Interview de Yû Ito : De Shut Hell à Ookami Rise
Yû Ito fait partie de ces dessinatrices talentueuses, aussi à l’aise dans les récits de SF engagés que dans les récits historiques. Timide et réservée, c’est pourtant son trait nerveux et écorché vif qui transporte ses lecteurs vers des crash émotionnels ultra violents.
Ses œuvres sont disponibles en France chez Panini manga et nous l’avions rencontré à JAPAN EXPO en 2023 pour la sortie de Shut hell.
Le 13 août 2025 signe la fin de l’aventure avec la sortie de son ultime volume, une bonne occasion pour finir ce titre en compagnie de la mangaka…
Née en 1977 à Tokyo, elle étudie l’Histoire Orientale à l’Université avant de se lancer dans le métier de mangaka. En 2004, mangaka encore inconnue, elle entame l’ambitieux projet d’adapter en manga le roman Imperial Guards de Daisuke Sato en cinq volumes. Elle reçoit le prix de meilleur espoir lors du 16e prix culturel Osamu Tezuka pour sa première longue série Shut Hell qui s’achève en 2017. Elle participe à la série animée Mobile Suit Gundam: Iron-Blooded Orphans en créant les de design des personnages. Puis en 2018, elle démarre sa série Ookami Rise toujours dans le magazine de prépublication Ultra Jump (seinen). Cette série se termine en cinq tomes. Shut Hell et Ookami Rise sont sorties en France chez Panini manga.

Qui est Yû Ito ?
Journal du Japon : Bonjour Yû Ito et merci pour votre temps. Pour commencer, quel est votre parcours de mangaka ? Quel est votre parcours scolaire et artistique ?
Yû Ito : J’ai étudié l’Histoire Orientale à l’Université. Après quelques one-shots, j’ai dessiné l’adaptation du roman Kokoku no shugosha (d’ailleurs il y a un recueil d’ histoires courtes). Ensuite j’ai publié Shut Hell et Ookami Rise. J’étais également en charge de l’idée de base du chara-esign pour Mobile Suit Gundam – Iron Bloooded Orphans et son jeu sur l’application.

Quand avez-vous commencé à dessiner ? Et réaliser un manga ?
Je crois que j’avais 11 ans quand j’ai utilisé un stylo plume pour la 1re fois. C’était vers 13 ans que j’ai essayé de dessiner une planche avec des cases.
Avez-vous toujours souhaité être mangaka ?
Je pense que oui, je voulais devenir mangaka mais sans vision claire. Vers la fin de mes études, quand j’ai failli rater quelques matières ou quand je n’étais pas très motivée pour chercher un emploi, j’ai eu l’envie d’envoyer mes planches aux éditeurs afin de devenir le professionnel de manga.
Avez-vous suivi des études particulières ? Êtes-vous autodidacte ?
Je n’ai pas fait d’études particulières pour le manga. J’ai beaucoup appris en créant un doujinshi avec mes amis.
Racontez-nous une journée type de votre travail.
Je ne suis pas dans une période très chargée donc je me lève vers 11 heures. Mais pendant que je m’encourage à bien travailler, la nuit tombe. Du coup je me dis que demain sera un autre jour. Quand j’ai beaucoup de tâches et que le temps me manque, je reste collée à mon bureau. Cela fait maintenant un quart de siècle que je voudrais changer cette habitude.
Quels sont les mangaka qui vous inspirent ?
Ils sont nombreux : Osamu TEZUKA, Shotaro ISHINOMIRI, Mitsuteru YOKOYAMA, Fujio FUJIKO, Katsuhiro OTOMO, Naoki URASAWA, George MORIKAWA, Masatoshi KAWAHARA, Yoshihisa TAGAMI, Kyoko HIKAWA, Yun KÔGA, Hinako SUGIURA, Hisashi SAKAGUCHI, Ken ISHIKAWA, Yasuhiko YOSHIKAZU, Ryoji MINAGAWA, Mutsuki AMATATSU et Atsuji YAMAMOTO.
Que recommandez-vous comme manga ?
La liste n’est pas exhaustive mais je dirais : AU BORD DE L’EAU de Mitsuteru YOKOYAMA, HELL BOY de Mike MIGNOLA, SINBAD d’Atsuji YAMAMOTO, SHINSENGUMI de Hiroshi KUROGANE, AKIRA de Katsuhiro OTOMO, FLEUR DE PIERRE, IKKYU de Hisashi SAKAGUCHI.
Quels sont les artistes (en dehors du manga) qui influencent votre travail ?
Ils sont eux aussi très nombreux : Frank FRAZETTA, Masayuki MIYATA, Norio SHIOYAMA, Saiichi MARUYA, Shuntaro TANIKAWA, Comac MACCARTHY et Bill SIENKIEWICZ.

Shut Hell : Retour au XIIIe siècle pendant les invasions mongoles
Résumé : Au début du XIIIe siècle, une guerrière sanguinaire nommée Shut Hell, l’esprit vengeur, sème la terreur au sein de l’armée mongole, pourtant réputée invincible.
Cette ancienne soldate tangoute semble en effet dotée d’une force surnaturelle et capable d’échapper à la mort. Mais son destin bascule le jour de sa rencontre avec Yurul, un jeune prince mongol en exil cherchant à protéger une mystérieuse collection de tablettes de jade…
Shut hell mélange faits historique, fantastique, c’est un récit très dense et complexe. Comment avez-vous eu l’idée de cette histoire et comment se sont passées vos recherches ?
Je lis beaucoup de livres et je regarde beaucoup de films. J’ai aussi eu l’occasion de voyager en Chine pendant quelques jours pour la publication de Shut hell. C’était une expérience très importante pour mon travail et le développement de mon manga.

Ookami Rise : Plongée dans une SF sombre et dévastatrice
Résumé : Dans un futur proche, l’État du Japon a disparu. L’île est désormais scindée en deux. Le nord est administré par la Russie et le sud par la Chine. La frontière entre les deux pays est délimitée par une zone tampon, démilitarisée et vidée de ses habitants. C’est là, dans cette zone interdite, que les Wolang ont trouvé refuge. Ces 49 fugitifs sont le résultat d’expérimentations ratées de l’armée chinoise, qui souhaitait les transformer en armes bactériologiques afin de les utiliser contre son voisin russe. Pris en tenaille par la Chine qui souhaite effacer les traces de ses expériences, et la Russie qui essaie de les capturer pour les étudier, les Wolang devront se battre pour leur survie.
C’est un récit sombre et désespéré, quel est le point de départ de cette série de SF ?
Effectivement, je voulais créer une série très sombre, dark, avec des personnages masculins. Car dans ma série précédente c’était une jeune fille qui était le personnage principal.
Le monde dans lequel évoluent nos trois héros est plus proche de l’enfer que du paradis. Pensez-vous que notre monde actuel (guerre, problème climatique,…) se dirige irrémédiablement vers une catastrophe inéluctable ?
Effectivement. Malheureusement nous allons droit vers une période assez sombre. Mais, je pense aussi qu’il y a des personnes qui tentent de changer le cours de l’histoire et de ses événements. Il faut s’intéresser aux efforts des personnes qui luttent pour changer ce cours de l’histoire. Qu’est-ce qui se passe dans le monde ? C’est important !
Avez-vous un petit mot pour les lecteurs français de vos mangas ?
Je vais tout essayer pour vous faire peur et j’espère que vous allez adorer mes séries par la suite.
On espère pouvoir lire ces autres séries alors. Merci beaucoup !
Remerciement également à PANINI MANGA pour la mise en place de l’interview.
