Yuzu Natsumi, du shamisen et des musiques pop vitaminées !

A l’occasion de sa troisième tournée en France et de sa venue à Japan Expo cet été, Journal du Japon a pu interviewer Yuzu Natsumi, la chanteuse et joueuse de shamisen aux musiques pop et traditionnelles. Lors de cet entretien, on revient sur sa carrière de musicienne, son instrument qui embarque dès la première note le public pour le Japon, le kiyari ou chant des pompiers, sa joie de revenir en France et ses projets.

Yuzu Natsumi
©Yuzu Natsumi

Journal du Japon : Bonjour et merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Tout d’abord, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Yuzu Natsumi : Je m’appelle Yuzu. Je suis chanteuse et compositrice et je joue du shamisen, sorte de luth japonais traditionnel. Je suis originaire de la région de Toyama au Japon. Après environ 10 années de carrière de musicienne professionnelle à Tokyo, j’ai déménagé l’année dernière aux États-Unis. J’habite maintenant à New York où je me produis et fais la promotion de la musique japonaise. J’aime voyager à travers le monde avec mes instruments. Actuellement, j’ai réalisé des spectacles dans 16 pays dont l’Islande, la Serbie, l’Inde et la Thaïlande. Cette année, cela sera ma troisième tournée en France après Japan Expo 2019 et 2022. Je suis tellement heureuse de revenir !

Pourquoi avoir choisi ce nom d’artiste et le shamisen ?

Mon nom d’artiste Yuzu est basé sur mon vrai nom et Natsumi n’a pas réellement de signification… J’ai commencé à utiliser ce pseudo sur internet quand j’étais adolescente. Je ne me souviens plus pourquoi j’ai choisi Natsumi, peut-être juste parce que cela sonnait mignon. Quand j’ai démarré ma carrière solo, j’ai recherché sur Google et il était unique. Et c’est ainsi que depuis j’ai gardé ce nom. Pour tout vous dire, je pense toujours à le changer pour juste YUZU mais il y a vraiment trop de concurrence sur le mot Yuzu dans les recherches Google, comme par exemple, des restaurants japonais ou des fournisseurs de nourriture dans le monde entier (rire).

Je n’ai pas débuté l’apprentissage du shamisen dans mon enfance. J’ai appris à en jouer après ma première représentation à l’étranger en 2015. À cette époque, je jouais du clavier en plus du chant. En 2015, j’ai eu l’occasion de me produire à New York. Là-bas, je me suis lié d’amitié avec de nombreuses personnes d’horizons culturels différents et je me suis rendu compte qu’il fallait que j’étudie la musique traditionnelle japonaise en tant que musicienne japonaise. J’ai ainsi essayé quelques instruments japonais pour choisir finalement le shamisen comme instrument principal.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire de la musique votre métier ?

Je n’avais jamais imaginé devenir musicienne professionnelle jusqu’à l’âge de 21 ans même si je viens d’une famille de musiciens et que la musique a toujours fait partie de ma vie. Mes parents ne s’y attendaient pas non plus car ils savaient qu’il était difficile de vivre de la musique.

Mon rêve était de devenir actrice. Je me suis spécialisée dans les arts du spectacle à l’université et j’ai rejoint quelques théâtres à Tokyo, mais à l’âge de 21 ans, j’ai eu des problèmes de santé et il m’était devenu difficile de travailler en groupe. La seule chose que je pouvais faire était de créer de la musique et de jouer des instruments toute seule. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que la musique était le travail de ma vie et depuis, c’est toujours mon métier.

Quelles ont été et sont encore aujourd’hui vos influences musicales ?

La musique d’anime et la musique Vocaloid sont des influences. J’aime la musique d’anime depuis mon enfance. Ma compositrice préférée est Yuki KAJIURA et j’écoutais ses CD tous les jours quand j’étais au collège. Quand j’étais au lycée ou à l’université, la musique Vocaloid était très à la mode au Japon. De nombreux créateurs ont commencé à composer des musiques et à les diffuser sur Internet. Je regardais de nombreuses vidéos, je jouais à des jeux d’arcade qui utilisaient la musique Vocaloid. Et j’ai d’ailleurs moi-même posté quelques chansons sur Internet, appréciant faire partie de cette culture. Cette expérience influence toujours ma musique.

