Voyage musical vers Okinawa avec le Paris Sanshin Club – Partie 2

Suite à la présentation hier du Sanshin et de la culture Okinawa dans la première partie de l’interview, les membres du Paris Sanshin Club reviennent ici sur sa création. Apprenez-en d’avantage sur leur amour porté vers ces îles japonaises ayant leur identité propre ! Et découvrez en leur compagnie des chansons populaires Okinawaïennes et les recommandations du club pour pouvoir écouter leurs représentations.

L’interview se déroule en compagnie de Tomy Quenet, président du Paris Sanshin Club qu’il a rejoint en 2016, et de trois autres membres actifs : Alexandre Shelledy, Zoé Larguille et Rodrigo Shigueiro Siroma , tous ayant rejoint le club entre 2023 et 2024. Le dernier intervenant, Florian Bricard , est le co-fondateur et un ancien instructeur du club (2014-2016). Il est aujourd’hui professeur de la Fédération de min’yō de Miyako à Naha, Okinawa.

La naissance du club

Depuis combien de temps existe le Paris Sanshin Club ? Qu’en est-il aujourd’hui des rapports du fondateur avec le club ?

Tomy : L’activité du club a été fondée par Florian Bricard en 2013, sous la tutelle de l’association Dejima (association étudiante de culture japonaise à l’INALCO). Nous sommes devenus une association à part entière « Paris sanshin Club », en 2017, sous l’impulsion de la première présidente Laura Mestas. Celle-ci ne pratique plus le sanshin avec le club depuis quelques années. Florian est parti s’installer à Okinawa en 2015 où il continue à jouer et à apprendre auprès d’un maître. On essaie de le voir quand il vient à Paris ou quand nous allons à Okinawa. Il essaie de mettre en place le passage d’examen de sanshin pour nos membres ici, évalués par des maîtres là-bas, avec peut-être une première édition cette année.

Comment s’est déroulé la création du club ?

Florian : Le club est né en 2013 d’une convergence d’idées entre d’une part, Aya et moi-même qui pratiquions le sanshin à Paris, et d’autre part, de la Coopérative des Luthiers d’Okinawa. La coopérative cherchait des idées pour promouvoir le sanshin en France et en Europe et m’a consulté lors d’un passage à Naha. Je leur ai soumis l’idée d’un club s’adressant à des débutants complets, qu’Aya et moi nous chargerions de recruter et d’initier. L’idée a plu à certains luthiers, et notamment au secrétaire de la coopérative, M. Nakamine Miki. Il nous fallait cependant pour cela des instruments que nous pourrions prêter. La Coopérative a passé un appel aux dons et a récolté des sanshin inutilisés, qu’elle a restaurés et nous a envoyés à Paris.

Pour le recrutement, j’ai sollicité l’INALCO, et notamment ma directrice de recherche Mme Véronique Brindeau, qui a eu la gentillesse de nous laisser présenter l’instrument et le projet de club aux étudiants de son cours de musique japonaise. L’intérêt était de s’adresser en priorité à des jeunes passionnés de culture japonaise qui apprendraient suffisamment la langue pour lire facilement les partitions, et surtout, qui resteraient assez longtemps à  Paris pour apprendre l’instrument et pour pérenniser le club. Aya et moi nous attendions à quatre ou cinq candidats, mais nous en avons eu presque une vingtaine la première année ! Heureusement la Coopérative nous a très rapidement fourni des sanshin en plus et l’INALCO a accepté de nous héberger les premières années, ce qui nous a grandement facilité le travail. Avec le temps, des gens extérieurs à l’INALCO ont également rejoint l’aventure.

https://www.youtube.com/watch?v=aC0IAl_u2qw&t=565s
Sur leur chaîne youtube Petit Okinawa Traveler, Vincent et ses amis explorent régulièrement de nouveaux sites et aspects culturels des îles d’Okinawa. Les vidéos de cette équipe de reporters pétillants sont toutes sous-titrées en français @ Petit Okinawa Traveler

Diffuser Okinawa hors de ses îles

En quoi était-il important pour vous que ce club existe à Paris ?

F : L’intention première était simplement de faire connaître la musique d’Okinawa et sa culture au sens large, mais pas comme dans un cours magistral. Je ne sais pas pour Aya, mais pour ma part je voulais donner aux adhérents une chance de « mettre les mains dans le cambouis » et de développer une relation plus organique, plus personnelle avec Okinawa. 

Le défi était pour nous de rendre la chose accessible – et surtout agréable! – à tous, y compris à des gens n’ayant jamais joué de musique, et j’aime à croire que nous avons plutôt bien réussi. Nous avons même fait monter tout le monde sur scène pour un concert au bout de seulement 6 mois ! Pour ma part c’est vraiment à ce moment-là que je me suis dit que la mayonnaise avait pris.

Rodrigo : L’intention est aujourd’hui restée la même, nous accueillons et laissons l’opportunité à quiconque souhaitant essayer de jouer avec nous. Concernant les objectifs, nous pratiquons désormais aussi la danse traditionnelle “eisa”, que nous avons également à coeur de faire découvrir aux gens durant nos scènes, ajoutant une dimension supplémentaire à notre activité. Grâce à cela, le nombre de sollicitations pour des performances a beaucoup augmenté, ce qui est bénéfique pour la visibilité de la culture d’Okinawa.

Où pouvons-nous écouter du sanshin ?

Alexandre : Le Paris Sanshin Club se produit régulièrement dans divers endroits, à l’occasion de nombreux festivals et marchés consacrés à la culture japonaise. Lors de ces événements, on peut y découvrir les danseurs d’eisa et les joueurs de sanshin au cours de représentations très animées, et pour le moins dépaysantes. Les joueurs et danseurs du club portent les costumes traditionnels d’Okinawa, berceau du sanshin.

