JUJUTSU KAISEN : Exécution – Les ambitions de Gosso

En attendant la sortie de la saison 3 prévue pour janvier 2026, le studio MAPPA a concocté un film compilation de 110 minutes réunissant la seconde partie de la saison 2 de l’anime et les deux premiers épisodes de la tant attendue saison 3 de Jujutsu Kaisen. Disponible au cinéma sous la forme de sortie événementielle, nous avons pu découvrir le film les 8 et 9 décembre dernier grâce à Crunchyroll.

L’occasion de revenir sur l’équipe qui s’occupe de cette saison et en particulier son réalisateur, Shota Goshozono (Gosso pour les intimes), prix du meilleur réalisateur pour la S2 de l’anime au Crunchyroll Anime Awards 2024.

On vous recommande d’avoir vu la saison 2 entière avant de vous lancer dans la lecture de l’article, par contre la partie consacrée à la preview de la saison 3 ne révélera rien d’autre qui n’apparaissait pas déjà dans le teaser.  

Trésor caché / mort prématurée (TC/MP) : les premiers pas de Shota Goshozono à la réalisation

La saison 2 s’ouvrait sur un arc de flashback centré sur la jeunesse de Satoru Gojo et Geto Suguru, alors qu’ils n’étaient encore qu’étudiants à l’école d’exorcisme de Tokyo. Dès les premières secondes, le niveau de détail, l’acting, le choix des couleurs, avaient frappé le public. Le niveau d’ambition avait grimpé de plusieurs crans. 

Avant toute chose, il faut bien préciser qu’il ne s’agit pas ici de critiquer la saison 1, on est simplement face à deux styles de réalisations totalement différents. La première saison avait été confiée à Sunghoo Park (God of Highschool), un réalisateur qui s’est taillé la réputation au fil des années d’être le « Chad Stahelski de l’animation » (directeur cascade et réalisateur de la saga John Wick), grâce à la mise en scène de combats hyper chorégraphiés et l’utilisation de la motion capture. Toutefois, en dehors de cet aspect lié directement au « sakuga » (la partie mise en mouvement de l’animation), la réalisation était plutôt classique, articulée autour d’un hyper réalisme des personnages et de la direction artistique. 

Pour la saison 2, le studio MAPPA a décidé de faire confiance à Shota Goshozono, pour un premier projet en tant que réalisateur. Un risque tempéré par ses précédents travaux en tant qu’animateur et directeur d’épisode/metteur en scène, qui témoignait déjà de ses ambitions artistiques. 

C’est d’abord en travaillant comme animateur sur Fate/Grand Order Babylonia et Black Clover que Goshozono apprend à utiliser Blender pour créer layout et mouvement de caméra immersifs grâce à la prévisualisation 3D. Sur la saison 1 de Jujutsu Kaisen, il était en charge de l’épisode 17 en tant que réalisateur d’épisode, et c’est à lui que l’on doit cette fameuse scène de tir au pistolet où la balle (et tout le plan d’ailleurs) avait été modélisée en 3D à l’avance. Vous vous souvenez aussi certainement de la scène d’ouverture du générique de Chainsaw Man où la caméra tournoie autour du quatuor de personnages marchant dans les rues de la ville. 

Deuxième atout du réalisateur, c’est son sens de la photographie et du storytelling, il n’hésite pas à utiliser perspectives déformées et fisheye effects pour servir son propos. Tout le long de cet arc d’exposition dominait la thématique de la séparation, du fossé entre Geto et Gojo qui grandissait un peu plus à chaque épisode, Goshozono les opposant constamment dans le storyboard. La vision du monde de Geto est ainsi dépeinte à travers l’hyperréalisme de Takuya Niinuma, ou bien des cadrages évocateurs de Goshozono qui transcrivent la perte totale d’empathie de Geto pour ses semblables.

© Gege Akutami/Shueisha, JUJUTSU KAISEN Project

Pour soutenir cette vision privilégiant la subjectivité au réalisme, Gosso s’est entouré d’une team d’élite qui partage cette vision, on retrouvait par exemple Eiko Matsushima en tant que color designer, avec un color script pensé de A à Z pour apporter cohérence et cohésion (la même teinte bleue qui vient illustrer le massacre du jeune Geto faisant écho à la première scène qui montrait déjà les premiers signes de basculement). 

