Sola : quand Kyushu rencontre la France

Journal du Japon a eu l’occasion de se laisser porter le temps d’un dîner dans l’univers sensitif du Chef Kosuke Nabeta chez Sola. Une symphonie de saveurs à la croisée des chemins entre France et Japon. Un moment en suspens dans la chaleur de cette petite perle de 20 tables nichée au cœur du 5e arrondissement de Paris.

Le chef Nabeta a succédé en 2017 au chef Hiroki Yoshitake et a réussi le tour de force de rendre à Sola en un an seulement son étoile Michelin perdue suite à l’incendie qui l’avait dévasté cette même année. Son engagement et sa discipline se ressentent dans chaque bouchée. Laissez nous vous guider.

Sola

©Damien Kesler

Fuir les bruits de la ville le temps d’un dîner

Sola restaurant

©Sola

Caché dans cette petite ruelle au 12 de la rue de l’hôtel Colbert non loin de Notre Dame, Sola affiche une devanture minimaliste et intimiste. C’est un petit havre de paix, une pause, un moment en suspension dans le chaos parisien. Les lumières tamisées invitent à ralentir et se laisser bercer par le rythme du lieu. Deux salles, deux ambiances. En entrant, le rez-de-chaussée ressemble à une petite auberge française traditionnelle. On y mange sur des petites tables en bois, ou au comptoir (sur demande). Au sous-sol, c’est une autre histoire. La descente des marches nous fait peu à peu perdre pieds avec la réalité, comme engourdis dans un rêve éveillé. La pierre et le bois de la structure offrent un cocon chaleureux et insonorisé. Bienvenus au salon japonais. On y mange à la façon horigotatsu: assis sur un coussin à même le sol, les jambes dans un trou. 

Dès notre arrivée dans la salle, l’hôtesse nous installe d’abord au vestiaire pour y déposer manteaux et chaussures. Car oui, on se met en chaussons pour manger à la japonaise ! Une fois installés à table, nous sommes complètement déconnectés. De surcroît parce que le réseau de téléphonie ne fonctionne plus. C’est donc parti pour 2h30 pendant lesquelles vos sens sont décuplés. Le menu est une surprise, il n’est communiqué qu’en fin de soirée. 

 

Un goût d’enfance

Kosuke Nabeta Sola

©Tibo Dhermy

Pour comprendre l’approche du chef Kosuke Nabeta, il faut se plonger dans ses souvenirs d’enfance. Sa cuisine se fonde sur l’harmonie du cycle des saisons. Il l’a apprise aux côtés de sa mère sur l’île chaleureuse de Kyushu. La plus au sud-ouest des îles principales du Japon bénéficie d’un climat essentiellement subtropical. Elle nous a offert le Motsu nabe : fondue qui intègre tripes de porc et de bœuf dans une soupe à base de sauce soja et d’ail ; le Mizutani : ragoût de poulet servi avec du Ponzu ; les très célèbres Yakitori : brochettes de poulet juteux, ou encore le Tonkotsu ramen : une des variétés de ramen les plus célèbres au monde. Et Kosuke Nabeta !

Le talentueux Chef ne se prédestinait pas à devenir un chef étoilé. Son sens artistique exacerbé fait de lui un manuel de talent dans des domaines aussi variés que la guitare et la céramique. Intrinsèquement liée au Japon, la céramique est un élément central d’exaltation des plats. Le plaisir de manger passe par l’aspect esthétique. Ce principe de base est un élément fondamental de la cuisine du Chef Nabeta. Parmi les pièces de son service, on y compte ses propres créations aussi belles qu’agréables au touché. C’est à l’âge de 25 ans qu’il prend conscience que la cuisine touche aux 5 sens et lui permet d’exprimer sa créativité au plus haut niveau. Ainsi, il s’y consacre entièrement et commence par quitter Kagoshima, sa terre natale, pour se rendre à Tokyo, d’abord dans le but d’y devenir musicien. Artiste et esthète, sa créativité débordante est aujourd’hui concentrée dans ses plats. C’est en travaillant dans des restaurants français et italiens à Tokyo qu’il s’éprend profondément de la cuisine. Il quittera le Japon pour continuer son parcours de formation en 2017, pour Londres d’abord, puis arrivera enfin à Paris pour notre plus grand plaisir en participant au lancement d’ERH. Il reprendra ensuite Sola en 2018.

