La route touristique de la céramique japonaise

Il existe bien des façons de faire du tourisme au Japon. Journal du Japon vous propose de prendre une route moins fréquentée que les autres et qui vous permettra de voyager du Kyûshû jusqu’à Tokyo : il s’agit de la route de la céramique japonaise !

La céramique japonaise occupe une place particulière au Japon. Les Japonais peuvent l’utiliser au quotidien ou pour des moments particuliers, comme la traditionnelle cérémonie du thé. On trouve les différents objets en céramique (tasse à thé, bols, coupes à saké…) dans tout l’archipel. Cependant si vous avez un intérêt pour la céramique, certains sites méritent d’être visités.

La céramique : un art décoratif ancré dans l’histoire du Japon

La fabrication de poterie sous forme de faïence (avec du grès) est très ancienne au Japon. Le savoir-faire et les techniques coréennes vont jouer un rôle crucial dans le développement de la porcelaine (avec de l’argile).

L’art d’utiliser le grès

La découverte de la cuisson de la céramique en grès à haute température dans des fours, permet au Japon de développer une production à l’époque médiévale (entre le 12e et le 16e siècle). On construit de grands fours sur le territoire pour la fabrication de pièces utilitaires (bols et jarres) sans « couverte » (brillant vitreux et transparent aussi appelé glaçure). Seul le four de Seto proche de Nagoya réalise des pièces revêtues d’une glaçure, et imite des formes chinoises.

À partir du XVe siècle, l’utilisation du grès dans la céramique japonaise connaît un essor important. En effet, les maîtres de thé font réaliser des pièces uniques dans les fours de Bizen et de Shigaraki. Des déformations apparaissent en cours de cuisson et offrent l’esthétique recherchée pour la cérémonie du thé.

Le succès de la porcelaine à partir du XVIe siècle

Lors des « guerres de la céramique » de 1592 et 1597 (invasion de la Corée par le Japon), les Japonais détruisent des fours coréens et contraignent des potiers coréens à s’installer dans la région d’Arita. Ces derniers transmettent leurs techniques et construisent des fours plus grands et performants, d’une longueur pouvant atteindre les 50 m.

L’un d’eux, Ri Sampei (Yi-Sam-p’yong), découvre à Izumiyama un gisement de kaolin (argile blanche). La production de la céramique en porcelaine apparait dans une région jusque-là spécialisée dans la faïence. Les potiers fabriquent en grand nombre des pièces blanches aux émaux colorés, et commercialisées à partir du port d’Imari à 15 km d’Arita. C’est la fameuse « porcelaine d’Imari » que la Compagnie Hollandaise des Indes Orientales achète et revend en Europe.

Malgré la fermeture du Japon entre le 17e et le 19e siècle, la production de céramique va se poursuivre et évoluer pour répondre notamment à la demande européenne. Avec l’essor du Japonisme (voir nos articles sur la Collection Cartier-Bresson et les 160 ans de relations entre le Japon et l’Alsace), le style de la céramique se détache des goûts japonais pour correspondre à celui des européens. Suite à la révolution Meiji, la production de céramique va même devenir quasi industrielle.

céramique d'Arita
Assiette en céramique musée Arita © JS Pietri

Un artisanat d’exception et contemporain

Depuis la fin du 20e siècle, le retour aux traditions suscite un nouvel intérêt des Japonais pour les potiers de village. C’est pourquoi cet artisanat est toujours vivant dans les différents styles de céramique. Aujourd’hui les maîtres potiers suivent des études d’art dans les universités de Tokyo et Kyoto. Ils utilisent toujours les anciennes formules de la poterie mais cherchent de nouveaux horizons, à repousser les limites. Les autorités culturelles délivrent parfois aux maîtres potiers le titre de mukei bunkazai (無形文化財 « trésor culturel vivant »). Leurs œuvres peuvent atteindre des prix très élevés auprès des collectionneurs.

Cette vidéo réalisée par le British Museum vous donne un aperçu de cet artisanat d’exception (en anglais) :

Proposition d’itinéraire pour découvrir la céramique japonaise

Le Kyûshû est le berceau historique et l’un des spots majeurs de la céramique japonaise. C’est pourquoi nous vous proposons de débuter notre route touristique à Arita et Kagoshima, puis de remonter progressivement vers le nord du Japon en faisant halte à Imben (préfecture d’Okayama) et à Kanazawa.

