Fukuoka et Bordeaux, une aventure commune de longue date

Fukuoka (16 millions d’habitants), la plus grande ville de l’île méridionale de Kyûshû, entretient depuis 1982 une relation toute particulière avec la France. Cette année-là, M. Kazuma SHINTÔ (1904-1992), alors maire de Fukuoka, a signé aux côtés de M. Jacques CHABAN-DELMAS (1915-2000), maire de Bordeaux, un accord d’échanges entre les deux villes. Toujours en vigueur à l’heure actuelle, ce jumelage a permis de créer de nombreux ponts entre les deux municipalités et de contribuer plus largement aux relations Franco-Japonaises. À l’occasion de l’anniversaire des quarante ans de coopération, fêté conjointement par les deux villes à la fin de l’année 2022, Journal du Japon vous propose un aperçu des différentes actions mises en place par ce jumelage et une plongée touristique dans la capitale de Kyûshû.

Un pont économique et socio-culturel entre la France et le Japon

Les accords de jumelage, qui ont été renouvelés tous les deux ans par les différents maires ayant pris la tête des hôtels de ville de Bordeaux et de Fukuoka, ont englobé au fil du temps un large panel de domaines de coopération. Le premier aspect de ces accords est bien entendu celui de l’économie. Le vin de Bordeaux, auréolé d’une prestigieuse réputation dans le monde entier, trouve à Fukuoka un marché particulièrement lucratif, comme en témoigne l’ouverture en 2016 d’un bar à vin nommé le « Au Bord’eau Fukuoka ».

Enseigne du bar à vin "Au bord d'eau"

Le bar à vin « Au bord d’eau » ©Nina Le Flohic

C’est le cinquième bar entièrement consacré au vin de Bordeaux à ouvrir à l’international (après trois à Shanghaï et un à New York), qui est venu s’installer le long du fleuve Naka-gawa, frère de la Garonne. Soulignons que le projet est notamment soutenu par le franco-japonais Louis ROBUCHON ABE, fils du célèbre chef français Joël ROBUCHON, qui est né à Fukuoka. Sur le plan économique, la mairie de Bordeaux souligne également avec fierté l’implantation de l’entreprise française de matériaux de construction Lafarge chez sa sœur asiatique.

L’influence du jumelage se ressent également du côté français, avec une forte présence nippone dans la ville de Bordeaux. Outre l’ouverture en 2016 d’un magasin Uniqlo (chaîne japonaise de vêtements), plusieurs boutiques bordelaises proposent de l’artisanat japonais, tandis que le Japan Market propose tous les ingrédients et outils nécessaires à la confection de la cuisine japonaise.

D’un point de vue culinaire, Bordeaux est également bien fourni, avec de très nombreux restaurants japonais, dont nombre d’entre eux proposent une cuisine authentique préparée par des chefs venus du Japon. Soulignons également la présence de Satomi KANAI-CHAN, chef pâtissière née à Fukuoka, qui régale désormais les bordelais avec ses créations franco-japonaises à la Pâtisserie S.

De nombreux clubs d’arts martiaux sont depuis longtemps implantés dans la ville et il y a quelques années est née l’association Matsukazé, parrainée par l’Ambassade du Japon, qui propose une plongée complète dans la culture japonaise avec des cours d’Aikidô, de calligraphie ou encore de cérémonie du thé. Un magazine gratuit, Culture Japon 33, édité par l’association est également disponible dans divers points de distributions de la métropole.

Enfin, le volet universitaire de l’échange est notamment visible à la Faculté Bordeaux Montaigne, qui propose plusieurs formations complètes en langue et culture japonaise et permet tous les ans à des dizaines d’étudiants de partir en mobilité au Japon. Soulignons également la possibilité pour les habitants de Bordeaux d’apprendre la langue japonaise dès le collège (collège Émile Combes) et de continuer au lycée (Lycée François Magendie).

L’actuel maire de Bordeaux, Pierre HURLMIC, issu du parti Europe Écologie Les Verts, met quant à lui l’accent sur les échanges de projets autour du développement durable et de la gestion des espaces verts. De nombreux partenariats sont également depuis longtemps mis en place en ce qui concerne les hautes technologies, le commerce maritime, le design ou la mode.