Yuki Kajiura
Yuki Kajiura (Wikimedia Commons)

A travers vos chansons originales à la fois pop et traditionnelles, quels messages souhaitez-vous faire passer ?

À travers ma musique et mes représentations, j’espère que le public trouvera la musique et les instruments traditionnels cool et amusants. En fait, le nombre de joueurs d’instruments japonais diminue rapidement au Japon. J’ai peur que certains genres de musique traditionnelle japonaise disparaissent dans les prochaines décennies… J’en suis très triste. Et c’est l’une des raisons pour lesquelles je me suis lancée dans la composition de chansons pop avec des sonorités traditionnelles japonaises. Je veux encourager les gens à se sentir à l’aise avec les instruments traditionnels, comme le piano ou la guitare, afin que davantage de personnes s’intéressent à la musique traditionnelle (pas seulement japonaise, mais aussi folklorique dans le monde entier), et que nous puissions transmettre de belles traditions aux générations futures.

En quoi, d’après vous, le shamisen est-il un instrument emblématique du Japon ? Pourquoi lui et pas un autre instrument comme le koto ou la flûte shakuhachi par exemple ?

J’ai choisi le shamisen pour des raisons pratiques. Je voulais chanter avec un instrument japonais et cela serait difficile à faire avec une flûte. Et comme je voulais emporter avec moi l’instrument dans l’avion, je n’ai pas opté pour le koto qui est trop grand. Néanmoins, j’aime autant les autres instruments japonais que le shamisen ! Dans mes chansons, j’utilise des instruments comme le koto, la flûte shinobue, les tambours taiko ou le kokyu qui est une sorte de violon japonais au son magnifique. 

Vous défendez l’art du kiyari, le chant typique des pompiers. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce sujet ?

Je fais partie d’un groupe de Edo kiyari ou kiyari du vieux Tokyo. Son histoire remonte à environ 300 ans. L’origine de l’Edo kiyari est un cri de travailleurs dans la construction, tels que « à vos marques, prêts, partez ! » ou « un, deux, trois, partez ! » pendant leur travail. Les ouvriers du bâtiment étaient aussi pompiers. À l’époque, dans la ville d’Edo (l’ancien nom de Tokyo), il y avait souvent des incendies car tous les bâtiments étaient en bois. Ils savaient comment arrêter les feux parce qu’ils construisaient les bâtiments. Ils chantaient le kiyari pendant qu’ils luttaient contre le feu. Si bien que le kiyari a été transmis aux générations suivantes comme étant la musique des pompiers.

Comme d’autres arts ou sports traditionnels japonais, l’Edo kiyari était uniquement réservé aux hommes. Les femmes ne pouvaient pas y participer. Cependant, des documents historiques indiquent qu’il existait une chanson de kiyari chantée uniquement par les femmes. L’une des équipes d’Edo kiyari, la Japan Hikeshi Preserving Foundation, essaye de faire revivre cette chanson avec des chanteuses professionnelles. J’ai rejoint cette équipe en 2018, peu après la création de cette équipe féminine.

Vous revoilà en France pour Japan Expo notamment, qu’est-ce que cela vous fait ? Y-a-t-il des différences avec les nombreux autres pays où vous vous produisez ?

La France et Japan Expo sont spéciales pour moi. Je suis contente de revenir du fond du cœur ! Parmi les 16 pays où je me suis produite, y compris les États-Unis où je vis actuellement, c’est en France qu’il y a la plus grosse passion pour les arts otaku japonais, ma culture maternelle qui regroupe les anime, les mangas, les jeux et le cosplay. De plus, les Français sont très respectueux de la culture traditionnelle japonaise. C’est la meilleure occasion pour moi de partager mon amour pour la musique japonaise traditionnelle et moderne. J’espère passer un agréable moment avec mes amis français à Japan Expo !

En général, quelle est la musique que vous préférez jouer et laquelle est selon vous celle que préfèrent les spectateurs ?

En général, j’aime jouer mes chansons originales, en particulier des chansons pop et joyeuses comme SAKURA RAIN ou TURN UP!. Et je pense que ces chansons sont également les plus populaires auprès de mon public.

