Les coups de cœur J-music 2023 !

L’année 2023 a été riche en J-music. Les concerts en France ont repris petit à petit avec un certain succès comme RADWIMPS, Kyary Pamyu Pamyu, BABYMETAL, ONE OK ROCK, MAN WITH A MISSION, VICKE BLANKA ou encore Miyavi. Des salles pleines et des artistes impatients de venir ou revenir en Europe. Le vent tournerait-il enfin pour la J-music après des années de galère ? Possible. Ado remplit le Zénith en mars et Joe Hisashi deux fois La Défense Arena au printemps. De quoi encourager plus d’artistes à venir chez nous.
Mais pour le moment notre équipe s’est pliée en quatre pour vous dévoiler ses coups de cœur de l’année précédente !

Jin Dogg – Put in Work

Jin Dogg – Put it Work | 03 – Performance | From Osaka

Ce titre a bercé mon année 2023. Je l’ai écouté partout et tout le temps. Le trajet du métro le matin, le retour le soir, sous la douche, sans arrêt et sans jamais me lasser. Commençons par le clip: Jin Dogg a initialement présenté Put in Work sur la chaîne YouTube de 03 – Performance, une chaîne qui offre la possibilité aux nouveaux acteurs de la scène rap japonaise de se faire connaître, ou aux vétérans de tester leur public. Il existe deux versions pour ce morceau: la vidéo de 03 – Performance (en lien ci-dessus), et le clip officiel de Jin Dogg. J’ai choisi la vidéo 03 – Performance car elle a eu plus d’impact sur moi. L’atmosphère du lieu et la situation donne à ce morceau toute la vibe d’Osaka (ville d’où est originaire Jin Dogg). La scène s’ouvre sur un vieux restaurant de yakitori crasseux (c’est dans les vieilles marmites que l’on fait les meilleures soupes), spécialité très prisée de brochettes de la ville. Au comptoir, un MC TYSON discret sirote sa bière. On ne le remarque presque pas. Jin Dogg sort des toilettes du fond de la salle, et se positionne devant le micro. Le ton est donné!

Il nous crache ses rimes avec aisance en dialecte d’Osaka à la sauce bari umai sur une base lourde de UK drill, très en vogue au Japon actuellement tout comme la Trap par laquelle il s’est fait un nom. Ce son donne une énergie incroyable à l’auditeur. Le mélange de la voix moqueuse et énervée de Jin Dogg associée à cette boucle entêtante vous restent dans le crâne toute la journée. Pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore, Jin Dogg, de son vrai nom Jake Yun, est né le 10 septembre 1990 à Ikuno-Ku (le Korea Town d’Osaka) d’un père coréen zainichi de deuxième génération et d’une mère coréenne. C’est un rappeur trilingue japonais, coréen et anglais. Le nom de Jin Dogg est dérivé de son rappeur américain préféré SNOOP DOGG et du Jindoggae, une race de chien traditionnelle coréenne. Il est également l’un des rappeurs ayant une vision unique du monde, ses headbanging intenses et ses performances live démentes ayant conquis le cœur de nombreuses personnes. Maître incontesté de la Trap, il est reconnu sur la scène locale pour ses beats sombres et angoissants mêlés à une voix criarde. Il a imposé un style hybride unique, très populaire auprès de ses pairs et du public japonais. Il est de tous les featurings actuels, et il a joué dans son tout premier film cette année: Sin Clock (sorti en février 2023) sur lequel il a reçu de nombreuses critiques positives pour sa performance. Gardez vos yeux grands ouverts sur Jin Dogg cette année!

(Cristina Thaïs)

betcover!! – Uma

©betcover!!

Depuis l’interview que nous lui avions donné en mars 2023, le groupe betcover!! a poursuivi son rythme effréné d’un album studio par an depuis 2019. Moins d’un an après la sortie de Tamago (Oeuf) en décembre 2022, le groupe mené par Jiro Yanase sort en octobre Uma (Cheval), à la saveur encore une fois bien différente des précédents. Recueil de 8 chansons, la durée totale de celui-ci ne franchit pas les 30 minutes, une première pour les tokyoïtes. Avant de plonger dedans, revenons rapidement sur l’année 2023 de betcover!!. Potentiellement la plus importante et mouvementée de leur carrière, elle commence par une première tournée nationale en l’honneur de Tamago. Au cours de celle-ci, ils sortent par surprise leur deuxième album live en mars. Ils dévoilent le 16 octobre leur cinquième opus studio Uma, annonçant le même jour une seconde tournée pour la fin d’année.