Arita : le berceau de la porcelaine japonaise

Arita se situe dans le nord-ouest de Kyûshû à 1h30 de train environ de Fukuoka. C’est un bourg de 20 000 habitants plutôt calme. Son charme réside dans ses petites ruelles dont les murs sont faits de briques récupérées dans les fours de la région.

La porcelaine d’Imari

La porcelaine d’Imari fabriquée dans les fours d’Arita connaît plusieurs styles historiques : les styles Kakiémon et Nabeshima (du nom des familles de potiers) ont recours à des émaux colorés sur une porcelaine blanche. Le style Kinrande se reconnaît par l’utilisation du bleu de cobalt, le rouge de fer tirant sur le safran et le fond blanc de la porcelaine, avec un rehaussement doré.

Le musée de la céramique du Kyûshû

En sus des boutiques de potiers qui proposent des pièces aux styles modernes, une visite du musée de la céramique vaut le détour. En effet, il propose des pièces de collection anciennes remarquables. Il raconte l’évolution des styles de la céramique d’Imari et expose deux prestigieuses collections des familles Kanbara et Shibata.

Le musée propose un déjeuner sur place (plats simples type curry japonais) ainsi qu’un joli jardin à visiter en automne pour admirer les érables rougissants.

Arita ceramic
Vase en céramique musée Arita © JS Pietri

La chasse au « trésor »

La boutique Kouraku Kiln (幸楽窯 徳永陶磁器(株) propose à ses clients une chasse au trésor parmi des milliers d’objets en céramiques. Vous disposez d’un panier et avez tout votre temps pour fouiller les caisses dans l’entrepôt. Les céramiques sont classées par prix. Leur style est simple mais parfaitement usuel pour le quotidien. Les touristes coréens notamment raffolent de cette chasse au trésor.

Entrepôt Kouraku Kiln pour la chasse au trésor à Imari
Trouvez votre trésor chez Kouraku Kiln © JS Pietri

Modalités de déplacement et d’hébergement

La majorité des boutiques de céramique est à 1 km au nord-ouest de la gare. Le musée de la céramique du Kyûshû se trouve au sud de la gare.

Le bourg est petit, il y a donc peu d’offres de logement et de restauration. Pour passer plusieurs jours sur place, il est préférable de s’installer à Imari, à 15 km en train. Pour une journée, un aller-retour depuis Fukuoka s’organise facilement.

Si vous souhaitez éviter la marche à pieds, le « Kiln Arita tourist information » à la sortie de la gare propose des vélos à la location. Vous pouvez également effectuer les trajets en taxi depuis la gare.

Précision : réservez en avance votre hébergement si vous souhaitez venir au marché de la céramique d’Arita qui a lieu chaque année pendant la Golden Week (5 jours début mai). De nombreux japonais fréquentent ce marché.

Une ballade à Ôkawachiyama

Si vous êtes plusieurs jours dans la région, prenez le temps nécessaire pour visiter Ôkawachiyama. C’est un village entre Imari et Arita accessible en bus (plutôt rares) où ont résidé et travaillé des potiers coréens déportés à la fin du 17e siècle. L’endroit a longtemps été inaccessible pour que les techniques de fabrication de la céramique restent secrètes. Aujourd’hui, le village est très agréable à visiter, car niché au creux d’une vallée. Vous pouvez visiter les anciens fours et plusieurs boutiques de potiers, dont certaines sont renommées et pratiquent d’ailleurs des prix élevés.

C’est un endroit propice à une ballade dans un Japon bucolique et historique.

Okawachiyama - entrée village céramique
Pont décoré en céramique à l’entrée d’Okawachiyama © JS Pietri

Karatsu : l’influence coréenne et chinoise

Au nord d’Arita et à 50 km de Fukuoka se trouve Karatsu. La ville côtière de 120 000 habitants paraît assoupie. De nombreux magasins de la galerie marchande sont fermés, il y a peu de passants dans les rues. Se promener dans Karatsu, c’est un peu voyager dans un Japon qui disparaît.

Boutique de faïence à Karatsu
Boutique de faïences à Karatsu © JS Pietri

Les grès de Karatsu

La poterie de Karatsu est très ancienne et réputée au Japon. Son origine est médiévale et les spécialistes estiment qu’elle a été fortement influencée par les techniques coréennes et chinoises.

Les potiers utilisent une argile riche en fer, donnant un aspect terreux, simple et naturel aux pièces fabriquées. A l’origine, elle sert aux usages du quotidien : bols, assiettes et cruches. Son style correspond à l’esthétique wasi sabi, et ses pièces sont utilisées dans la cérémonie du thé.

