Quand des yôkais félins s’installent chez nous à travers la BD « Les Nekomata »
Avec la parution de la bande dessinée « Les Nekomata » , c’est tout un pan du folklore félin japonais qui s’invite dans notre imaginaire occidental. Signé par l’autrice japonaise Ayako ISHIGURO traduite en français par Alice Hureau et publiée par les éditions Le Cosmographe, ce livre pour enfants explore, entre humour graphique, tradition et modernité, l’univers des chats-yōkai dits nekomata.
Comme ce livre a de quoi en faire ronronner plus d’un, on vous en dit plus…

Aux origines de la BD : le mythe du nekomata
Le terme nekomata désigne un type de yōkai félin du folklore japonais. Il en existe deux grandes variétés légendaires : les nekomata des montagnes, énormes, sauvages, parfois métamorphosés en humanoïde ou prenant forme humaine ; et les nekomata domestiques : des chats ordinaires qui, après avoir vécu longtemps, acquièrent un second cœur, une seconde queue, des pouvoirs et deviennent des yōkai. Le mythe raconte que ces chats peuvent parler, manipuler les morts, allumer des feux mystérieux, changer d’apparence, parfois en forme humaine.
Dans le Japon traditionnel, le chat est souvent considéré comme un animal ambivalent : familier mais mystérieux, indépendant et nocturne. Cela en fait donc un excellent véhicule pour le yōkai. Le nekomata est souvent associé à la longévité, à la métamorphose, à la frontière entre l’animal domesticable et l' »autre monde ». On le retrouve dans les récits des théâtres kabuki et bunraku, des estampes, des contes urbains et ruraux. Il peut être vu comme une figure morale : certains récits racontent l’histoire d’un chat maltraité qui devient nekomata et se venge, d’autres d’un chat respecté qui protège la maison.
Pourquoi cette créature séduit dans un livre jeunesse ?
Elle offre un mélange de mystère et de familiarité : le chat, ce compagnon bien connu, mais doté d’une dimension magique. Elle permet d’aborder la culture japonaise – métamorphoses, bestiaire, calendrier, traditions – d’une façon ludique. Elle autorise une narration visuelle forte avec ses deux queues, ses changements, ses silhouettes intrigantes, etc.
Dans le cas de la BD « Les Nekomata », le fait de suivre une famille de nekomata tout au long de l’année permet de jouer sur les temps rituels (matsuri, rentrée, Halloween…) et de rendre la tradition japonaise accessible.
Comment la BD s’empare-t-elle de la légende ?
Le livre suit une famille de nekomata pendant une année complète et « vous découvrirez qu’ils vivent… comme les Japonais, mais pas tant que ça… !« . Chaque mois est traité sous forme d’une double page imagier bilingue, couplée à l’histoire familiale, à un cherche-et-trouve et à un glossaire. Ainsi, la BD ne se contente pas de narrer une simple légende : elle l’inscrit dans le temps, dans le quotidien et la traduit pour un lectorat francophone, jeune ou familial. Ce glissement de la légende vers le quotidien puis vers la découverte culturelle est une très belle réussite.
Le chat-yōkai agit ici comme un miroir de notre rapport à l’animal, à la tradition et à la modernité. Le fait de suivre « une année » lie le mythe au rythme humain, aux saisons et aux fêtes. Cela permet de découvrir le Japon d’aujourd’hui et d’hier. Un glossaire bilingue (à la fin du livre) permet de s’ouvrir à la langue japonaise tout en restant accessible.

L’autrice : Ayako ISHIGURO
Ayako Ishiguro est née en 1973 dans la préfecture de Chiba, au Japon. Autodidacte, elle se spécialise dans l’illustration d’animaux et de créatures étranges – en particulier des chats dotés de formes surnaturelles et des yōkai. Elle réalise des expositions solo au Japon et à l’étranger autour de ces motifs, mêlant humour, esthétisme classique japonais (par exemple la peinture nihonga) et culture pop contemporaine.
Ainsi, Ishiguro construit un univers visuel élégant et fantaisiste : ses créatures sont riches en références à la tradition japonaise (yōkai, bakeneko, nekomata) tout en adoptant une douceur accessible et souvent humoristique. Elle aime explorer la métamorphose, l’animal-humain, le banal et le merveilleux. Le chat-yōkai est un motif central dans son œuvre – elle le décline sous formes d’illustrations, de livres d’art et de livres jeunesse. Son travail évoque aussi un dialogue entre l’ancienne imagerie japonaise (estampes, yōkai classiques) et l’illustration contemporaine, ce qui crée une dimension à la fois culturelle et ludique.
Parmi ses livres figurent notamment Bakeneko Zorozoro, Imoto Kaigi, et Eto Eto Gassen. « L’art d’Ayako Ishiguro : créatures fantastiques japonaises » paraît également cette année aux éditions Nuinui.

Le Cosmographe est une maison d’édition française basée à Angers. Elle propose notamment des ouvrages jeunesse et des albums illustrés, avec une ligne éditoriale qui mêle qualité visuelle, curiosité culturelle et envie de découverte. La BD « Les Nekomata » est publiée dans leur collection « Coup de cœur » (dès 3 ans) – ce qui montre un positionnement mêlant initiation et esthétique.
Grâce à la plume et au pinceau subtils d’Ayako Ishiguro, « Les Nekomata » rend accessible une niche passionnante du folklore japonais à un public jeune et familial. En tournant les pages du livre, nous sommes tour à tour dans une découverte façon « Où est Charlie ? » avec un luxe de détails, un émerveillement que l’on peut ressentir face aux estampes anciennes et un amusement propre au style léger et humoristique de l’autrice.
À miauler de plaisir !
