Oki Hayashi : l’avenir de la pâtisserie pourrait-il être au Japon ?
Il a grandi au Japon, mais c’est en goûtant un macaron à l’aéroport de Tokyo qu’il est tombé amoureux de la pâtisserie française. Formé en Alsace, influencé par le raffinement nippon, Oki Hayashi incarne une nouvelle génération de chefs qui marient respect des ingrédients, sens du détail et créativité audacieuse.
À 29 ans, il s’apprête à arrêter son concept Remake Easy pour se lancer dans une nouvelle aventure culinaire à Kyoto, et prévoit déjà d’ouvrir un restaurant à Paris. Rencontre exclusive à Japan Expo 2025.

Il a suffi d’un macaron de Pierre Hermé pour faire naître une vocation. Ce jour-là, à l’aéroport Haneda, le jeune Oki Hayashi n’a que dix ans, mais déjà les papilles en éveil. Quinze ans plus tard, il est devenu l’un des chefs pâtissiers les plus en vue de sa génération, reconnu pour ses créations d’une précision rare et ses parfums audacieux.
Installé entre Kyoto et Tokyo, Oki Hayashi incarne cette nouvelle vague de créateurs qui n’ont pas peur de faire dialoguer cultures et techniques. À la tête de sept boutiques qu’il s’apprête à transformer pour lancer un nouveau concept autour de la gastronomie fruitière, il était présent à Japan Expo 2025 pour partager sa vision d’une pâtisserie tournée vers l’avenir… et les sens.
« Le parfait, c’est le dessert qui m’a permis de tout concilier » : entretien avec un jeune chef pâtissier en quête d’harmonie
Journal du Japon : Bonjour Oki Hayashi et merci d’avoir accepté de nous rencontrer. Vous êtes chef pâtissier, mais aussi un créateur qui mêle tradition et innovation. Quel est votre tout premier souvenir lié à la pâtisserie ?
Oki Hayashi : Lorsque j’avais 10 ans, j’ai mangé un macaron Pierre Hermé à l’aéroport Haneda et c’est ce qui a déclenché ma passion pour la pâtisserie.
Et vous n’avez pas trouvé ce macaron trop sucré ?
Effectivement, comparé aux pâtisseries japonaises, c’était assez sucré. Mais j’ai réalisé que c’était un élément très peu présent dans l’approche japonaise et j’ai trouvé ça très intéressant.
Est-ce ce souvenir qui vous a poussé à vous spécialiser dans la pâtisserie française, et comment la réinterprétez-vous avec une touche japonaise ?
J’ai d’abord essayé de réaliser moi-même des macarons, ce qui m’a beaucoup plu et c’est à ce moment-là que j’ai commencé à m’intéresser à la France. C’est comme ça que je suis venu en France à 19 ans, plus précisément en Alsace d’où est originaire Pierre Hermé. Quant à la réinterprétation, il faut savoir qu’au Japon, nous avons une agriculture, notamment pour ce qui est des fruits et plus particulièrement les fraises, très exigeante en comparaison à d’autres pays. C’est cette exigence qui me pousse à mettre une touche aussi japonaise que possible dans mes pâtisseries, le tout en utilisant des matières premières haut de gamme.
Au Japon, le soin du détail est essentiel. Comment cette rigueur se traduit-elle dans votre manière de travailler en pâtisserie ?
À mes yeux, les matières premières que j’utilise sont comme un cadeau pour lequel j’ai beaucoup de respect. Et c’est en utilisant ces matières premières spécifiquement que je démontre ma rigueur dans mon art. C’est une approche similaire du zen ou du wabi sabi qui veut qu’on remercie les vies sacrifiées pour permettre à la nôtre de perdurer.
Quels ingrédients japonais vous semblent sous-estimés ou encore peu explorés en pâtisserie occidentale ?
Au Japon, nous arrivons à obtenir des ingrédients sucrés, proches du sirop d’agave, à partir d’éléments comme des racines ou des algues. Et ce sont des éléments que l’on ne retrouve que très peu dans la pâtisserie occidentale, européenne ou française.