Exposition de poterie de Karatsu
Exposition de poteries de Karatsu © JS Pietri

Il existe plus d’une douzaine de styles de céramique de Karatsu. Vous trouverez celui qui vous plaît en visitant les différentes boutiques. Les prix varient de quelques dizaines d’euros jusqu’à environ 5 000 euros pour des pièces d’artistes renommés. Les potiers de Karatsu sont plutôt accueillants, certains parlent anglais et vous feront faire le tour de leur galeries d’exposition.

Modalités de déplacement et d’hébergement

Karatsu est à 45 minutes en train limited express de Fukuoka, et sur la ligne de chemin de fer pour Arita. Le plus simple est de se baser à Fukuoka et de passer une demie journée, voire une journée à Karatsu.

Une dizaine de boutiques de potiers sont proches de la gare. Le château est à 20 minutes à pieds (la vue sur la mer et la ville est belle notamment lorsque les cerisiers sont en fleurs). Point d’attention : la majorité des potiers est installée à l’extérieur de la ville. Il est nécessaire de louer une voiture ou de prendre un taxi pour les découvrir.

Le marché annuel de la céramique de Karatsu a également lieu lors de la Golden Week.

Un détour à Kagoshima pour découvrir la céramique de Satsuma

Si vous êtes dans le Kyûshû, un séjour à Kagoshima mérite le détour. La ville se trouve en face du fameux volcan Sakurajima. Elle est le point de départ en bateau pour se rendre sur l’île de Yakushima qui a inspiré Miyasaki pour la réalisation des décors du film « Princesse Mononoke ». L’atmosphère méridional de Kagoshima lui donne un charme particulier, il fait bon y vivre.

La céramique de Satsuma

Après l’invasion de la Corée par le Japon, la famille Shimazu installe une famille de potiers coréens dans la région de Satsuma. Elle créé un nouveau style : une porcelaine de couleur ivoire (shiro-satsuma) sur laquelle le potier dessine des motifs dorés ou polychromes, ou de couleur noire (kuro-satsuma).

Cette céramique va connaître un grand succès en France après l’exposition universelle de 1867 et l’essor du Japonisme. Aujourd’hui, les potiers perpétuent aujourd’hui leur savoir-faire avec moins de succès néanmoins.

Cette vidéo vous présente les deux styles de la céramique de Satsuma (en anglais) :

Modalités de déplacement et d’hébergement

Il suffit de 2h15 pour rallier Kagoshima depuis Fukuoka avec le train Shinkansen. La ville de 600 000 habitants offre toutes les possibilités de logement.

Sur place, vous trouverez des pièces de la céramique de Satsuma dans les grands magasins. Si vous avez du temps et l’envie, louez une voiture et rendez vous dans la petite ville de Hioki (40 min de trajet depuis Kagoshima). Plus particulièrement dans le village des potiers de Miyama : l’endroit est petit et pittoresque. Quelques magasins de potiers vous proposent leurs créations.

Bizen : une des plus anciennes céramiques du Japon

Quittons l’île de Kyûshû pour Honshû, et faisons halte à Imben, dans la préfecture d’Okayama. C’est un site ancien et réputé de la céramique japonaise. En effet, la céramique de Bizen apparaît à l’époque Kamakura (1192-1333 après JC). Les pièces de collection se vendent très cher dans les ventes aux enchères.

La céramique de Bizen

La céramique de Bizen s’apprécie par sa résistance physique et sa couleur marron et rouge. Elle ne comporte pas de glaçure, elle paraît simple et naturelle. C’est pourquoi elle a, durant l’époque Edo, un grand succès auprès des maîtres de thé. Mais l’intérêt s’essouffle à l’époque Meiji, car le Japon souhaite se moderniser sur le modèle occidental.

Aujourd’hui, les potiers de Bizen continuent à produire des pièces de qualité. Certaines atteignent des prix élevés selon leur qualité et l’artiste qui les a réalisées. La visite des différentes boutiques est intéressante, car chaque artisan à son propre style.

Bizen potery
Tasses à thé de Bizen © JS Pietri

Visite du temple

Au nord du village se trouve le sanctuaire shinto « Amatsu« . Nous vous invitons à le visiter pour ses décorations et l’ensemble des personnages sont également en céramique de Bizen.

