Se ressourcer auprès des Cozy Games

Beaucoup de jeux vidéos sont définis à tort comme entrant dans la catégorie « cozy games » de par leur accessibilité au grand public et leur douce ambiance colorée. C’est pourquoi l’équipe de Journal du Japon va dans un premier temps revenir sur la définition du terme « cozy » et des jeux faisant partie de cette catégorie. Puis nous chercherons à comprendre pourquoi une mauvaise réputation est souvent accolée à ce genre, fréquemment étiqueté « girly » et associé aussi bien à la facilité qu’au manque d’enjeux sérieux.

Retour aux bases

L’effervescence des jeux Cozy Gaming a démarré fin 1990 – début 2000 suite aux premiers opus de ses deux plus célèbres représentants : les licences Harvest Moon et Animal Crossing qui ont démarré sur des consoles Nintendo (Super NES pour le premier en 1996, Gamecube pour le second en 2001), un éditeur reconnu pour axer son catalogue sur des jeux grand public, faciles à prendre en main. Les mécaniques de jeux de HM et l’esthétique de AC ont inspiré de nombreux autres concepteurs. Le genre a notamment connu une importante rehausse de sa popularité à deux occasions : la sortie de Stardew Valley (2016) s’inspirant directement de HM (son créateur assumant en être un grand fan), puis la sortie d’Animal Crossing: New Horizons sur Switch lors du premier confinement (2020). Pour plus d’informations, les jeux Animal Crossing ont déjà été développés dans un précédent article.


Avant de continuer, revenons sur la définition du terme « cozy », qui vient de l’anglais et qui peut se traduire par « chaleureux ». Ainsi on va associer ce mot à tous les mobiliers et rituels évoquant le confort, la douceur, la nature, la chaleur et la bonne humeur. Quand on baigne dans cette ambiance, on doit pouvoir oublier tout ce qui se déroule en dehors de notre bulle/cocon de sécurité (rapports conflictuels, dégradations écologiques, injustices sociales…). Cette ambiance est particulièrement appréciée par les personnes facilement réceptives au stress : les introvertis, les éco-anxieux, les hypersensibles… et celles vivant une période très anxiogène dans leur foyer ou dans d’autres situations où elles peuvent difficilement faire l’impasse.

Les règles d’un Cozy Gaming réussi

Nous pouvons distinguer quatre règles communes aux cozy games. Celles-ci impactent la maniabilité, la temporalité, le design et les rapports sociaux. Concernant la première règle, le jeu se veut rapide à prendre en main avec peu de commandes et/ou des tutoriels accessibles à tout moment (où lors de phases précises, telle une cession pêche ou cuisine). Le gameplay se veut simple et pourvu de nombreuses aides. Des repères doivent indiquer comment parfaire sa pratique tels des jauges avec des indications de couleurs. Soit il est impossible de rater une activité, soit tout sera mis en œuvre pour rassurer le joueur (par exemple avec un message d’encouragement du jeu ou d’un autre avatar). Si le joueur veut s’aventurer hors de sa zone de confort, des chemins tout tracés et une carte facile à consulter le guident. S’il a la possibilité de sortir des sentiers battus, il doit pouvoir facilement retrouver des points de repères rassurants et y accéder sans encombre, voire la possibilité à tout moment de se téléporter dans une zone familière et avoir la garantie d’être écarté de tout danger.

Pour la seconde règle, on retire au joueur toute pression temporelle. Il est cependant possible d’en intégrer lors de mini-jeux, si l’on doit réaliser un nombre d’actions données en respectant un chronomètre, ou d’associer des horaires précis à des évènements éphémères. Dans le premier cas, la mission doit pouvoir être facilement réalisable la première fois ou lors des phases obligatoires du jeu (la difficulté pourra augmenter par la suite contre des récompenses ou pour valoriser la performance du joueur). Nous rappelons cependant qu’il n’est jamais question de rivalité ou de compétition, ou seulement dans un cadre convivial. Les scores excellents ou moyens n’influencent pas le bon déroulement de la partie : ils peuvent faciliter l’évolution du joueur mais restent accessoires. Dans le cas des évènements éphémères, ils ne sont pas obligatoirement renseignés clairement, ce qui peut donner au joueur la satisfaction d’être arrivé par hasard au bon endroit au bon moment ou de connaître assez bien son environnement pour savoir les heures propices afin de se rendre à des zones précises (pour favoriser des cinématiques exclusives, des récoltes de biens rares, des rencontres impactantes…).

