Voyage musical vers Okinawa avec le Paris Sanshin Club – Partie 1
Parmi les spécialités de l’archipel d’Okinawa, on compte les succulents goya, le majestueux château de Shuri, les eaux cristallines des îles Miyako, la verrerie Ryukyu Garasu ou encore la colorée teinture bingata. Mais pour célébrer l’année du serpent, l’équipe de Journal du Japon s’est intéressé à une autre spécificité locale : la guitare sanshin !
Voyagez jusqu’aux îles subtropicales nippones grâce à ses notes envoutantes et à nos cinq intervenants, tous appartenant ou ayant appartenu au Paris Sanshin Club, un club dédié aux amoureux de ce fabuleux instrument. Dans cette première partie, cinq membres du club reviennent sur leur rencontre avec la culture d’Okinawa et leur rapport avec cette guitare singulière.
L’interview se déroule en compagnie de Tomy Quenet (en tenue azur et rouge), président du Paris Sanshin Club qu’il a rejoint en 2016, et de trois autres membres actifs : Alexandre Shelledy (en haut à gauche), Zoé Larguille (en bas à gauche) et Rodrigo Shigueiro Siroma (en tenue bleu et or), tous ayant rejoint le club entre 2023 et 2024. Le dernier intervenant, Florian Bricard (présent sur la seconde photo), est le co-fondateur et un ancien instructeur du club (2014-2016). Il est aujourd’hui professeur de la Fédération de min’yō de Miyako à Naha, Okinawa.

Présentations
Depuis le collège, Tomy s’intéresse au Japon à travers des mangas puis des anime. Il était particulièrement intrigué par Okinawa car elle n’était pas une région japonaise populaire à l’époque, simplement présentée comme le « Hawaii nippon » la démarquant ainsi de l’image qu’il avait du reste du pays. Il a foulé son sol pour la première fois en 2014 lors de son séjour d’un an au Japon en Permis Vacances-Travail (PVT). Deux ans plus tard, il rejoint le club pour s’y investir hebdomadairement, aussi bien pour y découvrir de nouvelles chansons, s’entraîner pour les scènes et performances mais aussi pour aider les nouveaux membres à progresser dans leur pratique. Tomy pratique aussi un peu le ukulélé.
En ce qui concerne Alexandre, c’est dans le cadre d’une année d’initiation à la langue japonaise qu’il a vécu, à ses neuf ans, son premier contact avec le Japon. C’est par l’apprentissage du sanshin que son contact avec Okinawa a pris une réelle signification. Il a rejoint le club en 2024, et son rapport au sanshin s’inscrit dans sa passion des instruments à cordes – pratiquant lui-même de la guitare (en plus du piano) – et dans son intérêt pour les cultures asiatiques.
Dès son enfance Zoé a toujours été passionnée par la culture japonaise. Elle a donc cherché très tôt à en apprendre plus en lisant des magazines et documentaires, en apprenant la langue ou en lisant des mangas. En commençant ses études de japonais à l’Inalco, elle a pu en apprendre plus sur Okinawa et sur les discriminations subies par ses habitants. Le sanshin est le premier instrument qu’elle apprend (depuis 2024), ce qui lui octroie une place spéciale dans son cœur, en plus d’être un instrument issu d’une culture qu’elle étudie et qui la passionne particulièrement.
Rodrigo vient de Campo Grande, dans l’État de Mato Grosso do Sul au Brésil, où il y a eu une grande immigration japonaise, principalement d’Okinawa. Ses grands-parents étaient ainsi concernés.
« Depuis mon enfance, ma famille m’a toujours encouragé à participer aux activités sportives et culturelles dans les différentes associations japonaises et okinawaïennes. » nous confie-t-il.
Il y jouait du sanshin et y pratiquait l’eisa (danse avec des tambours) avec ses frères et cousins. Adolescent, il a découvert plusieurs programmes d’échanges financés par le gouvernement d’Okinawa pour faire venir des descendants sur leurs îles. Ainsi, Rodrigo y est allé pour la première fois en 2004 dans le cadre du programme Junior Study Tour. En plus du sanshin, dont il a rejoint le club en 2023, Rodrigo joue également du cavaquinho. Avec ces deux instruments, il joue aussi bien des morceaux d’Okinawa que brésiliens (samba, choro…).