Entre 1998 et 2020 était tous les ans mis en place un concours d’éloquence à destination d’une part des étudiants français qui, inscrits en formation de japonais à l’Université Bordeaux Montaigne, n’étaient jamais partis au Japon… et d’autre part aux étudiants japonais de l’Institut Français de Fukuoka. Le concours offrait chaque année au lauréat la possibilité de partir un mois dans la ville jumelle de la mairie, avec des cours intensifs de langue dispensés sur place (Université de Seinan pour les Français et Alliance Française de Bordeaux pour les Japonais) sans que l’étudiant n’ait de frais à engager. Les deux lauréats servaient alors d’ambassadeurs pour leur pays respectif et étaient convoqués à la mairie pour transmettre un courrier officiel lors de leur séjour. Une manière pour les deux villes de renforcer les liens en mettant l’accent sur l’aspect universitaire et culturel, en offrant la possibilité inouïe à certains jeunes, qui n’auraient pas forcément eu les moyens financiers d’étudier sur place, de réaliser leur rêve.

Quarante années d’échanges célébrées en 2022

Panneaux pour l'accueil du maire de Fukuoka

©Nina Le Flohic

L’année qui vient de s’écouler fut marquée par le quarantenaire du jumelage, avec le déplacement consécutif des deux maires et de leur délégation dans la ville jumelle. C’est en mai 2022 que M. HURLMIC s’est rendu en visite officielle à Fukuoka. Outre ses échanges avec son homologue, ses découvertes touristiques et culturelles de la ville (dont sa participation à une cérémonie du thé), le maire de Bordeaux profita de son séjour pour se rendre au Woodrise, le congrès international pour la construction en bois, qui avait alors lieu à Tôkyô… Et qui se déroulera à Bordeaux en cette année 2023.

Tableau des quarante ans du jumelage

©Nina Le Flohic

C’est du 28 novembre au 02 décembre que M.TAKASHIMA et les membres de sa délégation vinrent à leur tour à Bordeaux. Le lendemain de leur arrivée, le maire invita son homologue à participer à l’opération « 1 arbre, 1 habitant », qui prévoit de reboiser le territoire bordelais d’un million d’arbres en dix ans, lui proposant de planter lui aussi un arbre sur la métropole. Le soir même, se déroula la réception officielle au cours de laquelle furent renouvelés les accords de jumelage pour les deux années à venir. Y furent conviés les principaux membres des deux mairies, l’équipe des relations internationales, les organisateurs du « Village Japonais » à venir, quelques représentants de médias et du monde économique, ainsi que des interprètes. Les Salons richement décorés de l’Hôtel de ville se retrouvèrent alors agrémentés d’une ambiance japonisante, avec la présence de nombreux objets traditionnels, livres et photographies de la ville jumelle.

Discours, interviews croisées, échanges de cadeaux et repas partagé rythmèrent la réception qui se finalisa selon une tradition de Fukuoka : tous les participants furent invités à frapper en rythme dans leurs mains selon le Hakata te ippon, une manière de clôturer normalement les évènements liés à l’organisation du festival de juillet, le Hakata Gion Yamakasa.

À la suite de la soirée, le 01 décembre s’ouvrit le Village Japonais sur la place de la mairie, sorte de marché culturel ouvert à tous les habitants de Bordeaux. Démonstrations d’arts martiaux, de calligraphie, de kitsuke (art de mettre un kimono), de taïko, ou encore de Yosakoï (une danse traditionnelle) rythmèrent les trois premiers jours du mois de décembre, tandis que plusieurs petits stands ont offert un aperçu de l’artisanat japonais : shibori (technique de teinture naturelle traditionnelle), jardins japonais ou encore lanternes en bois et papier. L’ouverture du village se fit en présence des deux maires, face auxquels des collégiens bordelais récitèrent des haïku crées et appris pour l’occasion.

Une manifestation qui a pu ravir toutes les personnes intéressées par le pays du soleil levant, hélas desservie par le manque de moyens mis en œuvre, qui la fit se tenir à l’extérieur malgré le froid de décembre et limita l’espace proposé pour les démonstrations, n’attirant ainsi que peu de monde par rapport au nombre d’habitants de la métropole.

Fukuoka, la capitale du sud

Capitale de Kyûshû, Fukuoka fait partie des dix plus grandes villes du Japon, avec environ 1,6 millions d’habitants. À la fois ultramoderne et imprégnée d’un héritage culturel et historique millénaire, cette ville entourée de nature offre également l’accès à de magnifiques écrins de verdure.

Créé en 1929 et situé en plein centre-ville, le parc d’Ôhori (Ôhori kôen), qui apparaît notamment dans I Wish (2011), film du célèbre réalisateur Hirokazu KORE-EDA, propose un temps de détente magique entre nature, sport et art. Construit autour d’un vaste étang traversé d’îlots et de ponts, le parc propose une piste de course qui en fait le tour, la possibilité de traverser le plan d’eau en pédalo, de se reposer entre les arbres qui le bordent ou encore de dîner au bord de l’eau.

