Kusama Yayoi à la Fondation Beyeler : plongez dans l’infini
Imaginez un monde où les pois envahissent l’espace, où les miroirs créent des illusions d’infini, où chaque œuvre d’art raconte une histoire intime et universelle. Cet automne, la Fondation Beyeler à Bâle offre une immersion exceptionnelle dans l’univers de Kusama Yayoi (草間 彌生), l’une des artistes les plus emblématiques de notre époque. À 96 ans, elle continue de fasciner par son audace et sa créativité. Découvrez pourquoi cette rétrospective, la première en Suisse, est un événement artistique majeur.
Kusama Yayoi : une légende vivante de l’art contemporain
Un parcours hors norme
Kusama Yayoi est née en 1929 à Matsumoto dans le département de Nagano. Elle a grandi dans une famille aisée mais marquée par des relations difficiles notamment avec sa mère. Dès son plus jeune âge, elle connaît des hallucinations visuelles et auditives. Des motifs de pois, de filets envahissent son champ de vision, transformant son environnement en un univers répétitif et angoissant. Ces visions deviennent alors le fondement de son expression artistique. Elle dessine ces motifs pour apaiser ses angoisses, utilisant l’art comme une forme de thérapie et d’échappatoire à un quotidien marqué par la violence familiale et les attentes conservatrices de la société japonaise.
Départ aux États-Unis
En 1957, elle quitte le Japon pour New York, une décision audacieuse qui marque un tournant dans sa vie et sa carrière. Elle se forme brièvement à la League of Arts Students et se lie rapidement aux figures montantes de l’avant-garde. Son arrivée coïncide avec l’émergence du pop art et du minimalisme, deux mouvements qu’elle va profondément influencer. Dès 1959, elle expose ses premières « Infinity Nets », des toiles monumentales couvertes de motifs répétitifs. Ces œuvres, inspirées de ses hallucinations, explorent l’idée d’infini et de dissolution de l’individualité, un thème central dans son travail.
Dans les années 1960, Kusama Yayoi devient une figure incontournable de la scène new-yorkaise. Elle fréquente notamment Andy Warhol, avec qui elle partage une fascination pour la répétition et la provocation. Elle organise des happenings provocateurs, mêlant nudité, performance et militantisme. Ses « Accumulation Sculptures », où elle recouvre des objets du quotidien de protubérances phalliques, choquent et fascinent. Tandis que ses « Infinity Mirror Rooms » révolutionnent l’expérience artistique en plongeant le spectateur dans un univers infini et hypnotique.
Retour au Japon
En 1973, elle retourne au Japon et s’installe volontairement dans un hôpital psychiatrique en 1977. Elle y réside encore aujourd’hui. Pourtant, elle continue de créer, transformant ses angoisses en une œuvre prolifique et universellement reconnue. Aujourd’hui, à 96 ans, Yayoi Kusama est l’artiste vivante la plus exposée au monde, célébrée pour sa capacité à métamorphoser ses obsessions en un langage visuel unique, entre introspection et exploration de l’infini.
Un style unique
Le style artistique de Kusama Yayoi est marqué par une répétition obsessionnelle de motifs qui transcendent leur simplicité apparente pour devenir des symboles universels.
Les pois

Omniprésents dans son œuvre depuis son enfance, ils sont une métaphore de l’infini et de la dissolution de l’individualité. Ces cercles colorés représentent à la fois l’angoisse de se fondre dans le tout et le désir de fusion avec l’univers. Ils évoquent ses hallucinations juvéniles, où les motifs d’une nappe ou d’un tissu proliféraient à l’infini, envahissant son champ de vision. Cette obsession des pois, qu’elle qualifie de « self-obliteration » (auto-oblitération), devient une forme de thérapie. En recouvrant objets, corps et espaces de ces motifs, elle cherche ainsi à apaiser ses angoisses.
Les citrouilles

Elles incarnent le réconfort et la stabilité. Kusama Yayoi explique son attachement à ce légume par sa forme généreuse et organique, qui évoque à la fois la terre et le cosmos. La citrouille est un symbole de résilience, lié à des souvenirs d’enfance où elle trouve du réconfort dans les potagers familiaux. Ses sculptures monumentales de citrouilles, souvent recouvertes de pois ou de motifs en filet, deviennent des icônes de son art, mêlant naïveté et profondeur métaphysique. Elles représentent aussi une forme de cycle éternel, entre croissance, déclin et renaissance, reflétant sa propre quête d’harmonie malgré ses tourments psychologiques.
Les filets