Enfin, concernant Florian, il a eu la chance de passer trois semaines en séjour linguistique dans une famille d’Okinawa à la fin de sa première année. Il reconnait avoir voyagé, à l’époque, pour suivre un ami en 2001 par intérêt pour la langue plus que pour le pays. Sa première expérience du Japon a donc été à Okinawa, où le mode de vie et les gens lui ont beaucoup plu. Il y est revenu plusieurs fois jusqu’à finalement s’y installer.

Le charme des îles Okinawa
Journal du Japon : Bonjour à vous tous, nous vous remercions chaleureusement d’avoir accepté de répondre à nos questions. Comment présentez-vous Okinawa au public français ? Quels sont vos arguments pour les encourager à visiter ?
Tony : Okinawa constitue les îles tropicales du Japon, situées tout au sud-ouest, à mi-chemin entre Taïwan et l’île de Kyûshû. Cette situation géographique explique les influences de la Chine dans sa culture, qui la démarque de manière significative des autres préfectures du Japon. Visiter cette contrée encore assez méconnue en Occident permet de découvrir une autre facette du Japon, atypique et dépaysante, en plus de pouvoir profiter d’un climat tropical tout au long de l’année. Okinawa possède les plus belles plages du Japon, et recense de nombreux spots de plongée, notamment pour voir les tortues et les raies manta. Il est également le berceau du karaté, avec ses nombreuses écoles et ses pratiquants venant du monde entier pour y faire des stages de perfectionnement ou pour participer à des événements de célébration. D’un point de vue historique, Okinawa a été le théâtre de la guerre du Pacifique durant la seconde guerre mondiale, laissant des traces encore perceptibles de nos jours. La culture okinawaïenne est encore bien représentée par sa musique et son instrument phare, le sanshin. Également, à l’instar de certaines autres régions du Japon, sa danse traditionnelle « eisa », parfois spectaculaire, est dansée avec des gros taiko (tambours japonais) lors d’événements annuels incontournables. Ces derniers peuvent parfois rassembler des dizaines d’équipes de danse (par quartier), remplissant un stade entier de spectateurs venus pour voir se perpétuer cette tradition.
Alexandre : Le sanshin est justement une des bonnes raisons de visiter les îles de la région d’Okinawa, puisque la pratique de cet instrument s’entoure de nombreux autres événements culturels qui valent le déplacement : danses, spectacles, sans parler des superbes costumes qu’arborent les musiciens et danseurs d’eisa. Cette danse était pratiquée originellement pour raccompagner les esprits des ancêtres venus visiter leur famille pendant les fêtes d’Obon.
Zoé : Je n’y suis jamais allée donc ce que je vais dire ne se base que sur ce que je connais, mais je pense que c’est un lieu où il fait bon vivre de par son climat, mais aussi sa nourriture qui est réputée très saine. En tant que membre du Paris Sanshin Club, je dirais aussi que c’est une culture ouverte sur l’extérieur, créative et qui aime partager ses traditions.
Avez-vous remarqué des aspects dans la culture d’Okinawa se démarquant de celles des autres préfectures ?
T : La vie et les gens sont plus relâchés et détendus, la notion du temps et de ponctualité est relative pour eux, à la différence des Japonais des îles principales. On voit les influences de la culture chinoise dans l’architecture de certains bâtiments et costumes traditionnels (couleurs assez vives, par rapport au Japon, plus sobre). J’ai même déjà entendu des touristes japonais dire qu’ils n’ont pas l’impression d’être au Japon.
A : Okinawa se distingue, à mes yeux, des autres préfectures japonaises par son histoire toute particulière (royaume de Ryûkyû et rattachement relativement tardif au Japon en 1879) et par son ben, sa langue forte d’une réelle identité aux sonorités uniques, source poétique des chansons traditionnelles chantées au sanshin.
Z : Je dirais que la culture d’Okinawa est multiple : elle a été influencée par la Chine, le Japon, mais aussi par la présence américaine après la Seconde Guerre Mondiale. Il y a également une partie de nikkei-jin (population japonaise ayant émigré à travers le monde ainsi que leurs descendants) au Brésil, qui sont des descendants d’habitants d’Okinawa.