Après 3 albums et de nombreux spectacles et même l’animation d’émissions radio, quel regard avez-vous sur votre carrière ?

J’ai bataillé pour construire ma carrière de musicienne. Et ces deux ou trois dernières années, je commence enfin à penser que tous mes efforts portent leurs fruits. Dans ma vingtaine, ma vie à Tokyo était difficile, je vivais seule et je commençais ma carrière musicale à partir de zéro. Aujourd’hui encore, il m’arrive de penser que j’aurais pu faire mieux si j’étais née dans une grande ville ou si j’étais allée dans une école de musique, même si cela n’a rien à voir avec. Nous ne pouvons rien faire d’autre que de nous battre avec tout ce que nous avons entre les mains. Et de ce point de vue, je crois que j’ai bien travaillé.

Quels sont vos projets ?

Pour l’instant, j’ai réalisé deux de mes principaux rêves en tant que musicienne. L’un était de me produire à Japan Expo à Paris : je l’ai réalisé en 2019 et cette année, cela sera ma troisième fois. Un autre était de vivre à New York en tant que musicienne, vœu réalisé l’année dernière.

Maintenant, il est temps pour moi de réaliser le suivant : partir en voyage avec mon shamisen. J’ai toujours visité un pays juste pour me produire et je n’ai pas eu assez de temps de visiter les lieux et apprendre la culture locale. Maintenant, je souhaiterais voyager de façon plus libre et plus ouverte d’esprit. Je souhaite rencontrer des habitants du pays et apprendre de nouvelles musiques et cultures, tout en jouant mes propres morceaux. En fait, j’ai l’intention de tenter l’expérience à partir d’avril prochain et jusqu’à l’été ! Je prévois de voyager d’abord en Europe, puis de visiter quelques pays en Asie et en Afrique. J’espère vous voir en chemin !

Un dernier mot pour nos lecteurs ?

Je tiens à répéter que je suis très heureuse de revenir me produire en France cet été ! N’hésitez pas à me suivre sur les réseaux sociaux pour échanger et devenir amis en ligne afin de nous rencontrer à nouveau dans un futur proche.

Merci Yuzu Natsumi pour le temps que vous nous avez consacré et hâte de vous revoir à Japan Expo !

Les réseaux sociaux de Yuzu Natsumi :

Instagram: @yuzu_singer

YouTube: @yuzu_singer

Twitter: @natsumiyuzu

Facebook: facebook.com/natsumiyuzu

Programme à Japan Expo :

A Japan Expo, Yuzu Natsumi sera avec la danseuse Ikumi TOGAWA sur la scène SAKURA le jeudi 13 juillet de 14h00 à 14h30, le samedi 15 juillet de 11h30 à 12h00 et le dimanche 16 juillet de 9h45 à 10h15. Les deux artistes seront en dédicaces à SUMIRE 5 (Photocall) le jeudi 13 juillet de 16h30 à 17h30 et le dimanche 16 juillet de 11h00 à 12h00.

Avant Japan Expo, Yuzu Natsumi sera au Parc Oriental de Maulévrier pour Kamiplay 2023. Elle donnera ensuite le 12 juillet un petit concert au bar Le Truskel, rue Feydeau à Paris.

Interview réalisé en anglais par mail grâce à l’entremise de Sylvain de l’association Art Levant que nous remercions chaleureusement.

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©Art Levant

David Maingot

Responsable Culture à JDJ et passionné de la culture et de l'histoire du Japon, je rédige des articles en lien avec ces thèmes principalement.

2 réponses

  1. jenck dit :

    Cette interview est très instructif ! On apprend que même si yuzu a beaucoup voyagé pour ses concerts et qu’elle a accomplit de nombreux objectifs dans sa vie, elle n’avait pas le temps de pleinement profiter de ses tournées internationales et qu’elle a encore pleins de projets à concrétiser

    Ce chant particulier surprend à la 1e écoute, mais une fois qu’on est entré dans son univers ça devient stimulant. De quoi me motiver pendant de gros labeurs

  1. 28 juin 2023

    […] Yuzu Natsumi, du shamisen et des musiques pop vitaminées ! […]

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