Belle : trouver la voix !

Précédé d’une belle réputation depuis son passage au Festival de Cannes, Belle, la nouvelle réalisation de Mamoru HOSODA est arrivé sur les écrans français en grande pompe, servi notamment par une campagne promotionnelle communiquant autour de son doublage VF faisant la part belle à la dimension musicale du film avec dans le rôle principal Louane. Un tapis rouge doublement déroulé pour un auteur qui a su se faire une belle place dans le cœur du public hexagonal. C’est maintenant en vidéo que débarque enfin ce très beau film. Une bien belle occasion de s’y replonger avec joie !

BELLE ©2021 STUDIO CHIZU

HOSODA, réalisateur équilibriste de l’intime et de l’épique

Suivre la filmographie de Mamoru HOSODA est comme retrouver tous les 3 ans un ami et le voir grandir, évoluer, fonder une famille, avoir des enfants, vieillir… Le réalisateur est parvenu à provoquer cet attachement chez le spectateur par un savant équilibre entre l’intime (le familial) et l’épique (fantaisiste), le point d’équilibre se déplaçant d’un film à l’autre.

Le cinéma de HOSODA a su trouver sa place en France et s’y imposer dans le paysage cinématographique. Pourquoi ? Parce qu’au-delà de la maîtrise de la narration, de l’animation et du design, le réalisateur s’est rapidement imposé comme un auteur à part entière, avec un style propre et des thématiques récurrentes, qu’il continue d’approfondir à chaque opus (la famille, le passage à l’âge adulte…), mais aussi comme un metteur en scène versatile qui sait évoluer et se renouveler avec chaque film, gratifiant un public qui se déplace en salle pour retrouver de ce doux sentiment d’équilibre entre familier et nouveauté.

Le film symbolise bien l’équilibre entre l’intime et le fantastique chez HOSODA. BELLE ©2021 STUDIO CHIZU

Et Belle constitue par bien des aspects un film-somme, aussi bien dans ses problématiques et ses thématiques, que justement dans l’équilibre entre ces deux courants, intime et épique, qui cohabitent dans le cinéma de HOSODA.

Monde virtuel, toi qui me donnes des ailes

Avec Belle, Mamoru HOSODA retrouve un de ses thèmes de prédilection : le monde virtuel et ses interactions avec le monde réel, sujet présent dès le second film Digimon et évidemment dans le formidable Summer Wars. Après le monde d’OZ, Facebook avant l’heure, voici venir U, le métavers avant le métavers, dans lequel chacun peut créer son alter égo et se projeter à corps perdu pour se réinventer plus librement. Mais le film est loin d’être une redite de Summer Wars. C’est dans le monde de U que Suzu, jeune lycéenne complexée et prostrée depuis la mort de sa mère, va pouvoir retrouver sa voix en s’incarnant en Belle, et connaître une gloire quasi instantanée grâce à son chant, devenant l’idole musicale de U. Dans ce monde parallèle elle va se retrouver confrontée à une bête dont la violence désespérée l’intrigue, et va se lancer dans une (en)quête entre réel et virtuel pour percer le secret de ce mystérieux personnage haï de tous, mais en qui elle entrevoit une douleur similaire à la sienne. Mais la bête est farouche et ne compte pas se laisser facilement approcher…

BELLE ©2021 STUDIO CHIZU

La Belle et le réseau

On le sait depuis Summer Wars, Mamoru HOSODA projette beaucoup de sa vie dans ses films, qui sont souvent le reflet de ses observations à un moment donné. Cette fois, ce sont ses observations sur sa jeune fille de 5 ans (les variations de son comportement à la maison et à l’école) et ses inquiétudes pour son futur, face aux risques de harcèlement notamment, que cela soit à l’école ou sur les réseaux, qui ont été les déclencheurs de sa réflexion.

BELLE ©2021 STUDIO CHIZU

Une réflexion qui passe cette fois par la réinterprétation d’un conte célèbre. En transposant l’histoire de La Belle et la Bête dans le monde de Summer Wars, HOSODA la modernise et interroge donc la problématique complexe des réseaux sociaux et de ce qu’ils représentent pour les jeunes générations qui ont su se les approprier et s’y projeter. Un monde à la fois formidable lieu d’émancipation et de quête de soi, autant que nouvelle source de danger où les opinions peuvent se montrer volatiles et où l’on peut vite se retrouver cible de harcèlement. L’auteur traite son sujet avec l’optimisme qui caractérise son cinéma, mais aussi finalement avec beaucoup de subtilité, sans céder à la diabolisation facile ni à l’angélisme.