La troisième règle relève de l’esthétique. Tout y est mignon, avec des couleurs pastel et des formes arrondies à tous les coins de rues. L’esthétique va beaucoup se rapprocher du style « chibi » : yeux brillants disproportionnés, grosse tête et petit corps, mains dépourvues de doigts ou ayant uniquement le pouce apparent, joues roses et mimiques attendrissantes… Les coloris n’agressent pas la rétine et les musiques se veulent apaisantes. On y constatera peu de dialogues oraux pour préférer des bruitages succincts et une ambiance très calme. Les rebondissements dus à des situations comiques ou menaçantes ne durent jamais longtemps ! Des marqueurs discrets (tels des paillettes ou une colorimétrie le démarquant du reste du décor) permettent de reconnaître des objets collectables voire de les distinguer selon leur niveau d’importance ou de rareté.

La quatrième règle est le lien social. Ces jeux ont tous pour vocation d’encourager le joueur à développer des liens sociaux avec des humains, des animaux et/ou d’autres créatures. Ces liens sont voués à se développer d’une façon positive mais ils peuvent se détériorer si on n’entretient pas les amitiés. Ces productions laissent toujours la possibilité au joueur d’améliorer ses rapports avec autrui, ces derniers n’étant jamais rancuniers. Il n’est presque jamais question de rencontrer des ennemis ou des personnages non-sociables. Soit ils sont caricaturés, soit ils sont voués à devenir des proches. Il faut cependant prendre en compte que chacun à des hobbies et des goûts différents : une fleuriste amatrice de gâteaux et de fruits estivaux n’aura pas les mêmes envies ni ne fréquentera les mêmes lieux qu’une pianiste amatrice de bijoux et de café au lait. Votre approche devra s’adapter à chaque personnalité, certaines amitiés se développant avec plus de patience ou certains cadeaux convoités étant plus difficile d’accès. Pour autant, rien ne vous empêche de devenir le meilleur ami d’une voisine peu sociable avec peu de moyens : tant que vous évitez de lui offrir les objets qu’elle déteste et d’aborder les sujets qui lui déplaisent, tout est possible ! Cela demandera plus de temps, mais la démarche peut toujours être victorieuse !

Exemples de jeux cozy à souhait

Dans Unpacking (2021), nous déballons les affaires d’un inconnu à chacun de ses déménagements. Sans qu’on ne le voit ni ne l’entende, on va pourtant apprendre à le connaître et à s’attacher à cette personne par les objets cumulés au fil des années. On constatera par exemple qu’une peluche la suivra dans tous ses déplacements et qu’il va ajouter à sa collection toujours plus de souvenirs de voyages. Au fil des colocations et des histoires d’amour, des hobbies et des espaces gagnés ou perdus, du parcours scolaire puis professionnel, les contours d’une personnalité propre se dessineront peu à peu. Dans ce jeu, le soin est surtout porté aux bruitages. Selon le support où vous poserez chaque objet, un son différent sera produit (une brosse à cheveux posée sur un rebord de lavabo n’aura pas le même bruit qu’un ordinateur posé sur un canapé). Le joueur peut disposer chaque objet où bon lui semble, hormis quelques rares exceptions, et s’amuser à tester différents emplacements autant de fois qu’il le souhaite. Au fil des déballages, il prendra plaisir à découvrir des nouveautés ou à retrouver des trésors cumulés depuis l’enfance du protagoniste.

Nous pouvons classer les jeux récents suivants dans six catégories différentes. Pour Loodlenaut (2023) et Fresh Start (2022), le joueur évolue dans un monde pollué et sa mission sera de le nettoyer avec quelques outils faciles à prendre en main, comme un aspirateur pour faire disparaître d’une façon pacifique les détritus. En prenant soin de la faune et de la flore locale, l’environnement gagnera en superbe et le lui rendra bien. Pour Outbound et Fruitbus (2024), le joueur voyage à bord d’un véhicule qu’il peut aménager à sa guise au fil des techniques qu’il cumulera. Il y est surtout question d’explorations et de découvertes de nouveaux paysages dans un open world sans menace. Pour Creatures of Ava (2024) et Paleo Pines (2023), le joueur va toujours voyager, mais cette fois-ci pour aller à la rencontre de créatures amicales. Il aura en main des outils pour, d’abord, communiquer avec eux, puis pour les entretenir. Il sera ensuite possible d’en faire des montures et d’emprunter leurs aptitudes pour passer des obstacles !