Les nouveaux character design de Sayaka Koiso venaient quant à eux, servir l’expressionnisme choisi par Goshozono, avec des designs malléables, pouvant autant devenir très cartoony sur les scènes de comédie que subir des déformations extrêmes sous l’effet de la vitesse, mis en scène par des animateurs stars comme Kosuke Kato and Keiichiro Watanabe. En somme, « un accent mis sur des silhouettes plus facile à identifier plutôt que de rechercher la représentation exacte constamment. » 

Cette petite introduction me semblait nécessaire même si je ne pourrais m’appesantir davantage étant donné que la première partie de la saison 2 n’est pas traitée dans ce film compilation. En effet, cette première section avait déjà fait l’objet d’un film : JUJUTSU KAISEN: Trésor caché / mort prématurée – Le Film qui compilait les cinq premiers épisodes. 

Le drame de Shibuya : la descente aux enfers

Le film JUJUTSU KAISEN : Exécution commence avec l’emprisonnement de Gojo par Geto Suguru/Kenjaku, pour enchaîner avec un montage musical des combats « secondaires » de la saison sur fond du désormais culte SPECIALZ par King Gnu. On a ensuite droit à un montage des plus belles scènes du combat Sukuna – Mahoraga, le terrible shikigami invoqué par Megumi. Pour finir par Yuji surplombant le désert qu’est devenu le quartier de Shibuya (et une bonne partie de Tokyo ?) à cause de son combat, le laissant à peine imaginer les milliers de personnes qu’il a indirectement tuées. Un changement d’état mental servi par la modification du chara design flexibles dont nous parlions plus haut pour accentuer les ombres et les traits du visage. On cut ensuite pour que Yuji arrive juste à temps pour être témoin de la mort de son mentor Nanami Kento, froidement tué par Mahito. Un double duel se lance alors entre Yuji VS Mahito et son double VS Kugisaki, pour enfin se réunir dans un point d’orgue qui se solde par la mort (?) de Kugisaki et le visage de Yuji encore un peu plus tordu de douleur et de peine. Voir les scènes s’enchaîner ainsi m’a fait réaliser pleinement l’ampleur du traumatisme vécu par Yuji, peut-être encore plus que durant la diffusion TV. Mais heureusement, Yuji peut compter sur son brother Aoi Todo, pour affronter main dans la main Mahito avant que Yuji soit témoin d’un ultime sacrifice d’un de ses proches. 

L’arc récapitulatif se conclut donc avec Kenjaku qui lance sa malédiction sur la ville de Tokyo pour la faire retourner à la période de Heian lorsqu’elle était envahie par les fléaux, et déclare le début du « culling game » (traque meurtrière) en même temps que le haut conseil des exorcistes confie à Yuta Okkotsu la mission de traquer et tuer Yuji Itadori, maintenant sans la protection de Gojo, et rendu responsable du massacre de Shibuya.

© Gege Akutami/Shueisha, JUJUTSU KAISEN Project

Comme tout bon film récapitulatif, ce dernier ne remplace pas le visionnage de la série complète. Les souvenirs épars du spectateur qui l’a regardé un an plus tôt permettront de combler le montage sur-cuté du film, mais toute autre personne sera simplement laissée sur le carreau. 

Mais si l’on se souvient de l’arc de Shibuya, c’est aussi pour son planning assez catastrophique qui tranchait nettement avec le niveau de qualité et d’exigence déployé lors de l’arc flashback TC/MP. Alors certes, ce deuxième arc est entièrement tourné vers les scènes d’action et par conséquent, laisse à la fois peu de place pour une mise en scène subtile et un langage cinématographique poussé ; tout en requérant une animation plus fluide pour soutenir ces scènes de sakuga ambitieuses, et donc demande encore plus de temps pour les équipes. C’est dire la prouesse réalisée par les équipes de MAPPA que d’être néanmoins parvenues à nous fournir des scènes d’anthologie d’un haut niveau technique malgré ces contraintes.

La traque meurtrière commence : que valent les deux premiers épisodes de cette saison 3 ? 