Rodrigo : Pendant des siècles, Okinawa était le Royaume de Ryûkyû qui a beaucoup prospéré grâce aux échanges commerciaux avec plusieurs pays d’Asie du Sud-Est, tels que la Chine, la Corée et le Japon. Voici quelques éléments culturels qui, à mon avis, caractérisent bien Okinawa : le sanshin est sans doute l’un des principaux éléments de la culture okinawaïenne se démarquant du reste du Japon. Contrairement au shamisen, le sanshin a un manche plus petit et sa caisse de résonance est couverte par deux peaux de serpent (généralement de python). L’eisa est la danse avec des tambours. Contrairement aux styles de taiko des autres préfectures, où ils restent la plupart du temps statique, posés sur le sol et où les joueurs exécutent plusieurs combinaisons rhythmiques percussives, dans l’eisa, les instruments sont portés par les danseurs. Cette danse est plus orientée vers les mouvements du corps et la chorégraphie, et est moins percussive que les styles de taiko des autres préfectures. Il y a également les arts martiaux, comme le karaté et le kobudo, les danses traditionnelles qui, historiquement, intègrent des éléments des plusieurs cultures asiatiques, comme le kumi-odori. Les langues des différentes îles, comme l’uchinaaguchi, le kunigami, le myaakufutsu, etc. On retrouve par exemple quelques mots dans ces langues sur les panneaux.
Florian : Ce qui m’a frappé, c’est l’ouverture d’esprit des Okinawaïens. Peut-être est-ce dû à l’histoire compliquée d’Okinawa, avec ses vagues d’occupations successives ? C’est une culture minoritaire avec ses langues (malheureusement toutes en voie de disparition), sa gastronomie, son esthétique… Les habitants sont fiers de leur identité, mais ils ne ferment jamais la porte. Les gens sont accessibles, l’ambiance est décontractée. C’est également le cas dans le milieu de la culture, qu’il s’agisse de musique, de karaté, d’artisanat… Il existe des cours ouverts à tous, les débutants sont les bienvenus, et le mot d’ordre est généralement la bienveillance.
La beauté du sanshin
Quel fut votre premier contact avec le sanshin ? Qu’appréciez-vous avec cet instrument ?
T : J’avais toujours voulu apprendre à jouer d’un instrument de musique atypique. J’étais au départ intéressé par le shamisen en écoutant les musiques d’un jeu vidéo, puis lors de mon PVT, j’en ai parlé à un ami qui m’a dit que si j’allais à Okinawa, il y avait un instrument similaire, plus petit, moins lourd (ce qui m’arrangeait comme j’étais plutôt nomade durant ce séjour), moins cher et plus facile à apprendre. C’était le sanshin. Une fois sur place, j’ai fait un cours d’essai avec un luthier un peu « rock’n’roll » qui savait parler anglais (chose rare dans cette préfecture), et j’ai décidé de lui acheter un instrument. Ce que j’apprécie, c’est qu’il s’agit d’un très bel instrument avec sa peau de serpent. Ensuite, le son si particulier qu’il dégage est unique et me rappelle immédiatement la mer, les plages et la culture d’Okinawa.
A : C’est lors d’un cours d’initiation au sanshin proposé par le Paris Sanshin Club que j’ai découvert cet instrument. Du fait de ses trois cordes, de son manche sans frettes, de ses couleurs vives et de ses partitions singulières écrites en japonais et à la verticale, le sanshin présente de nombreux attraits. Par exemple, la rythmique envoûtante des chansons et airs accompagnant les danseurs d’eisa, et la pureté des notes qui peut se comparer au son des gouttes d’eau d’après la pluie.
Z : Une ancienne membre du club de sanshin et camarade de classe m’y a introduit et m’a invité à venir essayer. J’aime ses sonorités et le fait que ce soit un instrument qui sonne encore mieux lorsqu’on joue de manière collective.
R : Depuis tout petit, j’écoutais des morceaux de sanshin à la maison et dans l’Association Okinawa. J’ai commencé à jouer du sanshin et danser de l’eisa à l’âge de 11 ans, ce qui nous permet non seulement d’apprendre à jouer les morceaux mais de ressentir chaque note jouée pour que nos corps soient synchrones avec la musique lorsque l’on danse. J’ai toujours appris des anciens que c’est grâce au sanshin – à travers les paroles en langues locales de ces morceaux – que les tentatives d’effacement et de standardisation culturel et linguistique mises en place à Okinawa ont été atténuées. En tant que descendant des migrants Okinawaïens au Brésil, le sanshin a une double signification pour moi : une représentation de cette résilience identitaire de nos ancêtres et l’âme d’Okinawa dans nos familles. Qu’ils soient apportés d’Okinawa lors de l’immigration ou fabriqués dans les nouveaux pays avec les matières disponibles, les sanshin sont généralement transmis entre les générations. Lorsque nos ojii (grand-père) et obaa (grand-mère) nous voient jouer, ils sont toujours heureux et dansent. Même si on ne joue pas forcément bien, pour eux, voir les nouvelles générations jouer et s’approprier le sanshin signifie la continuité de cette culture. Étant en France, j’ai toujours cherché des activités pour me rapprocher de mes origines. Même si le cavaquinho me rapproche de mon pays, c’est le sanshin qui me rapproche de ma famille.