Pour Witchbrook et Fields of Mistria (2024), on incarne un personnage vivant un quotidien dépaysant. Que l’on soit dans la peau d’une sorcière ou d’une fermière, on n’a jamais le temps de s’ennuyer ! Ils s’inspirent notamment de Stardew Valley. Pour Mika and the Witch’s Mountain (2025) et Loco Moto (2025), on voyage sans pour autant trop s’éloigner de son chez soi. On rend alors service à son voisinage par des petites missions. Pour Hoa (2021) et la licence Frog Detective (2018-2022), il est question de concepts autres.

La majorité des jeux cozy sont reconnaissables dès la jaquette par la présence d’un héros (souvent une héroïne) souriant ou d’un groupe de personnages à l’air amicaux. C’est pourquoi dans le spin-off de Professeur Layton nous suivons une jeune détective, dans Dreamlight Valley une femme créative et dans les jeux Princess Peach nous suivons la princesse du royaume champignon. Dans les séries My Sims et Tamagotchi, bien qu’il existe des personnages sexués, le joueur n’a pas d’identité distincte. Qu’importe ces accessoires genrés, ils n’influenceront ni le scénario ni le rapport avec les autres avatars.

Cozy game = Faux jeux vidéo ?

Les catégories de cozy gamers

L’univers cozy s’étend jusqu’à la réalité au travers de streamers. Ceux spécialisés dans ce genre de jeux peuvent se retrouver dans deux grandes catégories d’ambiances : les codes girly (astres, magie, papillons, chats…) ou un décor évoquant la nature (plantes, bois, ours, grenouilles…). On remarque chez la première des touches plus ou moins prononcées de rose dragée et/ou violet lilas et des goodies Sailor Moon, Kirby ou Sanrio ; la seconde catégorie aura une dominance de vert jade et/ou marron sépia accompagnée de goodies Zelda, Animal Crossing ou Ghibli. Les Pokémon de type Fée et Plante y trouvent chacun leur compte. Les deux ambiances peuvent facilement se mélanger ou s’adapter au fil des saisons (notamment pour Halloween, Noël et Pâques) et des jeux mis en valeur mais pour rester en territoire connu. Les changements ne seront de préférence pas trop abrupts. De manière générale, on constate une dominance de blanc et la volonté d’un décor épuré dans les deux ambiances.

Dans ce microcosme confortable, tout doit rappeler que le streamer est dans un intérieur douillet et qu’il est pleinement dans sa zone de confort : peluches, mugs… Le stream se déroule en compagnie d’un animateur à la voix douce avec un fond sonore relaxant, tout l’esthétique devant faire comprendre au public qu’il n’aura aucune mauvaise surprise tout le long de la vidéo. Le plus souvent, la pièce est sa chambre (ou elle peut l’évoquer) pour qu’on ait l’impression de le rejoindre dans son cocon intime. Pour davantage immerger son public, le streamer peut l’inviter à imiter des pratiques similaires aux siennes, tels boire un chocolat chaud ou un sirop frais, et s’enrouler dans un plaid. Pour rappeler qu’il arrive au streamer de se déconnecter, il peut intégrer autour de lui des loisirs créatifs tels de la peinture, de la broderie ou des livres, sans oublier une ambiance lumineuse (notamment si le bureau est près d’une fenêtre) ou légèrement tamisée dans des tons rose-violet, jaune-orange ou nuances arc-en-ciel. Ainsi on se déconnecte avec le streamer du reste du monde, soit dans un monde pleinement imaginaire, soit dans un environnement naturel reculé.

Qui trouve son compte dans le genre cozy ?

Ces ambiances détachées de toutes sources de stress entrent, cependant, en contradiction avec les aspirations de nombreux autres joueurs. Ils leur reprochent justement leur manque d’ambition dans les graphismes comme dans les narrations et les objectifs. Il ne sera jamais question de graphismes réalistes, de scénarios alambiqués ou encore de quêtes dépassant l’échelle humaine (tel sauver le monde). Au contraire, les cozy games ne cherchent pas à rappeler aux joueurs la réalité, la majorité d’entre eux étant des simulateurs de vie simplifiés où les besoins sont réduits au strict nécessaire (boire, manger, dormir) voire tous retirés. Quant au scénario, on évite au joueur d’être noyé d’informations : si besoin, il peut accéder n’importe quand à des tutoriels, à des listes de missions compréhensibles et/ou des fiches d’informations détaillées ; tout comme on lui évite les histoires tristes ou effrayantes, l’objectif étant justement de s’épargner ces « mauvaises » choses. Les menaces sont réduites à échelle humaine mais sans jamais avoir de lourdes conséquences ni ayant un impact dépassant le court terme. Le pardon et la rédemption sont toujours de mise. Enfin, les tâches demandées sont claires et sans ambigüités, voire on montre au joueur les sites exacts où se rendre et les personnages précis à qui il doit s’adresser (d’où l’importance d’une carte peu exhaustive ou ayant des zones bien distinctes). Les informations, qui se cumulent au fur et à mesure à travers la pêche, la cueillette, les récoltes ou encore les fouilles, se remplissent vite et ne noient pas le joueur sous trop d’informations.