Uma dégage une énergie difficilement descriptible après sa première écoute. Il est peut-être plus fou et plus libre que les précédents disques. La seule certitude est qu’il ne laisse pas indifférent, tant le mouvement est constant au sein-même des chansons. Il démarre de manière électrique avec Virtual Sex et son interjection d’introduction “Bakayaro !” (“Imbéciles !”). Ce premier morceau, très rapide et submergé de détails, introduit l’album d’une belle manière. Il plonge l’auditeur dans son ambiance délirante. Le troisième titre, Kagami (“Miroir”), poursuit cette folie. Profondeur du son, changement de tempo, élégance, puissance … il reflète tout ce que le groupe sait faire de mieux. Le morceau est marqué par les excellentes performances instrumentales comme vocale. La ligne de basse, bien épaisse et distordue, signe l’un des points forts de ce titre et du suivant, Flamenco. Celui-ci, moins dense mais tout aussi excellent, est fort de par sa mélodie plus légère. Il est groovy et possède surtout un ton clair, plus amusant. Pour un public étranger à la musique de betcover!!, je conseillerai sûrement Flamenco en premier. Enfin, l’avant-dernier titre Enten no Hi (“Journée ardente”), le seul illustré d’un clip, est également un morceau marquant de cet album. Plus long et plus dense que les autres, il est imprévisible, à l’instar de Uma. Enten no Hi se veut intense et théâtral, avec de nombreuses variations dans le jeu d’instruments comme dans le débit vocal.

Comme à son habitude, la plume de Jiro Yanase se pare d’une encre poétique et folle mêlant histoires banales, réflexions réalistes et fictions absurdes. Il n’y a aucun message caché dans les textes, bruts et libres d’être interprétés comme chacun le souhaite. Uma n’est pas un album à thème ou contant une quelconque histoire, il est une bande originale qui habille un film imaginaire. Il brille de par sa justesse technique, ses excès de folie, sa fraîcheur et son atmosphère aux nombreux qualificatifs. Je n’ai présenté que la moitié des chansons, mais il est sans dire que le reste de l’album est tout aussi intéressant et mérite d’être écouté ! 

(Corentin Gaudé)

betcover!! – Enten no Hi

Kaneko Ayano – Towelket ha Odayakana

©Kaneko Ayano – 1994 Co., Ltd

Près de 2 ans après Yosuga, la chanteuse Kaneko Ayano revient avec un nouvel album studio, quelques jours avant son trentième anniversaire. C’est ainsi en janvier 2023 qu’elle dévoile Towelket ha Odayakana (Une serviette de bain est paisible). Plutôt que de prendre une nouvelle direction, l’artiste parfait sa sonorité indie rock bien caractéristique. Les habitués de sa musique pourront ainsi retrouver cette constante oscillation entre puissance et douceur, sublimée d’une pureté qui touche directement le cœur. Les nouveaux auditeurs pourront de même facilement trouver leur compte, grâce à la diversité qu’offre l’album.

Towelket ha Odayakana s’ouvre sur le charismatique Watashitachihe (Pour nous). Sur ce titre, Kaneko livre une performance vocale pleine de passion et de force. Le mix est très proche d’un enregistrement live, avec un chaos d’instruments se bataillant au départ, avant de s’harmoniser, y rajouter un chœur, puis laisser les guitares rugir à la fin. Après ce démarrage en puissance, le morceau Yasashii Guitar (Guitare gentille) vient apporter de la légèreté et de l’insouciance. Les trois morceaux suivants s’inscrivent dans un registre similaire, bien que tous plein de personnalité et abordant des thèmes différents. L’album prend ensuite une trajectoire calme puis même intimiste avec Kibun (Humeur) et Tsukiakari (Clair de lune). Le premier se présente comme une balade douce et fragile, qui prend le temps d’édifier son final retentissant. Le second est un poème musicalement morose et nocturne, dans lequel le clair de lune s’apparente à une lueur salvatrice face à la douleur et la solitude. Avant-dernier de l’album, le brillant titre éponyme est un dernier pic de caractère et de puissance avant de conclure en tranquillité sur Moshimo (Si).

Kaneko Ayano croit au kotodama (« mots-âmes »), un concept qui reconnait un pouvoir spirituel à la langue. A l’aide de sa voix singulière, crue et magnifique, elle donne vie aux mots dont elle croit qu’ils ont le pouvoir d’altérer la réalité. Il y a quelques années, la chanteuse avait l’habitude d’écrire des chansons regorgeant d’énergie et redonnant le moral à quiconque les écouterait, à commencer par elle-même. Dans ses deux derniers opus, cependant, l’artiste transcrit ses émotions du quotidien et compatit avec l’auditeur plutôt que de lui imposer une joie illusoire. Elle écrit ainsi sur l’instabilité émotionnelle (« Mon humeur est toujours en dents de scie » dans Kibun), sur la complexité d’un amour potentiel (« C’est normal de ne pas comprendre un amour ambigu » dans le titre éponyme) ou encore sur la détresse causée par les pensées intrusives (« Mes pieds sont sur le point d’être englouti par l’obscurité » dans Tsukiakari). Towelket ha Odayakana est un album fidèle à la musique de Kaneko Ayano, tout en passant un cap dans le fond comme la forme. C’est un recueil de chansons poignantes qui surmonte la barrière de la langue, recommandable à tout public !

