L’Enfer c’est les Autres, un drama en Huit Clos
Librement adapté du webtoon coréen éponyme, le drama L’Enfer c’est les Autres (他人は地獄だ), ou Hell is Other People, transpose l’horreur psychologique dans un décor plus feutré que son prédécesseur coréen, presque étouffant, où la frontière entre réalité et paranoïa s’efface au fur et à mesure que l’intrigue se dévoile… Folie, solitude et isolement : ces thèmes sont loin d’être simplement effleurés et entraînent le protagoniste autant que le spectateur dans un piège rondement mené. Retour sur cette adaptation à dévorer sur Viki.
Attention, cet article contient quelques spoilers.

Jeune homme vivant à la campagne avec sa mère et son frère, Yû décide de quitter la maison familiale pour rejoindre la capitale, et mieux subvenir aux besoins de sa famille. Suite à une dispute avec sa petite amie, Megumi, et n’ayant pas d’argent, Yû se retrouve dans une chambre de bonne, logeant dans une pension miteuse, appelée «Eden», aux locataires tous plus étranges les uns que les autres. Celui qui attire le plus son attention, c’est Kirishima, un homme toujours calme, qui semble avoir beaucoup d’autorité sur la résidence et ses habitants.
Suite à une altercation entre deux résidents, un des locataires disparaît, soulevant d’autres questions dans l’esprit de Yû : que se passe-t-il dans cette pension ? Qui sont vraiment ces personnes ? Sera-t-il le prochain à disparaître…?
Un casting de fous
Rintaro Hashimura joue Yû, notre héros. En plus d’être Idol dans le groupe WATWING, Rintaro a déjà joué dans quelques drama, notamment Le Dressing de Cendrillon en cours de diffusion sur Netflix. Il signe également la bande son du drama avec Hell Fire. Il joue à merveille le rôle de gentil garçon qui, petit à petit, laisse voir ses travers et ses zones d’ombres, et enfin il excelle aussi bien à montrer le côté enthousiaste du personnage que des faces plus dérangeantes.
Shuntaro Yanagi est celui qui a le plus de films (notamment toute la saga des HIGH&LOW) et de drama à son actif. Il a également participé à des clips, comme TWILIGHT des RADWIMPS et a aussi fait partie d’un groupe dans lequel il joue de la basse. Un acteur aux multiples talents et qui s’avère parfaitement inquiétant dans le rôle de Kirishima.
Du côté des rôles secondaires, nous avons Yu Okada dans la peau de Megumi (qui a récemment été vue dans Oshi No Ko, dont nous avons déjà parlé dans un précédent article).
Les rôles de Kubota, Goro et Yoshiko, qui sont les trois personnages les plus emblématiques et effrayants de la série sont campés par Takayuki Hamatsu (Kingdom 2), Kosuke Hoshi, un acteur venant du théâtre et qui excelle dans ce premier rôle à l’écran, et Sayaka Aoki. Encore trois acteurs à suivre de près, tant ils jouent à merveille leur rôle de déséquilibrés, et qui, de plus, ressemble comme deux gouttes d’eau aux personnages du Webtoon !

L’ombre et la lumière
Il n’y a que très peu de scènes tournées en extérieur. Quand Yû n’est pas dans sa chambre miteuse (un lit, une armoire et une table sur laquelle il pose son ordinateur), il arpente les couloirs de la pension, ou alors est au travail, confiné dans un bureau. Tous ces moments, en plus d’appuyer sur la précarité de sa situation, ne font que renforcer l’isolement du personnage principal. Il en vient un point même où on se demande si tout ce qu’il vit ne se passe pas seulement dans sa tête…
Les quelques moments se passant loin de la pension ou du travail se passent avec sa petite amie, Megumi, et sont toujours des scènes très lumineuses, très solaires. Comme un phare au milieu de l’obscurité, Meg sait toujours lui remonter le moral dans les moments difficiles, et, dans chaque passage suivant la rencontre avec sa copine, Yû se retrouve galvanisé et se sent toujours plus capable de gérer les obstacles se dressant devant lui.
Néanmoins Yû est immédiatement montré comme un jeune homme qui a sa part d’ombres malgré son envie d’avancer. La scène d’ouverture le montre abattu de devoir quitter sa famille pour chercher du travail dans la grande ville. Même s’il se dispute avec sa petite amie qui pense qu’ils ne sont pas prêts pour vivre ensemble aussi vite, il rebondit et se trouve une chambre, et tout aussi rapidement un emploi. Bien que maltraité au travail, il ne se laisse pas démonter pour autant et exécute les tâches qu’on lui donne… Jusqu’à ce que l’on puisse le voir doucement sombrer dans les profondeurs de sa folie intérieure, qui finit par prendre le dessus sur tout le reste.
Huit Clos
Citation bien connu du philosophe Jean-Paul Sartre, c’est de la pièce de théâtre Huit Clos que vient le fameux «L’Enfer, c’est les autres.». Dans la pièce, trois personnages se retrouvent dans une sorte de purgatoire où chacun sera jugé pour ses actes par les autres, mais jugera aussi les actions des autres. Il y a également le garçon d’étage qui n’est pas très présent mais accompagne chaque personnage dans la pièce où se déroule l’action.
Dans le drama japonais, contrairement au drama coréen, il n’existe que très peu de personnages. Comme dans son voisin français, il y avait trois personnages dans la pension avant que Yû n’y arrive et un quatrième, Kirishima, qui semble être leur guide, comme le garçon d’étage.
Le commentaire de Sartre sur sa citation n’a jamais été aussi vérifié qu’ici :
«… Si les rapports avec autrui sont tordus, viciés, alors l’autre ne peut être que l’enfer. Pourquoi ? Parce que les autres sont, au fond, ce qu’il y a de plus important en nous-mêmes, pour notre propre connaissance de nous-mêmes. Quand nous pensons sur nous, quand nous essayons de nous connaître, au fond nous usons des connaissances que les autres ont déjà sur nous, nous nous jugeons avec les moyens que les autres ont, nous ont donné, de nous juger. […] Mais cela ne veut nullement dire qu’on ne puisse avoir d’autres rapports avec les autres, ça marque simplement l’importance capitale de tous les autres pour chacun de nous.»
Nous pouvons bien voir Yû perdre peu à peu la tête dans sa chambre, parce qu’il est au contact de personnalités qui sont un enfer pour eux-mêmes et pour les autres, et petit à petit, se retrouver à penser comme eux, à devenir comme eux. Mais, finalement, est-ce qu’il n’était pas l’un des leurs dès ses premiers pas dans cette pension ?
Une fois n’est pas coutume, et contrairement à l’adaptation de Nevertheless, l’adaptation japonaise de L’Enfer c’est les Autres semble plus intime et plus horrifique que sa grande sœur coréenne. Cette dernière est beaucoup plus détaillée dans les scènes, compte plus de personnages, et a fait du personnage de Kirishima quelqu’un de beau ET charismatique (l’acteur Dong Wook Lee respire très bien ces deux qualités), alors que Shuntaro Yanagi est plus inquiétant, plus obsédant. Le fait que le drama coréen s’étende sur 10 épisodes d’une heure là où notre version ne dure que deux heures aide sans doute : il a fallu faire des choix artistiques et stratégiques pour faire passer les mêmes messages que la version coréenne, mais en moins de temps.
C’est justement son format plus court qui permet au drama japonais de sortir son épingle du jeu. Il n’était pas facile de réussir à donner de la consistance, ainsi qu’une personnalité aux personnages en si peu de temps, mais c’est réussi ! Un drama que nous vous recommandons les yeux fermés, disponible sur Viki.
