La Maison des égarées : un havre de paix pour se reconstruire

Présenté au festival international du film d’animation d’Annecy l’année dernière, le distributeur Les Films du préau associé à All the Anime permettent enfin une diffusion de La Maison des égarées dans toutes les salles françaises dès le 28 juin 2023. Si le nom de son réalisateur, Shinya KAWATSURA, ne vous parle pas vraiment, on va s’efforcer de vous convaincre de ne pas rater ce second long-métrage mêlant tranches de vie, spiritualité et folklore japonais dans une quête de reconstruction. A la découverte de la mayoiga, maison qui bénit les voyageurs perdus !

© Sachiko Kashiwaba, KODANSHA / 2021
The House of the Lost on the Cape Committee.
© Sachiko Kashiwaba, KODANSHA / 2021 The House of the Lost on the Cape Committee

Se reconstruire après la catastrophe

Une production du Continuing Support Project 2011+10

La Maison des égarées fait partie des 3 productions du Continuing Support Project 2011+10 qui visent à rendre hommage aux victimes du tremblement de terre et du tsunami du 11 mars 2011 responsable de l’accident nucléaire de Fukushima. Les histoires du projet se déroulent dans les départements les plus touchés par la catastrophe : Miyagi pour la série Bakuten!! ; Fukushima pour le film Hula Fulla Dance ; et Iwate pour La Maison des égarées.

Shinya KAWATSURA aime s’inspirer de faits réels et est un habitué des productions tranches de vie avec la série Non Non Biyori qui compte 3 saisons et un film. Avec l’anime Sagrada Reset, le jeune réalisateur explorait le fantastique, un élément important de la seconde partie du film. Le nouveau long métrage est l’adaptation libre d’un roman de Sachiko KASHIWABA, autrice qui a eu l’honneur d’inspirer avec La Cité des brumes oubliées, le Voyage de Chihiro de Hayao MIYAZAKI mais aussi Wonderland, le Royaume sans Pluie de Keiichi HARA avec son livre jeunesse L’étrange Voyage depuis la cave.

Si vous ne connaissez pas encore le réalisateur, il y a de grandes chances pour que vous ayez déjà regardé au moins un film de la filmographie de la scénariste, Reiko YOSHIDA. En 2002, elle avait écrit le script du film Ghibli Le Royaume des chats. Et plus récemment, elle a enchaîné les scénarios de films comme : Lou et l’île des sirènes (2017) de Masaaki YUASA ; Silent Voice (2018) de Naoko YAMADA pour le studio Kyoto Animation; Okko et les fantômes (2018) de Kitarô KÔSAKA ; Liz et l’oiseau bleu (2018) de Naoko YAMADA (Kyoto Animation) ; Ride your wave (2019) de Massaki YUASA ; Violet Evergarden le film (2020) de Taichi ISHIDATE (Kyoto Animation).

© Sachiko Kashiwaba, KODANSHA / 2021 The House of the Lost on the Cape Committee

Un devoir de mémoire et un film familial

En résulte ainsi, malgré son devoir de mémoire, un film complètement positif qui montre comment le peuple japonais peut aller de l’avant grâce à la solidarité intergénérationnelle, la reconstruction d’un noyau familial et les traditions locales. Avec le folklore japonais qui apparaît progressivement dans l’histoire, le sujet du cataclysme est traité différemment en comparaison au triptyque de films de Makoto SHINKAI : Your Name (2016) ; Les Enfants du temps (2020) et Suzume (2022). Entre tranches de vie et incursions d’êtres fantastiques, La Maison des égarées est davantage tout public et s’apprécie en famille, avec les enfants dès 10 ans.


« Je voulais réaliser un film où la bienveillance régnerait

dans un monde à cheval entre réalisme et onirisme »

— Shinya Kawatsura, réalisateur

Sans trop en dévoiler, Misaki no Mayoiga (son titre original) commence avec les trois « égarées » qui avancent sans bruit et traversent la zone dévastée de Kitsunezaki, le cap du Renardeau (clin d’œil à l’apparition des yôkai à venir). Les maisons et les constructions sont ravagées. En contraste, la mer bleue est calme et la nature luxuriante. Qui sont-elles ? La grand-mère et ses deux petites-filles ? Ce n’est qu’après avoir découvert la demeure au style traditionnel de la vieille dame, à l’écart du village et au sommet d’une colline qui surplombe la mer, que le réalisateur décide de nous présenter les trois personnages.