F : Lors de mon premier séjour, j’ai été invité par une équipe locale de danse eisa a participer à l’un de leurs entraînements. On m’a donné un tambour et montré les pas, mais je suis un danseur assez médiocre. En revanche, le sanshin que jouaient les musiciens qui nous accompagnaient m’a beaucoup intrigué. J’ai fini par en acheter une réplique en boite de conserve (un kankara sanshin) à la fin de mon séjour, puis un véritable sanshin en peau de serpent l’année suivante. J’ai fini par être embauché comme vendeur par le luthier qui m’avait vendu le sanshin l’année suivante, tout en prenant des cours du soir.
Musicalement, c’est le rythme des chansons qui m’a intrigué au premier abord. Le rythme était très cryptique pour moi, pas vraiment binaire, ni vraiment ternaire… Je me perdais dans ses phrases musicales qui commençaient, s’arrêtaient et s’enchaînaient de manière inattendue. Concrètement, le concept de « mesure » n’existe pas dans la musique d’Okinawa, la mélodie se développe plus librement dans le temps. J’ai beaucoup aimé internaliser cette « asymétrie », cette structure moins rigide. Mais la rencontre n’a pas été uniquement avec le sanshin : ça a aussi été avec les musiciens. À l’atelier de lutherie, j’ai eu la chance d’être rapidement entouré de passionnés, musiciens aguerris et excellents pédagogues qui se sont mis en quatre pour me faire découvrir et apprécier leur culture. J’aimerais croire que leur discipline et leur ouverture d’esprit a un peu déteint sur moi.
Comment présentez vous le sanshin au public français ? Qu’est-ce-qui le distingue des autres guitares ?
T : Le sanshin est un luth à trois cordes recouvert d’une peau de serpent et qui, je pense, est le symbole le plus fort représentant Okinawa. Il produit un son si particulier (un peu similaire au banjo)… soit on déteste soit on adore. Malgré l’absence de frettes, techniquement parlant, il est plutôt facile à prendre en main par rapport à d’autres instruments. Le nombre de notes de base n’est pas très conséquent, ce qui fait que la main gauche n’a pas besoin de beaucoup bouger sur le manche, rendant la prise en main facile (en tout cas, pour les chansons traditionnelles de base).
A : Le sanshin doit s’essayer pour être apprécié. Une posture particulière est de rigueur et seule une initiation peut réellement ouvrir un horizon sur cet instrument et sa tessiture moins vaste que celle d’une guitare à six cordes, mais dont les notes jouées les unes après les autres n’en ont que plus de force et de profondeur.
Z : Déjà, je leur dirai que ce n’est pas une guitare ; il n’y a que trois cordes et on ne fait pas d’accord comme sur une guitare. Il y a également une similitude avec des instruments comme le violon ou le positionnement des doigts est très précis.
R : Traditionnellement il n’y a pas d’accords ; on joue plutôt note par note. On peut jouer avec différents raccordements (en respectant les distance entre les notes de chaque corde) et les partitions ne correspondent pas exactement aux notes mais plutôt aux positionnements des doigts sur le manche.

Une mélodie venue d’ailleurs
Dans quel contexte se joue traditionnellement le sanshin ? Est-il accompagné d’autres instruments ?
T : Lors de l’époque des Ryûkyû, le sanshin accompagnait les cérémonies de la cour, avec de la flûte, du taiko et de la danse. Il s’est par la suite popularisé et a fait émerger des chants folkloriques, racontant la vie et les faits quotidiens des habitants de l’île (histoires d’amours contrariées, beauté des paysages et lieux, guerre, célébration des récoltes, travail dans les champs…)
A : Le sanshin trouve son origine dans le sanxian chinois au manche plus long, et se joue en accompagnement de chants traditionnels dont certains remontent à l’époque du royaume de Ryûkyû (du XIVe au XIXe siècle). Il accompagne les joueurs de tambours japonais taiko et les danseurs d’eisa.