Modalités d’hébergement et de déplacement

Imben se trouve à 1h de chemin de fer local au nord de la ville d’Okayama. C’est un petit village, la route nationale le sépare de la gare. De nombreuses boutiques de potiers proposent les céramiques locales, n’hésitez pas à visiter le village et à entrer dans les magasins. Prévoir une demie journée à Imben avec un aller-retour à partir d’Okayama.

Au 1er étage de la gare d’Imben se trouve le musée de la poterie de Bizen. Les pièces exposées par les artisans de la région sont en vente, c’est un bon moyen de trouver votre bonheur si la tournée des boutiques n’est pas fructueuse.

Bizen village
Le village et les temples mettent en valeur la poterie de Bizen – Tasses à thé de Bizen © JS Pietri

Kanazawa : l’artisanat d’excellence

En quittant Okayama vers le nord, à travers le Kansai, vous pouvez rejoindre Kanazawa. Kanazawa est une grande ville du Japon, qui mérite assurément d’être visitée. C’est notamment le point de départ pour découvrir la péninsule de Noto, et admirer l’un des plus beaux parcs du Japon : le Kenroku-en. Mais la ville est également connue pour ses artisans spécialisés dans les feuilles d’or, la soie Kaga Yusen, et la céramique de Kutani.

La céramique de Kutani

Elle est apparue au 17e siècle dans le village de Kutani, au sud de Kanazawa. Elle a rencontré au 19e siècle un certain succès pour son exportation en Europe. Depuis, quelques potiers continuent d’en fabriquer.

Les artisans utilisent une technique de superposition en couches épaisses de cinq couleurs : le rouge, le jaune, le vert, le violet et l’indigo. Ces dernières années, outre les objets décoratifs et la vaisselle en porcelaine de Kutani traditionnelle, les potiers réalisent des tasses à café ou des verres à vin sont fabriqués.

Kutani Ceramic
Céramique de Kutani © JS Pietri

Modalités d’hébergement et de déplacement

Kanazawa est accessible en train Shinkansen depuis Kyoto (2h30 de voyage) et Tokyo (3h30). La ville offre toutes les solutions d’hébergement.

Vous trouverez des pièces de céramique de Kutani dans les grands magasins. Il y a peu de potiers en ville. Il est possible de visiter le four de Kutani Kosen (site internet : https://kutanikosen.com/) qui organise des visites du studio, des ateliers de poterie et dispose d’une boutique.

Dans la petite ville de Kaga (à 1h de train local au sud de Kanazawa), vous pouvez visiter le musée Kutaniyaki Art Museum. Il raconte l’histoire de la céramique de Kutani.

Ici s’achève la route touristique que nous vous proposons. Vous connaissez désormais les sites les plus réputés pour apprécier la céramique du Japon. Cependant, pour les amateurs et passionnés de poteries, le Japon vous offre encore de nombreuses découvertes possibles.

4 réponses

  1. jenck dit :

    Incroyable histoire c’est fou toutes les techniques développées autour du même matériau, les recherches que des historiens et archéologues ont du mener sur l’évolution des techniques et les particularités propres à chaque style !

    Merci pour toutes ces informations, ça a du demander beaucoup de recherches ! Par curiosité c’est un parcours officiel, que l’on peut retrouver dans des guides touristiques, ou c’est vous qui l’avez défini voir suivi en vrai ? En tout cas merci pour tous les conseils

    • C’est un itinéraire que nous proposons au regard de plusieurs voyages au Japon. Certains sites sont référencés dans des guides de voyage, mais aucun ne prévoit semble-t-il de circuit touristique sur le thème de la céramique japonaise.

  2. Carrère Bonheure dit :

    J’aurais aimé avoir ce circuit avec une agence de voyage,car toute seule et parlant très mal l’anglais.pouvez vous m’aiguiller afin de réaliser ce tevsie j’ai depuis pas mal d’années étant une modeste céramiste.merci

    • Nous vous conseillons de vous adresser à une agence de voyage qui organise des séjours « à la carte » avec l’intervention de guides interprètes. Vous trouvez ces agences sur internet assez facilement et la condition est d’y mettre le prix. Mais vous avez aussi la possibilité de partir en groupe avec des ateliers de céramistes français, qui organisent des voyages thématiques. Si vous voyagez sans passer par une agence, sachez qu’il est facile d’organiser à l’avance votre séjour (réservation d’hôtels, trains etc…) et nous vous promettons une immersion dont vous vous souviendrez longtemps.

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