Interview Kitarô KÔSAKA : Okko et les fantômes… de Ghibli ?

Longtemps resté un réalisateur et animateur de l’ombre au sein du Studio Ghibli alors qu’il a travaillé sur tous les grands films de MIYAZAKI ou TAKAHATA,  KÔSAKA Kitarô nous revient cet été après un break de 5 ans pour sa première réalisation en toute liberté, avec Okko et les fantômes, sélectionné au festival d’Annecy et annoncé sur grand écran en France le 12 septembre 2018.

Retour sur la carrière d’un homme qui sort de l’ombre et qui débute, à 56 ans, une nouvelle carrière..

Kitaro Kosaka Okko

Carrière : retour sur l’époque Ghibli

Né le 28 février 1962 dans la préfecture de Kanagawa au sud deTokyo, le jeune Kitarô fait pourtant ses études dans un lycée de Fukaya, dans la préfecture de Saitama située au Nord de la capitale nippone. Sa carrière débute en 1979, à son arrivé au studio Oh! Production (Goshu le violoncelliste, Lupin III, Doraemon). Il débute comme animateur clé pour de nombreux projets et notamment pour les films du studio Ghibli tels que Nausicaä de la vallée du vent, puis Le Château dans le ciel (1986), Le Tombeau des lucioles (1988) et Pompoko (1994). Il collabore également avec le studio Madhouse, tout d’abord en tant que storyboarder et animateur sur les séries Yawara! (1989-92) et Master Keaton (1998-99) et il y a fait aussi ses premières réalisation de courts et moyens métrages principalement.

Après ses premières collaborations avec MIYAZAKI Hayao  et TAKAHATA Isao  il passe directeur de l’animation pour Si tu tends l’oreille mais aussi co-responsable de l’animation pour Princesse Mononoké (1997), Le Voyage de Chihiro (2001), Le Château ambulant (2004), Ponyo sur la falaise (2008), et La Colline aux coquelicots (2011).

Du 2 au 6 juillet 2014, KÔSAKA Kitarô  fut aussi l’invité d’honneur dela section animation à Japan Expo au Parc des Expositions de Villepinte, à Paris, l’occasion d’une première rencontre avec notre confrère Paoru.fr autour de la crise que traversait à l’époque le studio Ghibli.

Quatre ans plus tard, c’est donc pour Okko et les fantômes que nous avons le plaisir de le retrouver en marge du festival d’Annecy… 

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Journal du Japon : Bonjour monsieur KÔSAKA. Vous venez pour la promotion de votre premier long-métrage. Dans quel état d’esprit êtes-vous ? 

Kitaro KOSAKA : Je suis très surpris que l’on m’ait invité au Festival d’Annecy et que le film soit présenté puisque c’est une oeuvre que j’ai d’abord conçue pour un public fan du roman, puis essentiellement japonais.  Je suis très heureux qu’ils soit présenté à l’étranger.

La dernière fois que vous êtes venu en France, c’était à la Japan Expo en 2014. Entre la création du studio Ponoc et vous qui réalisez ce film avec Madhouse et DLE, est-ce que l’on peut dire que l’animation japonaise a tourné la page Ghibli selon-vous ? 

Je pense que c’est un tournant important dans tous les cas pour le Studio Ghibli et l’animation japonaise, dans la mesure où beaucoup de collaborateurs formés dans ce studio sont partis. Ces derniers ont pu créer dans un autre cadre, ce qui a permis d’épanouir leur inspiration et d’élargir leurs influences. 

Ça a été une page très importante dans l’histoire de l’animation japonaise.

Qu’est-ce que cela signifie pour vous d’être un ancien de chez Ghibli : est-ce une philosophie, une façon de travailler qui va vous guider à l’avenir ou plutôt une pression sur vos épaules ?

C’est une question difficile. Cela n’est pas très bien de ma part, mais quand je travaillais chez Ghibli, cela me paraissait normal, il y avait un quotidien n’ayant rien de sensationnel, et je faisais mon travail sans forcément me poser de questions. 

Et quand on me demande ce que j’ai pu acquérir au fil de ces années, je n’arrive pas à trouver les mots justes. Il faudrait que je réfléchisse davantage à la question car c’est encore, pour l’instant, difficile à exprimer. 

 

Okko, son enfance et son fantôme

OKKO et les fantomes afficheRésume officiel du film : Seki Oriko, dite OKKO, est une petite fille formidable et pleine de vie. Sa grand-mère qui tient l’auberge familiale la destine à prendre le relai. Entre l’école et son travail à l’auberge aux côtés de sa mamie, la jeune Okko apprend à grandir, aidée par d’étranges rencontres de fantômes et autres créatures mystérieuses ! 

Venons-en au film maintenant : comment êtes-vous arrivé sur le projet, avez-vous participé au recrutement du staff?

A l’origine j’ai été contacté par la production pour des esquisses pour le développement du projet et notamment le dessin de l’affiche provisoire. Au vu des très bonnes réactions, ils m’ont proposé la réalisation du film que j’ai acceptée avec plaisir. 

J’ai ensuite participé au recrutement et ce fut compliqué car il y a une pénurie d’animateurs chevronnés au Japon quand il y a plusieurs longs-métrages d’animation en production, ce qui était le cas. Mais tout s’est bien passé, c’est l’essentiel. 

Ah ! L’affiche actuelle est provisoire, une autre nous attend ?