Un joueur ayant confirmé ses compétences de tirs sur des FPS (first-person shooter) ou ses analyses stratégiques sur des RTS (real-time strategy) ne pourra pas démontrer son savoir-faire sur un cozy game, où ces données n’y ont aucune valeur. Même quand un palmarès est présent, soit il dure le temps d’un évènement et la célébration est de très courte durée, soit il n’aura pas un fort impact auprès du scénario principal ni des PNJ. Il pourra être ponctuellement reconnu au fil de nos efforts mais rien de plus. Au contraire, les encouragements sont très fréquents pour des petites missions dont on félicite la régularité ou pour des quêtes se résolvant facilement. L’absence de challenge et les récompenses très accessibles peuvent alors vite lasser, tout comme le manque d’implication émotive si l’on ne se sent pas concerné par les interactions sociales proposées ou par les collectes de ressources rares sans un impact fort en retour. On va vite constater que pour sympathiser avec un PNJ, lui offrir un objet rare n’aura pas plus d’impact (voire il en aura moins !) que si on lui offre tous les jours des petits cadeaux. Les gentilles attentions (offrir des fleurs cueillies sur la route ou du lait récolté auprès d’une vache lambda) peuvent suffire pour évoluer.

L’avis des « vrais » joueurs

Les reproches adressés aux cozy games sont alors en lien à l’ennui. On n’avance pas assez vite ou trop rapidement dans les missions (selon si le jeu limite ou non l’évolution) ; on ne se sent pas impliqué dans l’univers par les enjeux et les répercussions à trop petite échelle dans l’espace et dans le temps, donc on est totalement détaché du public cible, celui-ci étant le plus souvent en recherche de ces jeux casual qui peuvent se jouer occasionnellement sans que l’on perde le fil dans l’histoire, même après une longue période d’arrêt. Les commandes simples permettent de ne pas en retenir énormément (beaucoup de mini-jeux ont notamment des contrôles similaires pour ne pas perdre le joueur entre les différentes touches et combinaisons de touches) ni d’être trop rigoureux quand on les pratique. Si l’on souhaite s’y investir pleinement mais que l’on ne peut se satisfaire des propositions, la frustration gagne sur l’ennui.

Ainsi les jeux cozy retrouvent beaucoup de critères reprochés à ceux ciblant un public féminin stéréotypé (en quête d’un jeu très accessible et baignant de couleurs pastel) ou adressés à un public très jeune. Leur public réceptif peut alors être critiqué d’efféminé ou idiot, ce qui revient à limiter toutes leurs aspirations et tous leurs hobbies à la simplification, jusqu’à dénigrer le reste de leur identité. Comment alors distinguer les cozy games des jeux stéréotypés ? Ces premiers proposent un contenu s’enrichissant pour tout joueur curieux et patient, soit en offrant la possibilité de monter sa difficulté, soit de constater son cumul de petites victoires à tout moment. Il ne s’agira jamais de terrasser un ennemi pour obtenir des ressources mais de toujours passer par la voie de la communication. Ainsi un jeu cozy peut être technique, mais en limitant les joueurs à la voie pacifique. Soit on préfère avoir le choix quant à nos approches, soit on sait vouloir uniquement emprunter la voie douce sans rencontrer le risquer d’accidentellement en soit détourné.

Des profils de joueuses se démarquant à leur façon @ mrsbutterdits.kindy

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Marie jenck

Si j'ai l'occasion de mettre en avant la licence Pokémon, l'univers de Lupin III plus connu sous le nom de Edgar de la Cambriole, l'amour des japonais pour la Normandie (et vice-versa) ou des sujets insolites ; comptez sur moi pour être au rendez-vous !

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