Cette saison 3, en revanche, se présente sous les meilleurs auspices. Le planning du studio MAPPA n’est pas aussi chargé qu’à l’époque et la ligne de production dédiée à Jujutsu Kaisen est déjà créée et éprouvée. Ainsi, Shota Goshozono reprend sa casquette de réalisateur, Yousuke Takada après avoir été réalisateur d’épisode prend le rôle d’assistant réalisateur, Yousuke Yajima et Hiromi Niwa, superviseurs en chef de l’animation sur la saison 2 passent au chara-design. Enfin, Eiko Matsushima et Teppei Ito reprennent leur poste, respectivement à la couleur et au compositing/photographie. 

On a donc une équipe similaire, un pipeline bien rôdé, et plus de temps, au service d’une direction artistique et d’une réalisation toujours aussi ambitieuse, de quoi être optimiste quant à cette saison 3 ! 

Alors maintenant que vous avez bien patienté, la réponse à cette question qui vous brûle les lèvres, que peut-on attendre de ce double premier épisode ? 

C’est bien connu à présent, l’épisode 1 d’une saison sert de thermomètre pour le reste des épisodes. Il a notamment la particularité d’être dirigé par le réalisateur de la série pour une fois, qui prend donc exceptionnellement une double casquette avec celle de réalisation d’épisode. Seul petit bémol dans le cas présent, le format de film compilation qui sort sous forme d’avant-première, a sûrement dû forcer les équipes à se dépêcher pour livrer ces fameux deux épisodes « vitrines », ce qui peut faire craindre une pression accrue sur le planning du reste de la série.

On ouvre ainsi sur la scène de Yuji, qui essaie désespérément de se débarrasser du sang qui macule ses mains, entrecoupée d’images fixes en gros plan de chair à vif, pour accroître la viscéralité du sentiment ressenti par Yuji.

Les scènes qui suivent (déjà vues dans le trailer) confirment le niveau technique de cette troisième saison. On reste dans le prolongement du color script articulé autour des tons bleu et rouge, notamment le coucher de soleil rougeoyant qui donne une atmosphère à la fois terrifiante et mélancolique à la ville. Cette première partie plus calme permet à Gosso de déployer ses talents de composition des plans que l’on avait pu voir dans la première partie de la saison 2, avec des layouts complexes composés de plusieurs layers : une animation à l’arrière plan, puis un décor, une autre animation au premier plan, à nouveau un décor et des VFX.

Les autres protagonistes au cœur de cette troisième saison, c’est le clan Zenin qui se retrouve sans chef de famille à la suite de la mort de Naobito pendant l’arc de Shibuya. Le réalisateur se fait encore une fois plaisir sur le storyboard avec une magnifique scène de tension en huis clos où il joue avec les perspectives pour représenter l’atmosphère oppressante de la pièce et les rapports de pouvoirs entre les membres du clan ; pendant qu’au dessus de leur tête, la lanterne accrochée au plafond se balance inexorablement changeant constamment l’éclairage de la chambre.

Et alors que Naoya s’attendait à reprendre la tête du clan en tant que membre le plus « capable » (selon lui évidemment), une ligne imprévue dans le testament de son père vient chambouler ses plans de carrière. 

Ni une ni deux, il se met en quête de Yuji pour lui faire la peau. C’est là qu’il se retrouve finalement à affronter Choso, devenu l’allié et nouvelle figure fraternelle pour Yuji. Pendant que ce dernier se retrouve à affronter Yuta Okkotsu.

La vitesse délirante de Naoya est rendue par ce qui semble être une scène de Rui, étant donné son style expressionniste hyper déformé si caractéristique, proche de Shinya Ohira. Choso, quant à lui, est à l’opposé, sa technique hémophile proche d’un sniper lui demande un temps de concentration. Deux visions du combat et deux visions de la fraternité, Choso le grand frère veut protéger Yuji pendant que Naoya est l’archétype du solitaire qui ne compte que sur sa force et voit ses frères comme des perdants. 

On voit ensuite une très courte scène où les règles du culling game de Kenjaku sont affichées à toute vitesse à l’écran façon Bakemonogatari, preuve que le système de décompte de points ne sera pas vraiment au centre de l’intrigue.

La traque meurtrière peut alors réellement commencer.

Ces deux premiers épisodes confirment les hautes attentes que l’on pouvait avoir pour cette saison 3, j’attends impatiemment de voir la suite en janvier à présent ! On espère que Gosso disposera de toutes les ressources nécessaires cette fois-ci afin de mener à bien un projet à la hauteur de ses ambitions.

© Gege Akutami/Shueisha, JUJUTSU KAISEN Project

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