(Corentin Gaudé)

Kaneko Ayano – Watashitachihe (performance studio)

Ado – Ado’s Utattemita album

© Ado – Universal Music Group

Ado fait partie de cette nouvelle génération qui va nous surprendre. Les billets pour son concert au Zénith de Paris le 11 mars 2024 sont partis en un éclair et de nombreuses personnes n’ont pas réussi à obtenir malgré les 6000 places disponibles. Idem en Belgique, avec une salle d’une capacité encore plus importantes de 15 000 places. Une nouvelle génération d’amateurs de musique est née. Et elle me donne beaucoup d’espoir en ce qui concerne l’avenir de la J-pop en France et plus généralement en Europe.

En 2023, elle a sorti pas moins de neuf single, tous en démat, qu’importe, elle trust le premières places dans charts. Elle est récompensée en fin d’année avec un premier passage dans l’émission de fin d’année Kōhaku Uta Gassen sur la NHK. L’année précédente c’était juste l’avatar de Uta (ONE PIECE RED). Cette fois elle est là, dans un décor magnifique, on ne distinguera que sa silhouette comme dans tous ces concerts, mais le spectacle et la puissance de sa voix est totalement incroyable. Le titre SHOW est un carton, créé pour l’attraction du studio Universal d’Osaka pour Halloween. Ce qui fait la force d’Ado c’est de savoir bien s’entourer pour créer ses tubes. Celui-ci est composé par Giga et TeddyLoid et les paroles de TOPHAMHAT-KYO (FAKE TYPE.). Pour la chanson Kura Kura, le générique de SPYxFAMILY, elle se pait tout simplement les services de Yoko Kanno et SEATBELTS pour les arrangements.

Ado – Kura Kura le générique de SPYxFAMILY

Dans son album Ado’s Utattemita album elle reprend des artistes J-pop comme des gros titres de vocaloid qui ont bercés son adolescence. Elle reprend Dried Flowers de Yuuri, Tsumi To Batsu (Crime and Punishment) de Ringo Sheena (avec qui elle a collaboré sur Rebellion). Evidemment les reprises sont magnifiques, elle met sa voix au service des chansons pour le donner ce petit plus qui fait tout. Ringo Sheena en interview s’accorde à dire que la voix d’Ado est parfaitement pour ses compositions. Si un jour TK from Ling Tosite Sigure (Toru Kitajima) veut lui écrire une chanson, je serais ravie. Sa reprise du hit Unravel est parfaite. Quand il faut jeter ses tripes dans une chanson, elle sait faire.

Si en concert, elle a déjà interprète Mayonaka no Door~Stay With Me de Miki Matsubara, mais sur l’album c’est Kazari ja Nai no yo Namida wa de Nakamori Akina, un autre titre de city pop à qui nous avons droit. Elle se nourrit de tous les styles et tout lui va.

Je connais pas ou peu les autres titres, mais j’ai eu le plaisir de découvrir d’excellente chanson comme Aishite Aishite Aishite de Kikuo featuring Hatsune Miku. Elle hurle autant qu’elle fait s’envoler sa voix. C’est splendide. Je connais un peu plus HoneyWorks avec le tittre, Kawaikute gomen, qui a cartonné sur Tik-Tok et qui à la base est un titre chanté par une fan de LIP × LIP (Heroines Run the Show). Le titre Villain est une chanson de Teniwoha mettant en avant une fleur, on y aborde le thème de la dysphorie de genre et de la transition de genre. Avec le titre God-ish de pinocchiop, un autre vocaloid connu dans le milieu. Et on termine sur la plus connu des vocaloid Hatsune Miku et son titre Buriki no dance datant de 2013 et Dawn and Fireflies de 2016 sur une musique de N-buna.

Cet album regorge de titres chers au cœur d’Ado et qui sied si bien à son timbre de voix. Cette année encore elle a été un de mes coups de coeur, je ne pensais pas qu’elle viendrait si vite en France et qu’elle pourrait se payer le luxe faire une tournée à guichet fermé dans toute l’Asie, les Etats-Unis et l’Europe. On vit une belle période.