J’y travaille à mon retour d’Annecy, à suivre…

Ok, intéressons-nous au reste du film alors. Avec un synopsis qui démarre sur le deuil de l’héroïne, quelle ambiance vouliez-vous donner au film ?

De nombreuses histoires pour enfants commencent avec un deuil. 

Nous avons justement beaucoup travaillé sur la scène de l’accident en souhaitant qu’elle soit à la fois forte et digne, tout en évitant qu’elle ne plombe le personnage de Okko et l’ambiance de tout le film. D’ailleurs, comme en témoignent les réactions du public lors de la première mondiale à Annecy, le film offre plein d’occasions de sourire et de rire. La scène de l’accident étant l’occasion de la première rencontre entre Okko et Uribo le fantôme, elle sert de fil conducteur au film dans une dynamique positive qui est celle du dépassement face à l’adversité. 

Le chara-design mignon et les couleurs plutôt vives, ainsi que la jeune héroïne laissent penser que le film s’adresse plutôt à un jeune public : est-ce le cas ? Qu’est-ce que des adultes pourront y trouver sinon ?

Bien sûr, on pourrait croire que cela s’adresse aux enfants. Pourtant, les premiers lecteurs du roman sont désormais des adultes. On a donc aussi conçu ce film en pensant à ces derniers, qui ont dorénavant entre 25 et 35 ans.

C’est un film pouvant être vu aussi par les adultes, car ils peuvent réfléchir et prendre du plaisir en le regardant.

Okko et les fantômes

On associe en Occident généralement les fantômes à une représentation négative, horrifique voire effrayante par le cinéma de genre ou la BD. Quels ont été les éléments présentés pour en faire des fantômes bienveillants, positifs, surtout pour les Occidentaux n’ayant pas cette culture ? 

Je pense que je vais être surpris par la réaction du public français. Je n’ai aucune idée de la réception à venir car je ne connais pas bien la culture occidentale. Au Japon, que ce soient les divinités ou les yōkais, ils sont un peu au service des humains.

Cela fait partie de la culture japonaise, on a des divinités bienveillantes ou malveillantes pour tout servant au quotidien afin de contrôler la société. Par exemple : quand on veut faire construire quelque chose, on a besoin d’une divinité pour faire une prière et s’attirer les bonnes augures. 

A propos des fantômes, chacun est libre d’y croire ou pas, c’est un pan important de la culture japonaise (NDR : cf l’exposition actuelle au Quai Branly « Fantômes d’Asie »). Mais je dirais que pour chaque enfant la notion d’ami imaginaire, très connue des psychologues, est une des illustrations de l’importance de ce ressort psychologique pour grandir.

Okko et le fantôme

Qu’est-ce que vous aimeriez que les gens retiennent de ce film, au final ? 

Ce projet qui m’avait été proposé par la production est une adaptation d’une série de romans jeunesse, donc il était primordial pour moi de respecter cette oeuvre. C’est pourquoi, par exemple, le design des personnages peut étonner certains. 

Mais pour moi la moindre des choses quand on adapte une oeuvre c’est de rester fidèle à son univers graphique. 

J’ai néanmoins insufflé dans cette adaptation des choses très personnelles en souhaitant que le film puisse être vu à la fois par des adultes et des enfants. C’est un film très japonais et on a beaucoup travaillé sur des détails, comme par exemple, les menus à l’auberge, sur des recettes particulières, et nous voulions transmettre cette idée du partage et du don de soi par le réconfort d’un bon repas. Je souhaitais aussi que le film soit ancré dans la réalité du Japon d’aujourd’hui et pas que dans des traditions surannées et quelques peu idéalisées. Je voulais que Okko soit une petite fille d’aujourd’hui et réagisse comme tel, de manière crédible, d’où la scène du shopping et son côté volontairement kawaï. 

Okko est comme les enfants d’aujourd’hui, des personnes multiples qui peuvent se retrouver tant à l’aise lors d’une cérémonie traditionnelle en kimono que vêtue de la dernière mode lors d’une virée shopping.

Ce que je voudrais que les gens retiennent avant tout, c’est l’importance de la résilience et le fait que lorsqu’on est confronté à un drame, même au plus jeune âge, le meilleur moyen de se reconstruire est le partage, le don de soi et le pardon. Et les fantômes aident aussi… 🙂 

Message passé ! Merci pour votre temps et bonne chance au film !

Okko et les fantômes

En attendant la sortie du film le 12 septembre prochain, suivez son actualité via les réseaux sociaux d’Eurozoom, sur Facebook ou Twitter.

Remerciements à Kitarô KÔSAKA pour son temps et à l’équipe d’Eurozoom pour la mise en place de cette interview.

Paul OZOUF

Rédacteur en chef de Journal du Japon depuis fin 2012 et fondateur de Paoru.fr, je m'intéresse au Japon depuis toujours et en plus de deux décennies je suis très loin d'en avoir fait le tour, bien au contraire. Avec la passion pour ce pays, sa culture mais aussi pour l'exercice journalistique en bandoulière, je continue mon chemin... Qui est aussi une aventure humaine avec la plus chouette des équipes !

1 réponse

  1. 4 septembre 2018

    […] Retrouvez notre interview du réalisateur, l’ancien de Ghibli qui déploie ses ailes, Kitaro KOSAKA ici. […]

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