R : Comme n’importe quel instrument musical, le sanshin se joue pour plusieurs occasions. Il peut être accompagné du koto (un type de harpe), du kucho ou kokyu (un type de violon qui ressemble au sanshin), de la flûte et des instruments de percussion, comme des taiko ou sanba (un type de castagnettes).
F : Dans le cas du sanshin, on doit faire la différence entre deux traditions distinctes : celle de la cour royale des Ryûkyû – qu’on appelle aujourd’hui koten – et celle des villes et villages – qu’on appelle le min’yô.
Le koten était joué par des diplomates et hauts fonctionnaires dans le cadre de cérémonies et de banquets officiels, en général en accompagnement de danses ou de théâtre musical kumi-odori. C’est un répertoire solennel et très codifié joué par un petit orchestre comprenant une flûte, un taiko, une cithare koto et un kucho (version miniature du erhu chinois), avec le sanshin et la voix en personnages principaux. Aujourd’hui encore, c’est une musique qui est essentiellement jouée sur la scène des théâtres ou a l’ancien château royal de Shuri.
Le min’yô, c’est la musique du peuple, de la vie quotidienne – travaux des champs, comptines, danses de villages – mais aussi des « cabarets ». C’est une musique de divertissement enjouée, qui laisse de fait beaucoup plus de latitude à l’interprète. Chaque « aire culturelle » de la préfecture a également son répertoire bien à elle. Le min’yô s’est beaucoup professionnalisé au cours du XXe siècle avec ses chanteurs stars, ses maisons de disques spécialisées, ses émissions de radio et de télévision… C’est un peu la bande son de l’Okinawa de l’après-guerre. Aujourd’hui la mode est un peu passée dans les médias, mais c’est une musique qui est encore très pratiquée dans les bars, les MJC, les clubs de jeunes, ou dans les matsuri – ce qui fait probablement du sanshin l’instrument traditionnel le plus joué au Japon.
Dans quel registre musical s’inscrivent les joueurs de sanshin ?
A : Le registre musical des morceaux de sanshin varie d’une chanson à l’autre, allant de la complainte amoureuse aux chants populaires les plus festifs, en passant par des élégies à l’honneur de l’île d’Okinawa et de sa grande beauté.
F : On trouve encore aujourd’hui beaucoup d’interprètes traditionnels, de chansons qui ont parfois plusieurs centaines d’années. Une nouvelle tendance intéressante également depuis les années 1990 est l’utilisation du sanshin dans la musique pop également, soit par des artistes locaux comme par exemple BEGIN ou Natsukawa Rimi, ou même de musiciens venus de métropole, comme The Boom.
Pouvez-vous brièvement présenter en quoi consiste « le passage d’examen de sanshin » ? Que se passe-t-il si un pratiquant de sanshin le valide ?
F – Il existe différents « prix » au sanshin, qui sont en réalité plus l’équivalent des « ceintures » dans les arts martiaux que des « prix » du conservatoire. Chaque année, les pratiquants d’une fédération de musique traditionnelle sont invités à présenter une chanson correspondant à leur niveau devant un jury de professeurs. Les lauréats sont ensuite invités à se produire sur scène lors du geinôsai (gala) de la fédération quelques mois plus tard. C’est essentiellement pour les pratiquants une manière ludique de faire le point sur leur progression. Pour les plus motivés, c’est également l’occasion de se préparer à un éventuel diplôme d’enseignant en aval.
Les aspirants à l’enseignement doivent simplement passer une certification qui garantit leur compétence technique, ce qui requiert en général une dizaine d’années de pratique. Nous n’en sommes pas encore la pour le Sanshin Club de Paris, mais pour la première fois cette année, la Fédération de min’yô de Miyako (l’une des régions d’Okinawa) dont je suis adhérent, va organiser pour les membres du club un examen en distanciel pour le premier degré, le shinjinshô. Nous espérons pouvoir élargir l’examen au second degré l’an prochain, et même pérenniser ce partenariat à l’avenir. L’intérêt à terme serait par exemple d’avoir un professeur diplômé à Paris, ce qui donnerait plus de visibilité au club et faciliterait les collaborations.
Nous remercions chaleureusement tous les intervenants de l’interview quant à la présentation de ce fabuleux instrument okinawaïen, tout comme nous remercions les membres de ce club enjoué de faire résonner ces douces mélodies auprès du public français. Vous pouvez retrouver la suite de l’interview du Paris Sanshin Club ici dans la seconde partie, où nous revenons sur la création du club et sur les compositions les plus populaires !
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