Les filets (ou « Infinity Nets ») sont peut-être l’élément le plus emblématique de son exploration de l’infini. Ces toiles créent une illusion d’espace sans limites, comme une invitation à se perdre dans une dimension parallèle. L’artiste y voit une représentation de l’univers : un réseau infini de connexions, où chaque point est à la fois unique et indissociable du tout.
Au-delà de leur beauté, ces motifs sont les piliers de son œuvre qui explore les thèmes de la répétition, et de la quête de sens dans un monde fragmenté. Kusama Yayoi nous invite à repenser notre place dans l’univers, à accepter la vulnérabilité comme une force, et à voir dans l’art une voie vers la guérison et la transcendance.
Une influence mondiale
Kusama Yayoi est devenue un phénomène culturel mondial. Son statut d’artiste vivante la plus exposée au monde se reflète dans des rétrospectives organisées dans les plus grandes institutions d’art contemporain. A Londres, à Bilbao, en passant par Paris et New York. Ces expositions, très fréquentées, attestent de son pouvoir d’attraction auprès d’un public varié, des amateurs d’art aux simples curieux fascinés par ses « Infinity Mirror Rooms ».
Son influence s’étend aussi au monde de la mode et du design, grâce à des collaborations marquantes. Depuis 2012 sa collaboration avec Louis Vuitton est régulière : ses motifs de pois envahissent les collections de la maison française, en passant par les vitrines des boutiques transformées en installations artistiques. D’ailleurs, du 16 juillet 2025 au 12 janvier 2026, la Fondation Louis Vuitton organise une exposition « Yayoi Kusama – Infinity » dans les espaces Louis Vuitton de Tokyo, Munich, Venise, Pékin, Séoul et Osaka.
Au-delà, Kusama Yayoi marque aussi l’histoire de l’art par son audace et son avant-gardisme. Ses performances des années 1960, ses happenings politiques, et ses installations immersives ont inspiré des mouvements artistiques entiers, du pop art au psychédélisme, en passant par l’art contemporain le plus expérimental. Son œuvre, à la fois intime et universelle, fait d’elle une ambassadrice de l’art comme langage de connexion humaine.
Une rétrospective immersive et inédite en Suisse
Un évènement exceptionnel
L’exposition à la Fondation Beyeler marque un événement artistique majeur. Pour la première fois, le public suisse découvre une rétrospective entière dédiée à l’artiste japonaise, réunissant près de 300 œuvres, dont une centaine jamais présentées en Europe. Cette exposition, organisée en partenariat avec le Museum Ludwig de Cologne et le Stedelijk Museum d’Amsterdam, offre un panorama complet de sept décennies de création, des dessins intimistes de ses débuts aux installations monumentales les plus récentes. Elle met en lumière des pièces rares, des archives personnelles et des documents inédits, révélant les coulisses de son processus créatif. En présentant cette rétrospective, la Fondation Beyeler offre une belle occasion de découvrir cette artiste.
Une expérience multisensorielle
L’exposition ne se contente pas de montrer des œuvres : elle propose une expérience multisensorielle intéressante. Au cœur de l’exposition, une « Infinity Mirror Room » transporte les visiteurs dans un univers où miroirs, lumières et motifs se démultiplient à l’infini. La file d’attente pour y accéder est impressionnante en fin de semaine ! Dans cet espace clos, le spectateur devient partie intégrante de l’œuvre. Il perd ses repères spatiaux et temporels, happé par une illusion d’immensité. Mais d’autres pièces emblématiques captent l’attention, comme la citrouille géante, sculpture monumentale recouverte de pois noirs sur fond jaune. Elle est un symbole de réconfort et de connexion entre la terre et le cosmos. Chaque salle de l’exposition devient alors une expérience, où l’art se vit et transforme la perception du réel.
Une collaboration unique
Cette rétrospective doit son caractère exceptionnel à une collaboration étroite avec Kusama Yayoi et son atelier. L’artiste et son équipe ont activement participé à la sélection des œuvres, à la scénographie, et à la création de nouvelles installations. La Fondation souligne que cette collaboration permet de révéler des facettes méconnues de son travail, tout en respectant l’esprit subversif et poétique qui caractérise son œuvre.
4 raisons de ne pas manquer cette rétrospective
Une plongée dans l’infini
Lors d’une visite en semaine (fréquentation moindre) l’expérience de l’Infinity Mirror Room peut être désorientante et apaisante. On perd ses repères spatiaux, le temps semble suspendu. On devient, le temps de quelques minutes, le centre d’un univers infini créé par l’artiste.
Un voyage à travers 70 ans de création
Cette rétrospective offre un parcours chronologique complet à travers les sept décennies de carrière de Kusama Yayoi : des premiers dessins réalisés dans le Japon d’après-guerre aux installations monumentales contemporaines.
Des oeuvres rares et inédites
L’exposition de la Fondation Beyeler se distingue par la présentation d’œuvres rarement montrées en public, voire jamais exposées en Europe. Parmi ces pièces exceptionnelles figurent des dessins intimes des années 1950, des archives personnelles, et des installations créées spécialement pour l’occasion.
Le cadre exceptionnel de la Fondation Beyeler
La Fondation Beyeler, située à Riehen près de Bâle, est bien plus qu’un simple musée. C’est un écrin architectural et naturel conçu pour sublimer l’art. Le bâtiment, baigné de lumière naturelle et entouré d’un parc, offre un cadre idéal pour découvrir l’univers coloré et hypnotique de Kusama.

Tout ce qu’il faut savoir pour visiter l’exposition
Dates : du 12 octobre 2025 au 25 janvier 2026.
Lieu : Fondation Beyeler, Baselstrasse 77, Riehen (près de Bâle), Suisse. Accessible en TER depuis Strasbourg et en bus urbain depuis la gare de Bâle.
Horaires et tarifs sur le site de la Fondation Beyeler.
Conseils : réservez à l’avance compte tenu de la très forte fréquentation.
L’exposition Kusama Yayoi à la Fondation Beyeler est bien plus qu’une rétrospective. C’est une invitation à explorer l’infini, et à découvrir le génie d’une artiste qui a su transformer ses peurs en beauté. Que vous soyez amateur d’art contemporain ou simplement curieux, cette expérience visuelle et émotionnelle vous marquera. Ne manquez pas cette opportunité unique de plonger dans l’univers infini de Kusama Yayoi !
Liens :
Présentation de l’artiste sur Wikipédia
Notre article sur l’exposition de Yoshitomo Nara en Allemagne