HOSODA modernise La Belle et la Bête. BELLE ©2021 STUDIO CHIZU

Un film doublement dual

Le film porte sa dualité dans sa facture technique même : là où le monde réel est représenté en animation 2D traditionnelle, le monde de U est lui mis scène grâce à une 3D au rendu 2D extrêmement réussi et pour laquelle il a collaboré notamment avec d’illustres talents de l’animation occidentale à commencer par Jin KIM (Big Hero 6 et La Reine des Neiges) au character design, mais aussi Ross Stewart et Tomm MOORE (tous les deux responsables du formidable Le Peuple Loup). On se souvient de sa collaboration avec Takeshi MURAKAMI pour Superflat Monogram qui trouvait écho dans Summer Wars. Il élargit ainsi encore, avec ces nouvelles rencontres, la palette de son style graphique.

Un monde virtuel très stylisé. BELLE ©2021 STUDIO CHIZU

Le monde réel lui, est complètement raccord avec le style familier de HOSODA et le character design hérité de sa collaboration passée avec SADAMOTO. L’ambiance et les enjeux de cette face du film rappellent en partie ceux de La Traversée du Temps et son intrigue sentimentale lycéenne. La question du deuil et de son dépassement sont à nouveau au cœur de l’intrigue, comme dans Le Garçon et la bête. Et le réalisateur y réussit très bien cet équilibre entre gravité et légèreté.

On est en terrain familier dans le monde réel. BELLE ©2021 STUDIO CHIZU

Du côté du monde virtuel, pourvu qu’on laisse de côté la recherche d’une véritable cohérence technique vis-à-vis du fonctionnement de U et de son système de projection virtuel qui flirte avec la magie, l’allégorie sur les réseaux sociaux fonctionne à plein.

Entre les envolées épiques et aussi sentimentales des aventures de Suzu dans le monde virtuel et celles, plus intimes, de la réalité avec ses aspects comiques comme tragiques, Mamoru HOSODA nous fait épouser les sentiments de son héroïne et c’est bien là la réussite du film : nous emporter dans un maelstrom d’émotions et de sensations qui parvient toujours à nous émouvoir. On ne doute jamais de la sincérité et de l’empathie du réalisateur pour ses personnages, ce qui conjugué à son savoir-faire visuel, achève de nous conquérir à chaque fois.

Un beau film-somme qui ne fait que confirmer la joie et le plaisir que l’on a à retrouver Mamoru HOSODA et son univers, film après film. Vivement le prochain !

Heureux hasard du calendrier ou intelligence éditoriale, quelques semaines avant la sortie vidéo de Belle, l’éditeur de beaux livre Huginn & Muninn sort Tout l’Art de Mamoru Hosoda.

Écrit par Charles Solomon, ce livre réussit l’exploit d’être aussi riche dans son iconographie que dans son contenu éditorial. L’auteur y retrace la carrière de Mamoru Hosoda film par film avec une abondance de documents visuels rares (story-board, planches d’études des personnages, de décors, de layout, etc.). Mais loin d’être une simple collection de somptueux documents, c’est surtout l’ensemble des témoignages rassemblés qui fait de ce livre une passionnante mine d’informations. Solomon a en effet interviewé non seulement Mamoru Hosoda lui-même, mais aussi nombre d’autres intervenants, dont ses différents collaborateurs au fil du temps, de ses débuts au sein de la Toei jusqu’à Belle. Le quota d’anecdotes et d’informations pertinentes est atteint dès le chapitre introductif qui revient sur le parcours du cinéaste avant La Traversée du Temps, notamment ses années de formation au sein de la Toei et son triste passage avorté chez Ghibli pour Le Château Ambulant. Un livre qui se dévore et donne envie de se replonger dans la filmographie du réalisateur avec un œil nouveau.

1 réponse

  1. Vash dit :

    En ce qui me concerne, j’ai trouvé qu’il s’agissait là du moins bon des films de Osoda.
    Je l’ai visionné en VO.
    L’héroïne est pathétique au point que cela en est agassant, les chansons (peu inspirées) sont trop nombreuses à mon sens (on se croirait dans un Disney) et n’apportent pas grand chose.
    La façon dont les protagonistes parviennent à localiser la bête dans le monde réel frôle le ridicule quand on connaît l’immensité tokyoite.
    Enfin, je n’adhère pas spécialement au chara design, mais il s’agit là de mes goûts personnels.
    Bref, pour la première fois, je suis déçu d’avoir acheter un film d’Osoda.

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