Mangomics-Access ou comment rendre les mangas accessibles autrement

Dans le milieu du manga aujourd’hui, ce qui demeure certain, c’est que le manga n’est pas forcément accessible à tous et pour tous. Même si les éditeurs agrémentent de plus en plus leur catalogue numérique, il n’en reste pas moins que pour certaines personnes, l’accès au produit même du manga est difficile. Notamment dans son utilisation et sa compréhension, c’est pourquoi nous vous propose de découvrir l’association loi 1901 Mangomics-Access qui a comme objectif de rendre accessible gratuitement des mangas et des comics aux déficients visuels tout en sensibilisant au handicap. Découvrez donc cette association à travers une interview riche en informations.

Image récapitulative du rôle de l'association Mangomics-AccessMangomics-Access : une association pour rendre les mangas accessibles aux déficients visuels

Avec l’équipe, nous avons décidé de vous présenter cette association, d’une part parce qu’elle est née quasiment en même temps que Journal du Japon, et ne serait-ce que pour saluer la longévité on se devait de vous en dire plus à son sujet, et d’autre part, car l’accessibilité et le handicap sont aujourd’hui des sujets trop souvent mis de côté et sous-représentés dans les différents débats ou même les réflexions autour du produit livre. Mangomics-Access a le mérite de vouloir offrir au plus grand nombre la possibilité de lire un manga, et cela gratuitement.

Résultat, que ce soit en texte transcrit ou en version audio, chaque personne déficiente visuellement, ou alors avec des difficultés comme ceux qui ont besoin d’un police DYS, sont concernés par l’objectif de Mangomics-Access. À l’heure où le marché du manga évolue vite, même trop vite, il est nécessaire de faire une pause et de s’attarder sur de petites structures qui œuvrent dans l’ombre pour le plus grand nombre et pour que chacun puisse assouvir son plaisir de lecture.

Bonjour et merci de répondre à nos questions. Pour commencer, pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ? Quel est votre rôle dans cette association ?

Bonjour ! Sandra Bernarot, 31 ans, passionnée par le Japon et notamment la Japanimation depuis mon adolescence. Je suis la présidente de l’association mais je fais aussi de l’adaptation de manga (transcription) et je gère le projet animation.

Comment est née l’association et pour quel objectif exactement ?

L’association est née peu après ma rencontre avec mon mari, Loïc, vice-président de l’association. Nous nous sommes rencontrés en 2011 et j’ai eu envie de lui faire partager ma passion. À l’époque, je faisais aussi du cosplay donc cela me prenait beaucoup de temps. Comme il est non voyant, il ne s’était jamais intéressé à l’univers du manga. J’ai commencé par lui faire découvrir des animés en VF, il a adoré le rock japonais des opening et ending, étant musicien. Ensuite, avec un groupe d’amis, on s’est lancé le défi de lui adapter les mangas pour qu’il puisse aller plus loin dans la découverte. On était cinq, on a pris cinq premiers tomes et on a recopié les dialogues puis ajouté une narration, un peu comme de l’audiodescription mais romancé. Il a adoré ! On s’est dit que, puisque les chapitres étaient adaptés, autant les diffuser plus largement. De là est née l’association, en 2012.

On lance souvent ce genre de projet dans une optique précise car on ne trouve pas forcément ce que l’on veut, donc quel bilan avez-vous réalisé lors de la création de l’association sur l’accès au manga pour les personnes en déficience visuelle ?

Avant notre association, le manga n’était pas accessible car très visuel. Seuls les déficients visuels avec un résidu visuel suffisant pouvaient lire les mangas, et encore, seulement ceux avec une police d’écriture assez grande et bien contrastée. Depuis, nous avons proposé des adaptations textes et audio pour les non-voyants et les plateformes légales de scan ont permis aux malvoyants de profiter de l’aspect visuel grâce à la qualité d’image et aux fonctions de zoom (même si ce n’était pas le but recherché par ces plateformes).

Dans l’équipe de Journal du Japon, on est plus tourné manga que comics, donc dites-nous avec quel manga vous avez découvert ce genre livresque ?

Le premier manga que j’ai lu était Card Captor Sakura je crois, il a bercé mon adolescence par son animation diffusée sur M6. J’ai ensuite découvert l’excellent Fruits Basket qui restera mon coup de cœur côté Shojo et le premier manga que j’ai acheté avec mon argent de poche au lycée.

Pourquoi avoir changer le nom de votre association ? Un souci de visibilité ?

Nous l’avons changé car nous voulions qu’il reflète bien l’identité de l’association, le premier était un nom trouvé rapidement par notre petit groupe avant la création de cette dernière. Mangomics-Access est composé de nos trois projets : « Mang » pour Manga « omics » pour Comics et « Access » pour l’Accessibilité.

Trombinoscope de Mangomics-AccessÊtes-vous nombreux ? Est-ce difficile de trouver du monde pour participer à votre projet ?

Nous sommes à ce jour 22 membres dans l’association. Ce n’est pas simple de trouver du monde pour participer à ce projet bénévole, surtout pour la partie livre audio car nous demandons une certaine qualité d’enregistrement et donc une certaine qualité de matériel. Aussi, c’est un engagement difficile à mesurer en terme de temps car selon le manga, cela peut être long et prendre plusieurs années pour aller au bout de l’adaptation.

