir à cohabiter avec son ennemi ? Les Blancs arrivent avec un traitement médical révolutionnaire qui pourrait mettre un terme à ces violences … mais est-ce vraiment possible ?

« Tout le monde sur un pied d’égalité. C’était stupide… effacer le visage de l’ennemi ne le ferait pas disparaître d’un claquement de doigts ! Il serait toujours là, et la haine avec lui. Qui avait bien pu avoir une idée pareille ? Le nouveau gouvernement ? Les Américains ? Des professeurs au fin fond de leurs bureaux ?
— C’est sûrement l’idée d’une ou plusieurs ONG. C’est la nouvelle mode, chez nous : si on gomme les différences, toute violence disparaîtra d’elle-même. Ils rêvent… »

  • dans Les anges de Johannesburg, deux adolescents survivent tant bien que mal dans Johannesburg ravagé, et tous les soirs ils observent d’étranges filles robotiques se jeter du haut de la tour où ils vivent. Un soir, l’une d’entre elles les appelle à l’aide. Une histoire mêlant tristesse et espoir, montrant la difficulté de grandir et d’espérer dans un pays ravagé, instable, entre armées et milices.
  • dans la courte nouvelle Bullet, Jay est amoureux de Rita, il explique que si elle se comporte bizarrement et passe son temps à tirer partout, c’est qu’un tueur du futur lui a mis une balle dans la tête … distorsion temporelle troublante. Préparez-vous à avoir mal à la tête en essayant de suivre ces explications sur le présent, le futur et le voyage temporel !
  • Battle Loyale se déroule en Chine, où le pouvoir veille d’une main ferme à l’unité du pays. Une entreprise de jeux vidéo pour smartphone est attaquée par des abeilles tueuses, et une série d’événements nous emmène sur la piste de terroristes, à bord d’un train, au milieu d’une bataille … dans un suspense haletant ! Anti-terrorisme, armes de plus en plus innovantes … et réflexion sur la guerre à l’ère des drones et autres armes miniaturisées.
  • La fille en lambeaux est probablement la nouvelle la plus perturbante. On plonge au cœur de la réalité virtuelle, des avatars, dans une entreprise qui cherche à faire ressentir physiquement cette réalité virtuelle. Une jeune chercheuse rencontre une femme horriblement laide, malade, mais qui a une mémoire absolue, et qui a conçu un programme étrange basé sur le sadisme. La chercheuse sera fascinée et le lecteur sera emmené dans un monde où il sera difficile de démêler le réel du virtuel. Vous n’en sortirez pas indemne !

Un recueil très intéressant, complété par une préface qui retrace l’histoire de la SF japonaise et une postface qui explique la genèse des différentes nouvelles par leurs écrivains.

Plus d’informations sur le site de l’éditeur.

Deux recueils très différents qui vous emmèneront loin, très loin !

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