(Tatiana)

King Gnu – The Greatest Unknown

©King Gnu – Sony Music Entertainment

Après avoir attendu presque 4 longues années, King Gnu revient enfin avec son quatrième album studio, The Greatest Unknown (Le plus grand inconnu). L’un des groupes de J-Pop les plus populaires de leur génération opte cette fois pour une direction artistique entre le grandiose et le mystique, comme l’indique si bien le titre. La première variable était déjà au centre de leur dernier projet Ceremony, basé autour de l’univers du spectacle. Depuis la sortie de celui-ci en 2020, King Gnu cumulait les singles pour divers programmes, dramas et animes, dont le terriblement addictif SPECIALZ, générique de l’arc Shibuya dans l’anime Jujutsu Kaisen. Là où le succès local était venu en 2019 grâce à leur tube Hakujitsu (Soleil radieux), 2023 fut l’année de la reconnaissance à échelle mondiale pour le groupe, avec l’énorme succès de SPECIALZ. Toujours mené à la baguette par le polymathe Daiki Tsuneta, le quatuor atteint de nouveaux sommets avec The Greatest Unknown, long de presque 1h répartie sur 21 titres.

Comme sur les deux précédents, l’album s’ouvre sur un morceau instrumental, amuse-bouche avant un étonnant démarrage tout en beauté et douceur. Porté par la voix angélique de Satoru Iguchi, ses sonorités évolutives et sa dernière envolée majestueuse, Chameleon est un bijou d’un minimalisme touchant. Après une transition qui l’amène parfaitement, c’est le célèbre SPECIALZ qui vient nous faire bouger avec son ambiance oppressante et funky. On poursuit le segment Jujutsu Kaisen, puisque les 2 chansons suivantes sont les thèmes principaux du film de 2021, dont le sublime Sakayume (Rêve contredit par la réalité). S’en suit le titre Ikaros (référence directe au mythe d’Icare), une balade élégante mêlant airs de mandoline, atmosphère planante et magnifiques performances vocales. L’ovni Asura, musicalement délirant et hystérique, marque la milieu de l’album. Le morceau crie à l’anticonformisme et à la récréation jusque dans ses paroles. En bref, un véritable remède contre les coups de mou du quotidien ! Dans cette lignée on retrouve un peu plus tard 2 M O R O, doté d’une énergie fun et explosive, et dont le message est de s’abandonner à un bon lit douillet ou un bain bien chaud quand l’on en a marre de tout. King Gnu ont tout du train de vie de rockstars, mais ils n’oublient jamais leur public pour qui le quotidien n’est pas toujours si coloré. Avant-dernière du disque, BOY est une chanson à l’âme innocente, emplie de vitalité et de légèreté. Son rythme entraînant et sa richesse instrumentale en font un parfait compagnon peu importe l’occasion, que le soleil soit de sortie ou qu’une soudaine nostalgie vous habite. Pour clôturer avec la manière, le titre Sanmon Shosetsu (« Roman à deux sous ») s’offre une version alternative (l’originale étant sortie en 2020). Différente de par sa production plus artificielle et atmosphérique, elle transmet moins de pureté et d’intensité mais n’en reste pas moins une belle et puissante conclusion à ce quatrième opus du quatuor japonais.

The Greatest Unknown remplit ses promesses en tant qu’excellent album, riche de par ses nombreuses sonorités et son très bon mixage. On sent que le groupe évolue sans cesse et on ne peut pas s’empêcher d’être excité par ce qui arrivera ensuite. Si la J-Pop vous intéresse, et que vous n’y êtes pas encore familier, alors ce disque constitue une bonne porte d’entrée vers le genre. Si vous êtes juste curieux d’en savoir plus sur la musique de King Gnu après avoir entendu une de leurs chansons, je le recommande également. Cependant, en tant que fan, cet album peut s’avérer un peu … décevant. Dans les 21 titres, on compte 11 singles sortis auparavant (malgré quelques versions alternatives, que je trouve souvent moins bonnes), 7 morceaux de transition, et donc seulement 3 nouvelles chansons à découvrir. L’attente a peut-être été trop longue et le teasing trop grandiloquent. Cela n’empêche rien au fait que le tout soit excellent et surtout très bien mis en œuvre ! C’est l’une des grandes sorties de 2023. C’est une pièce parfaitement orchestrée, mais aussi en quelque sorte une playlist tant la variété sonore est grande. Il va sans dire que chacun trouvera son compte et saura apprécier à leur juste valeur l’ensemble des morceaux qui composent The Greatest Unknown.

(Corentin Gaudé)

King Gnu – SPECIALZ (générique de l’arc Shibuya de Jujutsu Kaisen)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous aimerez aussi...

Verified by MonsterInsights