[Interview] Yaya Han : « Se cosplayer, c’est raconter une histoire »

Yaya Han était l’une des invités phares de l’édition 2015 de Japan Expo. Officiant dans le monde du cosplay depuis maintenant seize ans, elle est l’une des figures incontournables de cet univers, et une référence en la matière. En seize ans, Yaya Han a vécu l’évolution du cosplay, de ses balbutiements à son avènement. Tantôt invitée, intervenante, juge ou animatrice, c’est en tant que cosplayeuse qu’elle revient avec nous sur ses débuts et ce qu’il en est d’être cosplayeur de nos jours.

Yaya Han Japan Expo 2015

Bonjour Yaya Han ! Vous avez fait une vidéo introductive pour Japan Expo où vous aviez l’air très émue des réactions du public suite à l’annonce de votre venue, à quel point est-ce important pour vous d’être ici ?

Yaya Han : Oh lala j’ai l’impression de rêver ! Parfois, là ce weekend, il m’arrive encore de regarder autour de moi en me disant « Je suis enfin ici, à Japan Expo, après quinze ans d’attente ! », donc effectivement c’était vraiment important pour moi d’avoir cette expérience, j’ai travaillé longtemps pour y arriver. Je suis reconnaissante et je me sens acceptée… Je veux dire, je pense que jusqu’à présent j’avais sous-estimé l’ampleur de cette convention et le calibre exceptionnel des cosplays ici. Je me demande comment certains font pour gérer cela avec la chaleur écrasante et je les félicite d’ailleurs pour leur courage ! (Rires) Tout le monde est tellement mignon et gentil ici, je suis totalement sous le charme !

Aviez-vous entendu parlé de Japan Expo auparavant ? Est-ce que la convention est célèbre aux États-Unis ?

Elle l’est parmi les cosplayeurs. Pour les fans, il s’agit définitivement du plus gros événement européen. Beaucoup de gens rêvent de venir ici, mais généralement c’est le même weekend qu’Anime Expo, la plus grosse convention américaine. Du coup, pour la plupart, cela restera toujours un rêve. Cette année j’ai séché Anime Expo, mais je n’ai aucun regret ! (Rires)

Votre premier cosplay était à Anime Expo justement, il était fait à partir de robes chinoises si je ne me trompe pas, est-ce que vous vous en souvenez ?

Mon Dieu je pense que je ne pourrai jamais oublier la confection de ce premier costume ! Je me souviens à quoi ressemblait mon appartement de l’époque, de moi assise sur le sol en train de coudre sur une petite table basse, ou des patrons et à quel point je n’y comprenais rien ! (Rires) La peur aussi de mal couper le tissu… Tout cela est gravé en moi… J’en suis heureuse car je pense qu’il est important de se souvenir de son premier costume pour voir à quel point on a évolué et surtout pour ne pas oublier d’où on vient.

Cela fait maintenant seize ans que vous faites cela, et avec toute cette expérience, à quel moment est-ce que l’on pense à devenir professionnel, et comment faire cela ?

Ouh, je suis la personne la moins bien placée pour répondre à cette question puisque précisément, cela m’a pris seize ans ! (Rires) Cela n’a jamais été mon but de vivre du cosplay, donc j’ai eu beaucoup de chance de pouvoir évoluer avec la communauté des cosplayeurs, je dirais même au sein de l’histoire du cosplay. Je pense que beaucoup de cosplayeurs aujourd’hui font cela avec un autre état d’esprit car ils ont la chance d’avoir des perspectives professionnelles devant eux. L’état d’esprit étant différent, il m’est difficile de dire : « Voilà les voies que vous devez emprunter ». Mais je sais qu’il faut être capable d’offrir un certain produit ou un service à d’autres personnes pour pouvoir en vivre. C’est la base de tout business, surtout dans les domaines artistiques. Vous devez offrir quelque chose pour lequel les gens seront prêts à payer, monnayer son talent et ses connaissances. Vous pouvez faire des tutoriaux, se costumer pour la promotion d’un jeu vidéo, ou faire des costumes pour d’autres personnes. Il faut d’abord trouver ce qui vous convient le mieux avant de se lancer et si vous êtes prêt à travailler 24h/24 7 jours/7, il ne faut pas avoir peur de se lancer et de se vendre un maximum. Ce sont probablement les meilleurs conseils que je pourrais donner.

Yaya Han Jury ECG Japan Expo

A quoi ressemblait l’univers du cosplay il y a une quinzaine d’années, était-ce vraiment différent d’aujourd’hui ?