R : En dehors de la France on peut en écouter à Okinawa et dans des pays avec une grande communauté okinawaïenne tels que le Brésil, l’Argentine, la Bolivie, le Pérou et les États-Unis.

T : En France, notre association « Paris Sanshin Club » promeut l’instrument, la musique et les danses d’Okinawa. Nous pouvons être sollicités lors d’événements sur la culture japonaise, pour des représentations musicales et dansantes. Vous pouvez scruter nos réseaux sociaux. [voir en fin d’article]

F : À Okinawa, il est possible d’écouter de la musique de cour tout au long de l’année au château de Shuri, et au Théâtre National Okinawa le week-end. Pour le min’yô, « le » lieu est Okinawa City avec tous ses min’yô sakaba, l’équivalent des clubs de jazz pour la musique traditionnelle. Je recommande particulièrement la période d’O-bon, la fête des morts, généralement entre mi-août et fin septembre (attention, les dates sont calées sur le calendrier lunaire et sont différentes du O-bon de la métropole !). C’est la période où les groupes de danse eisa se rassemblent et défilent le soir dans les quartiers pour accueillir les esprits des défunts, pour la plus grande joie des vivants.

Des chansons intemporelles

Pour conclure cette interview, pouvez-vous nous citer quelques chansons célèbres jouées au sanshin et nous expliquer ce qu’elles racontent ?

T : Ces explications sont issues de recherches sur internet et de mes interprétations personnelles.

Asadoya yunta (nom d’une jeune fille) : Cette chanson parle d’amour et de poésie, de fleur au milieu des ronces, de sentiments retrouvés dans l’intimité et de cadeau d’un vêtement spécifique comme symbole d’amour. Elle a été recomposée à partir d’une chanson plus ancienne du même nom, relatant l’histoire d’amour d’une jeune fille locale et un officiel du royaume.

Tinsagu nu hana (la fleur de Balsamine) : C’était à la base une chanson pour enfants. Désormais, tous les gens d’Okinawa la chantent jusqu’à être désignée comme chanson favorite officielle de la préfecture d’Okinawa en 2012. Elle parle essentiellement de piété filiale, respect de l’enseignement des anciens, à travers des métaphores liées aux étoiles et la sève des fleurs de balsamine laissés sur les doigts lorsqu’on les frotte.

Shima uta (chanson de l’île) : Chanson des années 1990, non traditionnelle et plutôt pop, composée et chantée par le groupe japonais THE BOOM qui a connu un succès retentissant dans tout le pays. La chanson évoque la floraison des fleurs de deigo, qui est le signe annonciateur d’une tempête qui approche, mais également de rencontres et séparations dues à cette tempête. Ces paroles font référence à la terrible guerre qu’il y a eu à Okinawa durant la Seconde Guerre mondiale, laissant sa population meurtrie par les atrocités du conflit. Le refrain dit que cette chanson de l’île doit être portée par le vent, traverser les océans pour disséminer les larmes mais également promulguer l’amour.

A : L’une des chansons populaires jouées au sanshin se nomme 十九の春, « Dix-neuf printemps » en français. Les paroles sont une sorte de va-et-vient langoureux entre une femme délaissée qui regrette ses dix-neuf ans, et celui qui les lui a pris et s’apprête à la quitter, en la comparant au vieil arbre mort dans le jardin, qui ne fleurira pas plus qu’elle ne retrouvera sa jeunesse écoulée.

Zoé : Asadoya Yunta est la chanson la plus connue à Okinawa ; je pense aussi à Juku no Haru, Musume Jintoyo, Hounen no uta ou Danju Kariyushi, qui sont les chansons que nous jouons le plus lors de performances.

R : Voici quelques chansons de différents styles de sanshin et de différentes époques de l’histoire d’Okinawa :

Kajaadefu bushi : c’est l’un des principaux morceaux du style traditionnel (koten) qui est généralement joué à l’ouverture des événements.

Asadoya yunta : c’est l’un des principaux morceaux du style populaire (min’yô). Il est originaire des îles de Yaeyama. À l’origine, ce morceau raconte l’histoire d’une femme appelée Asado Kuyama qui n’accepte pas la demande en mariage d’un haut fonctionnaire du gouvernement de Ryûkyû (à l’époque, vassal du gouvernent japonais). C’était une chanson antigouvernementale. Cependant, cette chanson a été adapté en japonais dans les années 1930. Dans cette version, non seulement le contexte politique a été effacé, mais Kuyama tombe amoureuse de ce haut fonctionnaire.

Bashofu (Fukuhara Tsuneo) : ce morceau fait partie du style nouveau min’yô, après la Seconde Guerre mondiale. Avec des arrangements musicaux plus modernes, ce morceaux célèbre la beauté d’Okinawa et de ses cultures en mettant en évidence les bashofu (vêtements fait avec de la fibre de bananiers).

Katate ni Sanshin wo (Diamantes – Alberto Shiroma) : ce morceau est une manifestation artistique de la diaspora okinawaïenne dans le monde. Alberto Shiroma est un Péruvien sansei (troisième génération) et chante sur l’espoir de maintenir les traditions culturelles à l’avenir.

Shimanchu nu takara (Begin) : ce morceau fait aussi partie de la musique pop Okinawa et célèbre les richesses naturelles et culturelles d’Okinawa, qui sont les « trésors des insulaires ».

Nous remercions une nouvelle fois le Paris Sanshin Club pour leurs retours d’expériences intimes avec cet incroyable instrument à cordes, en souhaitant que le club connaîtra encore de belles nouvelles scènes et ravira de nouvelles oreilles curieuses.

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Marie jenck

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