Japan Weekend 2023 : Rencontre avec Hideaki Tsuji, professeur de shamisen

La Japan Weekend 2023, c’est aussi des rencontres marquantes comme cela a été le cas avec Hideaki TSUJI. Le professeur de shamisen manie l’instrument avec finesse et nous a fait partager sa partition lors du festival. C’était l’occasion pour les spectateurs de découvrir un objet encore méconnu en France et en Europe. Journal du Japon en a profité pour échanger avec lui sur son parcours et sa passion du shamisen

Entretien avec un virtuose de la guitare japonaise

©Leo Thomas pour Journal du Japon

Hideaki Tsuji a fait ses études au Japon mais aussi en France. Il voulait apprendre la guitare classique avant de se recentrer sur le shamisen. Depuis 20 ans, il enseigne la guitare au Conservatoire Nationale de Région de Strasbourg. Le moins que l’on puisse dire est qu’il a fait salle comble pendant son unique concert lors du festival.

Une centaine de curieux étaient présents pour découvrir cet instrument encore trop méconnu en France. Dès que l’artiste s’est mis à jouer du shamisen, le voyage musical au pays du Soleil Levant était garanti. Chaque morceau racontait une histoire. Par exemple, il y avait celle très originale d’un samouraï tombé amoureux qui renonce à son statut pour devenir ramasseur de coquillages.

Concert de Shamisen, Hideaki TSUJI, ©Leo Thomas pour Journal du Japon

Avant sa prestation à la médiathèque André Malraux de Strasbourg, Hideaki Tsuji nous a accordé cet échange très intéressant autour de sa passion pour le shamisen et la guitare mais aussi sur ses futurs projets.

Journal du Japon : Bonjour Hideaki et merci de nous accorder cette interview. Pouvez-vous nous en dire plus sur vous ?

Hideaki Tsuji : Je suis un musicien japonais et je réside en France depuis 1993. Je suis arrivé en France pour apprendre la guitare classique au conservatoire. J’ai fait les conservatoires de Nice, Lyon, Paris et j’ai terminé mes études à Strasbourg. Parallèlement, j’avais des projets musicaux dans la musique traditionnelle dont la pratique du shamisen. Aujourd’hui, j’enseigne la guitare classique au conservatoire de Strasbourg.

Depuis quand pratiquez-vous le shamisen et pourquoi cette passion pour l’instrument ?

J’ai démarré l’apprentissage du shamisen en 1999, ma curiosité est venue par rapport aux regards extérieurs. J’ai commencé à m’intéresser aux différents côtés de la culture traditionnelle japonaise que je trouvais merveilleux, que je n’avais pas remarqué quand j’étais au Japon et c’est comme ça que j’ai commencé à apprendre le shamisen.

Pour ceux qui ne connaissent pas cet instrument, pouvez-vous nous expliquer en quoi il consiste ?

Le shamisen est un instrument de la famille des cordes pincées. Il a trois cordes et sur la caisse de résonance, la peau d’animal est tendue. On le traduit souvent comme la guitare japonaise mais il est plus proche du banjo par rapport à la sonorité. Pour jouer les cordes, on utilise le bati qui permet de jouer la corde et en même temps de frapper sur la peau. La sonorité du shamisen est à la fois mélodique est percussif.

En regardant plusieurs vidéos, vous évoquiez un style venant du nord du Japon, quelle est sa particularité ?

Avec la musique du shamisen, on y trouve plusieurs styles. Tous les joueurs ne pratiquent que un ou deux de ces styles car l’instrument en lui-même est différent. Il y a trois types de shamisen : le petit, le moyen et le gros. Le shamisen est utilisé dans le théâtre kabuki, dans la musique de salon ou dans les spectacles de marionnettes. Je pratique le style « tsugaru shamisen », c’est un style développé au nord du Japon par des musiciens non-voyants. C’était une façon de survivre pour ces gens-là. C’est comme le cirque, ils allaient jouer dans les rues pour gagner leurs vies. Le shamisen accompagne le chant mais le joueur joue une interlude avant le chant et à la fin c’est devenu plus long que le chant en lui-même. A l’époque, un producteur a proposé à un des musiciens de sortir un album et ça a cartonné.