Absolument ! Le monde du cosplay ne représentait qu’une petite portion de ce qu’il est actuellement. Nous n’avions pas de communauté online, pas moyen pour nous rencontrer et d’apprendre les uns des autres en dehors des conventions. Il y avait tellement peu de cosplayeurs à l’époque que toutes les personnes déguisées dans une convention pouvaient tenir dans une seule photo ! Nous avions évidemment des problèmes et des conflits, mais cela restait tout de même différent d’aujourd’hui et à une échelle bien plus petite.
Maintenant, il y a tellement d’événements comme l’ECG de demain. Les équipes se préparent depuis si longtemps… je veux dire, je n’aurais même pas pu imaginer cela à l’époque, ce n’était pas possible, il n’y avait pas de concept de personnes qui venaient vous prendre par la main pour vous emmener sur une scène devant 10 ou 15 000 personnes pour défiler ! On se contentait juste de se promener dans la convention et de s’interpeler dès qu’on voyait quelqu’un en cosplay : « Hey toi aussi tu es costumé ! » (Rires)

Après toutes ces années d’expérience, au final quels sont pour vous les ingrédients pour faire le meilleur cosplay possible ?

Personnellement, j’exploite au maximum les avancements dans les nouvelles technologies, les tutoriaux disponibles… la liberté de pouvoir cosplayer plus de personnages qu’avant est évidente, mes horizons d’interprétation se sont élargis, ainsi que la quantité des projets, donc j’ai de moins en moins de temps. Du coup, ce qui est important pour moi quand je fais un costume est d’arriver à gérer mon temps correctement, m’assurer que mon business va bien mais que je ne vais pas accepter trop de conventions ce qui m’assurera du temps pour pouvoir réaliser des costumes qui me convienne. Faire un costume très simple en deux jours n’est pas gratifiant pour moi créativement parlant et si je ne suis pas satisfaite, ce sera difficile pour moi de continuer. Donc la raison pour laquelle je fais toujours du cosplay après seize années est basée sur la maîtrise des savoirs-faire. Je dois avoir en tête de toujours maintenir cela en vie, que ce sont des points cruciaux… ce qui est très difficile parfois ! Quand vous passez quatre jours à Paris, puis que vous rentrez chez vous pour deux jours, puis que vous repartez en Australie pour une autre semaine… actuellement, la prochaine plage libre que je me suis organisée pour faire un nouveau costume n’est qu’à la fin juillet/début août. Donc je dois m’assurer que tout ce que j’ai entrepris est terminé afin de pouvoir me plonger totalement dans mon nouveau projet.

En dehors du cosplay, vous avez fait un peu de mannequinat. Est-ce techniquement différent de poser pour cela ? En est-il de même concernant la relation avec le photographe ?

Oui et non. Le genre de mannequinat que j’ai pratiqué peut être similaire au cosplay, et j’ai rencontré beaucoup de photographes qui trouvaient l’idée de photographier une cosplayeuse rafraîchissante, même si c’est juste pour du mannequinat, car nous n’avons pas de barrière et nous arrivons à raconter une histoire en quelque sorte.
J’ai toujours été attirée par les projets artistiques, donc tous les projets que j’ai fait pourraient être considérés comme du mannequinat traditionnel, mais c’était il y a très longtemps, ça m’a très rapidement ennuyé, donc maintenant il s’agit plus pour moi de créer un univers artistique, qu’il y ait un thème. Les photographes sont généralement ouverts à ce genre de propositions, mais on doit vraiment s’assurer qu’ils comprennent bien que c’est une collaboration. Certains photographes de mode pensent que les photos leurs appartiennent, que nous n’avons pas le droit de les utiliser et qu’au final, ils peuvent supprimer les photos s’ils ne les aiment pas. Dans le monde du cosplay, c’est vraiment à 50/50. Les photographes dépensent beaucoup d’argent dans leur équipement, mais sans nous, le costume, le maquillage, la coiffure, il n’y a pas de photo. Nous avons vraiment besoin de nous entraider, de partager ensemble les photos et se respecter mutuellement.

Dernière question : comment arrivez-vous à équilibrer vos costumes avec une touche sexy sans que cela ne soit vulgaire ?

Bonne question ! Je me cosplay différemment maintenant comparé à il y a quelques années. Comme je vous le disais, j’ai changé et évolué aux côtés de la communauté cosplay, donc je ne pourrais plus porter certains costumes que j’ai utilisé par exemple il y a cinq ans. Le public que j’ai maintenant, mais également l’organisation générale des conventions avec des photos non-professionnelles partagées partout sur la toile… Dans tout ce que je fais, j’ai de toute façon une sorte de règle personnelle disant qu’au plus le costume me révèlera, au plus il devra être travaillé car je veux que les gens comprennent pourquoi je suis habillée de cette façon, que je ne cherche pas à attirer l’attention. On attire déjà assez l’attention ! (Rires) Donc oui, pour chaque centimètre de peau dévoilé, les détails doivent être fins et triplement vérifiés, les photos doivent être faites professionnellement pour avoir l’air le plus classe possible… en tout cas j’essaie d’être classe ! (Rires)

Merci à vous Yaya Han !

Retrouvez toute l’actu de Yaya Han ainsi que les liens vers ses réseaux sociaux sur son site officiel.

Questions par Paul Ozouf, propos recueillis par Laure Ghilarducci

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