L’Omakase : menu unique en 7 temps

Pénétrer au cœur de l’Omakase (« je m’en remets à vous » en japonais), c’est se laisser guider à travers les fantaisies et les saveurs du Chef. Aucun plat n’est décrit à l’avance. Les serveuses toutes plus passionnées et bienveillantes les unes que les autres vous demandent de savourer chaque bouchée, d’analyser les associations, les textures, les techniques de cuisson. Elles ne donnent aucun indice sur le plat servi. C’est ainsi que vous vous laissez porter par le rythme des services, des fragrances, des couleurs, des contrastes avec la vaisselle modelée à la terre des vignobles français par le Chef lui-même. Une expérience méditative aussi intense que gustative.

Le cérémonial commence avec l’amuse-bouche : un jardin Zen japonais renfermant une touche de chaque plat à venir. La serveuse nous conseille de commencer la dégustation par la cuillère placée au centre du Jardin Zen. Dessus y est placée une belle démonstration de cuisine moléculaire, renfermant dans une bulle d’eau, un puissant dashi de shiitake et konbu surmonté d’un champignon de Paris. Tout autour, une huître immergée à même sa coquille dans du tosazu léger (bouillon de bonite) qui se marient à merveille et s’opposent aux saveurs dominantes du foie gras fumé au bois de sakura sur un lit sucré de figues et amandes. Enfin, la fraîcheur et la tendresse du tartare de thon s’oppose au craquant de la chips de riz sur laquelle il repose. Une valse de sensations qui nous transportent les unes après les autres de surprise en surprise. Le ton est donné.

Sola restaurant

©Damien Kesler

S’ensuit la première entrée : un thon de la Mer du Nord en tataki mariné au garum accompagné de ponzu, radis noir, huître et poireau ; la deuxième : Saint Jacques de Normandie en style Rikyu Age et Aburi ; puis la troisième : foie gras du Pays de la Loire fumé au sakura… un enchainement de mets aux saveurs subtiles, l’une accentuant ou rehaussant l’autre. Tantôt la délicieuse et juteuse anguille se mêle au croquant et savoureux risotto à la truffe noire savamment grillé. C’est ensuite au tour du gigot et carré d’agneau de lait d’être rehaussés d’une saveur subtile mais audacieuse dû à la cuisson au charbon. Une touche du Maître. Le Japon épouse la France avec délicatesse, sans dominer, mais en élevant les produits locaux à leur plus haut potentiel. Le Chef Nabeta se fournit en circuits courts, et réutilise tout en cuisine. C’est un Chef d’orchestre méthodique, précis, et calme. Il laisse le temps suivre son cours et respecte le cycle des saisons en prenant le meilleur de chacune et en leur apportant sa touche délicate. Sa technique favorite : le binchotan, cuisson au charbon originaire du sud du Japon, initialement Wakayama, puis se répandant sur Shikoku et Kyushu. 

Le service s’achève sur les notes sucrées d’amazake, de yuzu et de sarrasin savamment cachés dans nos desserts quotidiens. Le temps s’est arrêté un court instant, trop court ! Les yeux encore rêveurs du voyage sensoriel, il est temps de se rechausser et remonter à l’étage. Le téléphone reprend contact avec le monde extérieur et se remet à biper alors que nous retournons à la cohue parisienne dans la fraicheur de la nuit. Une expérience inoubliable. 

Sola restaurant

©Damien Kesler

Si vous aussi vous souhaitez vous couper de Paris pour un voyage sensoriel entre France et Japon le temps d’une soirée, Sola est l’adresse qu’il vous faut ! Des produits saisonniers de qualité, travaillés avec tout le savoir-faire d’un chef étoilé. Laissez-vous guider et perdez pieds avec la réalité.

Informations utiles:

Dîner
tous les soirs, du mardi au samedi
Menu dégustation en 7 séquences
130 euros
 
Déjeuner
vendredi et samedi midi
Menu dégustation en 6 séquences 
85 euros

Sola restaurant ・ 12 rue de l’Hôtel Colbert, Paris 5e ・ 01 42 02 39 24 ・ sola.contact@gmail.com

Le site du restaurant: www.restaurant-sola.com

 

Cristina Thaïs

Je suis passionnée de culture japonaise. J'aime étudier, comprendre les différences et les complexités de ce magnifique pays, non sans mille contradictions. Je voyage une fois par an au Japon pour le parcourir de long en large. J'ai un point faible pour les expositions, la mode, les cosmétiques japonais, le J-rap et la bonne cuisine locale. J'adore échanger sur ces sujets, alors n'hésitez à me laisser un commentaire! @tinakrys

2 réponses

  1. Tony Saille dit :

    j’aime beaucoup la cuisine japonaise

  1. 14 mai 2022

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