Combien de temps faut-il pour maîtriser le shamisen ?

Tout dépend des personnes, il y en a qui arrivent en deux semaines et d’autres au bout de trois ans. Cela dépend aussi de votre motivation et de votre aisance. Tous ceux qui n’ont jamais joué du shamisen, il faut plusieurs mois pour jouer correctement un morceau voire un an. J’ai joué sur la scène en moins d’un an.

Quelles difficultés peut-on rencontrer lors de l’apprentissage du shamisen ?

C’est l’utilisation de la main droite avec le bati. On bloque le poignet dans une manière qui peut faire mal et pendant que vous jouez, il faut garder cette posture. Au début, vous ne pouvez pas jouer plus de cinq minutes car ça fait tellement mal mais on s’y habitue. Ceux qui n’ont jamais utilisé un instrument de musique, se servir de la main gauche peut être aussi compliqué, il faut cherche le son à l’oreille.

Vous enseignez vous-même le shamisen ?

J’ai eu quelques pratiquants qui voulaient apprendre le shamisen et réellement acheter l’instrument. Énormément de gens sont intéressés et la difficulté c’est qu’on ne peut pas se procurer l’instrument dans les boutiques spécialisées en Europe, il faut commander au Japon. Ça coute cher, le moins cher est à 1 000€ avec tout le matériel.

Qu’est-ce qui a motivé ces pratiquants à jouer cet instrument ?

Parmi les premiers élèves que j’ai eu, il y avait une Allemande déjà musicienne et elle s’était intéressée à sa sonorité. Et d’autres connaissaient l’instrument via les dessins animés japonais. Quand ils m’ont écouté, cela leur a donné l’envie d’en jouer. Certains sont devenus musiciens et d’autres non. Mais parfois je propose des initiations pour promouvoir la culture japonaise.

Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui souhaiteraient apprendre à en jouer ?

Ça peut vous ouvrir de nouvelles rencontres et de partages. Mais il faut un apprentissage régulier car ce n’est pas évident. Si on est motivé, il y a le fruit que vous pourrez récolter et c’est délicieux !

Comment jugez-vous la place du shamisen en France ?

Le shamisen est moins reconnu par rapport à la flûte japonaise traditionnelle, il n’y a pas trop de joueurs de shamisen en France et en Europe mais cela commence à avoir de la popularité.

Quelle importance accordent les Japonais à cet instrument ?

Le shamisen est toujours très populaire : il touche un peu tous les publics, notamment les anciens qui aiment la musique traditionnelle et de l’autre côté, des personnes qui découvrent l’instrument via la pop culture.

Quels projets prévoyez-vous de réaliser durant les prochains mois ?

Cette année, j’ai participé à un projet de ciné-concert Naruto qu’on a fait sur une dizaine de dates et puis ça redémarre la saison prochaine à Paris et en Europe. Je travaille dans le domaine de la musique contemporaine. J’aimerais bien faire des créations avec des compositeurs européens.

Pour terminer notre échange, quels sont vos endroits favoris au Japon ?

Ma région est celle de Shiga avec le lac Biwa qui est le plus grand du Japon et puis c’est plutôt axé sur la campagne avec des petites villes. J’aime beaucoup Hokkaido, j’y suis allé pour la première fois et c’est la destination des touristes japonais pour faire du ski l’hiver et en été avec le climat continental et les fruits de mer excellents !

Si vous voulez regarder plus en profondeur son travail ou bien le contacter, vous pouvez consulter son site internet. Merci à Hideaki Tsuji pour le temps qu’il nous a accordé et nous lui souhaitons une bonne continuation dans ses projets !

Leo Thomas

Passionné de la culture japonaise depuis plusieurs années, je fais transpirer cette passion via des articles sur des domaines variés (conventions, traditions, littérature, histoire, témoignages, tourisme).

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