Air Gear : quand un vent de liberté souffle à nouveau

Qui n’a jamais rêvé de pouvoir voler ? De s’imaginer toucher les nuages ? Et si une simple paire de roller pouvait vous en offrir la possibilité ? Non pas dans un rêve, mais dans la rue, au milieu du béton, entre deux buildings. C’est précisément cette sensation incroyable que nous propose Air Gear, qui a fait son grand retour dans nos librairies avec sa version Unlimited, dont le quatrième tome sort ce mois-ci. L’occasion de se replonger dans un shônen culte où la vitesse est bien plus qu’une course à l’adrénaline

Air Gear : quand un vent de liberté souffle à nouveau

C’est entre 2002 et 2012 que le manga Air Gear est prépublié dans le Weekly Shônen Magazine de la maison d’édition Kôdansha. Très tôt, ce titre impose sa marque : celle d’un shônen de gangs et de « riders » dans lequel la vitesse n’est pas qu’un élément du décor, mais une véritable grammaire visuelle. Entre les cadrages en grand angle, les plongées et contre-plongées extrêmes et les onomatopées intégrées à l’action, Oh!great choisit de nous offrir un récit sur l’émancipation et la « famille qu’on se choisit« .

Au long des 37 volumes que compte cette série, le mangaka, également connu pour Tenjô Tenge (Enfer&Paradis dans sa version française), s’amuse à explorer les rites d’appartenance à travers les équipes, les emblèmes et les territoires, mais nous offre également un rapport très urbain à l’espace. Dans Air Gear, conquérir les toits des buildings n’est pas simplement un exploit sportif, c’est également trouver sa place dans le monde qui nous entoure. Terminé en 2012, un épilogue est publié trois ans plus tard dans le Shônen Magazine, symbole de l’impact et de l’engouement qu’a su générer ce manga. Retour sur l’un des shônens sportifs les plus cultes du début du siècle.

L’art du mouvement selon Oh!great

© Oh!great / Kodansha Ltd.

Si Air Gear continue de fasciner plus de 20 ans après ses débuts, c’est pour une bonne raison : dans ce manga, Oh!great utilise son art comme un espace d’émancipation. Lors de sa venue à Japan Expo 2025, il avait par ailleurs déclaré que « C’est avec le manga que je me sens pleinement libre. J’ai le crayon à la main et c’est moi qui anime tout cet univers sur le papier. J’ai souvent la sensation de m’envoler lorsque je travaille. Mon lieu de liberté, c’est le manga« .

Une évasion que l’auteur traduit dans sa représentation du mouvement. Chaque planche d’Air Gear devient alors pour le lecteur une expérience sensorielle pour le moins unique : des angles vertigineux, des corps étirés par la vitesse ou encore la présence d’onomatopées qui épousent parfaitement chaque trajectoire. Ce n’est plus une simple histoire de roller, mais une mise en scène du vol comme un geste artistique où l’élan du trait rejoint celui des personnages dans leur course.

« Plus le mouvement est rapide, plus il est intéressant à dessiner. La vitesse, c’est ma boussole« , avait précisé Oh!great lors de sa conférence publique à Japan expo. Entre une certaine obsession du mouvement et la recherche d’une envolée créatrice, Air Gear n’est pas un simple manga parmi tant d’autres : il rappelle la mode des skateurs et des graffeurs/taggeurs californiens de la fin des années 90 – début 2000. Et chacune de ses cases semble être une extension du souffle même de son créateur.

Entre liberté, technologie et tribus : le véritable cœur battant d’Air Gear

© Oh!great / Kodansha Ltd.

Au premier abord, Air Gear ressemble principalement à un manga d’action en milieu urbain. Mais ce n’est là qu’une première lecture de surface. En effet, ce manga explore avant tout ce qu’est la liberté et le sentiment d’appartenance. Le rêve de voler des personnages devient ainsi une métaphore du passage à l’âge adulte, de l’affirmation de soi dans un monde articulé autour de hiérarchies et de limites sociales. Et que dire des Air Trecks, ces rollers motorisés capables de défier la gravité ? Bien loin d’être un simple gadget narratif, ils matérialisent l’idée selon laquelle la technologie peut devenir un prolongement du corps et ainsi être une façon d’amplifier la sensation d’exister des personnages.

Toujours lors de son interview à Japan Expo, Oh!great expliquait vouloir montrer une certaine forme d’opposition dans ses planches. « Si les épaules d’un personnage sont en mouvement, j’essaie que les hanches soient immobiles. C’est ce qui aide à donner l’impression d’avoir des épaules en mouvement« , soulignait-il. Une approche qui permet au mangaka de nous offrir une vision très personnelle de ce que peut être l’indépendance : le mouvement d’un élément peut en contraindre un autre à l’arrêt.

Dans Air Gear, le mangaka va également utiliser les équipes, les emblèmes et les « Parts Wars« , des affrontements entre gangs dont l’objectif peut varier, pour aller encore plus loin. À travers ces éléments scénaristiques, Oh!great met en scène les tribus urbaines soudées par la loyauté et une certaine quête de sens. Chaque gang devient un miroir de notre société : hiérarchisé, passionné et en quête de reconnaissance. Voler ne consiste plus à fuir le monde réel, mais bien à le transformer pour mieux s’y intégrer.

Un succès critique et populaire qui continue de faire vivre ce titre

Côté réception, c’est en 2006 qu’Air Gear remporte le Kodansha Manga Award dans la catégorie shônen, une reconnaissance qui permet au titre de gagner en puissance et de devenir l’une des influences majeures de l’imaginaire des années 2000. En 2020, ce sont pas moins de 18 millions d’exemplaires du manga qui sont en circulation à travers le monde, ce qui fait de Air Gear l’une des plus puissantes locomotives des années 2000.

Son esthétique « street-tech », située au croisement de la culture hip-hop, de la sensualité et de la science-fiction légère, a sans conteste influencé de nombreux artistes. Des titres comme RideBack ou Sk8 the Infinity portent très probablement l’empreinte d’Air Gear en eux. Tout comme certains mangas sportifs ont cherché à utiliser le corps en mouvement comme expression du mental du personnage. C’est par exemple le cas de Blue Lock ou encore d’Haikyû!!.

Le succès d’Air Gear est tel que Toei Animation l’adapte, en 2006, en une série de 25 épisodes. Trois OVA, produits par Satelight, suivront entre 2010 et 2011. La même année, une comédie musicale verra également le jour à Tokyo avec Kenta Kamakari et KENN sur scène, qui incarneront respectivement Minami Itsuki et Kazuma Mikura.

© Oh!great / Kodansha Ltd.

Finalement, si Air Gear a réussi à autant marquer le monde du manga, ne serait-ce pas grâce à la dimension poétique qu’Oh!great a su donner à la vitesse ? Dans ce manga, chaque course devient une discussion, un échange entre deux camps, et chaque envolée est alors un cri de liberté. Et la réédition, disponible chez Pika Édition, permet à un nouveau public de découvrir ce sentiment que les fans d’Air Gear connaissaient déjà si bien : la montée d’adrénaline qui nous prouve que nous sommes bel et bien vivants.

Juliet Faure

Tombée dans la culture japonaise avec le célèbre "Princesse Mononoké" de Miyazaki, je n'ai depuis jamais cessé de m'intéresser à ce pays. Rédactrice chez Journal du Japon depuis 2017, je suis devenue la yakuza de l'équipe. Plutôt orientée RPG et Seinen, je cherche à aiguiser de nouvelles connaissances aussi bien journalistiques que nippones.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous aimerez aussi...