Pont en pierre

Pont en pierre du parc d’Ôhori ©Nina Le Flohic

C’est également dans l’enceinte du parc que se trouve le Musée d’Art de Fukuoka, qui comporte non seulement une importante collection d’art asiatique, mais accueille également de grandes expositions temporaires. À quelques mètres de là, le jardin japonais traditionnel Ôhori-kôen Nihon teien, œuvre du maître jardinier qui a également conçu le célèbre jardin du château de Nijô (Kyôto), constitue une jolie découverte à ne pas manquer lors d’un passage dans les environs.

Mais le plus beau jardin traditionnel de la ville est sans conteste le Yûsentei, au nord du parc Ôhori. Assez méconnu des touristes, il renferme pourtant toute la beauté de l’art paysager du Japon. Son étang central, sa maison de thé dans laquelle il est possible de boire pour 300 yens seulement un délicieux thé matcha accompagné de pâtisseries traditionnelles wagashi qui changent selon les saisons, ses chemins qui sillonnent entre les arbres tortueux et ses centaines d’érables de différentes variétés qui offrent à l’automne tout un panel de nuances en font tout son charme.

Lanterne de pierre

Lanterne de pierre du jardin Yûsentei ©Nina Le Flohic

Toujours au centre de Fukuoka, c’est le quartier d’Hakata, à l’est de la ville, qui constitue le passage incontournable pour tout amoureux d’histoire et de culture traditionnelle. Cœur de l’ancienne ville d’Hakata qui a fusionnée en 1889 avec Fukuoka pour devenir la métropole actuelle, le quartier d’Hakata renferme notamment le Kushida-jinja, le plus important sanctuaire shintô de la ville et d’où part tous les ans, en juillet, le grand festival vieux de près de 800 ans : le Hakata Gion Yamakasa. L’un des grands chars ornementaux qui décorent la ville à la période du festival est visible toute l’année dans l’enceinte du temple, qui offre également un lieu de visite agréable avec ses belles sculptures d’animaux et sa riche architecture.

Non loin du temple se trouve l’Hakata Machiya Folk Museum, un bijou peu connu des touristes qui présente l’histoire de la ville, son évolution au fil du temps et les arts traditionnels d’Hakata. Des artisans travaillent à l’étage et il est possible de venir les voir travailler durant certaines heures de la semaine.Pour ceux qui souhaiteraient acheter des omiyage (cadeaux souvenirs) de la ville, la galerie marchande de Kawabata, qui commence au pied du sanctuaire Kushida, recèle des dizaines de boutiques présentant l’artisanat et les spécialités culinaires de la région. Parmi elles, le fameux Tonkotsu ramen, des fines nouilles (ramen) trempées dans un bouillon à base de porc. Présentes dans de très nombreux restaurants, les ramen de Fukuoka sont également à la carte des yataï (petites échoppes ambulantes qui s’installent sur les trottoirs à la nuit tombée), qui sillonnent la ville et en font sa spécialité.

Allée marchande de Kawabata

Allée marchande de Kawabata ©Nina Le Flohic

Plus moderne, le Canal City Hakata, grand complexe marchand à l’architecture fascinante, constitue un lieu où flâner, se divertir et faire des achats en tout genre. Outre ses nombreux restaurants, cinémas et autres espaces de concert, ses grandes marques de vêtements et ses boutiques de spécialités régionales, le Canal City Hakata comporte également de nombreuses boutiques de goodies dont un fameux Donguri, ces boutiques de la licence Ghibli que recherchent tous les fans des grands films du studio.

Vue du Canal City Hakata.

Vue du Canal City Hakata. ©Nina Le Flohic

Toujours dans le quartier d’Hakata, c’est au Tôchôji, un temple bouddhiste qui renferme en son sein le plus grand Bouddha assis en bois du Japon, qui constitue un bel aperçu de l’architecture traditionnelle et l’histoire du pays. Si son Bouddha assis de plus de dix mètres de haut, le Fukuoka Daibutsu, présent dans le bâtiment principal est l’emblème du temple, le plus fascinant est sans conteste le tunnel dont l’entrée se trouve à gauche de la statue. Les visiteurs y entrent, plongés dans le noir, pour découvrir sur les murs à peine éclairés plusieurs estampes ancestrales représentant les enfers bouddhiques, dans une ambiance proche d’un train fantôme de fête foraine… Avant de rencontrer la statuette d’un bodhisattva doré qui ramène la lumière et annonce la fin du tunnel. Le temple renferme également dans son enceinte une magnifique pagode rouge.

