Still the Water de Naomi Kawase : la vie, l’amour et la mort

Après un passage remarqué lors de la 67ème édition du Festival de Cannes, et une distribution française somme toute timide, Still The Water, aka Futatsume No Mado – dernier film en date de la réalisatrice japonaise Naomi Kawase – est sorti en DVD et Blu-Ray dans l’Hexagone le 03 février 2015.

Still The Water se déroule sur l’île d’Amami, une île tropicale du sud du Japon, située entre Kyushu et Okinawa. Kaito et Kyoko, deux adolescents, se heurtent au passage à l’âge adulte, découvrant ainsi les cycles de la vie, de la mort et de l’amour, alors qu’un mystérieux décès perturbe la vie tranquille de l’île. 

still-the-waterPartant pourtant favori dans plusieurs catégories du festival, Still The Water quitte la Croisette bredouille. Naomi Kawase est cependant une habituée de la compétition cannoise. Elle obtient en 1997 le prix de la Caméra d’Or pour Suzaku, et est d’ailleurs la première réalisatrice japonaise à remporter ce prix. En 2003, son film Shara est également sélectionné pour la compétition officielle et elle obtient en 2007 le Grand Prix du Festival pour La Forêt De Mogari. Elle rejoint de nouveau la sélection cannoise en 2011 pour Hanezu, L’Esprit Des Montagnes et est nommée membre du jury présidé par Steven Spielberg en 2013.

Les eaux calmes sont les plus profondes…

Still The Water traite une fois de plus de thèmes chers à Naomi Kawase : la vie et la mort, la relation entre l’Homme et la nature, l’amour, le lien de la famille et la spiritualité. Les rites et traditions de l’île d’Amami se prêtent d’ailleurs parfaitement aux sujets abordés dans ses films. On retrouve également dans ce film la patte de la réalisatrice, une direction de la photographie délicate et lumineuse accompagnée d’une bande son minimaliste. Par ailleurs, ce long métrage constitue un véritable point d’orgue à la filmographie de Naomi Kawase en ce qu’il est moins brut et cinématographiquement plus travaillé que ses prédécesseurs. En effet, les films de la réalisatrice étaient jusqu’alors souvent expérimentaux et filmés caméra à l’épaule dans des délais très courts. Avec Still The Water, la réalisatrice n’hésite pas à poser sa caméra pour capturer la douceur et l’immobilisme d’un paysage, quitte à prendre le chemin d’un cinéma plus traditionnel. Elle décrit d’ailleurs elle-même ce film comme étant son chef-d’oeuvre.

Une fois de plus, les thèmes abordés qu’elle aborde ont une forte inspiration autobiographique. Alors que plusieurs de ses films ont été tournés dans la région de Nara, où elle a grandi, elle entreprend en 2008 un voyage sur l’île d’Amami, d’où ses ancêtres sont originaires. Ce n’est que lors de ce voyage qu’elle se lance dans l’écriture d’un scénario se déroulant sur cette île, inspirée par la spiritualité des lieux. Le processus de création de Still The Water a donc duré pas moins de six ans, et cela se ressent effectivement dans la maturité du film. La puissance émotionnelle des thèmes abordés par Naomi Kawase trouve dans cette oeuvre un écho sans pareil en ce que’elle a dû faire face à la mort de sa mère adoptive lors du tournage. La douleur de cette perte, mêlée aux croyances de l’île d’Amami, sublime le film sans jamais tomber dans le mélodrame. La mort de la mère de Kyoko, commémorée par des chants et danses traditionnelles, est sûrement l’un des plus beaux moment de cinéma de l’année 2014.

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Outre les qualités de sa réalisation, Still The Water se distingue également par la richesse de son casting qui fait appel à de grands noms du cinéma japonais contemporain. On retrouve Jun Murakami, déjà aperçu chez Naomi Kawase dans Nanayomachi et que l’on a pu voir également chez Sion Sono, chez Hideaki Anno ou encore chez Hiroyuki Nakano et Shinya Tsukamoto. Vient ensuite Makiko Watanabe, également habituée de la réalisatrice et qui est probablement une des actrices japonaises les plus productives de ces dernières années ; ainsi que l’acteur-réalisateur Hideo Sakaki.

still the waterMais la qualité du casting se trouve principalement dans la performance des deux jeunes acteurs, interprètes des adolescents Kaito et Kyoko. Nijirou Murakami, dont c’est le premier film, livre une performance saisissante dans le rôle de ce jeune homme timide et peu loquace. La jeune Jun Yoshinaga, quant à elle, illumine l’écran d’une prestance et d’une maturité incroyable. Il ne fait nul doute qu’elle saura s’imposer comme une des prochaines grands actrices du cinéma japonais.

Un véritable film de cinéma

Toutes ces indications biographiques et cinématographiques sont effectivement nécessaires pour embrasser pleinement le cinéma de Naomi Kawase. Mais Still TheWater est finalement bien plus que ces considérations : c’est un véritable film de cinéma, qui va au-delà de cette histoire de deux enfants qui découvrent l’amour et s’y réfugient comme pour fuir la douleur du monde. Still The Water nous parle de la beauté, de la vie, de l’amour et de la mort. Et surtout, le film ne tombe jamais dans la facilité ou le pathos, malgré son ambition : c’est un ouvrage de philosophie qui sait se passer de mots grâce à la délicatesse des images et des personnages de Naomi Kawase.

La sortie en DVD et Blu-Ray du film est l’occasion rêvée de découvrir ce chef-d’oeuvre ou de se replonger dans l’univers délicat et mélancolique de la réalisatrice. De même, il constitue un tremplin idéal vers le reste de sa filmographie en ce que Still The Water est son film le plus accessible.

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Retrouvez toutes les photos, résumés et bande annonces du film sur le site internet de son distributeur français Haut et Court
Visuels : © 2014 « FUTATSUME NO MADO » Japanese Film Partners, Comme des Cinémas, Arte France Cinéma, LM.

8 réponses

  1. 7 juin 2015

    […] an après le triomphe critique de Still The Water, Naomi KAWASE est de retour au Festival de Cannes avec son nouveau film : […]

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