Comment fonctionne votre travail au niveau des titres que vous choisissez ? Est-ce libre ou imposez-vous des séries ?

Comme cela reste du bénévolat, nous souhaitons que les membres qui nous rejoigne, partagent leur passion, ils ont donc le choix du titre. Il faut bien sûr que le titre soit publié en France et en français. Nous leurs laissons la possibilité de reprendre un titre en pause (transcripteur parti avant la fin de l’adaptation), de choisir un titre dans la liste de suggestion des utilisateurs ou bien un titre de leur bibliothèque.

Peut-on vous rejoindre facilement pour faire agrandir votre catalogue ?

Pour nous rejoindre, que ce soit pour les adaptations textes ou les livres audio, il vous faudra passer un petit test. Dans le cadre du texte, ce sera le premier chapitre du manga ou du comics que vous souhaitez adapter. Dans le cadre du livre audio, un enregistrement sonore selon les consignes du responsable audio pour vérifier la qualité d’enregistrement. Nous ne sommes pas des professionnels et nous n’exigeons pas une qualité pro, bien entendu, mais nous voulons néanmoins que cela soit agréable pour nos utilisateurs.

Participez-vous à des salons, conventions, forum où votre présence serait la bienvenue ? Le handicap, comment arrivez-vous à en parler au grand public ?

Nous participons à plusieurs conventions autour de la culture japonaise, surtout dans le Grand Est, ainsi qu’à quelques journées dédiées au handicap. Nous avons un projet que nous appelons le projet animation et qui est dédié à la sensibilisation au handicap visuel. Sur notre stand, vous pouvez participer à de nombreuses activités pour découvrir ce handicap et mieux le comprendre. Exemple d’activités : test à l’aveugle de The Last of Us part 2, jeux vidéo sonores, sudoku en braille, initiation au braille, atelier guidage… Rien de mieux qu’être en situation pour mieux comprendre et ensuite échanger !

Logo de l'association Mangomics-AccessComment faites-vous pour gérer les droits des différents titres, sachant que tous vos ouvrages sont encore en publication chez les éditeurs ? Y a-t-il un accord entre les éditeurs et votre association ?

Nous sommes inscrits à l’agrément exception droits d’auteur du ministre de la culture. Cet agrément nous permet d’adapter les œuvres publiées en France sans avoir à payer de droits dans le cadre strict d’adaptation pour les personnes empêchées de lire les œuvres originales. Par contre, ces adaptations ne sont accessibles qu’à ces personnes. Ainsi, notre site est « verrouillé » et une inscription avec justificatif de handicap est demandé pour l’accès aux téléchargements.

Comment travaillez-vous avec les personnes en déficience visuelle ? Sont-ils les bêta-testeur prioritaire avant publication finale ?

Notre responsable écrit, Loïc, le vice-président et co-fondateur du projet, est non-voyant. Il est bêta-lecteur principal et est secondé par une équipe de bêta-lecteur qui sont, à une exception près, tous déficients visuels. Toutes nos adaptations sont relues avant publication. Cela nous permet d’être certain que les adaptations sont claires et compréhensibles. Les postes de bêta-lecteurs dans l’association sont prioritairement donnés aux déficients visuels.

Avez-vous des retour positifs ou plus critique à l’inverse sur votre travail de la part de votre public cible (ou non) pour ces livres en accès libre jusqu’ici ?

Nous avons malheureusement assez peu de retour, les adaptations n’étant pas en accès libre, à l’exception de nos bêta-lecteurs. Les quelques retours que nous avons eu étaient cependant tous positifs.

Comme on parle de manga et comics en France, et leur accessibilité, on se posait la question pour le Japon, où d’après la rumeur, les personnes handicapées ne sont pas prioritaire dans la gestion du gouvernement et dans leurs accès à ce type de produit, donc auriez-vous des informations dans l’idée France vs Japon vs même USA pour ce type de projet ?

Nous savons que dans la francophonie, nous sommes les seuls pour l’instant à opérer en ce sens, en tout cas légalement. Pour le Japon, un comédien de doublage nous avait un jour indiqué qu’en Asie, l’adaptation en livre audio se faisait mais nous n’en savons pas plus.

Auriez-vous un message à faire passer en particulier ?

Si vous avez envie de faire partager votre passion des comics ou des mangas, vous êtes les bienvenues dans notre folle équipe de mangoustes ! Sinon, un simple partage nous aide beaucoup, merci !

Merci de nous avoir accorder de votre temps.

 

Pour en apprendre davantage sur l’association, voire la rejoindre, n’hésitez pas à les joindre sur leur twitter, leur page facebook, à les suivre sur leur chaine youtube, et à vous renseigner sur leur site internet.

Charlène Hugonin

Rédactrice à Journal du Japon depuis quelques années, je suis un peu une touche-à-tout niveau mangas, anime et culture. Mais j'ai une jolie préférence pour tout ce qui a trait à la gastronomie japonaise, et ce qui tourne autour et même le sport ! Peut-être pourrons-nous même en parler ensemble ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Verified by MonsterInsights