Vue de la Fukuoka tower

Fukuoka tower ©Nina Le Flohic

Dans le quartier de Momochi, au bord de la mer, se trouve la futuriste Fukuoka Tower, une tour de 234 mètres de haut qui fut achevée en 1989. Éclairée dans la nuit à l’aide de milliers d’ampoules présentes sur sa paroi, elle offre dans la nuit un point de repère chatoyant qui se dresse vers le ciel. Symbole moderniste de la ville, il est évidemment possible d’y montrer et d’y découvrir un panorama circulaire magnifique sur la ville et la baie de Fukuoka.

Au cœur de cette baie, se trouve notamment la petite île de Noko no Shima. À dix minutes en ferry depuis le port de Fukuoka, cette île est connue dans toute la région pour son parc aux fleurs, le Noko no Shima Island Park, qui s’étend sur toute la partie nord de l’île. S’y balader dans les immenses champs fleuris aux couleurs chatoyantes sur fond de mer du Japon est une belle expérience pour tous les amateurs de photographie et de beaux paysages… Mais une balade à pied en dehors des sentiers battus du tourisme dans le reste de l’île constitue également une agréable manière de découvrir la nature japonaise. Tandis que le nord est occupé par le parc aux fleurs et le sud par le port et les habitations, la partie centrale de l’île n’est que forêt, traversée par une route qui en fait le tour et par plusieurs sentiers. Les trouées offrent des points de vue imprenables, tantôt sur la mer, tantôt sur Fukuoka, et des pierres gravées de poèmes apparaissent au fil de la balade. Sur le plateau, une sculpture de deux êtres humains dos-à-dos et un panneau explique que Noko no Shima serait considérée comme la toute première île du Japon, celle qu’Izanagi et Izanami aurait créée avec leur lance et qui se nomme Onogoro dans le Kojiki (le premier récit du Japon, sur lequel se fonde la religion shintô). Un petit marché couvert près du port et quelques cafés-restaurants permettent de goûter aux produits locaux ou de les emporter pour de potentiels omiyage.

Vue de la mer à Umi no Nakamichi

Umi no Nakamichi ©Nina Le Flohic

Enfin, l’autre espace naturel aux portes de Fukuoka à ne pas manquer est Umi no Nakamichi, littéralement « le chemin au milieu de la mer », la bande de terre qui relie Fukuoka à la presqu’île de Shika no Shima. Longue de huit kilomètres, une ligne de train la traverse : monter dans ce train, c’est entreprendre un voyage onirique entre deux dunes de sable fin ponctuées de pinèdes… Au centre se trouve le Umi no nakamichi Seaside Park, sorte de réserve naturelle littorale très vaste pour laquelle une journée entière n’est pas de trop pour pouvoir en faire le tour. Jardin fleuri, parc zoologique, piscine, jeux pour enfants et balades à cheval sont au rendez-vous, comme autant d’espaces où venir se détendre et profiter de la nature en famille. Mais le parc donne également accès à de belles plages, à des pinèdes enchanteresses et la possibilité d’observer la faune et la flore qui y vit ; devenant l’une des parenthèses possibles dans la vie citadine qu’offre la ville de Fukuoka.

Et si votre prochaine parenthèse, à vous, était placée sous les signes du bonheur (Fuku) et de la colline (oka)  ?

Quelques adresses pour prolonger le voyage, en France comme au Japon :

Association Matsukazé : https://www.aikido-matsukaze.com/

Institut français de Fukuoka : https://www.institutfrancais.jp/kyushu/fr/

Boutique en ligne de La maison du Japon, fondée à Bordeaux : https://www.maison-japon.com/

Pâtisserie S. : 8 Cr d’Alsace-et-Lorraine, 33000 Bordeaux

Japan Market : 27 Rue Saint-James, 33000 Bordeaux

Au Bord’eau Fukuoka : 6-8 Nishi-nakasu, Chûo Ward, Fukuoka, 810-0002, Japon

Jardin Yûsentei : Jōnan-ku, Fukuoka, 814-0122, Japon

Sanctuaire Kushida : 1-41 Kamikawabatamachi, Hakata Ward, Fukuoka, 812-0026, Japon

Hakata Machiya Folk Museum : 6-10 Reisen-machi, Hakata Ward, Fukuoka, 812-0039, Japon

Fukuoka Tower : 2 Chome-3-26 Momochi-hama, Sawara Ward, Fukuoka, 814-0001, Japon

Nina Le Flohic

Grande lectrice passionnée par le Japon depuis ma plus tendre enfance, je suis diplômée d'un master Langue, Littérature et Culture Japonaise. Des études au cours desquelles j'ai eu l'occasion d'effectuer des recherches dans le domaine de la littérature japonaise et de voyager plusieurs fois au pays du Soleil Levant. Très heureuse de pouvoir partager avec vous mes coups de cœur et expériences à travers mes articles, n'hésitez pas à me laisser vos questions ou avis en commentaires, j'y répondrais avec plaisir !

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