Quelles sont les différences majeures entre les goûts des clients japonais et français ?
Il y a déjà des différences de climat qui vont impacter les goûts des uns et des autres. Le Japon est beaucoup plus humide que la France. En raison de cette différence d’humidité, les japonais vont avoir tendance à moins saliver et à donc chercher des textures plus humides. Mais surtout, les japonais vont être à la recherche d’un parfum, d’une saveur dans les différents plats qu’ils vont avoir. À l’inverse, les français vont plutôt rechercher une texture spécifique. Prenons par exemple les mochis. Au Japon, il existe une variété très importante de saveurs proposées. Alors qu’en France, les saveurs proposées sont plus limitées, mais c’est la texture qui va être mise en avant.
Vous êtes reconnu pour vos parfaits d’exception. Qu’est-ce qui fait, selon vous, un parfait vraiment réussi ? Et comment parvenez-vous à le rendre unique ?
Je n’ai pas réellement perfectionné ma technique concernant ce dessert. C’est lorsque j’ai dû faire un choix entre la pâtisserie japonaise et la pâtisserie française que j’ai réalisé le potentiel du parfait. Il s’agissait, à ce moment-là, de la meilleure pâtisserie que je pouvais réaliser.
On dit souvent que la pâtisserie est un art très codifié. Vous arrive-t-il de briser les règles ?
Le parfait est justement un exemple parfait de dessert dont les règles de fabrication ont été brisées. Ce dessert a été créé il y a environ 100 ans en France et n’est arrivé au Japon qu’après la Seconde Guerre mondiale. Et ce sont les japonais eux-mêmes qui en ont modifié chaque élément pour en faire le dessert tel qu’il est connu au Japon aujourd’hui.
Comment voyez-vous l’avenir de la pâtisserie japonaise à l’international ?
Selon moi, la prochaine grosse tendance culinaire au Japon devrait être le parfait. C’est en effet un dessert intéressant qui reprend des éléments de la pâtisserie française comme les éclairs ou les choux à la crème et pour lesquels il n’y a pas non plus besoin de congeler quoi que ce soit. Les fruits sont en effet un élément qui perd du goût en cas de congélation, ce qui implique qu’un parfait doit être automatiquement réalisé frais si on veut que le goût soit à la hauteur. Il est donc tout à fait possible que le parfait devienne une tendance culinaire assez forte à l’international.
Sur ces 500 dernières années, la cuisine française a su montrer au monde de quoi elle était capable avec les sauces qui permettaient de masquer le goût trop fort du poisson ou de la viande. Mais ces 50 dernières années, les choses ont changé avec des sauces plus légères et mousseuses, qui sont des éléments présents dans le parfait et qui pourraient ainsi lui permettre d’être davantage connu à l’international.
Vous participez cette année à Japan Expo. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Au Japon, j’ai sept boutiques sous le nom Remake Easy, que je vais fermer cette année pour ouvrir un nouveau concept dans le quartier de Gion, à Kyoto, qui mettra en avant la gastronomie des fruits. J’ai également l’intention d’ouvrir un restaurant en France, à Paris, dans les années à venir et ainsi participer à Japan Expo représente la première étape de ce projet.
Quels conseils donneriez-vous à un jeune pâtissier passionné, qui hésite entre suivre la voie traditionnelle ou créer son propre style ?
Selon moi, il faut suivre les deux. D’autant que suivre la voie traditionnelle ne veut pas nécessairement dire être conservateur, mais plutôt adapter les traditions aux goûts du jour. Et c’est ce que j’aimerais que les jeunes pâtissiers comprennent.
博多のリメイクイージーはオープンからまだ1ヶ月たってないけど
— 林巨樹 | パティシエ起業家 (@okidoki_s) July 24, 2025
本当にいいなぁと思うアップデートができた
僕の中の利休がまた一つ形になった場所 pic.twitter.com/jvUHh9TxIE
Remerciements à Oki Hayashi pour son temps ainsi qu’à l’équipe Japan Expo pour la mise en place de cette rencontre.
