La Mue : raconter son pèlerinage en bande dessinée

Qui n’a pas souhaité, à un moment où cela n’allait pas dans notre quotidien, de tout laisser derrière soi et de partir en voyage ? C’est ce qu’Emilie Saitas a fait sur un coup de tête en prenant l’avion en direction de l’île Shikoku, une des quatre grandes îles du Japon, connue pour ses nombreux temples. Cette bande dessinée autobiographique retrace cette aventure, à travers découvertes, introspections, rencontres et désir de changement… comme une mue de serpent.

Un récit de voyage introspectif

« À l’écart du monde, mais en au plus proche de soi-même, ce pèlerinage au Japon invite à se perdre pour mieux se retrouver.
Au cœur de l’île de Shikoku se trouve le chemin des 88 temples, l’un des plus anciens lieux de pèlerinage bouddhiste du Japon. Ce périple de 1 200 km serpente à travers une végétation dense et sauvage, des montagnes escarpées et des routes interminables, longeant l’océan qui se déploie à perte de vue. À l’écart du monde et au plus proche d’elle-même, Emilie Saitas se lance dans cette nouvelle aventure huit ans après avoir découvert la marche sur le chemin de Compostelle. Ce journal de bord graphique capture chaque instant de ce voyage extraordinaire, dont le décor devient le théâtre d’une mue silencieuse, où le corps et l’esprit s’allègent et se libèrent. Entre rencontres imprévues, paysages à couper le souffle et instants de contemplation et d’introspection, cette marche en solitaire est bien plus qu’un simple défi physique : une ode à la lenteur et à la transformation que seul un voyage de cette ampleur peut offrir.
»

La Mue est une bande dessinée écrite et dessinée par Emilie Saitas, illustratrice belge et publiée par les éditions Tana. Ayant déjà publié Tout un monde qui recueille des témoignages de personnes ayant choisi de vivre en accord avec leurs convictions écologiques ou sociales comme dans des tiny houses mais aussi un récit familial L’arbre de mon père qui retrace l’enfance du père de l’autrice, cette dernière réalise cette fois-ci un ouvrage autobiographique portant sur son voyage sur l’île Shikoku et son pèlerinage vers les 88 temples pendant deux mois, de juin à août. 

Il y a dix jours, je ne savais pas encore que j’allais partir pour deux mois de marche sur l’île de Shikoku au Japon. Je l’ai décidé comme ça, sur un coup de tête.

Cette bande dessinée coupée en cinq parties allant du temple numéro 1 à 88, et entièrement dessinée au crayon, mélange monologue intérieur, guide de voyage et explication des lieux et de ses traditions. Emilie Saitas n’hésite pas à dessiner des cartes et des guides pour elle-même mais aussi pour nous, lecteurs qui ne connaissons pas forcément le lieu ni sa culture.

Se perdre pour mieux se retrouver

Ce pèlerinage est un parcours spirituel bouddhiste de forme circulaire autour de l’île. L’autrice, bien décidée à faire tout le chemin après de nombreux événements peu agréables dans son quotidien, se pose néanmoins de nombreuses questions : est-ce une bonne idée de prendre l’avion après s’être jurée de ne plus voyager avec ce moyen de transport ? Réussira-t-elle à parvenir jusqu’au dernier temple même sans entraînement auparavant ?

La réponse est oui. Emilie Saitas y a même dessiné chacun des lieux croisés, quelques repas dégustés et y raconte quelques échanges avec les personnes rencontrées, parfois agréables, parfois l’inverse comme ce vieil homme, profitant de son incompréhension pour l’inviter dans sa chambre.

© Éditions Tana

La narratrice fait également beaucoup de comparaisons avec la mythologie grecque, comme l’histoire d’Orphée et Eurydice lorsqu’elle vit un au revoir « à la japonaise » avec une de ses hôtes qui la regarde partir. Pour nous, Européens, cela peut sembler étrange et Emilie Saitas parvient, avec ses propres mots et comparaisons, à nous faire comprendre sa gêne et en même temps la curiosité suscitée lorsqu’elle découvre une nouvelle culture.

Face aux portes du Ryôzen-ji, mon corps se raidit d’appréhension. C’est à peine si j’ose franchir l’entrée en bois massif flanquée de deux gardiens sculptés au regard menaçant.

Ce pèlerinage lui permet ainsi, en plus de se recentrer sur elle-même grâce à cette marche dans un pays étranger au sien, de découvrir une manière d’agir et une religion différente de la sienne. Elle y expérimente enfin les o-settai, c’est-à-dire des offrandes aux pèlerins.

Tout en la suivant dans son périple, le lecteur peut y découvrir (et admirer) les dessins des paysages qu’elle a vu ainsi que les temples et leurs particularités, tout en se demandant si elle en ressortira changée, comme si cette mue lui permettrait d’enlever un poids sur les épaules. Pourtant, bien que la bande dessinée et ses merveilleux paysages dessinés donnent rapidement envie de s’évader, nous comprenons bien que ce chemin n’a pas été sans embûches !

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