© Sachiko Kashiwaba, KODANSHA / 2021 The House of the Lost on the Cape Committee

Yui et Hiyori sont deux jeunes filles qui ont en commun des traumatismes familiaux. Sans tout révéler, pour Yui, la lycéenne de 17 ans, ce sont des problèmes relationnels avec son père. Et pour la petite Hiyori, elle a perdu la parole depuis la mort de ses parents. Perdues et sans toit, c’est ainsi qu’elles rencontrent Kiwa à l’aide alimentaire. La vieille dame leur propose de jouer pour elles le rôle de grand-mère de substitution.

Bienvenue à la maison ! Yôkai et humains y sont bien reçus…

La légende des maisons magiques de la région d’Iwate

Grâce à la mayoiga, la maison magique qui se plie en quatre pour ses hôtes selon les légendes de la région d’Iwate, les deux adolescentes peuvent se ressourcer et créer de nouvelles habitudes. L’une des grandes réussites du film est de transporter le spectateur dans le quotidien des Japonais. La première partie est plutôt calme. C’est alors à travers des gestes simples de tous les jours comme le ménage, le partage des repas, les courses et le travail ou l’école, que Yui et Hiyori retrouvent plaisir à vivre.

© Sachiko Kashiwaba, KODANSHA / 2021 The House of the Lost on the Cape Committee

Un folklore riche avec de nombreux yôkai

Si le fantastique est présent dès le début, c’est sous forme d’indices. Et c’est dans la seconde partie que le folklore japonais prend littéralement vie. La grand-mère (re)connecte Yui et Hiyori avec les légendes et ces êtres fantastiques que sont les yôkai et qui existent. Assez méfiante, la jeune Yui a d’ailleurs peur à un moment qu’il ne s’agisse en fait de la sorcière du conte Hansel et Gretel.

Les différents passages où elle explique les histoires et coutumes locales sont importants. Ce sont les traditions qui unissent les gens du coin qui ont le pouvoir de guérir. Les apparitions commencent avec les kappa, tortues humanoïdes assez drôles qui se joignent à un repas. Dans une seconde mayoiga, les protagonistes rencontrent une multitude de yôkai différents, dignes d’une parade nocturne des 100 démons (Hyakki yakō). On apprécie le clin d’œil à Shigeru MIZUKI avec les statues de kappa rouges de la ville de Tōno, dans le département d’Iwate.

Shintoïsme et bouddhisme au secours des Japonais

A ces créatures surnaturelles folkloriques, s’ajoute une dimension spirituelle avec les deux religions principales du Japon : le bouddhisme et le shintoïsme. Torii, sanctuaire, kamidana, préparation du matsuri, cérémonie mortuaire bouddhique, statues Jizô et chiens-lions komainu protecteurs sont autant d’éléments qui ajoutent du réalisme. Aucun élément n’est là sans raison et la danse du renard, tradition de Kitsunezaki où les enfants se déguisent en renard et dansent tout en agitant des flèches purificatrices, est liée à une ancienne légende qui pourrait bien aider les héroïnes à sauver le monde d’un mystérieux serpent de mer qui se nourrit de la douleur et du mal-être des humains…

Avec La Maison des égarées, Shinya KAWATSURA signe un second long métrage tout en douceur avec son mélange de quotidien japonais. Le spectateur, enfant comme adolescent, peut facilement s’identifier à Yui ou Hiyori. Si l’intrigue n’apparaît pas clairement dès le début du film, c’est pour mieux développer l’histoire des personnages principaux. L’apparition progressive redynamise le tout mais des spectateurs pourront se trouver en mal d’action devant ce film qui peut avoir un problème de rythme et qui risque ainsi de perdre certaines personnes en cours de route. La fin peu originale, attendue et assez expéditive noircit le tableau. A réserver aux fans du folklore japonais et aux films tranches de vie. Rendez-vous le 28 juin dans les salles obscures !

David Maingot

Responsable Culture à JDJ et passionné de la culture et de l'histoire du Japon, je rédige des articles en lien avec ces thèmes principalement.

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